• Aucun résultat trouvé

Les différentes modalités de prises en charge :

DEUXIEME CHAPITRE : L’Anorexie mentale

A. Les enjeux de la démarche thérapeutique :

1. Les différentes modalités de prises en charge :

1. a. La prise en charge en ambulatoire : des thérapies pluridisciplinaires :

La prise en charge de l'anorexie est subordonnée à la volonté de la malade et « la

majorité des patients atteints d'anorexie mentale ne sera jamais hospitalisée » (ALVIN, P,

2001, P.80.)229. A l'inverse, si la malade décide ou est contrainte d'être prise en charge, deux cas de figure s'offrent à elle : soit le suivi se fait en ambulatoire, soit elle est hospitalisée. Excepté la dissension sur la pratique de l'isolement, les soignants s'accordent sur la nécessité d'une prise en charge de l'anorexie « globale, pluridisciplinaire, longue et complexe » (GODART. N et all, 2005. P.42.)230. Très souvent, elle se fait en ambulatoire dans un service spécifiquement dédié aux troubles des comportements alimentaires ou dans un service plus généraliste destiné aux adolescents. Dans ce cas, la malade n'est pas hospitalisée mais suivie régulièrement par un médecin référent et un psychologue, l'un prenant en charge les complications physiologiques, l'autre l'aspect psychique de la maladie. Les spécialistes des troubles du comportement alimentaire insistent sur la qualité de ce suivi qui dure souvent des années. Le choix de la structure ou du médecin référent dépend fortement « des ressources thérapeutiques disponibles

à proximité du domicile du sujet, des orientations théoriques des équipes impliquées, ou encore du symptôme ayant déclenché la première consultation, que de schémas thérapeutiques validés scientifiquement » (GODART. N et all, 2005. P.42.)231.

L'hospitalisation est jugée nécessaire uniquement si le pronostic vital est en jeu, si des troubles dépressifs ou un risque suicidaire existent. C'est au corps médical de prendre la décision de l'hospitalisation avec l'accord de la patiente et des parents. P. JEAMMET explique que l'hospitalisation est relativement rare et n'a concerné que 7% des anorexiques vues en consultation dans son service. Lorsqu'une patiente est hospitalisée pour dénutrition importante, les médecins recourent à la nutrition assistée (par sonde gastrique) pour que la malade atteigne un « poids de sécurité » qui permette ensuite de poursuivre les soins en ambulatoire et 229 ALVIN, PATRICK, 2001, Anorexies et Boulimies à l’Adolescence, Paris, Editions Doin, Collection « conduites », P.80.

230GODART Nathalie ; PERDEREAU Fabienne ; AMAN Gilles et JEAMMET Philippe, Dossier sur « les

troubles du Comportement Alimentaires », (La prise en charge thérapeutique, ambulatoire et hospitalière des

TCA) dans la revue Soins, n°694, AVRIL 2005. P.42.

231 GODART Nathalie ; PERDEREAU Fabienne ; AMAN Gilles et JEAMMET Philippe, Dossier sur « les

troubles du Comportement Alimentaires », (La prise en charge thérapeutique, ambulatoire et hospitalière des

d'envisager un suivi psychologique. Dans la plupart des cas, la pose de la sonde ne pose pas de problème cependant, les soignants sont parfois confrontés à une résistance de la patiente qui assimile cette ré-nutrition à un gavage. Des spécialistes témoignent : « le refus de la prise

pondérale conduit certaines anorexiques à des tentatives de mise en échec des soins (arrêt de la pompe, vidange des poches de nutrition dans les toilettes, par la fenêtre ou dans le matelas...) » (TOURNEMIRE (DE), et all, 2005, p. 46.)232.

Quel que soit le mode de prise en charge dont bénéficie l'anorexique, l'objectif est toujours de l'aider à atteindre un poids normal avant de comprendre les raisons qui ont conduit au déclenchement de l'anorexie. Ainsi, H. BRUCH écrit qu' « une psychothérapie individuelle

n'est que l'un des aspects du traitement dont l'anorexique a besoin [...] un certain rétablissement nutritionnel est indispensable avant qu'on puisse procéder à une exploration psychothérapeutique valable » (BRUCH. H, 1990, p.11.)233.

La nécessité d'une prise en charge psychologique s’impose et dont les modalités sont très variées. Il est important d'évoquer ces différentes thérapies afin de souligner leur diversité mais aussi leurs spécificités.

