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Formulation d’une nouvelle proposition

3.4 Discussion

3.4.2 Formulation d’une nouvelle proposition

Si les algorithmes RB ne peuvent pas ˆetre utilis´es au moment de formuler les hypoth`eses causales, il reste `a envisager de les utiliser pour tester des hypoth`eses. Sous sa sp´ecification la plus naturelle, la proposition est d’utiliser les algorithmes RB pour fonder un nouveau test qui viendrait prendre place `a l’´etape C de la proc´edure AC et `a la suite des tests de type a. `a c. Nous commen¸cons par examiner la proposition ainsi sp´ecifi´ee.

3.4.2.1 Un nouveau test `a l’´etape C

La proposition que nous envisageons maintenant est pr´ecis´ement la sui- vante : pour les hypoth`eses causales 1) qui ont pass´e les tests a. `a c. et 2) pour lesquelles on ne peut pas rejeter l’hypoth`ese selon laquelle l’hypoth`ese de fid´elit´e et la condition de Markov causale sont satisfaites, v´erifier qu’elles font bien partie de l’ensemble de mod`eles repr´esent´e par la sortie de l’algo- rithme. Dans le cas o`u elle ne l’est pas, l’hypoth`ese causale discut´ee doit ˆetre rejet´ee ; dans le cas o`u elle l’est, elle s’en trouve corrobor´ee.

A l’appui de cette proposition, on remarquera qu’il est bien possible de tester si la condition de Markov causale et l’hypoth`ese de fid´elit´e seraient satisfaites dans le cas o`u un mod`ele causal donn´e serait ad´equat. C’est ce que nous faisions valoir, d´ej`a, `a la fin du paragraphe 3.3.3.2. Ainsi, dans un contexte qui n’est plus a-th´eorique, nous ne sommes plus dans la situation inextricable que nous avons d´ecrite dans le paragraphe 3.3.3.1.

Le test, bien sˆur, ne serait pas compl`etement fiable : c’est une hypoth`ese statistique qu’il s’agirait d’invalider. Cela pourtant ne saurait compter contre la proposition que nous discutons. En effet, ainsi que nous l’avons vu dans le paragraphe 3.3.2, les difficult´es associ´ees au fait d’inf´erer des conclusions relatives `a une population `a partir de donn´ees dans un ´echantillon de cette population sont g´en´erales, non sp´ecifiques d’un type d’inf´erence causale. En outre, elles sont incontournables ; en cons´equence, le fait qu’elle ne donne pas de moyen de les contourner ne saurait compter contre notre proposition.

Maintenant, il nous faut examiner en quel sens un test C.d.36 recourant

36

Par « test C.d » nous d´esignons un test qui viendrait prendre place `a l’´etape C de l’inf´erence causale AC apr`es les tests de type c.

3.4. Discussion 147

aux algorithmes d’inf´erence RB peut ˆetre instructif. Or, `a ce point, les choses deviennent moins favorables. En effet, nous savons maintenant que l’inf´erence causale AC repose sur une conception du rapport entre causalit´e et probabi- lit´es similaire `a celle que d´efinissent ensemble la condition de Markov causale et l’hypoth`ese de fid´elit´e. Nous avons indiqu´e que cette conception est mo- bilis´ee au moment o`u les hypoth`eses sont sp´ecifi´ees, `a l’occasion des tests de type a. et `a l’occasion des tests de type b. Dans ces conditions, une hypoth`ese qui aurait ´et´e sp´ecifi´ee en A et ne serait pas rejet´ee `a l’issue des tests de type a., b., c. ne peut pas manquer d’appartenir `a l’ensemble des graphes que le r´esultat d’un algorithme RB repr´esente. Aussi, un test dont l’issue d´ependrait de ce qu’une hypoth`ese non rejet´ee apr`es Cc. appartienne ou non au r´esultat des algorithmes RB n’instruirait pas.

A cette critique, il est possible de r´epondre en deux temps. Dans le pre- mier, nous revenons sur le statut de la conception du rapport entre causalit´e et probabilit´es dans l’inf´erence AC. Plus pr´ecis´ement, nous revenons sur ceci, que nous rappelions dans le dernier paragraphe, que cette conception est mo- bilis´ee localement. Corr´elativement, elle semble dispensable : elle n’intervient que dans des zones d´elimitables de l’inf´erence, et n’en constitue pas le prin- cipe. Dans ces conditions, on pourrait imaginer d’accompagner la proposition d’un test 3d. fond´e sur les algorithmes RB de la pr´econisation de ne pas recou- rir `a des hypoth`eses relatives au rapport entre la causalit´e et les probabilit´es avant le test. C’est ce qu’on fait si 1) on ne fait pas d´ependre la formulation d’hypoth`eses causales (`a l’´etape A) de consid´erations probabilistes – mas seulement th´eoriques ; 2) on r´ealise le test RB non pas apr`es, mais avant les tests Ca. `a Cc.

