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PSYCHOLOGIE DE LA SANTE

2.2.2.1. Le modèle d’acceptation des technologies

Le modèle d’acceptation des technologies (Technology Acceptance Model, TAM) a été suggéré

dans les années 1980, suite à l’insertion des premiers ordinateurs dans les entreprises. Le constat était que certains employés acceptaient les nouvelles technologies alors que d’autres résistaient à leur utilisation. Il est apparu nécessaire d’étudier spécifiquement les comportements d’usage des

ordinateurs par les employés au sein des organisations (Management of Information Systems, MIS).

Dans le cadre de sa thèse de doctorat, Davis (1985) s’est alors intéressé à prédire les problèmes survenant en amont de la diffusion des TIC. Pour se faire, il s’est appuyé sur les fondements théoriques de la TAR pour expliquer le lien entre croyances, intention et usage effectif, tout en y apportant deux modifications principales :

(1) Le retrait des normes subjectives car ces dernières s’avèrent peu corrélées aux intentions comportementales en raison de leurs faiblesses psychométriques d’une part, et des exigences de travail qui laissent peu de place aux considérations des opinions d’autrui d’autre part (Davis et al., 1989).

41 (2) L’identification de deux croyances qui suffisent à prédire les attitudes envers l’utilisation plutôt que d’investiguer toute une série de croyances attitudinales. En effet, puisant notamment dans

les influences théoriques de Rogers (1983) et de Bandura (1982), les intuitions de Davis (1989) l’ont

conduit à intégrer deux croyances déterminantes : l’utilité et la facilité d’utilisation perçues.

Parcimonieux, le TAM se libère de la phase fastidieuse de recueil qualitatif des croyances en proposant une échelle préétablie qui a su assoir sa validité psychométrique. Les croyances cognitives d’utilité et de facilité d’utilisation perçues se rapportent à une mesure du comportement anticipé d’utilisation et ne reflète pas nécessairement la réalité objective. Certains auteurs (Chismar & Wiley-Patton, 2003) ont adapté ces échelles de mesure au contexte, par exemple dans le cadre de logiciels

informatisés pour la santé. Davis (1985) postule que la motivation à utiliser une technologie (usage

actuel) peut être expliquée par trois prédicteurs : la facilité d’utilisation perçue (Perceived Ease of Use,

PEU), l’utilité perçue (Perceived Usefulness, PU) et les attitudes envers l’utilisation d’un système

(Attitude toward Using, AT). Ce n’est que dans les publications ultérieures que Davis et ses

collaborateurs (1989) introduisent l’intention comportementale (Behavioral Intention, BI) en tant que

déterminant majeur du comportement d’usage et influencé par l’utilité perçue et les attitudes envers le

comportement selon la formule suivante : BI = PU + AT7. Ainsi, selon l’objectif visé, le TAM, illustré par

la Figure 4, peut être employé en amont de l’utilisation d’une technologie par la mesure de l’intention comportementale (i.e., la phase d’acceptabilité) ou une fois le comportement d’usage établi (i.e., phase d’acceptation) (Davis, 1989).

Figure 4 : Modèle d’acceptation des technologies (d’après Davis, Bagozzi et

Warshaw, 1989).Le TAM a évolué depuis sa création en 1985 par Davis : (1) Ajout

de l’Intention comportementale d’utilisation (Davis, Bagozzi et Warshaw, 1989) ; (2) Retrait du concept d’Attitudes envers l’utilisation (Venkatesh & Davis, 1996).

S’appuyant sur le concept d’attitudes envers un comportement,développé par Fishbein & Ajzen

(1975), Davis (1985) définit les attitudes envers l’utilisation comme « le degré affectif de l’évaluation que

l’individu associe à l’utilisation au système dans son travail » (p.25). Il considère doncque les attitudes

envers l’utilisation traduisent une réponse affective qui est fonction de deux réponses cognitives : l’utilité perçue et la facilité d’utilisation perçue.

7 Remarque : la facilité d’utilisation perçue agit indirectement sur l’intention d’usage au travers de l’utilité perçue et des attitudes envers l’utilisation.

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2.2.2.1.1. L’utilité perçue

L’utilité perçue correspond au « degré avec lequel une personne pense que l’utilisation d’un

système améliore sa performance au travail »(Davis, 1989, p.320). Plus le sujet perçoit une utilité à la

technologie pour accomplir un comportement donné, au plus sa motivation à l’adopter sera forte.

