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LA DIGNITE COMME MARQUE D’APPARTENANCE A LA COMMUNAUTE HUMAINE

LA RICHESSE DES SOURCES PHILOSOPHIQUES ET RELIGIEUSES

L’AFFIRMATION DE LA DIGNITE DANS LES RAPPORTS DES HOMMES ENTRE EUX

B) LA DIGNITE COMME MARQUE D’APPARTENANCE A LA COMMUNAUTE HUMAINE

120. La première étape est d’abord l’abandon de toute idée de hiérarchie, le passage de la dignitas à la Dignité (1°), la deuxième étape est celle du rassemblement des hommes autour de leur excellence commune (2°).

1°La fin de toute idée de hiérarchie entre les hommes

121. Dans un premier temps, la notion de dignité en tant qu’elle exprimait la primauté de l’homme sur les autres êtres vivants, s’est inspirée de la notion ancienne de dignitas, la dignitas hominis. Toute idée de hiérarchie devient cependant intolérable, le risque étant grand de poser même s’agissant de l’éminence de l’homme, une hiérarchie entre les hommes, les uns et les autres ne bénéficiant pas de l’éminence de la même façon.

122. On se rend compte que certains ont entendu la hiérarchie dionysienne des êtres comme établissant également une hiérarchie entre les hommes. Ainsi certains penseurs médiévaux, les

penseurs royaux, ont transposé l’idée dionysienne d’inégalité naturelle entre les êtres vivants174 en inégalité naturelle entre les êtres humains. Et tout comme chez le Pseudo-Denys, cette inégalité explique que les plus faibles occupent les places inférieures sur la hiérarchie, dans la société. Il est normal que les êtres vivants les plus faibles, se retrouvent inférieurs aux plus forts. S’est alors constituée une doctrine politique et juridique selon laquelle, « les princes et les seigneurs sont naturellement chargés de diriger et enseigner les sujets, qui, eux, sont eux naturellement tenus d’obéir »175.Seuls les princes se voient reconnaître une haute dignité. Ce qui frappe dans cette doctrine, c’est le fait que la conception aristocratique de la société se réclame d’une inégalité essentielle entre les êtres humains, pour légitimer une organisation qui n’a plus seulement trait à la place ou à la fonction de chaque être, place que chaque être tiendrait par son mérite. Mais c’est bien à son essence particulière que chacun doit sa place dans la société. La dignitas n’est alors plus seulement fonction du mérite, du comportement du dignitaire, mais elle est dans l’ordre même des choses. Cette idée qu’il y a des êtres humains naturellement supérieurs aux autres dérange, parce qu’il s’agit de distinguer là où les tenants de la doctrine de la hiérarchie des êtres, ne distingue pas. La distinction s’opère entre les hommes et les autres êtres vivants et ne saurait être admise au sen de la famille humaine. « Cette stricte transposition des doctrines dionysiennes conduit à admettre que l’humanité n’est pas un genre naturel homogène dont les individus possèderaient une essence commune à tous.(…) L’humanité(…) groupe des êtres appartenant à des genres différents et inégaux dans leur essence même»176.

123. Des contemporains de ces penseurs impériaux se sont opposés à une telle dénaturation de la pensée de Denys, en rappelant que la Création de l’homme à l’image de Dieu, entraîne comme conséquence, l’égalité essentielle de Tous les êtres humains. Pour ces penseurs qui se réclament de la tradition chrétienne, il ne faut pas confondre une hiérarchie instaurée par les hommes et une hiérarchie naturelle parce que résultant de la volonté divine. « L’ordre est la législation humaine qui attribue des fonctions différentes, à des êtres essentiellement égaux. (…) Un homme peut-être supérieur à tel autre parce qu’il est revêtu d’une fonction dirigeante, il ne peut jamais lui être supérieur essentiellement, du moins ici bas»177. Cette doctrine, que l’on peut qualifier de révolutionnaire pour l’époque, annonce le principe d’universalité dont se fend la pensée moderne. Le passage de la dignitas à la dignité réalise cet abandon de toute

174 Nous soulignons.

175 J-P. RITTER, Ministérialité et chevalerie : Dignité humaine et liberté dans le droit médiéval. Imprimerie Henri Jaunin S.A. Lausanne, 1955, spéc.p. 188

176 J-P. RITTER Ministérialité et chevalerie : Dignité humaine et liberté dans le droit médiéval, op.cit., .p. 190.

idée de hiérarchie entre les êtres vivants. La dignité se veut désormais, une valeur universelle, personnelle à chaque homme mais commune à tous, une valeur que tous les hommes auront en partage.

