Type de relation interpersonnelle
MED6 : « C’est vous le juge, c’est à dire que c’est à vous de savoir si elles vous gênent ou elles vous gênent pas [crise d’épilepsie]. »
CONJ7 : « De toute façon la plupart du temps j’ai l’impression qu’on n’a pas bien le choix. »
CONJ8 : « Non mais faites ce que vous avez à faire parce que là… » MED10 : « Donc votre avis est vraiment quelque chose qu’on écoutera. »
Transmission de l’information médicale Transmission de l’information médicale
MED6 : « C’est-à-dire que vous avez une tumeur bénigne qui a régressée, qu’on a maintenant stabilisée. »
MED11 : « Donc la chimiothérapie qui se donne en comprimés que vous prenez à la maison. On se voit une fois par mois. (…) »
Connaissance de l’information par
le patient
Cadre médical
MED6 : « Vous aviez d’autres questions ? »
MED8 : « Est-ce que vous avez des questions par rapport à l’Avastin ? »
Connaissances et perception de l’information
PAT2 : « Je pose plus trop de questions. »
PAT9 : « J’ai peut-être pas très bien compris mais je le fais tous les jours ? »
PAT14 : « Est-ce que je peux encore poser une question ? Est-ce que ma tumeur peut partir ailleurs ? Métastaser ? »
161 Médias et
influence sociale
Comité de consultation
MED7 : « Lundi, je vais présenter votre dossier et si j’ai pas l’accord de l’Unité de Concertation, je ne pourrais pas vous le prescrire »
Autres professionnels de santé
TRAD11 : « Son médecin lui a apprise que le traitement chimio c’était pour un cancer. »
Internet et médias
PAT10 : « Oui j’ai regardé vite fait pour avoir des infos pour à priori… mais je n’ai pas trouvé d’infos pour ce que j’avais donc j’ai arrêté de chercher »
Alliance thérapeutique
Rôle du médecin
Disponibilité
MED7 : « Si vous avez des questions à me poser vous n’hésitez pas à m’appeler lundi pendant la consultation. »
Etayage
PAT1 : « C’est vrai qu’il y a des gens qui ont besoin d’être rassuré par le docteur. (…) Mais bon par rapport au… Dr X moi ça c’est bien passé avec lui. Honnêtement il est doux, je n’ai rien à lui redire. »
PAT10 : « …Après ce que vous me dites même par rapport à la chimio, moi je trouve ça quand même plutôt rassurant.»
Conseil et prescription
MED10 : « A mon avis c’est la meilleure modalité donc… moi le conseil que j’aurai à vous donnerdonc là comme il y a le problème de la conduite, je pense que c’est bien que vous soyez encore arrêté pendant quelques mois. »
Confiance perçue PAT16 : « De toute façon vous m’avez menti la dernière fois »
PAT10 : « Sachant que moi j’ai très confiance en tout ce que vous me dites. »
Le type de relation interpersonnelle entre le neuro-oncologue et son patient laisse peu de
place à la participation du patient dans la prise de décision médicale. Le médecin propose un traitement et s’efforce de recueillir le consentement du patient. Ce type de relation asymétrique se traduit par la décision du traitement bien souvent vécue comme arbitraire par le patient. Des remarques nécessitent tout de même d’être formulées :
- Le médecin n’est pas seul à prendre les décisions sur le traitement. Le plan d’action thérapeutique est décidé en unité de concertation multidisciplinaire. Ainsi, la responsabilité du traitement n’incombe pas uniquement à l’oncologue.
- Conformément aux lois en vigueur, le médecin donne les informations et les préconisations médicales nécessaires au patient sur le traitement qu’il lui propose.
- Le patient n’a pas réellement le choix entre plusieurs alternatives car il n’existe généralement
qu’un seul traitement à visée curative. Le choix étant alors d’accepter ou de refuser le traitement proposé sans toutefois qu’il existe de substituts.
- Le médecin rend le patient acteur à minima pour la décision concernant le type et/ou la posologie des médicaments complémentaires. Il demande l’avis du patient, sur sa tolérance et sur son vécu du médicament, en fonction de ses symptômes et les deux partenaires échangent ensemble pour adopter la meilleure solution.
En somme, la gravité du problème de santé et la difficulté à le prendre en charge conduit inévitablement le patient à adopter une position passive face à l’oncologue qui choisit et décide du choix thérapeutique. Le médecin veille à garder des espaces de décisions partagées concernant les médicaments complémentaires ainsi que les activités (e.g., la reprise du travail, le sport).
162
La communication de l’information médicale passe nécessairement par une transmission
de connaissances du médecin au patient. Ces savoirs portent principalement sur la maladie et ses symptômes, le traitement mis en place (i.e., les risques ou les effets secondaires potentiels, les alternatives thérapeutiques lorsqu’il en existe) ainsi que les explications concernant les résultats issus des technologies médicales.
Nous avons identifié différents paramètres qui peuvent faire obstacles à la connaissance des informations par le patient :
- du point de vue du cadre médical, l’oncologue se montre disponible lors de la consultation et joignable par téléphone lors de la gestion de problèmes aigus. En dépit de sa disponibilité, certains patients adoptent une attitude passive en cessant de poser des questions. Cette attitude de résignation témoigne des manifestations affectives de détresse du patient.
