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1.1 Normalisation polynomiale

1.1.1 Premières propriétés

Cette section constitue en quelque sorte une introduction aux systèmes polynomiaux triangulaires normalisés. Un des résultats principaux (proposition 1.1.2) montre que la notion de régularité de M. Moreno Maza est plus faible que la propriété de normalisation de D. Lazard (corollaire 1.1.1). Ainsi, les résultats fondamentaux de cette section, énoncés sous l'hypothèse de régularité, restent valables dans le cadre plus restreint des systèmes polynomiaux triangulaires normalisés.

Notations.

Soit K0 un corps commutatif de caractéristique nulle. On note P0 le corps K0 et pour toutientier naturel non nul, on notePi l'anneauK0[X1;:::;Xi]. Soitf un polynôme appartenant à Pi mais pas à Pi;1, on dénit :

la variable principale de f comme étant Xi; l'indice de f, noté ind(f), égal à i;

le degré de f, notédeg(f), comme étant le degré de f en Xi;

le coecient de tête def, notélc(f), égal au coecient deXideg(f) dans Pi;1[Xi];

on a lc(f)2Pi;1;

la jème itérée de la fonction lc appliquée à f, notée lcj(f) (avec par convention lc0(f) =f).

Remarque. Par la suite, lorsqu'une dénition ou une propriété fera appel à la jème itérée de la fonction lc appliquée à un polynôme f, ce sera implicitement sous réserve que celle-ci soit bien dénie.

Exemple. Soient K0 = Q et :

f(X1;X2;X3) = (X1X22+X12)X32+ 1

un polynôme de P3. Alors par dénition la variable principale de f est X3 et :

8

>

<

>

:

ind(f) = 3;

deg(f) = 2;

lc(f) = (X1X22+X12);lc2(f) =X1:

Dénition 1.1.1

Soient n 2IN? et E un sous-ensemble 1 de f1;:::;ng. Un système polynomial triangulaire faible dans Pn est un ensemble ffj = 0gj2E où pour tout j 2E, le polynôme fj vérie :

ind(fj) =j:

En particulier, les polynômes d'un tel système sont donc de degrés strictement positifs (i.e. non constants).

Notation. Soit T =ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire faible dans Pn.

1Par la suite, sauf mention contraire, l'ensemble Esera supposé non vide.

Propriété de normalisation 17 Si E =fm1;:::;mrg avec m1 < m2 < ::: < mr alors on écrit en pratique le système T sous la forme :

T =

8

>

>

<

>

>

:

fmr = 0 ...fm1 = 0

Dénition 1.1.2

Soient ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire faible dans Pn et i un entier (1in). Si i2E, la variableXi est dite algébrique; dans le cas contraire, elle est dite transcendante.

Ainsi, si on considère le système polynomial triangulaire faible (très simple) dans P3 (avec K0 = Q) :

n (X1X22+X12)X32+ 1 = 0

alors la variableX3 est algébrique tandis que les variablesX1etX2 sont transcendantes.

Remarque. Dans la dénition suivante, on utilise implicitement [38, théorème 4.4 (ii) p.144] : si A est un anneau alors l'homomorphisme canonique :

A //Frac(A) a // a

1 est injectif.

Dénition 1.1.3

Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire faible dans Pn. On note 0 l'homomorphisme identité du corps K0 sur lui-même. Pour tout entier i(1in), on dénit récursivement un anneau Ki et un homomorphisme d'anneaux i :Pi !Ki de la manière suivante :

si i62E, on pose :

Ki =Frac(Ki;1[Xi]) et i =injii;1[Xi]; où inji est l'injection canonique de Ki;1[Xi] dans Frac(Ki;1[Xi]);

Pi =Pi;1[Xi]

i;1 [Xi//]

i

99Ki;1[Xi]  inji //Ki =Frac(Ki;1[Xi])

si i2E, on pose :

Ki =Frac Ki;1[Xi]

hi;1[Xi](fi)i

!

et i =inji0ii;1[Xi];

18 Propriété de normalisation où i est la projection deKi;1[Xi] sur Ki;1[Xi]

hi;1[Xi](fi)i etinji0 est l'injection canon-ique de Ki;1[Xi]

hi;1[Xi](fi)i dans son anneau total des fractions.

Pi =Pi;1[Xi]

i;1 [Xi//]

i

44

Ki;1[Xi] i //// Ki;1[Xi]

hi;1[Xi](fi)i  inj

0

i //Ki =Frac Ki;1[Xi]

hi;1[Xi](fi)i

!

Exemple. On reprend l'exemple précédent. L'entier 1 n'est pas dans E = f3g donc l'anneau K1 est égal à :

K1 = Q(X1)

et 1est l'injection canonique de Q[X1] dans Q(X1). De même, puisque 262E, l'anneau K2 est égal à :

K2 =Frac(K1[X2]) = Q(X1;X2)

et 2 est l'injection canonique de Q[X1;X2] dans Q(X1;X2). En revanche, l'entier 3 est dans E. La dénition de K3 est donc :

K3 =Frac K2[X3]

h2[X3](f3)i

!

