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Caractérisation des noyaux des homomorphismes i

1.1 Normalisation polynomiale

1.1.3 Caractérisation des noyaux des homomorphismes i

Etant donné un système polynomial triangulaire régulier ffj = 0gj2E dans Pn, la section précédente a permis de dégager le rôle important joué par les noyaux des homomorphismes i(1in). Le problème est qu'on ne dispose pas d'une dénition constructive de ces idéaux. Ainsi, pour tout 1 i n, on aimerait dénir les noyaux des i uniquement à partir des polynômes ffjgj2Ei. D'après la proposition 1.1.1, on sait simplement que l'idéal de Pi engendré par les polynômes ffjgj2Ei est inclus dans keri (1i n). Or, si on considère le système polynomial triangulaire régulier (et normalisé) suivant dans Q[X1;X2;X3] :

( X1X3+X2 = 0 X22+X1 = 0 L'inclusion :

hf2;f3iker3 est dans ce cas stricte (voir exemple page 36).

On peut alors se demander s'il existe un lien entre les noyaux des homomorphismes i

et les idéaux de Pi engendrés par les polynômes ffjgj2Ei (1in). Dans ce but, on donne une première caractérisation des éléments dekerien terme de pseudo-divisions (lemme 1.1.14). Ce résultat permet alors de répondre à notre question. Ainsi, étant donné un système polynomial triangulaire régulier ffj = 0gj2E dans Pn, le théorème 1.1.2 montre notamment que le noyau des i est égal au saturé (dénition C.4.2) de l'idéal hfjij2Ei par rapport au produit des coecients dominants des polynômes

ffjgj2Ei (1in).

On débute cette section par quelques rappels sur la pseudo-division.

Dénition 1.1.7

[56, dénition 5.2.1 p.169] Soient k un corps, deux polynômes non nuls f et g de k[T] respectivement de degré n et m. Notons d = max(m;n+ 1;0): Alors, il existe deux polynômes q et r dans k[T] tels que :

lc(f)dg =qf +r; avec deg(r)< deg(f):

Les polynômes q et r sont respectivement appelés le pseudo-quotient et le pseudo-reste de la pseudo-division deg par f.

On note : r = prem(g;f;T):

Exemple. Soient g(T) =T3;T etf(T) = 2T2;1 deux polynômes de Q[T]. Alorsd est égal à 2 et la pseudo-division s'écrit :

22g(T) = 2Tf(T);2T:

Remarque. Avec les notations de la dénition ci-dessus, sideg(g)< deg(f) alorsq= 0 et r=g.

32 Propriété de normalisation

Proposition 1.1.4

[56, théorème 5.2.2 p.170] Soient ffj = 0gj2E un système poly-nomial triangulaire faible dans Pn et g un polynôme de Pn. SiE =fi1;i2;:::;isg avec i1 < i2 < < is alors on construit une suite frkg0ks de polynômes de Pn par le processus suivant :

rs = g

rs;1 = prem(rs;fis;Xis) ...r0 = prem(r1;fi1;Xi1)

Le polynôme r0 de Pn est appelé le pseudo-reste généralisé de g par rapport aux poly nômes ffjgj2E et est noté :

r0 = prem(g;ffjgj2E):

Enn, il existe des entiers naturels d1;:::;ds et des polynômes q1;:::;qs de Pn tels que :

1. lc(fi1)d1:::lc(fis)dsg =q1fi1++qsfis +r0; 2. 81k s;degXik(r0)< deg(fik):

Remarque. Avec les notations du théorème ci-dessus, si pour tout 1ks : degXik(g)< deg(fik)

alors, en particulier, le pseudo-reste généralisé r0 est égal à g.

Etant donné un système polynomial triangulaire régulier ffj = 0gj2E dansPn, l'objet des lemmes suivants est d'esquisser une première caractérisation des éléments du noyau des homomorphismes i(1in).

Remarque. An de ne pas alourdir inutilement les notations (et à l'exemple de la section précédente), étant donné un système polynomial triangulaire normalisé ffj = 0gj2EdansPn, les injections deKi;1[Xi] et de Ki;1[Xi]

hi;1[Xi](fi)i dans leurs anneaux totaux de fractions respectifs seront toutes deux notées par la suite inji (1in).

Lemme 1.1.11

Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire faible dans Pn. Soient un entier j 2E et g un polynôme de Pj tel que :

degXj(j;1[Xj](g))< degXj(j;1[Xj](fj)): Alors le polynôme g vérie :

g 2kerj ,g 2ker(j;1[Xj]):

Preuve. L'entier j appartenant à E, l'homomorphisme j est égal à : j =injj jj;1[Xj]:

Propriété de normalisation 33 L'homomorphisme injj étant injectif, on obtient la suite d'équivalences :

j(g) = 0 , j(j;1[Xj](g)) = 0;

, j;1[Xj](g)2hj;1[Xj](fj)iKj;1[Xj]:

Or, par hypothèse, cela n'est possible que si j;1[Xj](g) est nul. D'où le résultat.

