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DEUXIEME CHAPITRE : L’Anorexie mentale

B. Troubles associés :

L’absence de fatigue et l’hyperactivité motrice s’associent souvent à la diminution de la durée de sommeil et à des mesures d’ascétisme : se tenir sur une jambe, marcher jusqu’à épuisement, dormir à même le sol, etc. mensonges et manipulation de l’entourage se surajoutent, en nombre et en combinaison variables ; la kleptomanie est fréquente, notamment le vol d’aliments. Il existe enfin un signe négatif important : l’absence de 205 DESPINOY, M. 1999, Psychopathologie De L’enfant Et De L’Adolescent. ARMAND COLIN, p.142.

206 Idem, p150574.

207 CORCOS, M. 2000, Le Corps Absent, approche psychosomatique des troubles des conduites alimentaires, Paris, DONOD. P, 239- BOURCILLIER. P. 2007. Androgynie & Anorexie. Flying publisher. P83.

208 CORCOS, M. 2000, Le Corps Absent, approche psychosomatique des troubles des conduites alimentaires, Paris, DONOD. P, 239.

troubles mentaux majeurs. On entend par là l’absence de symptômes de la série psychotique (délires, signe dissociatifs). Cela exclut du cadre de l’anorexie mentale les restrictions alimentaires sous-tendues par un délire d’empoisonnement par exemple, ou accompagnant un épisode mélancolique.

Pourtant, les éléments de cette triade, ne prennent leur réelle valeur que si on les intègre à un ensemble d’attitudes psychologiques particulières. Ce sont elles qui signent l’existence d’un conflit psychique spécifique de l’anorexie mentale (Encycl. Méd. Chir , 2002)209.

• La potomanie, qui peut conduire à l’ingestion d’une dizaine de litres par jours et menace directement et gravement l’équilibre hydroélectrolytique ;

• Le mérycisme, souvent difficile à mettre en évidence et qui traduit un dysfonctionnement psychopathologique particulièrement sévère ;

• La stratégie de contrôle du poids s’exerce également sur l’évacuation de la nourriture par des vomissements provoqués, la prise de laxatifs et de diurétiques à des doses parfois considérables qui créent des troubles graves hydro-électrolytiques, intestinaux ou rénaux et mettent parfois la vie en danger.

L’échec de ce contrôle, sentiment constant dans le vécu intime de l’anorexique, peut se traduire dans les faits par des accès boulimiques, suivis de vomissements intermittents ou occupants parfois le devant de la scène.

L’investissement de la sensation de faim est particulier et bon nombre de patientes recherchent et provoquent cette sensation (KAPLAN, HL. SADOCK, BJ. 1998)210. L’ensemble des besoins du corps peut faire l’objet d’une semblable méconnaissance de leur nécessité et de leur fonction de garant de la vie pour être utilisés à des fins de maîtrise et de satisfaction autoérotique. L’hyperactivité et le surinvestissement de la motricité en sont un exemple démonstratif (Encycl. Méd. Chir ,2002)211.

B.1. L’hyperactivité :

209 CORCOS, M. et AL, Troubles Des Conduites Alimentaires à L’adolescence. Encycl. Méd. Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Psychiatrie/ Pédopsychiatrie, 37-215-B-65, 2002, p, 150572-150587. p, 150574.

210 KAPLAN, HL. SADOCK, BJ.1998. Synopsis De Psychiatrie. Paris ; Masson. In. CORCOS, M. et AL, Troubles Des Conduites Alimentaires à L’adolescence. Encycl. Méd. Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Psychiatrie/ Pédopsychiatrie, 37-215-B-65, 2002, p, 150572-150587. p, 150574.

211 CORCOS, M. et AL, Troubles Des Conduites Alimentaires à L’adolescence. Encycl. Méd. Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Psychiatrie/ Pédopsychiatrie, 37-215-B-65, 2002, p, 150572-150587. p, 150573.

Dans cette pathologie, le comportement peut être modifié de façon stéréotypée. Il n’est ainsi pas rare d’observer une hyperactivité physique ou intellectuelle.