124. Il est vrai qu’à l’origine ce qui pousse la philosophie et la religion à recourir à la dignitas pour consacrer cette éminence de l’homme par rapport aux autres êtres vivants, c’est l’idée de hiérarchie, c’est aussi ce qui explique le besoin de rompre avec cette dignitas au moment où le but est désormais d’affirmer la dignité de l’homme, de chaque homme et de tout homme. Il va falloir s’affranchir de l’idée principale de hiérarchie sous-tendue par la dignitas lorsque la dignité traduit désormais le fait que l’homme per se est excellence.

125. La notion « d’égale dignité » marque cette volonté d’affirmer que la dignité est la même pour tous les hommes. C’est sans aucun doute la religion qui permet le mieux de poser l’universalité de la dignité humaine, puisque les hommes, tous créés à l’image de Dieu, sont donc frères, « tous unis entre eux par un lien indélébile»178. Chaque homme est à l’image de Dieu, mais tous les hommes sont à l’image de Dieu. La « laïcisation de la notion de dignité », n’a pas entraîné l’abandon de cette universalité, puisque dans la recherche de la spécificité de l’homme, cette idée fait l’unanimité, à tel point qu’il apparaît aberrant de penser la dignité sans l’universalité179, à tel point que la notion d’ « égale dignité » apparaît comme un pléonasme. L’égale dignité signifie que toute hiérarchie entre les membres d’une communauté morale est inacceptable180.L’égalité ne signifie pas l’identité, l’universalité est l’égalité malgré les différences. Il ne s’agit pas d’affirmer qu’il n’existe pas de différences entre les hommes, voire même d’inégalités, il s’agit d’affirmer la dignité malgré les inégalités181. La Déclaration universelle des droits rappelle ainsi que : « tous les hommes naissent libres et égaux en droits et en dignité. » « La dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine »182.

178 J-B. SANO, La dignité de la personne humaine comme paramètre incontournable pour la mission évangélisatrice de l’Eglise, op.cit., p. 220.

179E. DECAUX, Dignité et universalité. in, S. MARCUS HELMONS (dir.), Dignité humaine et hiérarchie des valeurs : Les limites irréductibles, Bruylant, Bruxelles, 1999, p.163-180. Pour l’auteur, « la dignité sans l’universalité est un leurre qui ouvre la porte à toutes les dérives. (…) Dignité et universalité sont indissociables. » L’auteur prend comme exemple la tragédie de la Shoah, mais aussi l’apartheid ou encore l’eugénisme. Il s’agit de moments tragiques de l’histoire qui ont en commun le refus par des êtres humains de cette qualité à d’autres, l’affirmation de la supériorité d’une race sur une autre.

180 J. KIS, L’égale dignité : essai sur les fondements des droits de l’homme, Editions du Seuil, 1989, 225p. L’auteur établit une distinction entre la personne en tant qu’être moral et la valeur morale de la personne. La personne en tant qu’être moral est la personne en tant qu’elle vit dans une communauté morale. C’est dans les rapports entre les membres de cette communauté que l’auteur envisage la dignité. Elle apparaît alors non pas comme une qualité individuelle, mais comme « un rapport social normatif entre les hommes ». Il faut alors apprécier l’égale dignité dans les rapports entre les individus.

181 E. DECAUX, Dignité et universalité, op.cit., p.163-180

126. Il faut convaincre l’homme d’une excellence qui n’a pas nécessairement à être la marque d’une quelconque supériorité sur les autres êtres vivants, il faut se recentrer sur l’homme et le convaincre de cette idée selon laquelle, le seul fait qu’il soit homme lui confère des droits et des devoirs envers lui-même mais également envers les autres êtres humains. C’est donc plutôt vers la dignité comme un sentiment que l’on se dirige. Ce sentiment d’appartenir à une seule et même famille, la famille humaine, le seul fait d’être homme étant constitutif d’une excellence.