Toutefois – et ce sera l`a le second temps de notre r´eponse – cela est sans compter que la fa¸con dont les param`etres structurels sont estim´es (ici `a l’´etape B) semble elle aussi engager une conception du rapport entre causalit´e et probabilit´es de type markovien. Plus pr´ecis´ement, le param`etre mesurant l’effet d’une variable C sur une variable E est estim´e en tenant fix´ee la valeur des autres causes suppos´ees de E. A proprement parler, il n’y a rien ici qui requiert que la condition de Markov causale soit satisfaite. Aussi n’avons- nous pas mentionn´e ce point dans le paragraphe 3.3.3.2. Toutefois ce mode d’estimation des param`etres ne fait sens que si on a l’id´ee que ses causes prises ensemble suffisent `a expliquer les variations des valeurs d’une variable et ses corr´elations avec les autres variables.

Dans ces conditions, prendre au s´erieux l’injonction d’ignorer le rapport suppos´e entre la causalit´e et les probabilit´es jusqu’`a la mise en oeuvre du test fond´e sur les r´eseaux bay´esiens, conduit `a renoncer `a la fois `a l’in- terpr´etation causale des param`etres estim´es `a l’´etape B. et aux tests a. `a c. qui les concernent. En ce sens, la proposition d’int´egrer les algorithmes

RB `a l’´etape C sans recourir auparavant `a des hypoth`eses relatives au rap- port entre causalit´e et probabilit´es implique tout bonnement de renoncer `a l’inf´erence AC elle-mˆeme. L’injonction de prendre en compte dans le cadre AC la possibilit´e que la condition de Markov causale et l’hypoth`ese de fid´elit´e soient viol´ees n’est pas compatible avec le fait de recourir aux algorithmes RB si tard dans la proc´edure d’inf´erence causale.

3.4.2.2 Un test entre l’´etape A et l’´etape B

L’id´ee que nous envisageons maintenant est la suivante : utiliser les algo- rithmes RB pour tester les hypoth`eses causales d`es apr`es leur formulation. Plus pr´ecis´ement, la proposition n’a de sens que si les hypoth`eses causales sont formul´ees ind´ependamment de consid´erations probabilistes. En outre, le test ne peut ˆetre men´e que pour les hypoth`eses acycliques et telles qu’on ne peut pas rejeter l’hypoth`ese selon laquelle elles satisfont la condition de Markov causale et l’hypoth`ese de fid´elit´e. Pour de telles hypoth`eses, le test consisterait comme plus haut `a v´erifier que l’hypoth`ese causale envisag´ee appartient bien `a l’ensemble de graphes orient´es acycliques qui constituent la sortie d’un algorithme RB. Si ce n’est pas le cas, le mod`ele pourrait ˆetre rejet´e d`es l’´etape A’. que nous envisageons ici.

Cette proposition pr´esente les mˆemes avantages que celle que nous envi- sagions dans le dernier paragraphe. Elle permet d’utiliser les algorithmes RB dans le cadre de l’inf´erence causale AC, et de les utiliser seulement quand les hypoth`eses corr´elatives de la notion de r´eseau bay´esien causal sont satisfaites. Mais, d’un autre cˆot´e, la pr´esente proposition n’a pas les inconv´enients qui nous ont arrˆet´es plus haut. D’un cˆot´e, le test est bien instructif et doit per- mettre de rejeter certaines hypoth`eses causales d`es lors que la formulation de ces hypoth`eses (´etape A.) ne repose pas sur des consid´erations probabilistes. D’un autre cˆot´e, il est compatible avec le fait de prendre en compte, dans le cadre AC, la possibilit´e que la condition de Markov causale et l’hypoth`ese de fid´elit´e soient viol´ees. Mˆeme, il contribue `a cette prise en compte en im- pliquant qu’on recherche d`es la formulation d’un mod`ele si ces hypoth`eses seraient satisfaites dans le cas o`u le mod`ele serait ad´equat.