=Frac Q(X1;X2)[X3]

h(X1X22+X12)X32+ 1i

!

et l'homomorphisme 3 est égal à :

3 =inj30 32[X3] où 3 est la projection deK2[X3] sur K2[X3]

h2[X3](f3)i etinj30 est l'injection canonique de ce dernier dans son anneau total des fractions.

Etant donné un système polynomial triangulaire faible dansPn, pour tout 1in, on note respectivementcanKi;1 etcanPi;1 les inclusions canoniques deKi;1 dansKi;1[Xi] et dePi;1dansPi;1[Xi]. De plus, pour tout 1in, on introduit un homomorphisme i :Ki;1 !Ki déni par :

( i =injicanKi;1 si i62E i =inji0icanKi;1 si i2E

Propriété de normalisation 19 Alors, pour tout 1 in, on construit le diagramme commutatif suivant :

Notation. Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire faible dans Pn. Pour tout entier 1in, on note Ei l'ensemble :

E \f1;:::;ig:

Etant donné un système polynomial triangulaire faibleffj = 0gj2E dansPn, la propo-sition suivante précise une idée intuitive : pour tout 1in, les polynômesffjgj2Ei

sont des éléments du noyau de i.

Proposition 1.1.1

Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire faible dans Pn. Pour tout 1in et pour tout j 2Ei :

On peut alors dénir la notion de normalisation introduite par D. Lazard dans [47].

Dénition 1.1.4

Un système polynomial triangulaire normalisé dans Pn est un sys tème polynomial triangulaire faible ffj = 0gj2E dans Pn vériant pour tout j 2E :

8 2IN?;ind(lc(fj))62E:

Notre petit système polynomial triangulaire est bien normalisé. En eet, l'indice de lc(f) =X1X22+X12 est 2, celui de lc2(f) = X1 est 1 et ni 1, ni 2 n'appartiennent àE. Ainsi, il est visiblement très facile de vérier en pratique si un système polynomial triangulaire faible est normalisé ou pas. On pourrait donc se contenter de garder la dénition de la normalisation sous cette forme. Cependant, elle est dicilement ex-ploitable si on souhaite étudier les propriétés des systèmes polynomiaux triangulaires normalisés. D'où l'intérêt de chercher une autre caractérisation de la normalisation.

Dans ce but, on dénit les ensembles de polynômes suivants.

20 Propriété de normalisation

Dénition 1.1.5

Soitn 2IN? et E un sous-ensemble def1;:::;ng. On pose U0(E) = K0?. Pour tout entieri(1in), on dénit un sous-ensembleUi(E) de Pi par :

Ui(E) =fu 2Pi;f0g;82IN;ind(lc(u))62Eg

où, par convention, la 0ème itérée de lc(u) est égale à u et l'indice d'un élément de K0 est égal à 0.

Remarque. Soient i un entier (1in), un sous-ensemble E de f1;:::;ng etu un élément de Ui(E). Alors, le polynôme lc(u) est un élément de Ui;1(E). En eet, par dénition :

lc(u)2Ui(E)\Pi;1 =Ui;1(E):

Le lemme suivant fait le lien entre les ensembles Ui(E) et la dénition 1.1.4.

Lemme 1.1.1

Un système polynomial triangulaire faible ffj = 0gj2E dans Pn est normalisé si et seulement si la condition suivante est vériée pour tout j 2E :

lc(fj)2Uj;1(E):

Preuve. En eet, étant donné j dans E, on a la suite d'équivalences : lc(fj)2Uj;1(E) , 82IN;ind(lc(lc(fj)))62E;

, 82IN;ind(lc+1(fj))62E;

, 82IN?;ind(lc(fj))62E:

On retrouve donc bien la dénition 1.1.4.

Notation. Par la suite, les ensembles Ui(E) (1 i n) seront toujours dénis à partir de l'ensemble E des indices des variables algébriques d'un système polynomial triangulaire faible dans Pn. Par conséquent, ils seront notés plus simplement Ui(1 in).

Dans [57], M. Moreno Maza introduit une notion voisine de normalisation appelée régularité, qui s'énonce, dans notre contexte, de la manière suivante.

Dénition 1.1.6

Un système polynomial triangulaire faibleffj = 0gj2E dans Pn est régulier si pour tout j 2E :

j;1(lc(fj))2K?j;1:

Remarque. Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire régulier dans Pn. Il est facile de vérier que pour tout j 2E (se reporter à la n du chapitre A) :

Kj;1[Xj]

hj;1[Xj](fj)i 'Frac Kj;1[Xj]

hj;1[Xj](fj)i

!