Contrairement aux hypothèses formulées dans le modèle initial comprenant les attitudes envers l’utilisation, Davis (1993) suggère l’existence d’un lien direct entre l’utilité perçue et l’intention d’utiliser

une technologie. À maintes reprises dans la littérature, l’utilité perçue s’est révélée être un important

prédicteur, voire le meilleur, dans le processus d’adoption d’une TIC dans les organisations de travail (King & He, 2006) dont les établissements de santé (Chau & Hu, 2002). Ainsi, pour avoir l’intention d’utiliser un dispositif médical, le patient doit en identifier une utilité pratique par rapport aux bénéfices escomptés en matière de santé (e.g., établir un diagnostic, surveiller la maladie, contrôler le taux d’un

paramètre biologique) et une utilité sociale (e.g., faciliter la prise en charge, l’indépendance et la

sécurité) (Peek et al., 2014).

2.2.2.1.2. La facilité d’utilisation perçue

La facilité d’utilisation perçue(Perceived Easy of Use, PEU)se rapporte au « degré auquel une

personne pense que l’utilisation d’un système ne nécessite pas d’efforts » (Davis, 1989, p.320). L’auteur signale que «le sentiment d’auto-efficacité est similaire à la facilité d’utilisation perçue» (p.321). Pour être acceptée, la technologie doit être perçue simple à utiliser, c’est-à-dire exempte d’effort physique et mental (motivation intrinsèque). Dans le cas contraire, les bénéfices liés à son utilisation seront contrebalancés par les efforts requis pour utiliser le système. Lizotte et al., (2002) ont mesuré la facilité d’utilisation perçue d’un dispositif d’INR portable en mesurant les problèmes de fonctionnement du dispositif (3.3%), le nombre de piqûre du doigt (25.8%) et de bandelettes supplémentaires (23.7%) utilisées pour réaliser un prélèvement. Les raisons identifiées par les auteurs sur l’origine de piqûres supplémentaires sont principalement la quantité de sang insuffisante déposée sur la bandelette et, dans une moindre mesure, le dépôt de sang à l’extérieur de la zone cible ainsi que l’affichage d’un message d’erreur ou d’une valeur d’INR aberrante.

En comparaison à l’utilité perçue, la facilité d’utilisation perçue est une mesure plus instable pour prédire l’intention comportementale (King & He, 2006). En effet, dans le modèle de Davis, la perception de l’utilité est affectée par la perception de la facilité d’utilisation. La facilité d’utilisation perçue serait donc un déterminant secondaire, et non pas direct, impliqué dans la chaine de causalité suivante : « facilité d’utilisation perçue ► utilité perçue ► comportement d’usage » (Davis, 1989, p.334). Cela signifie qu’une technologie sera perçue utile si elle paraît facile à faire fonctionner (prérequis), dans le cas contraire le sujet n’en percevrait que peu d’utilité ; pour deux technologies dotées de fonctions identiques, la personne préfèrera la plus simple à utiliser. Des résultats mitigés ont néanmoins montré que pour certaines applications spécifiques, la facilité d’utilisation perçue pouvait avoir un lien direct sur

43 Il existerait également des variations temporelles de l’effet de la facilité d’utilisation perçue. Avant utilisation, la perception de la facilité d’utilisation serait traitée d’un point de vue cognitif agissant alors directement sur l’intention d’utilisation. Cet effet s’estomperait après utilisation de la technologie par le sujet, faisant de la facilité d’utilisation un prédicteur médiocre de l’usage, au contraire de l’utilité perçue (Turner, Kitchenham, Brereton, Charters & Budgen, 2010). Les études réalisées auprès de médecins (Chismar & Wiley-Patton, 2002, 2003; Hu & Bentler, 1999) montrent que l’utilité perçue a une forte incidence sur l’intention d’utilisation d’une technologie de l’information en santé au contraire de la facilité d’utilisation qui a peu, voire aucun, effet. Ces derniers seraient plus susceptibles d’adopter une technologie d’information qu’ils jugent bénéfique (utilité perçue) même si elle s’avère difficile à utiliser (facilité d’utilisation perçue). Selon les auteurs, ce résultat s’expliquerait par le haut niveau de compétences intellectuelles et cognitives ainsi que les bonnes capacités d’adaptation aux nouvelles technologies détenues par les médecins (Hu & Bentler, 1999). Holden et Karsh (2010) ont analysé 16 études portant sur des TIC en santé (e.g., télémédecine, applications médicales). Leurs résultats montrent que le TAM semble être un modèle pertinent pour étudier le processus d’acceptabilité des professionnels de santé face à ces technologies.

Le TAM prédit environ 40% de la variance de l’intention d’usage et plus de 30% du comportement d’usage effectif de la technologie (Burton-Jones & Hubona, 2006 ; Lee, Kozar & Larsen,

2003). Plusieurs propositions d’amélioration du modèle ont été apportées, par l’auteur lui-même et

d’autres chercheurs, depuis sa création. Nous proposons d’en exposer les principales modifications et extensions dans la partie suivante.