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Une approche par la méthode d’évaluation contingente

1.2. Fondement théorique des méthodes de valorisation économique des actifs naturels

1.2.1. Les différentes méthodes d’évaluation des actifs naturels

Les économistes de l’environnement ont développé plusieurs méthodes permettant de mesurer la valeur des biens et services environnementaux. La figure 5, prêtée à Reveret et al. (2008), offre une classification de ces techniques.

Figure 5. Les principales méthodes de détermination de la valeur économique

2 3 # 4 # 5 6 14 1 42 4 4 6 32 2 6 42 4 4 6 4 324 "1 1"4 77 3 #26102 15 42 4 4 6 4 8 4 42 4 4 # 4 24 6 4 2 1 4 19 # 32 3 ! # 7 # 151 2 19 32# 14 4 8 4 # 47 8 4 # 76 8 4 # 4 04 1 1 4 8 4 # 4 ! 4 251 24 5 6 1 1 ! 2 3 # # 4 7 ! 4 6:4 ; 1 4" # 02 2"1 4

Les méthodes s’appuyant sur les marchés réels sont utilisées pour estimer la valeur de deux familles de biens et services environnementaux : ceux qui ont une valeur marchande et ceux qui n’en ont pas mais dont la valeur peut toutefois être mesurée à partir des prix payés pour des biens et services privés complémentaires. Elles regroupent les méthodes des prix de marché, du changement de productivité, des coûts de transport et des prix hédonistes. La première utilise les prix de marché, les quantités échangées de l’actif naturel puis en estime la fonction de demande et les variations de surplus (valeur d’usage direct). La deuxième évalue les variations de bénéfices résultant d’une modification en termes de qualité et/ou de quantité du bien environnemental utilisé en tant que facteur de production (valeur d’usage indirect). Les troisième et dernière méthodes mesurent la valeur d’un actif naturel, un parc national par exemple, à travers les différentes dépenses engagées par un agent pour s’y rendre (méthode des coûts de transport) ou les choix résidentiels des ménages liés à cet actif19. Ces approches sont toutes basées sur l’observation des préférences individuelles manifestées sur des marchés réels (cas des actifs naturels marchands) ou des marchés implicites (cas des actifs naturels non marchands). Aussi sont-elles communément appelées « méthodes des préférences révélées ».

Les méthodes basées sur les coûts supposent que la valeur attribuée à un actif naturel correspond aux dépenses consenties par un agent pour éviter une dégradation en qualité et/ou en quantité de cet actif ou pour le remplacer. Elles comprennent les méthodes des coûts de remplacement, de substitution et de dommages évités.

Les méthodes basées sur les marchés fictifs constituent une alternative intéressante à celles des « préférences révélées ». En effet, lorsqu’aucun comportement ne peut être observé, il suffit alors d’interroger directement les intéressés sur leur CAP pour bénéficier d’un actif naturel donné. Ces méthodes suivent une approche fictive car elles placent l’agent sur un marché hypothétique du bien évalué. Trois principales méthodes utilisent ce procédé : la MEC, la méthode des programmes et l’analyse conjointe. Ces dernières, regroupées sous le nom de méthodes d’évaluation multi-attributs, sont fondées sur la théorie économique de Lancaster (1966) : l’utilité retirée de la consommation d’un bien provient de l’utilité procurée par la consommation de ses différents attributs.

19 Généralement, la méthode des prix hédonistes est appliquée au marché immobilier. Cependant, elle se prête parfaitement aussi à d’autres biens dont le prix est affecté par un bien environnemental.

La méthode des programmes consiste à décomposer un programme (par exemple, un programme d’amélioration de la qualité d’un site) en différents projets (A, B, C). Un premier programme se définit par la réalisation d’un projet, un deuxième par deux projets et le denier par les trois projets. Un projet est donc un attribut du programme et possède deux modalités (1 s’il est réalisé et 0 sinon). Chaque programme est présenté comme alternatif à une situation de référence (aucun programme n’est envisagé) et associé à un montant. Le tableau 3, prêté à Rulleau (2008), schématise la démarche.

