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2.4 Comparaison géométrique des deux notions de normalisation

3.1.2 Une troisième description des K i

Soit le système polynomial triangulaire régulier (très simple) dans Q[X1] suivant :

n X12;2 = 0 L'anneau K1 est déni par :

K1 =Frac Q[X1]

hX12;2i

!

= Q[X1]

hX12;2i

D'après le chapitre précédent, ce système peut aussi s'interpréter en termes de chaînes régulières. Ainsi, on considère la chaîne régulièreR =fX12;2gdans Q[X1]. L'ensemble des zéros réguliers de R est égal à :

RZ1(R) =f;p2;p2g et l'idéal hX12;2i de Q[X1] est donc représenté par R.

Ces deux points de vue étant équivalents, on peut alors se demander si cela se traduit aussi au niveau des objets algébriques construits à partir de chacun d'entre eux. Ainsi, est-il possible de caractériser l'anneauK1 en termes de zéros réguliers deR? Les zéros réguliers ;p2 et p2 de R sont des zéros génériques de l'idéal hX12 ;2i. D'après les théorèmes 2.1.1 et 2.1.2, on en déduit les isomorphismes :

Q(;p2)' Q[X1]

hX12;2i et Q(p2)' Q[X1]

hX12;2i

Ainsi, l'anneau K1 est isomorphe aux anneaux Q(;p2) et Q(p2). Or, on souhaiterait obtenir un isomorphisme canonique. L'idée est simplement de ne pas distinguer ;p2 et p2 puisque ce sont deux zéros génériques d'un même idéal. L'anneau K1 est donc isomorphe à Q(a) où a est l'un des deux zéros réguliers de R.

Le but de cette section est de généraliser cette idée. Pour ce faire, on introduit tout d'abord la notion de zéro générique d'une chaîne régulière (dénition 3.1.2). Ce con-cept est directement inspiré de l'exemple précédent : il s'agit de ne pas distinguer les zéros réguliers qui sont zéros génériques d'un même idéal premier. Trois isomorphismes viennent alors compléter le diagramme commutatif obtenu dans le théorème 1.1.1. On en déduit nalement une caractérisation des anneaux Ki(0 i n) d'un système polynomial triangulaire sans carré dans Pn en termes de zéros génériques d'une chaîne régulière (théorème 3.1.2).

On rappelle, tout d'abord, une notation prise page 70. Etant donné un pointdeKf0n, on note P l'idéal premier de Pn dont est le zéro générique (à isomorphisme près).

Soit R une chaîne régulière dans Pn. Pour tout 1 i n, on considère la relation suivante sur l'ensemble RZi(R) :

8a;b 2RZi(R);ab ,Pa =Pb:

Celle-ci constitue clairement une relation d'équivalence dans RZi(R): Cela motive la dénition suivante.

Propriété de sans carré 103

Dénition 3.1.2

Soientn 2IN? etR une chaîne régulière dans Pn. Si n = 0 alors on pose :

Gen0(R) =RZ0(R) = f;g:

Si n est non nul alors, pour tout 1 i n, on dénit un ensemble Geni(R), appelé l'ensemble des zéros génériques de R\Pi, égal à l'ensemble RZi(R) quotienté par la relation d'équivalence :

Geni(R) = RZi(R)

L'intérêt majeur des zéros génériques d'une chaîne régulière est résumé dans le lemme suivant.

Lemme 3.1.2

Soient R une chaîne régulière dans Pn et i un entier i compris entre 1 et n. A tout idéal de APIi(R) correspond un élément et un seul de Geni(R) qui est son zéro générique.

Preuve. Immédiate par dénition des ensemblesAPIi(R) et Geni(R) (1in).

Cette notion permet de donner très facilement une interprétation géométrique de la condition de sans carré. En eet, soient ffj = 0gj2E un système polynomial triangu-laire sans carré dans Pn et un entieri compris entre 1 et n. D'après le corollaire 3.1.2, une décomposition minimale de la variété algébriqueV(keri) en variétés irréductibles [15, dénition 3 p.204] est :

V(keri) = [

P2APIi(R)V(P)

(où R dénote la chaîne régulière ffjgj2E). Par suite, en utilisant le lemme 3.1.2, cette décomposition peut encore s'écrire :

V(keri) = [

a2Geni(R)V(Pa):

D'autre part, d'après la proposition 3.1.1 et par dénition des zéros d'une chaîne régulière, la condition de sans carré du système ffj = 0gj2E est équivalente à :

8j 2E;8a2Genj;1(R);DiscXj(fj)(a)6= 0:

D'après l'égalité précédente, on en déduit alors que la condition de sans carré du sys-tème ffj = 0gj2E doit être seulement vériée pour tout j 2E, en jGenj;1(R)jpoints (un point pour chaque composante irréductible de V(kerj;1)). Ainsi, la condition de sans carré des systèmes polynomiaux triangulaires est de nature générique.