- du point de vue des connaissances, certains patients peuvent avoir une démarche de recherche active d’informations sur leur état de santé, leur maladie et leur traitement, en posant des questions à l’oncologue pendant la consultation ou en cherchant des renseignements au travers des médias (e.g., émissions, internet). Ils confrontent leur savoir expérientiel (vécu des symptômes) au savoir médical, tentent d’apporter du sens aux symptômes en demandant l’expertise du clinicien afin de caractériser
leurs symptômes et leur état de santé. À l’inverse, d’autres patients se résignent à ne plus poser de
question. Ce procédé psychologique semble être mis en place par le sujet pour se protéger de l’effraction d’informations incomprises, anxiogènes et pathogènes, à savoir les mauvaises nouvelles concernant l’état de santé et l’évolution de la maladie : PAT2 : « On m’a dit que c’est stabilisée donc… La dernière fois que j’ai posé une question on m’a dit « c’est stabilisé ». Ce n’est pas réduit non plus donc… ».
La barrière langagière rencontrée avec la patiente 11, originaire de Turquie nous a conduits à interroger les difficultés rencontrées. La consultation révèle de nombreuses complications dans la prise
en charge médicale principalement en ce qui concerne les explications médicales. La patiente n’a
compris qu’après plusieurs consultations médicales qu’elle était soignée pour un cancer et l’analyse de l’entretien révèle de nombreuses croyances erronées sur la maladie : elle pensait que son problème de santé, traité quelques années auparavant, ne récidiverait pas ; elle ne savait pas qu’il s’agissait d’un
cancer ; elle révèle un grand retard de consultation entre l’apparition des premiers symptômes de
récidive et l’intervention médicale (près de deux ans) ; elle vient accompagnée par une de ses connaissances qui endosse le rôle de traducteur et éprouve d’importantes difficultés pour traduire les informations médicales. Face à de telles difficultés de compréhension, l’analyse de l’entretien révèle que le clinicien utilise des propos laconiques qui ciblent les informations médicales essentielles. Il est certain que cette prise en charge interroge et mérite réflexion.
Par ailleurs, bien que nous nous soyons centré sur la consultation entre l’oncologue et le patient, il faut garder à l’esprit que la prise en charge du patient implique différents acteurs de santé dont le principal, hormis l’oncologue, est le médecin traitant qui régule la maladie et qui reprend les informations
163 médicales avec le patient. En consultation, les patients tiennent informés l’oncologue des modifications médicales effectuées par le médecin traitant et en retour, l’oncologue demande au patient de solliciter le médecin traitant.
Enfin, la construction d’une alliance thérapeutique est dépendante de plusieurs facteurs dont
le rôle attribué par le patient à l’oncologue et la confiance perçue. Afin de permettre au patient de comprendre au mieux sa maladie et son traitement, l’oncologue l’incite à formuler ses questions et se rend disponible. Si certains patients saisissent l’opportunité pour se renseigner sur leur maladie, nous l’avons vu précédemment, d’autres patients adoptent une attitude de résignation, voire de méfiance. Qu’en est-il de la perception que porte le patient sur sa maladie ? La partie suivante propose d’explorer l’incidence du contexte de la maladie en évaluant les croyances et la temporalité de la maladie.
5.3.2. CONTEXTE DE LA MALADIE
5.3.2.1. Croyances sur la maladie et les traitements
Cette partie restitue une typologie des croyances véhiculées sur la maladie c’est-à-dire les
croyances cognitives et affectives des tumeurs cérébrales. Pour réaliser l’analyse de contenu, nous nous sommes appuyée sur les cinq attributs prototypiques de la maladie décrits par Leventhal et al. (2001) : (1) l’identité ; (2) les causes ; (3) la durée ; (4) les conséquences ; (5) la contrôlabilité. De plus,
ces croyances cognitives sont reliées à des croyances émotionnelles qui correspondent à l’ensemble
des réactions affectives provoquées par la maladie (troubles de l’humeur et émotions).
(1) IDENTITE DE LA MALADIE : Dans notre contexte clinique, l’identité de la maladie
correspond à l’ensemble des symptômes perçus aux tumeurs cérébrales.
Identité
Identitéde la maladie
Types de symptômes
1) Symptômes somatiques (sensoriels et moteurs) : PAT1 : « La jambe elle se
paralyse » ; PAT10 : « J’ai des paresthésies » ; PAT10 : « Les gouts dans la bouche » ; PAT14 : « La main gauche qui tremble » ; PAT 13 : « J’avais mal à la tête ».
2) Symptômes neurocognitifs : PAT8 : « J’ai de la difficulté à parler » ; CONJ6 : « Ça
peut-être un problème de concentration, de mémoire, d’organisation » ; PAT9 : « J’ai du mal à interpréter les… ».
3) Troubles des fonctions instinctuelles (troubles du sommeil, troubles
alimentaires) : PAT12 : « Oui j’ai maigri. » ; PAT12 : « Et pour l’insomnie qu’est-ce qu’il faut
faire ? ».
Caractérisation des symptômes de la maladie
1) Fréquence : PAT6 : « Actuellement à peu près une par semaine », PAT10 : « Les gouts
dans la bouche je dirais moins d’une fois par jour. », PAT12 : « Je me réveille toutes les heures. ».
2) Durée :PAT10 : « Ça dure très peu de temps » ; PAT13 : « Une minute, deux minutes puis
ça s’arrête» ; PAT13 : « Je veux dire ça fait peut-être 2-3 semaines que ça m’y fait ».
3) Vécu de l’évolution : PAT7 : « De mieux en mieux », CONJ8 : « Je trouve que ça
164