Tableau 3. Présentation schématique de la méthode des programmes Programmes Projets P1 P2 P3 P 4 P5 P6 P7 Référence A 1 0 1 1 0 1 0 0 B 1 1 0 1 0 0 1 0 C 1 1 1 0 1 0 0 0 Tarifs €X1 €X2 €X3 €X4 €X5 €X6 €X7 €0

Ainsi, chaque enquêté est soumis à 7 questions d’évaluation au cours desquelles il doit arbitrer entre un programme et le statu-quo. Les programmes soumis sont évalués dans un ordre séquentiel ascendant (d’abord un programme formé d’un projet puis de deux et, enfin, le programme complet), descendant ou de manière non séquentielle et non ordonnée.

L’analyse conjointe comporte quatre méthodes: la méthode des choix multi-attributs (choice experiments ou choice modelling), la comparaison par paires (paired comparisons), l’analyse de pondération (contingent rating) et le classement contingent (contingent ranking) (Bateman et al., 2002). Dans la méthode des choix multi-attributs dite aussi méthode par expérimentation des choix, l’agent doit choisir entre deux scénarios et le statu-quo celui qu’il préfère. Ce type d’exercice est répété un certain nombre de fois pour des choix différents. Ici, à la différence de la méthode des programmes et de la MEC, l’individu ne manifeste pas explicitement son CAP, le montant associé à chaque scénario étant un attribut de celui-ci. Le classement contingent suit le même procédé que la méthode des choix multi-attributs sauf que le répondant, au lieu d’indiquer son programme préféré parmi chaque ensemble de scénarios proposé, doit plutôt classer ces derniers par ordre de préférence. Dans d’autres cas d’étude, comme celui de (Álvarez-Farizo et al. 1998 cité par Álvarez-Farizo et Hanley, 2002), au lieu

de procéder à un classement ordinal pour indiquer leur préférence pour un scénario fictif, les individus sont parfois amenés à effectuer un classement nominal. Dans ce cas, les scénarios leur sont présentés séparément et, à chaque fois, ils attribuent une note pouvant aller de 1 à 5 correspondant au faiblement à fortement préféré. Ce procédé est connu sous le nom d’analyse de pondération. Enfin, certains auteurs combinent la méthode des choix expérimentaux et l’analyse de pondération pour aboutir à la méthode de comparaison par paires (Bateman et al. 2002) : l’expérimentation est réalisé sur des choix limités à deux scénarios et l’enquêté doit noter le scénario choisi20.

L’approche délibérative est utilisée en évaluation environnementale en réponse aux nombreuses critiques émises à l’égard des méthodes fondées sur les préférences individuelles. Elle soutient que la valeur sociale des biens et services environnementaux ne peut être le résultat de la somme des préférences individuelles. Une décision publique impliquant un actif naturel ne doit pas être prise sur la base des intérêts personnels de chacun mais plutôt sur celle de la société. Autrement dit, la valeur sociale de l’objet concerné doit provenir d’un processus de discussion et de délibération entre un jury de citoyens représentant la communauté, comme dans un procès (Reveret et al., 2008). Ce jury (parties prenantes) serait composé d’environ 15 personnes et les débats dureraient plusieurs jours (Howarth, 2006). Toujours selon ce dernier auteur, cette méthode a été utilisée notamment en Orégon (Etats-Unis) lors d’une étude visant à estimer le CAP de la communauté pour un programme de conservation.

La méthode de transfert des bénéfices revient à utiliser une évaluation réalisée sur un site A (site d’étude) pour en déduire l’évaluation pour un site B (site d’application) (Rozan et Stenger, 2000), ceci afin de s’affranchir d’une étude d’évaluation in situ. Le transfert s’opère de trois manières : transfert du CAP moyen pour le site d’étude, de la fonction de demande de celui-ci, et, enfin, utilisation d’une valeur basée sur l’opinion des experts (Desaigues et Point, 1993).