La proposition ne sera compl`ete qu’une fois qu’on aura pr´ecis´e ce qu’il convient de faire si le mod`ele sp´ecifi´e est tel que la condition de Markov cau- sale ou l’hypoth`ese de fid´elit´e ne serait pas satisfaite dans le cas o`u il serait ad´equat. A cette question, nous offrons deux r´eponses diff´erentes, correspon- dant `a la place diff´erente que les deux hypoth`eses occupent dans l’inf´erence causale AC. Prendre en compte le fait que l’hypoth`ese de fid´elit´e serait viol´ee dans le cas o`u le mod`ele serait correct implique seulement de ne pas le rejeter `a l’issue des tests Ca. si on ne peut pas rejeter l’hypoth`ese selon laquelle tous

3.5. Conclusion 149

les param`etres sont significativement diff´erents de z´ero. Le cas de la condi- tion de Markov causale est diff´erent, puisque nous avons vu qu’elle est sous- jacente dans nos m´ethodes d’estimation des param`etres. Prendre en compte une violation de la condition de Markov causale, c’est pratiquement renoncer `a l’inf´erence AC mˆeme. Dans ces conditions, ne pas rejeter imm´ediatement un mod`ele tel que la condition de Markov causale serait viol´ee dans le cas o`u il serait ad´equat, requiert d’avoir de tr`es bons arguments th´eoriques en faveur de cette hypoth`ese.

Reste, finalement, la question computationnelle. Elle ne peut pas ˆetre compl`etement r´esolue : les algorithmes RB ´etant ce qu’ils sont, leur com- plexit´e ne varie pas. A l’attention du lecteur l´egitimement inquiet, nous for- mulons n´eanmoins trois remarques. En premier lieu, nous avons pris soin de pr´eciser que le test reposant sur un algorithme RB n’est pas men´e pour chaque hypoth`ese causale. Il est men´e seulement pour les hypoth`eses acy- cliques et telles qu’on ne peut pas rejeter l’hypoth`ese selon laquelle la condi- tion de Markov causale et de l’hypoth`ese de fid´elit´e sont satisfaites. En deuxi`eme lieu, il convient de souligner que l’inf´erence causale RB n’a pas `a ˆetre men´ee `a nouveaux frais `a chaque utilisation du test. En effet, le r´esultat d’ un algorithme RB est inchang´e par l’hypoth`ese qu’il y a `a tester. En troisi`eme lieu, enfin, nous noterons que si des hypoth`eses sont rejet´ees lors de l’´etape A’. que nous envisageons, alors il n’est nul besoin de mener pour ces hypoth`eses les ´etapes B. et C. de la proc´edure d´ecrite dans la sous-section 3.2.2.

3.5

Conclusion

Finalement, nous avons montr´e que les r´eseaux bay´esiens ne renouvellent pas l’´epist´emologie de la causalit´e au sens o`u leurs partisans peuvent l’en- tendre. Il est vrai que, d’un point de vue logique, l’inf´erence causale RB se distingue de l’inf´erence men´ee grˆace aux outils traditionnels de l’analyse de chemins par sa d´eductivit´e et que cette d´eductivit´e est corr´elative de l’a- th´eoricit´e – ce que certains ont appel´e « inductivit´e ». En revanche il est faux que ces caract´eristiques logiques remarquables puissent profiter effecti- vement au projet d’inf´erence causale. L’argument nodal est ici le suivant : en raison mˆeme de son a-th´eoricit´e, l’inf´erence causale RB est telle qu’on doute toujours de la correction de ses r´esultats effectifs.

Toutefois, on peut d´efinir un apport des r´eseaux bay´esiens `a l’´epist´emologie de la causalit´e g´en´erique. D’abord, ils mettent au premier plan une conception du rapport entre causalit´e et probabilit´es qui est sous-jacente `a nos pratiques d’inf´erence causale, g´en´eralement inaper¸cue et dont nous sa-

vons qu’elle admet des contre-exemples. Pour cette raison et parce que les al- gorithmes RB sont des outils th´eoriques puissants, les r´eseaux bay´esiens nous invitent plus g´en´eralement `a red´efinir nos proc´edures d’inf´erence causale. Dans la derni`ere section, nous nous sommes essay´e `a d´efinir une proc´edure d’inf´erence causale qui int`egre les algorithmes RB et les analyses de la sous- section 3.3.3. A nos yeux, c’est sous la forme d’un test men´e entre les ´etapes A et B que les r´eseaux bay´esiens trouvent le plus raisonnablement leur place dans la proc´edure AC.

Chapitre 4

Condition de Markov causale et

ind´eterminisme

Dans les deux derniers chapitres, nous avons mis au jour les modalit´es de l’inf´erence aux causes telle qu’elle est autoris´ee par les r´eseaux bay´esiens. La question a ´et´e trait´ee d’abord du point de vue de l’analyse conceptuelle, puis du point de vue de la mt´ehodologie de l’inf´erence aux causes g´en´eriques. De l’un et de l’autre points de vue, les principales caract´eristiques de l’inf´erence causale fond´ee sur les r´eseaux bay´esiens d´ependent essentiellement de ce qu’elle ne donne des r´esultats corrects qu’`a la condition que l’hypoth`ese d’acyclicit´e, la condition de Markov causale et l’hypoth`ese de fid´elit´e soient satisfaites.