La Démarche de type analytique (BRUCH. H, 1990, p.229.)234 Ou psychothérapie est considérée par certains thérapeutes comme le meilleur traitement mais relativement difficile à mettre en place. L'anorexique consulte un médecin (psychiatre) ou un psychothérapeute (psychologue, psychanalyste...) qui cherchera à comprendre les raisons inconscientes ou non qui ont déclenché le processus anorexique. Il faut savoir que la démarche analytique varie selon si la personne consultée est un psychanalyste ou un psychiatre, chacun ayant en outre des méthodes différentes. Quelque soit la solution choisie, les bénéfices ne sont pas immédiats et la psychothérapie doit durer au moins deux ans (BRUCH. H, 1990, p.230.)235.

La malade peut également participer à un Groupe de parole qui consiste à réunir des patientes au même stade de la maladie, et qui sont déjà dans une optique de guérison. Elles peuvent ainsi échanger leurs expériences et mieux comprendre leur trouble. Les résultats de

232 TOURNEMIRE (DE), Renaud ; Anima ; AUTRET, Dominique ; HARAT, Omar, Dossier sur « Les Troubles

du Comportement Alimentaire », (Nutrition assistée chez l’adolescent anorexique) dans la revue Soins, n°694,

avril 2005, p. 46.

233 BRUCH. H, 1990, Conversations avec des Anorexiques, Paris, Editions Payot, Collection « Petite Bibliothèque Payot » p.11.

234 Idem. P. 229.

cette thérapie sont mitigés et la mise en place d'un groupe de parole dépend pour beaucoup de la personnalité des patientes (TAESCH, C, 2004, P. 44.)236.

Enfin, L'approche cognitivo-comportementale constitue une dernière possibilité qui s'offre aux patientes. Ce type de thérapie vise à « corriger les raisonnements erronés liés aux

principaux symptômes du trouble » (MOREL, S et all, 2003. P.24.)237. Le thérapeute cherche à identifier les raisons qui ont conduit l'anorexique à adopter un tel comportement pour ensuite modifier « ses comportements mal adaptés » mais contrairement à la thérapie analytique, il n'aborde pas « les conflits psychiques sous-jacents ni la vie fantasmatique » (ALVIN, P, 2001, P.105.)238. Il existe peu d'études prouvant l'efficacité de ces thérapies, notre objectif n'étant pas de toute façon de trancher entre les différentes possibilités existantes. Une étude de P. JEAMMET révèle que sur la population étudiée, « 24% des anorexiques n'ont pas suivi de

psychothérapie et 29% l'ont interrompu avant un an » (CHABROL, H, 1991, p.119.)239.

1. b. L'isolement :

Pendant près d'un siècle, l'isolement a été le traitement thérapeutique privilégié pour soigner l'anorexie. Même si aucune étude n'a mesuré ses impacts réels (GODART. N et all, 2005. P.44)240. D. RIGAUD démontre que les arguments invoqués par les médecins qui utilisent cette thérapie ne sont pas valables (RIGAUD, D, 2003, P.41)241. D'abord, l'isolement repose sur l'idée que la famille est un milieu pathogène or, ce n'est pas en séparant l'adolescente de son entourage que les problèmes familiaux peuvent se résoudre. Les médecins qui recourent à l'isolement semblent oublier qu'une fois l'hospitalisation terminée, la patiente doit retourner vivre dans sa famille. Ensuite, les partisans de l'isolement considèrent que la malade refuse de se soigner, il faut donc l'y contraindre. Cette démarche a pour risque d'entraîner un rapport de force entre la patiente et les soignants au lieu d'instaurer un climat de confiance.

236 TAESCH, Caroline, « Anorexie et Boulimie, expérience d’un groupe de parole » dans la revue Soins

psychiatrie, n°230, JANVIER 2004, P. 44.

237 MOREL, Séverine ; GUYOMARCH, Sarah ; SATORI, Nadine, « Anorexie Mentale et Approche

Cognitivo-Comportementaliste » dans la revue Soins psychiatrie, n° 22, juillet/août 2003. P.24.

238 ALVIN, PATRICK, 2001, Anorexies et Boulimies à l’Adolescence, Paris, Editions Doin, Collection « conduites », P.105.

239 CHABROL, Henri, L’anorexie et la Boulimie de l’Adolescence, Paris, Editions Presses Universitaires de France, Collection « Que sais-je ? », 1991, p.119.

240 GODART Nathalie ; PERDEREAU Fabienne ; AMAN Gilles et JEAMMET Philippe, Dossier sur « les

troubles du Comportement Alimentaires », (La prise en charge thérapeutique, ambulatoire et hospitalière des

TCA) dans la revue Soins, n°694, AVRIL 2005. P.44.

241 RIGAUD, Dossier sur « les troubles du Comportement Alimentaires », (Pour ou contre l’isolement thérapeutique ?) dans la revue Soins, n°694, AVRIL 2005. P.41.

