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Place du corps en psychopathologie de l’adolescent :

F. L’identité sexuelle :

F.3. Sexualité et adolescence :

IV- Place du corps en psychopathologie de l’adolescent :

Ce temps à hauts risques révèle, pour les sujets narcissiquement les plus fragiles, les failles structurales dessinées depuis l’enfance tout en mettant à jour des potentialités transformationnelles inédites. Du côté des failles, l’attachement aux auto-érotismes de l’enfance entraîne pour certains une impossibilité radicale à investir psychiquement un corps transformé par la puberté. La puberté a lieu, mais sans les modifications psychiques qui permettent à l’adolescent de donner sens à ces transformations souvent vécues comme dépersonnalisantes. Dans ces cas, se rencontrent les pathologies les plus lourdes (psychoses infantiles), celles qui ont peu de chance de trouver les voies de la transformation, on veut parler ici de la chance qu’offre le processus d’adolescence lorsque le cap pubertaire est franchi. Son franchissement – quand il a lieu – ouvre, en effet, à de la nouveauté : œdipe pubertaire, génitalisation du corps, réaménagement des identifications, pour ne citer que ces aspects-là.

Face à l’épreuve du pubertaire, certains adolescents résistent, ils s’accrochent aux investissements narcissiques de l’enfance. Ils tentent de faire comme s’il était possible de repousser l’échéance, voire de ne jamais s’y confronter un jour. On pense ici notamment aux différentes formes d’anorexie mentale, à l’investissement homosexuel, mais aussi aux états- limites de l’enfance et de l’adolescence, aux problématiques d’addiction (addiction aux produits toxiques, à la sexualité, mais aussi au virtuel, aux jeux vidéo, à Internet

L’adolescence se fait entendre des adultes par d’autres signes pathologiques que l’on ne saurait décrire ici en peu de mots, même s’ils constituent pourtant l’essentiel, du moins quant à la fréquence de leur apparition, de la psychopathologie (souvent transitoire) de l’adolescent. Il s’agit notamment de ce que l’on nomme les conduites à risques, conduites qui manifestent à la fois la difficulté ressentie par l’adolescent à entrer dans le processus d’adolescence et en même temps l’engagement dans ce processus par la voie d’une activité qui donne à l’adolescent l’impression de pouvoir lutter contre l’envahissement pubertaire dont il se sent être la victime. Ces conduites, comme certaines tentatives de suicide, ne sont pas seulement des pathologies ; elles traduisent aussi les recherches que font ces adolescents pour trouver une issue à leur mal-être, pour se sentir vivant, l’adolescent projette dans ces cas la violence interne liée au pubertaire, violence liée aux transformations qui affectent l’adolescent au point qu’il se sente victime de sa propre adolescence. Ce mal-être, qui peut être banal ou annoncer des troubles plus

graves à venir, nécessite souvent une aide thérapeutique face à la détresse de l’adolescent et à celle de ses parents.

L’adolescent peut prendre la voie de l’auto agression corporelle à la fois comme mécanisme de défense et/ou mentalisation corporelle et/ou stratégie identitaire interactive dont les valeurs organisatrices et initiatiques ne peuvent pas être négligées. En clair il s’agit de pathologie où le monde interne s’extériorise dans et sur un défaut d’élaboration signant une souffrance. La pensée « impensable » apparaît « corporéisée » dans un acte auto agressif à haute valeur communicative. Le travail de diffraction des émotions opéré par déplacement des représentations est court-circuité. 64

Dans le cadre de notre étude nous allons nous pencher sur l’anorexie mentale car, le risque à l’adolescence, c’est que la lente construction identitaire se réalise de manière marginale, voire pathologique. Dans ce dernier cas, l’adolescent peut élaborer un déni de la réalité, refuser les changements corporels opérés et fuir dans l’anorexie. Il peut également s’enfermer dans l’ascétisme et refuser tout ce qui évoque la jouissance et par conséquent le changement du corps.

Dans ce contexte précis, l’ennemi est toujours le corps, ce corps modifié, qui n’est pas reconnu, admis, ce corps en trop, avec cette capacité nouvelle de jouir, qui génère la crainte du dommage corporel, la peur de la jouissance incontrôlée, ce corps que l’adolescent peut faire souffrir comme pour parvenir à maîtriser ce qui échappe à son contrôle. Cette souffrance qu’il s’inflige peut se manifester dans les conduites dites à risques.

Si ce problème arrive généralement à l’adolescence, c’est parce que de nombreux problèmes se cristallisent durant cette période, modifications affectifs et modifications corporelles, aux relations avec la famille, à la psychologie individuelle et à la pression de la société. De l’interaction de tous ses éléments, va émerger le trouble alimentaire.

L’anorexie est une réponse extrême à un conflit apparemment banal et lié aux changements corporels, psychiques ou sociaux, surgissant pendant cette période charnière qu’est l’adolescence. Même banal, le conflit occasionne le trouble alimentaire du fait du terrain psychique individuel et de l’environnement familial.

Dans un autre contexte, le même conflit aurait déclenché d’autres anomalies du comportement : Une toxicomanie, une fugue, un échec scolaire, un alcoolisme, une délinquance…

Tous ses troubles ont en commun la difficulté pour l’adolescente de résoudre, à un niveau mental, une situation de tension. Le corps de l’enfant subit des modifications, avec une

nouvelle image de soi, avec des nouveaux devoirs, des responsabilités, elle devient de plus en plus indépendante et autonome et va devoir en même temps créer de nouveaux liens affectifs et intellectuels avec ses parents, ses frères et sœurs. Et lorsque que l’adolescente ne parvient pas à résoudre cette problématique, à en prendre conscience puis à la traiter psychiquement et intellectuellement, alors la réponse au conflit s’exprime par le passage à l’acte, c’est-à-dire par un trouble du comportement alimentaire.

Les anorexiques, contrairement au reste des adolescents, expriment un état de dépendance plus marqué. Cette dépendance excessive est le résultat d’un échec au processus « d’autonomie psychique », qui est normalement acquise dès son entrée en crèche ou à la maternelle.

Les relations précoces mère/enfant sont dans certains cas en cause. En effet lorsque la mère est hyperprotectrice ou bien utilise son enfant pour se valoriser elle-même, l’enfant aura du mal à différencier ses besoins de ceux de sa mère.

Cette difficulté à percevoir ses propres désirs rend l’enfant plus dépendant du milieu extérieur, il a besoin plus souvent de preuve et de soutien de la part de son environnement.

Cette dépendance est bien vécue durant la période de l’enfance car elle convient au statut « d’assisté » qu’à l’enfant ; en revanche elle sera mal supportée à l’adolescence car elle empêche le processus d’autonomisation affective, issus des transformations corporelles et psychiques liées à cet âge. N’ayant pas de contrôle sur ses propres relations affectives, l’adolescente va donc chercher à contrôler avec excès son appétit. C’est une façon de garder sa propre identité.

Ces adolescentes –cette pathologie touche majoritairement les jeunes filles- n’arrivent pas à désinvestir leur premiers objets d’amour afin de se tourner vers une vie adulte et accepter leur corps de femme. La dépendance à la nourriture marque leur fragilité interne bien que les conflits essentiels se situent au niveau du corps, projection du psychisme.