L’hyperactivité physique consiste, par exemple, en la pratique d’activités sportives extrascolaires intensives. Certaines patientes peuvent également s’obliger à longs trajets à pied, préférer systématiquement les escaliers à l’ascenseur, faire de la gymnastique à la maison de façon excessive, etc. toutes ces activités sont comme un besoin nouveau dont elles ne peuvent se passer et dont elles tirent un certain « plaisir ».

L’hyperactivité intellectuelle est elle aussi quasiment toujours retrouvée. Elle peut être synonyme d’un isolement social, d’ailleurs « cet investissement au travail est le prétexte à un

fréquent isolement social » (MARCELLI et BRACONNIER.2000. p 151.)212. Mais en réalité, il existe souvent une disproportion anormale entre le temps passé à étudier et les performances scolaires proprement dites. La réputation d’intelligence « remarquable » de ces patients est donc nuancer, car « les résultats sont meilleurs pour l’apprentissage que pour la créativité et les

processus intellectuels purs » (ALVIN. P, 1996, p. 8)213. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’au décours de la prise en charge thérapeutique, les processus anorexiques s’estompant, les performances scolaires fléchissent.

Au début de la maladie, l’hyperactivité n’est pas modifiée par le degré d’amaigrissement : bien au contraire, plus la patiente maigrit, plus elle est active et mieux elle se sent. L’hyperactivité diminue par épuisement physique seulement lorsque l’amaigrissement devient extrême.

B.2. Vie relationnelle :

Sur le plan relationnel, il existe par ailleurs une « régression affective » avec un « isolement des paires » et un « surinvestissement des relations familiales, notamment avec la

mère » (ALVIN. P, 1996, p. 9)214. L’entourage proche remarque aussi un changement de comportement chez cette fille jusque-là sage et obéissante : elle devient plus irritable, exigeante et susceptible, et cherche à éviter certains sujets.

La vie relationnelle de l’anorexique est marquée par un comportement paradoxal qui caractérise en fait l’ensemble de ses conduites : comment tenir à distance de soi ce dont on ne peut se passer. Trois ordres de réponses se dégagent :

212 MARCELLI et BRACONNIER.2000. Adolescence et psychopathologie. Collection « les âges de la vie ». Paris. Masson. p 151.

213 ALVIN, Patrick.1996. Les Anorexies à l’adolescence, Doin Editeurs, p.8.

• Le maintien d’une relation de dépendance et d’attachement aux objets d’investissement, réalisant un véritable agrippement ;

• La tentative de dénier ces liens et le besoin de ces liens par une affirmation d’autosuffisance, les relations se bornent au milieu familial, s’étendent tout au plus à une amie privilégiée, sorte de double narcissique d’elle-même215.

Du fait de la faiblesse des possibilités d’identification aux parents, aux professeurs d’école, aux mythes collectifs de la société, ils collent aux images d’eux-mêmes que leur donne le corps social, plus qu’ils n’adhèrent et s’identifient à un objet attractif suffisamment érotique, et pas trop sexuel (sur un modèle d’identification apparemment hystérique, mais peut-être plus gravement sur un modèle d’identification narcissique, tant il est vrai que le contrat social n’est pas libidinal mais narcissique) ( GILLIBERT.1993, rapporter par CORCOS.2000)216.

• La reprise d’un lien avec l’objet sur un mode qui assure sa permanence et son contrôle par le développement d’une relation d’emprise sadomasochiste de type manipulatoire.

L’attitude de défi exprime bien la situation de contrainte à laquelle la patiente soumet son entourage. Il s’agit en réalité selon D. LE BRETON, d’une perte de repères sociaux rassurants, face à cette dé-symbolisation du monde, le corps devient un refuge. Ce qui explique l'investissement croissant qu'il suscite. Investissement ou repli narcissique qui traduit l'absence des autres. Contre l'effacement du lien social s'opère un mouvement de défense, de retour sur soi, le moi devient le seul repère : « Quand l'identité personnelle est en question à travers les

remaniements incessants de sens et de valeurs qui marquent la modernité quand les autres se font moins présents, que la reconnaissance de soi fait problème, même si ce n'est pas à un niveau très aigu, il reste en effet le corps pour faire entendre une revendication d'existence »

(LE BRETON. D, 1991. p, 138)217. .