2° La dignité comme valeur partagée par tous les êtres humains

127. La dignité devient alors une valeur spécifique à l’homme, qui est affirmée dans le cadre restreint de la communauté humaine, c’est-à-dire que ce qui importe désormais c’est l’affirmation de la dignité dans les rapportes entre les hommes. La nouveauté est le fait que c’est dans ces rapports avec ses semblables que l’homme prend conscience de sa dignité, non pas qu’elle naisse de ce rapport, mais c’est ce rapport qui la révèle et qui l’assoit définitivement. En effet, en même temps qu’il a fait l’expérience de son inhumanité, l’homme fait l’expérience de cet irréductible en lui qui malgré les persécutions n’a cessé de résister183. Tout ceci n’a été possible que dans le contact avec l’Autre : « l’histoire des temps modernes a bien fait sentir à l’homme qu’il est un être intersubjectif et que la ruine de l’autre risque d’entraîner sa propre ruine»184.

128. Axel Kahn montre bien ce changement dans le mode d’affirmation de la dignité, d’une logique verticale, on est passé à une logique horizontale. En effet, parti à la quête du gène de « l’humanitude »185, l’homme se rend compte que ce qui fait de lui un être exceptionnel, c’est son appartenance à une communauté. L’homme se rend compte que ce qui le rend vraiment humain c’est son humanisation. On distingue l’hominisation de l’humanisation. L’hominisation est « l’ensemble des modifications qui ont amené l’apparition de l’espèce humaine »186. L’hominisation prépare en quelque sorte à l’humanisation, puisqu’elle a « doté l’homme d’un cerveau possédant génétiquement la capacité d’être humanisé »187 . L’humanisation est « l’acculturation d’un homme interagissant avec les autres au sein d’une

183On pense ici notamment au témoignage poignant livré par Primo Lévi, dans Si c’est un homme.

184 S. TZITZIS Politique internationale : la personne et le droit humanitaire, in J-H ROBERT et S. TZITZIS (dir.), La personne juridique dans la philosophie du droit pénal. LGDJ, 2001, Paris, 2001, p.60-72.

185 C’est-à-dire la quête de ce qui justifierait la thèse de la supériorité, des hommes par rapport aux animaux.

186 J. RUFFIE, De la biologie à la culture, cité par E. JACQUEMONT, Penser l’humain. Le Pommier-Fayard, 2000, 157p.p.27.

culture humaine, phénomène indispensable, à la mise en place de l’éventail des capacités mentales propres à notre espèce»188. La dignité est alors mise sur cette rencontre entre les hommes, la dignité se retrouve alors dans cette aptitude à « être humain » à compatir avec l’Autre, cette aptitude à l’empathie et au respect de l’Autre. Axel Kahn voit dans toutes ces caractéristiques, une piste dans « sa quête du gêne de l’humanitude »189. Ce qui est mis en avant dans cette humanisation, c’est la rencontre avec l’Autre et la reconnaissance de l’Autre qui nous rend humain. La fraternité190 et la solidarité191 constituent les éléments déterminants de ce nouvel humanisme qui emporte avec lui une conception de la dignité plus recentrée sur l’homme dans ses rapports avec les autres hommes.

129. On avait déjà avec Kant l’importance de l’appartenance à une communauté pour pouvoir prétendre au respect. Ce n’est que parce qu’il est membre du règne des fins que l’homme se voit reconnaître la dignité. Mais avec Kant, l’homme n’est pas le seul membre du règne des fins, il y côtoie d’autres personnes, parmi lesquels on trouve notamment Dieu192.

