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Typologie des ressources financières d’origine touristique pour la gestion des espaces naturels protégés

Financer les aires protégées par le biais du tourisme

1.1. Typologie des ressources financières d’origine touristique pour la gestion des espaces naturels protégés

Le tourisme participe sous plusieurs formes au financement des sites naturels protégés (Laarman et Gregersen, 1996; Denman et Ashcroft, 1997; Vourc’h et Natali, 2000; Brown, 2001; Conservation Finance Alliance (CFA) (2004); Font et al., 2004; Spergel et Moye, 2004 et López et Jiménez, 2006, …)94. La typologie présentée ci-dessous et prêtée aux auteurs pré-cités est établie à partir des expériences concrètes de terrain.

Le financement par des contributions volontaires

Il s’agit de sommes d’argent qui sont volontairement versées par des particuliers et/ou des entreprises touristiques à un site naturel95. A propos des particuliers, il arrive souvent que les touristes qui sont satisfaits de la visite d’un espace protégé donné ou se sentent concernés par la protection de la nature veulent payer davantage que ce qu’ils supportent réellement, en termes de redevances touristiques. Certains sites mettent alors en place plusieurs mécanismes de collecte de dons assis sur des activités assez variées, par exemple : surtaxe hôtelière (ex.: le réseau de six espaces naturels protégés à Baja California Sur au Mexique (The Ecotourism Program, 2005)); supplément sur l’achat de produits effectué sur le site ou du forfait vacances

94 La population cible dans cette thèse étant les touristes, on ne présente que les moyens de financement associés. Pour une description des sources de financement non touristiques, le lecteur peut se référer à Spergel (2001) et Spergel et Moye (2004),….

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auprès d’un tour opérateur96; parrainage d’un projet en rapport avec le site ou adhésion à des associations dénommées «Amis» des parcs nationaux (ex.: parcs nationaux des Galápagos, en Equateur (The Ecotourism Program, 2005)), « Amis» du parc marin de Saba, dans les Antilles Néerlandaises (Font et al. 2004) ou encore à des organisations non gouvernementales œuvrant pour la protection de la nature telles que National Trust (Royaume-Uni), Trust for public land (Etats-Unis), Kwazulu-Natal Conservation Trust (Afrique du Sud),...

Le financement par des redevances de concession

Cette forme de financement correspond à des redevances dont s’acquittent des sociétés appelées « concessionnaires », généralement privées, en échange d’une autorisation de fournir un certain nombre de services (hébergement, restauration, magasins, excursion, transport, équipements récréatifs…) aux visiteurs à l’intérieur d’un site naturel. De manière plus précise, il s’agit d’un bail, de durée variable selon les pays (ex. 10 – 20 ans aux Etats-Unis (Brown, 2001)), signé entre le gestionnaire de l’espace et le « concessionnaire ». Ce dernier s’engage notamment à respecter les réglementations en vigueur en matière de protection et à verser une redevance annuelle d’un montant fixe (cas le plus fréquent) ou calculé en fonction du nombre de clients que la concession peut accueillir sur une année ou sur la base d’un pourcentage des bénéfices du concessionnaire.

Plusieurs sites naturels dans le monde (Bélize, Canada, Etats-Unis, Espagne, France, Italie, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Namibie, Philippines,…) ont recours à ce mode de financement. Cependant, peu en retirent vraiment d’importants bénéfices97. Les rares exemples généralement cités dans la littérature viennent de l’Afrique du sud et du Canada. En ce qui concerne le premier, les droits de concession octroyés par le réseau de parcs nationaux appelé "SANParks (South Africa National Parks)" à des opérateurs privés pour une durée de

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Cette variante de donation est couramment observée sur les sites naturels au Royaume-Unis (Vourc’h et Natali, 2000). Le supplément en question est prélevé soit de manière automatique (on facture automatiquement le touriste d’un montant donné, montant qui est clairement indiqué et supprimé, si l’individu ne souhaite pas s’en acquitter) soit de façon volontaire (le touriste ajoute au paiement de sa consommation le montant initialement fixé ou celui qu’il désire payer).

97 Deux raisons l’expliquent. D’abord, certains établissements commerciaux sont présents sur un site bien avant que celui-ci soit déclaré zone protégée (Vourc’h et Natali, 2000). De ce fait, le contrat signé entre le gestionnaire du site et ces entreprises ne représente, en fait, qu’une simple légalisation de cette situation (López et Jiménez, 2006). Toutefois, des changements peuvent être envisagés lors du renouvellement des baux. Ensuite, l’apport financier des concessions est faible parce que les redevances déterminées très longtemps n’ont jamais été actualisées ou parce que les concessions ont été attribuées à des personnalités haut placées sur le plan politique à un montant largement en-dessous de la valeur vénale de la concession (Spergel, 2001). Pour contourner ce problème, dans certains pays, les concessions font l’objet d’une enchère publique (Spergel, 2001).

20 ans ont rapporté plus de $90 millions (Emerton et al., 2006). S’agissant du second, ceux de l’agence Parcs Canada se sont élevés à $14 300 000 canadiens uniquement pour l’année 2000-2001 (Secrétariat de la Convention sur la Biodiversité, 2008).