BOURCILLIER rejoint LE BRETON dans son interprétation du comportement d’isolement ; pour elle : « Les comportements d’isolement, dont témoignent les sujets

anorexiques, rencontrent comme par accident la radicalité des mouvements intégristes dans

215 JEAMMET, P. in Maigreurs Et Amaigrissement, La Revue du Praticien, Tome 32,3. 225-310, p 254.

216 CORCOS, M. 2000, Le Corps Absent, approche psychosomatique des troubles des conduites alimentaires, Paris, DONOD.P, 36.

une projection narcissique de l’unité, par une sorte de régression, qui n’a d’autre expression que le langage du corps ». (P. BOURCILLIER. 2007, P, 25)218

CORCOS, considère que les troubles des conduites alimentaires sont une forme de délinquance puisque l’absence de liens sociaux est au cœur des addictions : « les troubles des

conduites alimentaires, sont comme les autres conduites addictives, une forme de délinquance (au sens de rupture du lien social et familial) un acte violemment bien que doucement antisocial » (CORCOS.M. 2000, P. 21)219.

B.3. Sexualité :

L’amaigrissement va progressivement gommer tous les stigmates de développement pubertaires (absence de règles, régression de volume mammaire) (ALVIN. P, 1996, p. 8)220. Ces transformations corporelles sont niées, sources de gêne. Cependant la sexualité fait l’objet d’un refoulement massif, tant dans ses comportements physiologiques que dans sa dimension de désir. On observe un défaut d’investissement érogène du corps. Si une activité sexuelle existe ; elle sera toujours dans un cadre d’activités conformistes (MARCELLI ET BRACONNIER. 1983)221, Elle semble se faire sans plaisir, sans implications affectives autre qu’une éventuelle gratification narcissique (MARCELLI ET BRACONNIER.1983)222, machinalement et s’inscrit dans les comportements de maîtrise. Par la suite, si une émergence de désir sexuel est possible, ce domaine reste probablement le plus conflictuel et le plus profondément insatisfaisant. En revanche, dans la dimension de maîtrise, les comportements de séduction ne sont pas rares. Cette aversion pour toute forme sensorielle de plaisir s’accompagne par ailleurs d’un surinvestissement du regard et du couple de pulsion partielles : voyeurisme/exhibitionnisme (Encycl. Méd. Chir ,2002)223.

B.4. Trouble de la perception de l’image du corps :

Il existe dans l’anorexie mentale un trouble de la perception de l’image du corps avec méconnaissance de la maigreur. Ceci rend compte, chez ces patientes, de leur absence d’inquiétude sur leur état de santé. Malgré un état physique altéré, il persiste chez elles un désir 218 Patricia BOURCILLIER. 2007 : Androgynie et Anorexie. Flying Publisher P,25.

219 CORCOS, M. 2000, Le Corps Absent, approche psychosomatique des troubles des conduites alimentaires, Paris, DONOD. P, 21.

220 ALVIN, Patrick.1996. Anorexies à l’adolescence, Doin Editeurs, p.9.

221 MARCELLI et BRACONNIER.1983. Psychopathologie de l’adolescent. Paris. Masson. p 134.

222 Idem. P. 134.

223 CORCOS, M. et AL, Troubles Des Conduites Alimentaires à L’adolescence. Encycl. Méd. Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Psychiatrie/ Pédopsychiatrie, 37-215-B-65, 2002, p, 150572-150587. p, 150573.

éperdu de maigrir ou une peur intense de grossir (ALVIN. P, 1996, p. 9.)224, cette crainte peut prendre l’aspect de dysmorphophobies localisées (ventre, fesses, cuises, trop gros). La reprise de poids suscite une peur intense de grossir et de ne plus avoir de limites. Tout ceci explique l’état physique souvent déjà très impressionnant dans lequel les anorexiques peuvent arriver en consultation.

