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Cons´equences pour l’inf´erence aux causes

2.1 Caract´erisation RB de la causalit´e

2.3.3 Cons´equences pour l’inf´erence aux causes

La comparaison avec les diff´erentes th´eories probabilistes de la causalit´e a rendus saillants certains traits de la caract´erisation RB de la causalit´e. Pour en finir avec l’analyse de cette caract´erisation, nous montrons comment certains de ces traits ont des cons´equences sur l’inf´erence aux causes fond´ees sur les r´eseaux bay´esiens. En particulier, nous tentons de r´epondre `a la ques- tion initiale de la possibilit´e mˆeme d’inf´erer, grˆace aux r´eseaux bay´esiens, des relations de cause `a effet `a partir de donn´ees probabilistes d’observation.

Notre analyse des cons´equences de ce que nous avons dit de la ca- ract´erisation RB de la causalit´e comporte deux temps. Ces deux temps cor- respondent `a deux des traits de la caract´erisation dont d´epend la possibilit´e d’inf´erer des causes grˆace aux r´eseaux bay´esiens. Le premier de ces traits est le suivant : la caract´erisation RB de la causalit´e ne prend pas en charge les ind´ependances trompeuses. Pour le dire autrement, quand la condition de Markov causale et l’hypoth`ese de fid´elit´e sont satisfaites, la d´ependance pro- babiliste est une condition n´ecessaire de causalit´e. Ce trait se pr´esente comme un bon candidat pour l’explication de la possibilit´e mˆeme d’inf´erer des rela- tions de cause `a effet `a partir de donn´ees probabilistes. On se souvient en effet que c’est pr´ecis´ement pour prendre en compte les ind´ependances trompeuses que des th´eories probabilistes circulaires ont ´et´e introduites.

2.3. Caract´erisation RB et th´eories probabilistes de la causalit´e 109

Avant d’en venir aux cons´equences du th´eor`eme 2.2 pour l’inf´erence aux causes, il convient de rappeler que les m´ethodes d’inf´erence aux causes fond´ees sur les r´eseaux bay´esiens visent les relations de cause `a effet di- rectes. Nous ne discutons pas pr´ecis´ement ici la diff´erence que cela fait par rapport `a la caract´erisation que nous avons analys´ee plus haut dans le cha- pitre. Plutˆot, nous remarquons que la causalit´e est une condition n´ecessaire de causalit´e directe, d’o`u il d´ecoule que la d´ependance probabiliste est une condition n´ecessaire de causalit´e directe. Or, ce fait, qui d´epend ´etroitement de la caract´erisation RB de la causalit´e, est fondamental dans les algorithmes d’inf´erence aux causes qui nous int´eressent ici. En particulier, l’algorithme PC de Spirtes, Glymour et Scheines commence par identifier tous les couples de variables ind´ependantes15, et conclure que les deux variables qui composent

un tel couple ne sont pas en relation de cause `a effet.

Cela, toutefois, ne serait rien sans le r´esultat plus g´en´eral selon lequel, sous la condition de Markov causale et l’hypoth`ese de fid´elit´e, deux variables X et Y sont en relation de cause `a effet dans l’ensemble V16si et seulement si

elles sont d´ependantes relativement `a tous les sous-ensembles de V\{X, Y }.17

On pourrait reprendre la d´emonstration de ce r´esultat18 et en produire une

analyse qui fasse apparaˆıtre comment le r´esultat lui-mˆeme s’articule avec ce que nous avons dit plus haut de la caract´erisation RB de « X cause Y ». Nous ne le faisons pas ici, pour deux raisons. La premi`ere est que les conclusions qu’on peut esp´erer tirer de cette enquˆete ne sont pas la hauteur de l’investissement qu’elle repr´esente. En effet, il nous semble d´ej`a relativement clair que, parmi les traits de la caract´erisation RB que nous avons mis en ´evidence plus haut, c’est avec l’absence de prise en compte des ind´ependances trompeuses que le r´esultat auquel nous faisons allusion ici a le plus `a voir. Conform´ement `a cette analyse, nous consid´erons que la cons´equence de la caract´erisation RB qui est ´enonc´ee dans le th´eor`eme 2.2 est essentielle `a la possibilit´e d’inf´erer des causes `a partir de donn´ees probabilistes grˆace aux r´eseaux bay´esiens.

La seconde raison pour laquelle nous n’analysons pas la preuve du r´esultat que nous venons de mentionner est la suivante : ce r´esultat lui-mˆeme ne serait d’aucune utilit´e pour inf´erer des relations causales `a partir de donn´ees probabilistes si la caract´erisation RB de la causalit´e ne poss´edait pas un autre des traits qui sont apparus plus haut. Plus explicitement, ce r´esultat ne serait rien si la notion de causalit´e vis´ee par la caract´erisation RB, et donc par les

15

Voir la clause B.) pour n = 0 ; Spirtes et al. (1993) pp. 84–85.

16

Par l`a nous entendons que ls deux variables sont adjacentes dans le graphe causal sur V, c’est-`a-dire que A cause directement B dans V ou B cause directement A dans V.