Le financement par des royalties et autres recettes sur les ventes

Ce moyen de financement s’inscrit dans la même logique du partenariat aire protégée /secteur privé symbolisé par la concession. En effet, le gestionnaire perçoit des commissions sur des biens de consommation (cartes postales, tee-shirts, livres, souvenirs…) et des services (équipements de loisirs) vendus par des tiers dans le périmètre de l’aire concernée.

Le financement par des licences ou permis

Outre les sources de revenus décrites ci-dessus, divers espaces naturels parviennent à générer des recettes additionnelles en imposant un système de permis ou licences payants aux touristes et opérateurs touristiques souhaitant mener des activités récréatives spécifiques telles que l’escalade, la plongée, le rafting en rivière, la pêche sportive, le camping sauvage, la randonnée et l’organisation de visites dans le cadre de croisières. Le tableau 39 dresse une liste non exhaustive de pays dans les aires protégées desquels ce système est appliqué.

Tableau 39. Pays dans les sites protégés desquels certaines activités de loisirs sont tarifées

Pays Activités Tarifs du permis

Nouvelle-Zélande Randonnée $50/personne

Etats-Unis Randonnée $10/personne98

Tanzanie Camping

Photographie

……. ……… Iles de Bonaire et Saba99 Plongée

Bonaire : $10/plongeur Saba :

$3/plongeur /plongée

Philippines (Tubbataha) $50/personne100

Italie (Portofino) Plongée €3

Espagne (Iles Medes) Plongée €2.45

98 Les randonneurs paient aussi un «droit d’impact» de $5 pour chaque nuit passée dans un parc national (Spergel, 2001).

99 Ces droits permettent de financer la totalité des coûts d’exploitation des aires marines protégées (López et Jiménez (2006).

100 Ce parc national instaure un système de tarification discriminant sur la base de la nationalité. Ainsi, les plongeurs philippins paient une redevance de $25 (Spergel et Moye, 2004).

Il convient aussi de préciser qu’au-delà de l’aspect financier, le mécanisme d’octroi de licences ou permis joue un rôle de régulation de ces activités récréatives qui sont considérées comme potentiellement dommageables à la nature (CFA, 2004).

Le financement par des frais de services

Un frais de service est défini comme une redevance acquittée par un visiteur à l’instan- ce chargée de la gestion de l’espace naturel en échange de certains services tels que les empla- cements de parking, les centres d’accueil, les toilettes etc. Dans certains cas, notamment face à l’hostilité de la plupart des visiteurs à l’instauration de droits d’entrée à une aire protégée, le paiement de frais de services, en particulier celui d’un droit de stationnement, est couramment utilisé par les gestionnaires pour faire participer directement le public à la gestion et à l’entre-tien des sites naturels visités. Ce moyen de financement, lorsqu’il est appliqué, génère parfois suffisamment de revenus pour couvrir les coûts de fonctionnement du site. Cela est le cas, par exemple, de la Pointe du Raz (France) dont la quasi-totalité du budget de fonctionnement est assurée par les recettes de parking (Vourc’h et Natali, 2000). Cependant, il est important d’in-diquer que l’instauration d’un droit de parking n’a pas qu’un objectif financier; il permet aussi de réguler l’usage des sites naturels confrontés à une importante fréquentation de masse.

Le financement par les droits d’entrée

Les droits d’entrée sont sans doute l’un des outils de financement le plus utilisé dans le monde. Il s’agit d’une redevance directement perçue auprès des visiteurs ou collectée auprès des opérateurs touristiques qui répercutent ensuite le coût sur leurs clients, afin de permettre à ces derniers de pénétrer dans un site protégé. Les droits d’entrée génèrent parfois des recettes importantes dépassant largement les coûts opérationnels des espaces naturels dans lesquels ils sont appliqués. En effet, on peut citer le cas des parcs nationaux croates et celui des parcs ma-rins égyptiens dont les produits d’exploitation issus de ce moyen de financement représentent respectivement environ $13.8 millions et $3-5 millions, soit 230% et 136% de leurs budgets annuels (López et Jiménez, 2006). Toutefois, comme le révèle CDB (2005) cité par (López et Jiménez, 2006), peu de pays dans le monde (une vingtaine environ) tirent réellement parti des droits d’entrée. Parmi ces pays figure le Canada où l’agence "Parcs Canada" a perçu durant la période 1999 - 2000 CN$ 67.6 millions, dont 45% sont issus des droits d’entrée.

Figure 16. Sources de revenus des aires protégées

Source : Eagles et al., (2002)

La principale conclusion qu’on peut tirer de la typologie décrite ci-dessous est que les gestionnaires des sites naturels protégés ont à leur disposition plusieurs sources potentielles de financement provenant d’activités liées au tourisme. Pour l’heure, la majorité de ces sites (soit plus de 75%) bénéficient du financement public (Administrating agency), et ce, qu’ils se trou-vent ou non dans les pays développés (cf. figure 16). Toutefois, une part assez importante (entre 45% et 55% respectivement dans les pays développés et en voie de développement) im-pose des droits d’entrée (Entrance fees) aux visiteurs. En revanche, moins de 20% ont recours aux autres moyens de financement.

1.2. Choix du ou des moyens de financement approprié (s) aux réserves naturelles