130. Janos Kis va également affirmer cette appartenance indispensable à une communauté pour se voir reconnaître un certain statut moral. Il organise sa réflexion sur les droits de l’homme à partir de la communauté morale. La communauté morale s’entend d’un groupe plus ou moins nombreux d’individus qui peuvent « participer au débat sur la morale, peuvent adopter des comportements spéciaux, jouir de privilèges, bref, la dignité morale leur octroie toute une série de libertés. (…) la communauté morale doit s’étendre à tous les humains accessibles et (…) l’égalité doit régner entre tous les membres de la communauté morale. (…) La dignité des membres de la communauté morale consiste dans le fait qu’ils sont en droit d’attendre de tels gestes de respect et d’estime »193. La communauté morale selon Janos Kis rassemble tous les êtres auxquels on a reconnu de hautes aptitudes morales et qui de ce fait peuvent prétendre à un certain nombre de prérogatives qui sont attachés à leur dignité morale. L’auteur distingue alors les éthiques selon que celles-ci admettent tous les hommes

188 A. KAHN, Raisonnable et humain, op.cit., spéc. p. 67

189 A. KAHN, Raisonnable et humain,op.cit., p. 121.

190 A. KAHN, op.cit., spéc.p. 21L’auteur définit la fraternité comme « le sentiment inspiré par l’appartenance à une même famille, la connivence qui unit tous ses membres, d’où découlent les droits qu’on leur reconnaît et les devoirs que l’on s’impose à leur égard.» Il met en avant une conception originale de la dignité, fondée sur une « ontologie du souci de l’autre ». « Si l’Autre est mon frère, c’est-à-dire de la même essence que moi-même, cela implique que nous ayons, lui et moi, la même valeur, droit tous deux au respect de cette dignité que nous revendiquons pour nous-mêmes ».

191Ibid., p.121. Même si Axel Kahn insiste sur l’importance de la fraternité, selon lui, la « solidarité est un sentiment moins essentialiste, plus intellectuel que la fraternité. Cependant, « il ne s’agit pas d’opposer la fraternité à la solidarité en tant que fondement d’une action morale, mais de faire en sorte que l’on puisse ressentir un sentiment de fraternité envers tous ceux dont on est solidaire, c’est-à-dire tous les autres, c’est-à-dire l’humanité ».

192 Voir nos développements, Première partie, Titre premier, Chapitre 2, Section 1.

comme membres de cette communauté morale, ou alors, que les critères retenus pour l’appartenance à la communauté, soient tels qu’un certain nombre d’hommes s’en trouvent exclus194.

131. Sous l’impulsion de Levinas, le rapport entre les hommes devient un lien nécessaire pour que le sujet se constitue, ce rapport est fondamental. On constate cependant que le risque avec cette idée de « communauté » est l’exclusion de certains membres. C’est pour cela que Lévinas propose une autre manière d’envisager les relations entre les hommes, autrement qu’en termes de « communauté ». Pour Lévinas, postuler l’appartenance à une communauté, à un genre, à une espèce, participe d’une « vision panoramique du réel »195. Il faut se départir de cette volonté de synthétiser les relations humaines, de toute « vision globalisante »196, « le non-synthétisable par excellence c’est certainement la relation entre les hommes (…) entre les hommes est absente cette sphère du commun que toute synthèse présuppose. L’élément commun qui permet de parler d’une société objectivée, et par lequel l’homme ressemble aux choses s’individualise comme une chose n’est pas premier »197. Pour Lévinas, il faut alors se placer dans un face à face entre les hommes, entre le moi et l’Autre. Il a donc le souci de « penser le monde comme celui que se partagent le moi qui en jouit et l’autre qui peut en être privé »198.

132. Il faut donc envisager la dignité dans ce face à face entre les hommes. C’est dans l’intersubjectivité éthique que le sujet prend conscience de sa valeur au travers de la valeur qu’il reconnaît à l’autre. La philosophie de Lévinas, nous invite à aller à la rencontre de l’Autre. Les deux protagonistes sont le Moi et l’Autre, et la prise de contact se fait par le visage de cet Autre.