De plus, la peur de grossir panique la malade qui essaie de perdre du poids (ou au moins de ne pas en prendre), ce qui la conduit à adopter des stratégies de dissimulations, et de manipulation.

Enfin, les partisans de l'isolement prétendent que sans contrat de poids, la malade ne peut pas atteindre un objectif pondéral satisfaisant puisqu'elle refuse de grossir. Ce contrat va de pair avec l'isolement : si la patiente respecte les objectifs de poids fixés, elle obtient le droit de téléphoner, de recevoir une visite... D. RIGAUD pense que cette « méthode [est] vide de

sens » (RIGAUD, D, 2003, P.215)242 car la plupart des malades se résignent à manger afin d'obtenir le droit de sortir mais rechutent peu de temps après.

La reprise de poids est illusoire et n'entraîne aucune amélioration psychique alors que l'anorexie est avant tout une maladie mentale. Il s'insurge contre cette pratique qui coupe la patiente du monde extérieur. En effet, au cours de la maladie, la jeune fille s'isole jusqu'à perdre toute vie sociale. Un des objectifs de la guérison est de lui apprendre à renouer des liens avec les autres.

En ce sens, l'isolement est une aberration totale : il prive la malade de contacts alors que ce sont justement les liens avec les autres qui lui font défaut. T. VINCENT pointe un dernier inconvénient posé par l'isolement : les parents peuvent vivre cette séparation comme une sanction, pour ne pas avoir réussi à sortir leur enfant de la maladie, voire à ne pas l'avoir soupçonnée (VINCENT, 2000, p 36.)243.

Suivait l'énumération de ce à quoi elle avait droit quand elle prenait du poids. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres mais nombreux sont les livres de jeunes anorexiques qui témoignent d'un traitement similaire. La littérature scientifique diverge sur la question de la pratique de l'isolement : certains médecins comme D. RIGAUD affirment que ce mode de prise en charge existe encore tandis que d'autres prétendent que ce traitement est maintenant dépassé et qu'il est très rarement utilisé dans les hôpitaux.

Cependant, quand il est encore pratiqué, l'isolement n'est plus conçu comme une fin mais comme un moyen. Il s'inscrit dans une prise en charge plus globale comme en témoigne P. JEAMMET : « Les conditions de l'hospitalisation pour anorexie mentale à l'adolescence sont

actuellement le centre d'une polémique médiatique considérable sur laquelle nous ne pouvons rester silencieux. Nous hospitalisons les sujets anorexiques avec un contrat de poids incluant

242 RIGAUD, DANIEL, 2003, Anorexie, Boulimie et compulsions- Les Troubles du Comportement Alimentaire, Paris, Editions Marabout, P.215.

une période de séparation d'avec leur milieu habituel de vie, ce qui est actuellement bruyamment décrié et, à tort, qualifié « d'isolement » ou de « parentectomie » par les détracteurs de cette méthode » (GODART. N et all, 2005. P.43.)244.

Le professeur P. JEAMMET explique qu'historiquement l'isolement était un isolement « familial et sensoriel » de la malade, alors qu'aujourd'hui il s'agit plutôt d'une séparation. La patiente n'est pas enfermée dans sa chambre mais participe à des « activités de médiation » animées par des ergothérapeutes, des psychologues, des psychomotriciens... Une prise en charge au plan « psychique, somatique et nutritionnel » est mise en place, ce qui diffère de l'isolement tel qu'il était pratiqué au XIXème siècle. P. JEAMMET utilise le terme de « contrat

de soins » pour qualifier cette séparation, un terme qui met en évidence que l'objectif

recherché n'est plus uniquement une reprise de poids. Selon lui, « ce type de soins » serait « la

pratique de référence en France, même s'il est contesté par certains » (GODART N et all,

2005. P.44.)245.

Toujours dans le même ordre d’idée GIRARD (cité par MARCELLI et BRACONNIER. 2000. p 162)246, insiste sur les « buts limités et précis de l’hospitalisation, avec un contrat

incluant un poids de sortie en général retenu :

- Arrêter la chute pondérale, interrompre l’aggravation des comportements réactionnels familiaux ;

- Démontrer la réversibilité possible de la pathologie somatique par l’abord psychologique ;

- Inscrire l’hospitalisation dans l’ensemble d’un projet thérapeutique dont la psychothérapie reste l’élément majeur ;

- Enfin si nécessaire traiter un état dépressif secondaire. ».

L’hospitalisation dure en moyenne entre 3 et 6 mois, cette durée dépend à l’évidence du rythme de la reprise pondérale.