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Deux types de corr´elations trompeuses

2.1 Caract´erisation RB de la causalit´e

2.2.2 Deux types de corr´elations trompeuses

Parmi les situations dans lesquelles une propri´et´e augmente la probabilit´e d’une propri´et´e qu’elle ne cause pas, deux types sont ais´ement rep´erables et sont d´ej`a pris en compte dans les premi`eres th´eories probabilistes de la causalit´e. Nous les pr´esentons ici.

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2.2.2.1 Corr´elations entre effets et causes

Les corr´elations du premier des deux types que nous pr´esentons ici sont engendr´ees par ceci que si une cause augmente la probabilit´e de son effet, alors un effet augmente la probabilit´e de sa cause. En effet, la relation d’aug- mentation de probabilit´e est sym´etrique :

Proposition 2.3 Soient A et B deux propri´et´es de probabilit´e non nulle. p(B | A) > p(B) si et seulement si p(A | B) > p(A).

Cette proposition s’´etablit simplement :

Preuve: Soient A et B deux propri´et´es de probabilit´e non nulle. Les propositions suivantes sont ´equivalentes :

– p(B | A) > p(B)

– p(B et A) / p(A) > p(B) – p(B et A) / p(B) > p(A) – p(A | B) > p(A).

Ainsi, en particulier, p(B | A) > p(B) ´equivaut `a p(A | B) > p(A)¦

De la proposition 2.3, il d´ecoule que l’augmentation de probabilit´e consid´er´ee comme condition n´ecessaire de causalit´e ne permet pas de dis- tinguer entre les causes et les effets. Plus pr´ecis´ement, si une cause augmente la probabilit´e de ses effets, alors chacun de ces effets augmentent la proba- bilit´e de cette cause. Comme la relation de causalit´e n’est pas, de son cˆot´e, sym´etrique, il en r´esulte un premier type de corr´elations trompeuses.

2.2.2.2 Corr´elations entre effets d’une mˆeme cause

Le second type de corr´elations trompeuses ais´ement rep´erable et tˆot iden- tifi´e dans l’histoire des th´eories probabilistes de la causalit´e est celui des corr´elations entre effets d’une mˆeme cause. A titre d’illustration, revenons `a la propri´et´e d’ˆetre fumeur. Nous avons d´ej`a mentionn´e `a plusieurs reprises qu’elle cause la propri´et´e de d´evelopper un cancer du poumon. D’un autre cˆot´e, elle cause la propri´et´e d’avoir les doigts jaunis. Les deux propri´et´es de d´evelopper un cancer du poumon et d’avoir les doigts jaunis sont toutes deux produites, et donc rendues plus probables, par la propri´et´e d’ˆetre fumeur. Il est alors vraisemblable que chacune de ces propri´et´es augmente la probabilit´e de l’autre : il est plus probable de d´evelopper un cancer du poumon quand on a les doigts jaunis que dans le cas g´en´eral. Pourtant, on accordera que la propri´et´e de d´evelopper un cancer du poumon ne cause pas la propri´et´e d’avoir les doigts jaunis. Nous avons alors affaire, `a nouveau, `a une corr´elation trompeuse.

Depuis les ann´ees 1950 au moins, on sait caract´eriser les situations dans lesquelles existent des corr´elations trompeuses appartenant `a ce second type.

2.2. Th´eories probabilistes de la causalit´e 87

Plus pr´ecis´ement, l’analyse de la direction du temps au moyen de la notion de fourche conjonctive dans Reichenbach (1956) repose sur l’identification d’une propri´et´e des causes communes `a plusieurs effets : quand on conditionnalise sur une telle cause, la d´ependance probabiliste entre ses effets qui d´ecoule de ce qu’ils sont effets de cette mˆeme cause disparaˆıt. Pour le dire autrement, deux propri´et´es A et B qui d´ependantes l’une de l’autre parce qu’elles sont effets d’une mˆeme cause C sont ind´ependantes relativement `a cette cause : p(B | A et C) = p(B | C). Ainsi, relativement `a la propri´et´e d’ˆetre fumeur, les propri´et´es de souffrir d’un cancer du poumon et d’avoir les doigts jaunis sont ind´ependantes en probabilit´e. En effet, une fois la propri´et´e d’ˆetre fumeur prise en compte, avoir les doigts jaunis ne change plus rien `a la probabilit´e de souffrir d’un cancer du poumon. Dans des termes introduits par Reichenbach et qui continuent d’ˆetre utilis´es aujourd’hui, la propri´et´e d’ˆetre fumeur fait ´ecran entre (screen off ) les propri´et´es de souffrir du cancer du poumon et d’avoir les doigts jaunis.

2.2.2.3 La th´eorie de Suppes

Dans Suppes (1970), Suppes s’appuie sur la propri´et´e des causes com- munes de faire ´ecran entre leurs effets pour proposer l’une des premi`eres th´eories probabilistes de la causalit´e.3 Plus pr´ecis´ement, il utilise cette pro-

pri´et´e des causes communes pour caract´eriser (en termes probabilistes) les corr´elations trompeuses du second type, puis il adjoint `a l’id´ee s´eminale d’augmentation de probabilit´e une clause stipulant que les corr´elations trom- peuses du second type ne correspondent pas `a des relations de cause `a effet. Le cas des corr´elations trompeuses entre un effet et ses causes re¸coit, quant `a lui, un traitement temporel : une cause et l’un de ses effets se distinguent par ceci que la premi`ere est ant´erieure au second. La th´eorie alors obtenue par Suppes peut ˆetre ´enonc´ee dans les termes suivants :

Analyse probabiliste de la causalit´e 2.2 (Suppes, 1970) A cause B si et seulement si :

1. A est ant´erieur `a B 2. p(B | A) > p(B)

3. il n’existe pas de C ant´erieur `a A tel que p(B | A et C) = p(B | C).

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La th´eorie d´evelopp´ee dans Good (1961) et Good (1962) n’a pas eu l’impact de celle de Suppes et reste largement ignor´ee de l’histoire usuelle des th´eories probabilistes de la causa- lit´e. Surtout, cette histoire usuelle nous suffit pour mettre en perspective la caract´erisation RB de la causalit´e en la comparant aux th´eories probabilistes. Aussi faisons-nous commen- cer `a Suppes (1970) notre pr´esentation des th´eories probabilistes de la causalit´e.

Dans le cas o`u les deux premi`eres clauses sont satisfaites, Suppes parle de « cause prima facie ». Selon Suppes, ses th´eories de la causalit´e et de la causa- lit´e prima facie valent aussi bien de la causalit´e singuli`ere que de la causalit´e g´en´erique. Pour des raisons que nous avons d´ej`a donn´ees, c’est seulement en tant que th´eorie probabiliste de la causalit´e g´en´erique que nous envisageons ici sa th´eorie de la causalit´e.