Lemme 1.1.12

Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire régulier dans Pn. Alors pour tout j 2E et pour tout polynôme g 2Pj :

g 2kerj ,prem(g;fj;Xj)2kerj:

Preuve. Soient j dans E, un polynôme g de Pj etr le pseudo-reste de la division de g par fj. Il existe un entier naturel et un polynôme h de Pj tels que l'on ait :

lc(fj)g =hfj+r:

Ce qui implique d'après la proposition 1.1.1 :

j(lc(fj))j(g) = j(r):

Ainsi, si g 2kerj alors le polynôme r est un élément de kerj. Réciproquement, si r 2kerj alors :

j(lc(fj))j(g) = 0

Le système polynomial triangulaire étant régulier, le résultat est alors immédiat.

Lemme 1.1.13

Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire régulier dans Pn. Alors pour tout j 2E et pour tout g 2Pn :

degXj(j;1[Xj](prem(g;ffjgj2E)))< degXj(j;1[Xj](fj)):

Preuve. Soient g un polynôme dePn etr le pseudo-reste généralisé deg par rapport aux polynômes ffjgj2E. Pour tout j dans E, on a les trois points suivants :

8

>

<

>

:

degXj(j;1[Xj](r))degXj(r);

degXj(r)< deg(fj);

deg(fj) =degXj(j;1[Xj](fj)):

Le premier point est évident, le deuxième découle de la dénition de r et le troisième est une application du lemme 1.1.2. On en déduit alors l'inégalité souhaitée.

Etant donné un système polynomial triangulaire régulier ffj = 0gj2E dans Pn, le résultat suivant fournit une condition nécessaire que doit vérier un polynôme de Pi

pour appartenir aux idéaux keri(1 i n). Il sera montré dans le théorème 1.1.2 que cette condition est aussi susante.

Lemme 1.1.14

Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire régulier dans Pn. Alors pour tout 1in :

8g 2keri; prem(g;ffjgj2Ei) = 0:

34 Propriété de normalisation Preuve. Soient i un entier (1in) etg un polynôme de Pi appartenant au noyau de i. Il s'agit de montrer que le pseudo-reste généralisé r de la division de g par les polynômes ffjgj2Ei est égal à zéro. Il est clair que c'est aussi un élément du noyau de i (il sut d'appliquer récursivement le lemme 1.1.12). D'autre part, la propriété fondamentale de r est :

8j 2Ei;degXj(r)< deg(fj): (1.1) Montrons par une récurrence descendante que r appartient à ker(0[X1;:::;Xi]).

Sii62E, il sut d'appliquer le lemme 1.1.8 pour montrer quer2ker(i;1[Xi]). Dans le cas contraire, d'après le lemme précédent, on a l'inégalité :

degXi(i;1[Xi](r))< degXi(i;1[Xi](fi)):

Il sut alors d'appliquer le lemme 1.1.11 pour conclure. Ce qui prouve l'initialisation de la récurrence.

Soit kun entier (1k i;1). On suppose quer appartient àker(k[Xk+1;:::;Xi]).

Il s'agit de montrer que r appartient alors à ker(k;1[Xk;:::;Xi]): Le cas k 62E est une conséquence directe du lemme 1.1.8. Si k 2E alors k est égal à :

k =injkkk;1[Xk]: On écrit r sous la forme :

r=X

S(X1;:::;Xk)Xk+1k +1:::Xii;

où lessont desk-uplets d'entiers et lesSsont des éléments dekerk par hypothèse.

D'après (1.1), pour tout , les polynômes S vérient : degXk(S)degXk(r)< deg(fk):

Par suite, le système polynomial triangulaire étant régulier, on obtient pour tout : degXk(S)< degXk(k;1[Xk](fk)):

Pour tout , on en déduit alors les inégalités :

degXk(k;1[Xk](S))< degXk(k;1[Xk](fk)): Il sut alors d'appliquer le lemme 1.1.11 pour conclure.

D'autre part, le noyau de 0[X1;:::;Xi] est égal à l'idéal h0i de Pi par dénition de 0. Le polynômer est donc identiquement nul. Ce qu'il fallait montrer.

Remarque. Si on reprend attentivement les preuves des résultats de cette section, il est facile de vérier que les lemmes 1.1.12 et 1.1.13 sont des conséquences de la propriété de régularité. Ainsi, le lemme précédent découle directement des lemmes 1.1.8, 1.1.11 et de la propriété de régularité. Cette remarque trouvera son utilité dans la section suivante (précisément dans le paragraphe 1.2.3).

Propriété de normalisation 35 Notation. Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire faible dans Pn. Pour tout 1in, on notehile produit des coecients dominants des polynômesffjgj2Ei :

hi = Y

j2Eilc(fj):

De plus, pour tout 1 i n, on note Ji l'idéal de Pi engendré par les polynômes

ffjgj2Ei. Par convention, pour tout 1in, siEi =; alors Ji est l'idéal nul de Pi. On peut dès lors donner une caractérisation des éléments du noyau des i (1in) qui utilise uniquement les polynômes du système polynomial triangulaire régulier dans Pn. On peut noter qu'on retrouve, sous une autre forme, un résultat de [57, propositions III.18, III.19 p.105,106] ainsi qu'une version faible de [5, théorème 4.6.1 p.64].