Notation. Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire régulier dans Pn. Pour tout 0 i n, pour tout a 2 Geni(ffjgj2E) et pour tout polynôme g de Pi, on note gPa la classe de g dans l'anneau Pi

Pa De plus, par la suite, la chaîne régulière

ffjgj2E est notée plus simplement R.

104 Propriété de sans carré

Lemme 3.1.3

Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire régulier dansPn. Alors, pour tout 0in, il existe un isomorphisme d'anneaux :

Y

de zéro générique a. D'après le théorème 2.1.2, il existe un isomorphisme : FracPi Le résultat est alors immédiat.

La proposition suivante combinée avec le lemme précédent permet de donner une de-scription en termes mi-algébriques, mi-géométriques des anneaux Ki (théorème 3.1.2).

Il faut noter par ailleurs que P. Aubry a démontré un résultat analogue dans le contexte des chaînes régulières [5, théorème 4.4.14 p.59].

Notation. Etant donné un système polynomial triangulaire régulier dans Pn, on désigne, pour tout 0 i n, par ri la projection de Pi sur Pi

pkeri Cette no-tation fut adoptée dans le contexte constructible, elle reste pertinente dans le cadre polynomial d'après les théorèmes 1.1.2 et 1.2.2.

Proposition 3.1.4

Soitffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire régulier dans Pn. Pour tout 0in, il existe un isomorphisme d'anneaux : corollaire 2.2.2, la proposition 2.2.2 et le lemme 3.1.2, l'ensemble des idéaux premiers

Propriété de sans carré 105 associés à pkeri est égal à :

Ass(qkeri) =fPaga2Geni(R)

où R désigne la chaîne régulière ffjgj2E. De plus, les idéaux Pa ont tous même di-mension (corollaire 2.2.2). En particulier, cela implique, en utilisant [38, exercice 17 p.134] et [2, proposition 4.6 p.52], que l'ensemble des idéaux premiers minimaux [45, dénition p.68] de l'anneau noethérien Pi

pkeri est précisément fri(Pa)ga2Geni(R). Cet anneau étant clairement réduit, le résultat est une simple application du théorème C.3.3 et de [70, corollaire p.144].

On peut alors énoncer le résultat escompté qui généralise le phénomène observé sur l'exemple de l'introduction de cette section. Les anneaux Ki(0in) associés à un système polynomial triangulaire sans carré ffj = 0gj2E de Pn peuvent se décrire en termes de zéros génériques de la chaîne régulière R =ffjgj2E.

Théorème 3.1.2

Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire sans carré dans Pn. Pour tout 0in, il existe un isomorphisme d'anneaux !i :

Ki !i

'

Y

a2Geni(ffjgj2E)K0(a) déni par :

!i =ii;1i ;

i est l'isomorphisme mis en évidence dans le théorème 1.1.1.

Preuve. Le cas i = 0 est trivial (car, par dénition, l'ensemble Gen0(ffjgj2E) est égal à f;g). Soit un entier i compris entre 1 et n. Sous l'hypothèse sans carré, l'idéal keri est radical. Le résultat est alors une simple conséquence des deux propositions précédentes et du théorème 1.1.1.

Remarque. Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire sans carré dans Pn. Le théorème précédent peut aussi s'énoncer de la manière suivante. Pour tout 1 i n, les anneaux Ki sont isomorphes au produit des corps des zéros (dénition 2.1.1) des idéaux premiers de APIi(R), donc de Ass(keri) (par dénition des ensembles Geni(R)).

Etant donné un système polynomial triangulaire sans carré ffj = 0gj2E dans Pn, on peut dès lors compléter, pour tout 0 i n, le diagramme commutatif obtenu dans le théorème 1.1.1 en y ajoutant les isomorphismes i, i et!i.

Corollaire 3.1.3

Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire sans carré dans Pn. Pour tout 0 i n, on a le diagramme commutatif suivant (où R désigne

106 Propriété de sans carré

Preuve. Le diagramme est une simple application du lemme 3.1.3, de la proposition 3.1.4 et des théorèmes 1.1.1 et 3.1.2. De plus, soient un entier i compris entre 0 etn et un polynôme f 2Pi. Puisque le diagramme est commutatif, l'image de f par (!ii)

Par suite, par dénition des homomorphismes i et i, on obtient : (!ii)(f) = i((fPa)a2Geni(R))

= (f(a))a2Geni(R): Ce qu'il fallait montrer.