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DEUXIEME PARTIE. PARTIE PRATIQUE

DONNEES PERSONELLES :

B. Relation avec la mère :

On remarque que tout au long de l’entretien avec la mère, qu’elle ne cessait de parler de la maladie sa fille. Elle dresse un mode d’intervention détaillé des démarches entreprises pour aider la jeune fille, ne cessait de ramener toutes ces démarches à elle et à l’image de la famille. En même temps elle donne l’impression qu’elle parle de son propre corps.

S’agit-il d’une mère narcissique, qui tire profit du symptôme de sa fille pour nourrir son narcissisme ?

La jeune fille manquait de contact corporel : « Elle (la nourrice) la prenait rarement

dans ses bras, quand A.R faisait ses besoins, elle pouvait rester dans les même couches jusqu’à mon arrivée ou dans le meilleur des cas, elle lui changé la couche sans la lavé, mais je n’avais pas quelqu’un d’autre pour la garder à ce moment là. ».

Il s’agit alors d’un besoin précoce d’union par l’intermédiaire du toucher. Ce qui explique le fait de ramener ses jambes vers sa poitrine. Ce contact corporel (peau à peau) permet normalement à la jeune anorexique de tenter de se mettre en lien par cette modalité du contact physique. Cette carence au niveau des contacts tactiles et des manipulations corporelles entraîne des défaillances dans l’élaboration du moi-peau :

« Nous avons des besoins alimentaires qui sont normalement assouvis par un contact intime avec notre mère -ou son substitut-. Même si nous ne sommes pas nourris au sein, notre corps a quand même besoin du contact physique pour survivre et se développer » (Clyde

W.FORD, 2002, p, 114)410.

Le concept de Moi-peau (D. ANZIEU, 1974)411 est particulièrement efficient pour se représenter le point de passage du corporel au psychique, en tant que prémisses d’une enveloppe psychique fondée sur les sensations corporelles de la surface du corps en relation 410 Clyde W. FORD, 2002 ; Les cicatrices émotionnelles, guérir des émotions par le corps et le touché, Guy TREADANIEL EDITEURS, Paris, p.114.

avec un autre (la mère). Dont notre cas a été privée vu le sevrage et la séparation précoce avec la mère et le remplacement de cette dernière par un substitut –nourrice- très sec et distant voir même froid ce qui a engendrer un traumatisme :

Qui atteint l'image de soi, dans un moment, où la survie physique est en jeu pour le développement structurel du psychisme où les pulsions d'autoconservation et le narcissisme sont en jeu.

« (…) cependant après toute cette période j’étais dans l’obligation de reprendre mon

boulot ; donc la sevré vers 6 mois ; et la confié à une nourrice pas tout à fait comme je voulais « elle était un peu sèche » mais je n’avais pas trouvé quelqu’un d’autre(…) », « Dans le sens ou elle était très distante par rapport à ma fille, elle la prenait rarement dans ses bras, quand A.R faisait ses besoins, elle pouvait rester dans les même couches jusqu’à mon arrivée ou dans le meilleur des cas, elle lui changé la couche sans la lavé, mais je n’avais pas quelqu’un d’autre pour la garder à ce moment là. ».

A travers cette évènement la jeune fille s’est sentit affectivement abandonnée, ce qui génère chez l’enfant une intense disqualification et indicible déception qui la renferme dans une douloureuse solitude affective. Elle grandit dans cette absence d’étayage corporel maternel, ce défaut du pare- excitation liant et contenant, dont les conséquences visibles aujourd’hui sont une constitution défaillante de ses assises narcissiques.

Ainsi, la patiente, n’a pu acquérir la représentation d’une mère interne « suffisamment

bonne»412, laquelle normalement aurait dû lui donner la capacité de s’identifier à elle, afin de

supporter ses états de souffrance psychique.

« Ma fille, a toujours refusé de manger, après avoir été sevré, elle refusait de prendre le

biberon (qu’elle n’a jamais prise auparavant) même l’eau elle la prenait à la cuillère, au moment du mangé j’étais dans l’obligation de mettre une camisole pour éviter de me salir dit elle; car elle vomissait le tout sans même avaler, elle garder l’alimentation sur le bout de la langue et elle la rejette aussitôt, » explique la mère.

Ces vomissements, s’expliquent probablement dans un mouvement d’incorporation, une tentative d’absorber l’objet avant de le rejeter. Ces épisodes comportent une dimension identificatoire visible dans la répétition du comportement, mais témoignent de son échec d’identification. Ils constituent une solution psychique et comportementale face à

l’impossibilité d’une relation satisfaisante à l’objet.