17

Spirtes et al. (1993), Th´eor`eme 3.4 p. 82.

18

m´ethodes d’inf´erence aux causes fond´ees sur les r´eseaux bay´esiens, n’´etait pas relative.

En effet, les analyses men´ees dans les sous-sections 2.1.3 et 2.3.2 font apparaˆıtre que, pour la caract´erisation RB, une relation de cause `a effet est une relation de d´ependance probabiliste qui r´esiste `a la conditionalisa- tion. D’apr`es le r´esultat que nous ´evoquions dans le dernier paragraphe, il en va de mˆeme de la causalit´e directe. D`es lors, l’inf´erence aux causes de- vient la recherche de d´ependances probabilistes qui ne disparaissent pas par conditionalisation. Or, comment conclure qu’une d´ependance ne disparaˆıt pas par conditionalisation si l’ensemble des conditionnants `a envisager est ind´etermin´e et potentiellement infini ? Savoir que c’est la conditionalisation sur les causes directes de X qui permet de d´eterminer si X cause Y n’avance `a rien d`es lors que ce sont pr´ecis´ement les relations de cause `a effet qu’on cherche `a mettre au jour. Dans ces conditions, ce qui compte, et qui rompt la circularit´e de l’analyse, est la possibilit´e d’envisager toutes les ind´ependances probabilistes relatives. Cela est permis par ceci que les relations de cause `a effet repr´esent´ees par les graphes bay´esiens sont relatives `a un ensemble de variables. Nous voyons donc dans ce caract`ere relatif une seconde condi- tion de possibilit´e de l’inf´erence aux causes `a partir de donn´ees probabilistes quand nos meilleures th´eories probabilistes de la causalit´e – et avec elles la caract´erisation RB – sont circulaires. Le caract`ere relatif des relations cau- sales qu’on inf`ere apparaˆıt alors comme le prix `a payer pour la possibilit´e de cette inf´erence.

2.4

Conclusion

Dans la premi`ere section du chapitre qui s’ach`eve, nous avons mis au jour et analys´e la caract´erisation RB de la causalit´e – c’est-`a-dire la caract´erisation qui d´ecoule de la condition de Markov causale et de l’hypoth`ese de fid´elit´e. Nous avons fait apparaˆıtre en particulier que, sous cette caract´erisation, la d´ependance probabiliste est une condition n´ecessaire de d´ependance causale. Aussi important soit-il, ce r´esultat ne nous a pas suffi pour mener `a bien la comparaison entre la caract´erisation RB et les th´eories probabilistes de la causalit´e pr´esent´ees dans la deuxi`eme section. En effet, il est apparu d`es le d´ebut de la troisi`eme section que les deux types d’analyses diff`erent d’abord par ce sur quoi elles portent. En cons´equence, nous avons dˆu construire un ´enonc´e complexe qu’elles puissent viser ensemble. La comparaison a ´et´e men´ee relativement `a l’analyse de cet ´enonc´e complexe. En outre, elle a pris pour crit`ere la capacit´e `a rendre compte correctement des diff´erents types de contre-exemples `a l’id´ee s´eminale de caract´eriser la causalit´e par l’augmen-

2.4. Conclusion 111

tation de probabilit´e.

La comparaison a fait apparaˆıtre que, mutatis mutandis, la caract´erisation RB traite correctement tous les cas de causalit´e pris en charge par la th´eorie de Suppes, ainsi que certains cas non pris en charge par cette th´eorie. N´eanmoins, il est apparu ensuite que, ne tenant pas compte de l’existence d’ind´ependances trompeuses, la caract´erisation RB n’est en mesure d’analy- ser correctement qu’un ensemble de cas strictement contenu dans celui des cas trait´es par n’importe laquelle des th´eories probabilistes de la causalit´e post´erieures `a Suppes (1970). Dans l’histoire rationnellement reconstruite des th´eories probabilistes de la causalit´e, la caract´erisation RB prend place juste apr`es la th´eorie propos´ee dans Suppes (1970), mais strictement apr`es elle.

Dans la derni`ere sous-section du chapitre, nous avons montr´e que la si- tuation de la caract´erisation RB dans le champ des th´eories probabilistes du concept de cause explique en partie pourquoi les r´eseaux bay´esiens per- mettent d’inf´erer des causes `a partir de donn´ees probabilistes. Pour l’autre partie, nous avons d´efendu que le caract`ere relatif – `a un ensemble de va- riables – de la causalit´e dans un r´eseau bay´esien causal joue ´egalement un rˆole essentiel.

Selon les lignes que nous venons de rappeler, nous avons r´epondu `a la question des modalit´es de l’inf´erence aux causes autoris´ee par les r´eseaux bay´esiens telle qu’elle se pose du point de vue de l’analyse conceptuelle. Il nous reste donc `a discuter le second des points de vue que nous envisagions en introduction au pr´esent chapitre, celui de la m´ethodologie de l’inf´erence aux causes fond´ee sur les r´eseaux bay´esiens. Nous nous y attelons dans le prochain chapitre.