194 L’auteur distingue ainsi les éthiques exclusives des éthiques réceptives. Les premières, sont celles qui fixent des seuils élevés pour l’appartenance à la communauté morale, ce qui entraîne l’exclusion de cette communauté de certains hommes, en fonction, de leur race, de leur culture, de leur origine sociale, mais aussi de leurs facultés mentales. Les secondes « reculent aussi loin que possible les limites de la communauté morale », pour ainsi inclure le plus grand nombre possible d’êtres humains. » J. KIS L’égale dignité : essai sur les fondements des droits de l’homme, op.cit., p.115

195E. LEVINAS Ethique et Infini : Dialogue avec Philippe NEMO. Librairie Arthème Fayard, 1982, 121p.p.71.

196 E. LEVINAS, Ethique et Infini : Dialogue avec Philippe NEMO,op.cit.,p.71

197Ibid..,p.72

198 J-F. REY La mesure de l’homme : l’idée d’humanité dans la philosophie d’Emmanuel Lévinas. Editions Michalon, 2001, 351p.p.123.

§ 2 : UN NOUVEAU SUJET POUR LA DIGNITE : L’HOMME « CONCRET »

133. « L’abstraction fait peur. Et pour cause, abstraire ne veut-il pas dire séparer ? Diviser ? On reproche à celui qui est abstrait d’être séparé de la réalité »199. C’est la critique majeure faite à la notion de dignité, elle serait trop éloignée de la réalité, en ce qu’elle exalterait sans cesse la grandeur de l’homme, sans se soucier du fait que l’homme n’est pas en tout temps grandeur, mais est aussi et surtout un être fragile. (A). Si la revendication d’une dignité concrète est une bonne chose, la logique de la spécification poussée à l’extrême en ce qu’elle aboutit à poser comme sujet privilégié de la dignité la personne vulnérable est contestable. (B)

A) DE L’HOMME ABSTRAIT A L’HOMME CONCRET

134. Cette critique n’est pas nouvelle, elle est déjà présente chez certains auteurs humanistes qui revendiquent un humanisme pour temps de crise (1°). Cet humanisme porte haut le souci d’un homme concret, être éloigné de l’homme idéel consacré par la dignité abstraite. (2°). 1° L’avènement d’une dignité pour temps de crise

135. Il faut alors passer d’une dignité pensée, à une dignité éprouvée. Ce passage se réalisera par l’adaptation de la dignité à la concrétude de la situation humaine. La dignité pensée est une « vue de l’esprit » une manière d’intellectualiser l’homme, de le conceptualiser, une idée au sens kantien du terme, la dignité renvoie surtout à une autre idée, l’idée de l’homme, elle est l’idée que l’on se fait de l’homme. La dignité est alors pensée, elle est posée pour rendre hommage à l’homme et célébrer sa nature particulière. C’est la dignité pure de toute expérience, la dignité née de l’imagination. C’est une dignité qui se pose comme un idéal. Le sujet de la dignité ainsi conçu n’est jamais mis en situation délicate, il n’est jamais mis en situation où sa dignité peut être éprouvée. C’est un homme qui est un prototype, c’est l’homme rêvé. La dignité est pensée dans un contexte particulier, un monde aseptisé, dans lequel l’homme est excellence, puissance, conquérant. Il s’agit d’une dignité pensée et posée pour un homme qui est un homme a qui tout réussit. Elle est posée pour un homme dont on acclame les qualités, parce que l’on connaît ces qualités. Le problème avec cette manière d’envisager la dignité est que finalement elle ne correspond en rien à ce que l’homme qui vit tous les jours en société doit affronter. Qu’advient-il de la dignité lorsque l’homme faillit, lorsque la puissance n’est pas au rendez-vous, mais que l’homme se révèle fragile, et mortel,

lorsque l’homme s’avère une menace pour l’homme ? Qu’en est-il de la dignité en temps de crise ?

136. L’humanisme de la Renaissance n’a eu de cesse de nous vanter les mérites de « l’homme merveille du monde », ou encore de la tradition chrétienne qui nous présente un homme capable de perfection, de divinisation dans la perspective de son union avec Dieu, union qui constitue le point d’orgue de toute vie humaine. L’homme fait la tragique expérience à la fois de sa fragilité et de sa vulnérabilité, mais également de son inhumanité.