L’enquˆete men´ee dans le chapitre qui commence est orthogonale des enquˆetes men´ees dans les chapitres 2 et 3, puisqu’elle porte pr´ecis´ement sur la question de savoir quand ces hypoth`eses sont satisfaites. Ainsi, il ne s’agit plus d’explorer les cons´equences ´epist´emologiques de ce que l’inf´erence cau- sale RB repose sur ces hypoth`eses, mais d’essayer de d´eterminer quand elles le sont. Le chapitre qui commence prend donc place dans le d´ebat sur l’ex- tension du domaine au sein duquel les hypoth`eses corr´elatives des m´ethodes d’inf´erence causale qui nous int´eressent sont vraies. Plus pr´ecis´ement, il prend place dans le champ de la discussion de la condition de Markov causale. Nous avons indiqu´e d´ej`a qu’elle est celle de nos trois hypoth`eses qui a fait couler le plus d’encre.

Cette discussion consiste en partie dans la mise en ´evidence de classes de syst`emes qui satisfont prouvablement la condition. Or, `a cet endroit, les syst`emes ind´eterministes revˆetent un caract`ere crucial. D’un cˆot´e, en effet, les r´esultats de validit´e de la condition de Markov concernent des classes de syst`emes d´eterministes et l’ind´eterminisme se pr´esente comme une source dif- ficilement tarissable d’exemples solides de violation de la condition de Markov

causale.1De l’autre cˆot´e, les th´eories probabilistes de la causalit´e se l´egitiment

sp´ecifiquement par l’existence d’effets que leurs causes ne suffisent pas `a pro- duire – ce que, dans le contexte pr´esent, on appellera « ind´eterminisme».

Dans Steel (2005), Daniel Steel pr´etend ´etendre du cas d´eterministe au cas ind´eterministe le r´esultat selon lequel les syst`emes dont les variables exog`enes sont conjointement ind´ependantes2 satisfont la condition de Markov causale.

On aura compris que la th`ese de Steel, si elle est fond´ee, contribue de mani`ere significative au d´ebat relatif `a la condition de Markov causale en particulier et, par extension, `a l’inf´erence aux causes g´en´eriques fond´ee sur les r´eseaux bay´esiens.

Le chapitre qui commence vise pr´ecis´ement `a d´eterminer si la th`ese de Steel est fond´ee et, plus g´en´eralement, si et en quel sens les syst`emes d´eterministes sont plus susceptibles que les syst`emes ind´eterministes de sa- tisfaire la condition de Markov causale. L’analyse que nous proposons compte quatre temps :

1. dans la premi`ere section, nous pr´esentons les r´esultats classiques de satisfaction de la condition de Markov causale par certaines classes de syst`emes d´eterministes ;

2. dans la deuxi`eme section, nous pr´esentons le r´esultat ´etabli dans Steel (2005) ;

3. dans la troisi`eme section, nous critiquons la pr´esentation que Steel donne du r´esultat qu’il ´etablit. Plus pr´ecis´ement, nous montrons que ce n’est qu’au prix d’une d´efinition inhabituelle de certains termes que le r´esultat ´etabli par Steel est bien celui qu’il annonce ;

4. dans la quatri`eme section, nous mettons au jour une innovation m´ethodologique sugg´er´ee par Steel (2005), et prolongeons la suggestion jusqu’`a ´etablir que le d´eterminisme est bien, finalement, plus favorable que l’ind´eterminisme pour la condition de Markov causale.

4.1

D´eterminisme et condition de Markov

causale

Dans la section qui commence, nous pr´esentons les r´esultats classiques de satisfaction de la condition de Markov causale par certains syst`emes d´eterministes. Cela n’est possible qu’apr`es avoir expliqu´e plus pr´ecis´ement

1

Ainsi, nous avons indiqu´e dans le paragraphe 1.3.2.1 comment l’ind´eterminisme en- gendre des contre-exemples `a la troisi`eme composante de l’hypoth`ese de Markov causale.

2

Nous expliquerons d`es que possible (c’est-`a-dire dans la premi`ere section du pr´esent chapitre) ce qu’il faut entendre par l`a.

4.1. D´eterminisme et condition de Markov causale 153

de quoi il est question ici, c’est-`a-dire apr`es avoir d´efini et discut´e la notion de d´eterminisme `a laquelle il est fait r´ef´erence. C’est ce que nous faisons dans la premi`ere sous-section.