Théorème 1.1.2

Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire régulier dans Pn. Alors pour tout 1in :

keri =Ji :h1i =fg 2Pi; prem(g;ffjgj2Ei) = 0g

Ji :h1i est le saturé de l'idéal Ji par rapport au polynôme hi (dénition C.4.2).

Preuve. Soit un entieri(1in). Le lemme 1.1.14 établit l'inclusion : keri fg 2Pi; prem(g;ffjgj2Ei) = 0g:

Soit u un polynôme de Pi vériant la relation :

prem(u;ffjgj2Ei) = 0: Par suite, il existe des entiers naturels fjgj2Ei tels que :

0

@ Y

j2Eilc(fj)j

1

Au2Ji:

Si désigne le maximum des j, on déduit alors de la relation précédente :

0

@ Y

j2Eilc(fj)

1

Au=

0

@ Y

j2Eilc(fj)

1

A

u=hiu2Ji:

Par conséquent, il existe un entier naturel tel que le produit hiu appartienne à Ji. Autrement dit, le polynôme u est un élément de Ji :h1i . On a donc mis en évidence la seconde inclusion :

fg 2Pi; prem(g;ffjgj2Ei) = 0gJi :h1i :

Enn, soit v un polynôme de Ji : h1i . Par dénition, il existe un entier naturel tel que :

hiv 2Ji:

36 Propriété de normalisation Par suite, d'après la proposition 1.1.1, on en déduit l'égalité :

i(hiv) = i(hi)i(v) = 0:

Or, pour toutj 2Ei, l'image delc(fj) par j;1 est inversible dansKj;1 par dénition.

D'après le lemme 1.1.4, pour tout j 2 Ei, cela implique que i(lc(fj)) est inversible dans Ki et donc :

i(hi) = Y

j2Eii(lc(fj))2K?i: On déduit alors de l'égalité précédente la troisième inclusion :

Ji :h1i keri: D'où le résultat.

Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire régulier dans Pn. Pour tout 0in, le théorème 1.1.1 a mis en évidence l'isomorphisme :

Frac Pn

Jn :h1n

!

'Kn:

Il est alors intéressant de faire le lien avec la notion de régularité introduite par P. Aubry [5, dénition 4.3.3 p.50] qui peut s'énoncer ainsi.

Dénition 1.1.8

Un système polynomial triangulaire faibleffj = 0gj2E dans Pn est régulier au sens de P. Aubry si pour tout j 2E :

pj;1(lc(fj))62Div Pj;1

Jj;1 :h1j;1

!

Ainsi, d'après le lemme C.3.7 et les théorèmes 1.1.1 et 1.1.2, un système polynomial tri-angulaire régulier dansPnest aussi régulier au sens de P. Aubry. De plus, en raisonnant par récurrence surn à l'aide des deux théorèmes de cette section, il est facile de vérier que la réciproque est vraie. Ainsi, les deux notions de régularité sont équivalentes. Par ailleurs, il faut noter que P. Aubry [5] étudie les systèmes polynomiaux triangulaires réguliers sans introduire les anneaux Ki(0in).

Exemple. On reprend le système polynomial triangulaire normalisé considéré dans l'introduction de cette section, à savoir :

( X1X3+X2 = 0 X22+X1 = 0

D'après le théorème précédent, le noyau de l'homomorphisme 3 est égal à : ker3 =hX1X3 +X2; X22+X1i:X11:

On déduit alors de [15, exercice 9 p.196] une autre expression de l'idéal ker3 : ker3 =hX1X3+X2; X22+X1;1;X1Ti\Q[X1;X2;X3;T]:

Propriété de normalisation 37 Or, une base de Gröbner [15, dénition 5 p.76] de l'idéal :

hX1X3+X2; X22+X1; 1;X1Ti

pour l'ordre lexicographique [15, dénition 3 p.55] avec X1 < X2 < X3 < T est :

fX1X3+X2; X22+X1; X2X3;1; T +X32g: Par suite, d'après [15, théorème 2 p.114], on obtient :

ker3 =hX1X3+X2; X22+X1; X2X3;1i:

En particulier, on peut alors appliquer le théorème 1.1.1 et ainsi établir le diagramme commutatif suivant :

Q[X1;X2;X3]

p3

3

//K3

Q[X1;X2;X3]

hX1X3+X2; X22+X1; X2X3;1i can3//Frac Q[X1;X2;X3]

hX1X3+X2; X22+X1; X2X3;1i

!

3

'

OO

Remarque. Il faut noter que la démonstration du théorème précédent utilise simple-ment deux ingrédients :

la propriété de régularité (le fait que pour tout 1 in, l'image du polynôme hi par i est inversible dans Ki en est une conséquence directe);

le lemme 1.1.14.

On reviendra sur ce point dans le paragraphe 1.2.3.