B.5. Fonctionnement intellectuel :

Par opposition, au coté pulsionnel qu’elles sont amenées à refuser en bloc, le fonctionnement intellectuel est considéré comme excellent avec un surinvestissement de ce domaine, de bons résultats scolaire et des évaluations psychométriques au-dessus de la moyenne. Il convient cependant de nuancer ce jugement : les résultats sont meilleurs pour l’apprentissage que pour la créativité et les processus intellectuels sont souvent pris dans l’organisation défensive anorectique et, de ce fait, finalement entravés dans leur développement. On y retrouve les caractéristiques du style anorexique : boulimie de connaissance, hyperactivité intellectuelle, mais aussi agrippement, excès de vérification, en fait peur de la réalité psychique interne potentiellement désorganisante. Le refuge dans « l’intellectualisme pur » prend une valeur défensive à l’égard des émotions. Cependant, il n’est pas rare que la conduite anorexique ait un effet stimulant sur les conduites d’apprentissage et que l’assouplissement de l’anorexie provoque au contraire des difficultés de concentration, une apathie et une baisse de l’efficience intellectuelle (Encycl. Méd. Chir, 2002)225.

224 Idem , p.9.

225 CORCOS, M. et AL, Troubles Des Conduites Alimentaires à L’adolescence. Encycl. Méd. Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Psychiatrie/ Pédopsychiatrie, 37-215-B-65, 2002, p, 150572-150587. p, 150573.

Tableau 3 :Signes d’appel évoquant une anorexie mentale

ALIMENTATION ET COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES Prise alimentaire < 100 kcal/j

Compte des calories Déni des sensations de faim Activité physique extrême Alimentation réduite ou jeûne

Sentiment d’être contrôlé par la nourriture Evitement ou accumulation alimentaire

Perception de la nourriture comme bonne ou mauvaise Sauts fréquents de repas

Préoccupation alimentaire fréquentes

IMAGE DU CORPS ET SATISFACTION CORPORELLE Perturbation de l’image du corps

Peur de prendre du poids Obésité antérieure La maigreur pour objectif

Un objectif pondéral < 85% du poids attendu ETAT DE SANTE

Aménorrhée (moins de 3 mois sans règles)

Flatulences/nausée

Intolérance au froid

Constipation

Poids < 85% du poids attendu

FONCTIONNEMENT PERSONNEL

Retard du développement psychosexuel

Dépression

Difficulté d’individuation

Mauvaise image de soi

Perfectionnisme

Difficulté à faire face aux événements éprouvants de la vie

Perte récente d’amis

INFLUENCES EXTERIEURES Famille trop présente et trop impliquée

Antécédents familiaux d’obésité, de troubles du comportement alimentaire, ou de préoccupation pondérale

Espérance d’une réussite exemplaire

Adapté d’après ADAMS LB, SHAFER MA Dans HARRISON (1994). VI. TRAITEMENT :

« Ces dernières années ce sont multipliés les traitements thérapeutiques afin de guérir l'anorexie mentale. Leur aspect parfois contradictoire peut placer le clinicien dans une situation difficile renforcé par le fait que les données de la recherche ne sont pas d'un grand secours, seules quelques données indiscutables existent » (BRUSSET, B, 2000, p. 7.)226 . En effet, si la prise en charge thérapeutique est une étape essentielle et indispensable dans la guérison de l'anorexique, elle confronte les soignants à différents problèmes : comment venir à bout de la résistance qu'opposent les anorexiques à la prise en charge ? Comment leur faire comprendre qu'elles ont besoin d'aide et que leur devise « je veux m'en sortir par

moi-même » (VINCENT, 2000, p 103.)227 N’est qu'une illusion ? Nous allons voir quelles solutions sont aujourd'hui envisagées pour prendre en charge cette maladie poly-factorielle qu'est l'anorexie. La prise en charge vise à stopper la performance de l'anorexique et lui faire prendre conscience de sa maladie.

Nous présenterons les différentes formes de prise en charge qui existent actuellement ainsi que les problèmes auxquels sont confrontés les soignants.