Aussi, la jeune fille refuse de manger et la mère refuse que sa fille soit maigre d’autre part, a engendré des relations conflictuelles voir d’opposition et de rivalité entre la mère et la jeune fille : « surtout quand c’est maman qui me le demande ».

« Même ma mère est gentille mais on se dispute tout le temps, pour un oui, pour un non

surtout quand je ne fait pas mes devoirs quand elle le décide ou quand je ne l’aide pas dans les tâches ménagères, elle ne veut pas comprendre que je ne suis plus cette petite fille qui doit obéir au doigt et à l’œil… Elle se croit parfaite… (…) »

Dans cette attitude, il nous semble comprendre que c’est tout un processus d’identification qui se joue. La haïr serait se haïr, l’abîmer serait s’abîmer et donc, la réparer serait peut-être se réparer aussi ?

Il s’agit d’une problématique d’individuation.

D’après Pierre BOQUEL (SAMY Ali, 2003, p. 36-37)413. : « Soit le cas n’existe pas

dans une relation affective maternelle, soit elle existe mais pas pour ce qu’elle est : elle existe entant que femme qu’elle n’est pas encore de plus comme une femme rivale de la mère projetée dans une proximité fantasmatique avec le père. Très tôt, la patiente est positionnée dans une relation conflictuelle dangereuse débuchant sur un sentiment d’humiliation

Cette situation est responsable d’une attitude ambivalente chez l’enfant : la patiente adopte l’attitude paradoxale de sa mère, seule possibilité devant une telle situation. Enfant, elle devient la femme jalouse de la mère ».

Elle se sent injustement traitée et rejetée et n’arrive pas à extérioriser suffisamment sa tristesse face au rejet maternel, ni son agressivité inconsciente envers elle.

A partir de ces éléments on peut dégager la problématique suivante :

Une fixation dans la dyade objectale. B.1. Le regard maternel :

Indisponible affectueusement, le regard maternel se détourne et refuse de la reconnaître, la privant de l’assurance d’exister à part entière et d’être importante pour l’autre. Celle-ci ne peut lui offrir le « holding »414 nécessaire à la construction d’un Self suffisamment solide à l’origine du sentiment d’exister et à la connaissance progressive du monde à travers les 413 Pierre BOQUEL in, SAMY Ali, 2003, Identité psychosomatique, éditions E.D.K. Paris. p.36-37.

échanges sensoriels et nutritionnels qui impliquent une possibilité minimale de s’identifier à son enfant et grâce à la « concordance affective » (D. STERN, 1983)415 qui s'établit entre eux. A la faveur de l'échange des regards et de la relation intersubjective qui s'élabore entre les deux partenaires, notre cas, n’a pu accéder graduellement à la conscience de soi, tandis que le visage et les yeux de sa mère constituent normalement pour elle, par les sentiments qu'ils expriment, le premier miroir (D.W. WINNICOTT, 1971)416. En se sentant aimé l'enfant prend peu à peu conscience de la valeur qu'il a pour autrui. La carence au niveau des contacts tactiles et des manipulations corporelles entraîne des défaillances dans l’élaboration du moi-peau (ANZIEU, D. 1985)417et un dysfonctionnement des fonctions pare excitation et de contenant psychique.

A.R, grandit dans cette absence d’étayage corporel maternel, ce défaut du pare-excitation liant et contenant, dont les conséquences visibles aujourd’hui sont une constitution défaillante de ses assises narcissiques ; empêchant A. R, d’éprouver la séduction narcissique maternelle nécessaire à l’investissement de soi, et le fantasme de toute puissance mégalomaniaque qui assure les bases de bonnes assises narcissiques à tout individu.

À son tour, dans un refus d’introjecter et valider ce défaut de maternel, elle lutte contre le sentiment d’impuissance qui l’envahit face à celle qui ne lui accorde pas son amour.

Les vomissements répétés des biberons, hors pathologie somatique avérée, peuvent s’interpréter comme une résistance, un refus, une défense même contre le retrait libidinal maternel. Elle s’est sentie rejetée, non désirée pour elle-même, et un premier processus anorexique s’engage, dans un combat pour la reconnaissance de son individualité.

Le remaniement de la personnalité qui accompagne la période de l’adolescence dans notre cas provoque la reviviscence de l’œdipe et la réactivation de zone orale avec sa

dimension sadomasochiste, vu l’association de l’alimentation symbole oral avec le bien être.

C’est ainsi que notre cas, a commencé à ressentir des sentiments de culpabilité et à se soucier de son agressivité qui se dirige vers sa mère, parce qu’elle l’aime et qu’elle ne la satisfait pas pleinement (D.W. WINNICOTT, 1957)418.