Chapitre 3

R´eseaux bay´esiens et inf´erence

causale

Dans le chapitre qui commence, nous abordons la question de la contribu- tion des r´eseaux bay´esiens `a l’´epist´emologie de la causalit´e g´en´erique depuis le point de vue de la m´ethodologie de l’inf´erence causale. Il s’agit non plus de pr´eciser le rapport entre les crit`eres de causalit´e qui sont `a l’oeuvre dans les r´eseaux bay´esiens causaux et les analyses du concept de cause g´en´erique, mais de situer l’inf´erence aux causes fond´ee sur les r´eseaux bay´esiens dans le champ mˆeme des m´ethodes d’inf´erence causale. Ce projet est central relativement `a la question ´epist´emologique qui nous occupe dans cette premi`ere partie de notre travail. Mais nous avons vu dans l’introduction qu’il se motive aussi plus sp´ecifiquement. En effet, l’id´ee est assez r´epandue selon laquelle les r´eseaux bay´esiens permettraient d’induire des relations de cause `a effet, c’est-`a-dire d’acqu´erir des connaissances causales g´en´erales `a partir de l’observation de faits particuliers. Si tel est bien le cas, les r´eseaux bay´esiens r´evolutionnent la recherche des causes g´en´eriques, dont il a sembl´e clair au moins depuis Popper (1934) qu’elle doit suivre des voies hypoth´etico-d´eductives.

De ce qui motive sp´ecifiquement la question de la contribution des r´eseaux bay´esiens `a l’inf´erence causale, il suit deux cons´equences pour le chapitre qui commence. Selon la premi`ere, ce qui doit nous int´eresser au premier chef ici est la logique de l’inf´erence causale, et donc plus g´en´eralement ses principes. En vue d’expliquer mieux ce dont il est question ici, il convient de distinguer entre trois choses :

– les principes de l’inf´erence causale, c’est-`a-dire ce en quoi consiste l’inf´erence, sa structure g´en´erale ;

– les proc´edures d’inf´erence causale, c’est-`a-dire la liste ordonn´ee des tˆaches qui sont r´ealis´ees afin d’obtenir une conclusion causale `a par- tir des pr´emisses, ici probabilistes ;

– la mise en oeuvre de ces proc´edures d’inf´erence causale, c’est-`a-dire les conditions concr`etes de la r´ealisation de ces tˆaches.

Les questions des proc´edures et de la mise en oeuvre sont abord´ees soit au titre de pr´ealables `a la mise au jour des principes, soit au titre de compl´ements `a la description des principes.

La seconde cons´equence que nous tirons de la nature de notre motiva- tion sp´ecifique `a poser la question de la contribution des r´eseaux bay´esiens `a la m´ethodologie de l’inf´erence causale est la suivante : nous adoptons une m´ethode d’analyse comparative. Plus explicitement : nous rendons saillantes les caract´eristiques propres `a l’inf´erence causale fond´ee sur les r´eseaux bay´esiens `a l’occasion de sa comparaison avec l’inf´erence causale plus traditionnelle qu’elle vient concurrencer. Ainsi que nous l’avons sugg´er´e d´ej`a, l’inf´erence aux causes g´en´eriques est traditionnellement hypoth´etico- d´eductive.

Finalement, de mˆeme que celle du chapitre 2, l’organisation du chapitre qui commence s’ordonne au projet de comparaison. Dans une premi`ere sec- tion, nous pr´esentons les m´ethodes d’inf´erence causale fond´ees sur les r´eseaux bay´esiens plus extensivement que nous n’avons eu `a la faire jusqu’`a pr´esent. Dans une deuxi`eme section, nous pr´esentons les m´ethodes d’inf´erence cau- sale plus traditionnelles que nous aurons identifi´ees comme celles auxquelles les m´ethodes fond´ees sur les r´eseaux bay´esiens doivent ˆetre compar´ees. La troisi`eme section est consacr´ee `a mener effectivement la comparaison. A l’is- sue de ces analyses, la question se posera de la place qu’on peut accorder aux r´eseaux bay´esiens dans les m´ethodes d’inf´erence causale ; dans une qua- tri`eme section nous envisageons des ´el´ements de r´eponse `a cette question. Une courte derni`ere section est consacr´ee `a une pr´esentation synth´etique de nos r´esultats.

3.1

Inf´erence causale fond´ee sur les r´eseaux

bay´esiens

L’inf´erence causale fond´ee sur les r´eseaux bay´esiens (« inf´erence causale RB » dans la suite) existe le plus visiblement sous la forme des algorithmes d’inf´erence causale que nous avons mentionn´es dans la sous-section 1.2.1. En cons´equence, nous adoptons dans la section qui commence la strat´egie suivante : pr´esenter d’abord les proc´edures d’inf´erence causale RB dont ces algorithmes participent, en tirer une description des principes de l’inf´erence causale RB, compl´eter la description du domaine de l’inf´erence causale RB en traitant la question de sa mise en oeuvre.

3.1. Inf´erence causale fond´ee sur les r´eseaux bay´esiens 115