Sous l'hypothèse de régularité, les homomorphismes injj0 (j 2 E) sont donc des bijec-tions. Ainsi, dans l'exemple précédent :

n (X1X22+X12)X32+ 1 = 0

Propriété de normalisation 21 le système polynomial triangulaire faible étant clairement régulier, l'homomorphisme inj30 est simplement l'identité.

Le résultat suivant, très utile par la suite, est une conséquence immédiate de la propriété de régularité.

Lemme 1.1.2

Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire régulier dans Pn. Alors, pour tout j 2 E, l'homomorphisme j;1[Xj] laisse invariant le degré du

Le système polynomial triangulaire faible T n'est pas régulier. De plus, l'anneau K2 est égal à :

Ainsi, l'anneau K2 est clairement isomorphe à : K2 'Frac Q[X2]

h;1i

!

'f0g: L'anneau K2 est donc réduit àf0g!

La propriété de régularité des systèmes polynomiaux triangulaires faibles permet, en particulier, d'éviter les situations de ce type comme le montre le lemme suivant. On rappelle qu'un anneau est dit unitaire s'il possède un élément neutre pour la multipli-cation, distinct de 0 (dénition C.1.1).

Lemme 1.1.3

Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire régulier dansPn. Alors, pour tout 0in, l'anneau Ki est unitaire.

Preuve. Il sut de raisonner par récurrence sur i(0in) en utilisant les lemmes C.1.1 et 1.1.2 pour conclure.

Le lemme technique suivant interviendra à de nombreuses reprises par la suite.

Lemme 1.1.4

Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire régulier dansPn. Etant donnés un polynôme g d'indice i(1 i n) et un entier k avec i k n, on a l'implication :

(i(g)2K?i))(k(g)2K?k):

22 Propriété de normalisation Preuve. Par dénition, l'image deg par k est égale à :

k(g) = (k:::i+1)(i(g)):

De plus, le système polynomial triangulaire étant régulier, on déduit du lemme précé-dent que les anneauxKi+1;:::;Kk sont unitaires. Par suite, si i(g) est inversible dans Ki alors (k:::i+1)(i(g)), c'est-à-dire k(g), est inversible dansKk.

Le résultat suivant met une évidence une propriété des systèmes polynomiaux trian-gulaires faibles dans Pn pour lesquels les anneauxKi(0in) ne sont pas réduits à

f0g. Il est intéressant pour deux raisons. Tout d'abord, on sait, d'après le lemme 1.1.3, que les systèmes polynomiaux triangulaires réguliers vérient cette hypothèse sur les anneaux Ki (0 i n). De plus, ce résultat permet de montrer facilement que les systèmes polynomiaux triangulaires normalisés vérient aussi cette propriété (lemme 1.1.7).

Lemme 1.1.5

Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire faible dans Pn. Si les anneaux Ki (0in) sont unitaires alors pour tout 0in :

8u2Ui;i(u)2K?i:

Preuve. On raisonne par récurrence suri. Le casi= 0 est immédiat car U0 =K0?. On suppose le résultat vrai à l'ordre i;1 avec i1. On se donne un élément u de Ui. Si i 62E alors, par dénition, l'homomorphisme i est égal à injii;1[Xi]. Puisque u2Ui, cela implique quelc(u)2Ui;1. Ainsi, par hypothèse de récurrence, on en déduit que :

i;1(lc(u))2K?i;1:

Le polynôme i;1[Xi](u) ne peut donc pas être un diviseur de zéro dansKi;1[Xi]. Par conséquent, son image par inji, c'est-à-dire i(u), est inversible dans Ki.

Si i2E alors l'ensembleUi reste égal à Ui;1. Par suite, cela implique que : i;1[Xi](u) = i;1(u)2Ki;1[Xi]?:

L'anneau Ki étant unitaire, le résultat est alors immédiat.

En particulier, on déduit alors du lemme 1.1.3 que les systèmes polynomiaux triangu-laires réguliers vérient aussi cette propriété.

Lemme 1.1.6

Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire régulier dansPn. Alors pour tout 0in :

8u2Ui;i(u)2K?i: Preuve. Immédiate.

Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire normalisé dans Pn. Le lemme suivant renforce le rôle joué par les ensembles Uj (j 2 E). En eet, il montre que le résultat précédent reste valable sous l'hypothèse de normalisation. C'est d'autant plus important que les polynômes lc(fj) (j 2 E) appartiennent alors précisément à Uj;1. On en déduira le résultat principal de cette section (proposition 1.1.2).

Propriété de normalisation 23

Lemme 1.1.7

Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire normalisé dans Pn. Alors pour tout 0in :

8u2Ui;i(u)2K?i:

Preuve. On raisonne par récurrence sur i. Le cas i = 0 est immédiat. On suppose le résultat vrai jusqu'à l'ordre i; 1 avec i 1. D'après le lemme 1.1.1, pour tout j 2 E, le coecient dominant de fj appartient à Uj;1. Par suite, d'après l'hypothèse de récurrence, on déduit du lemme C.1.1 que tous les anneaux Kk(1 k i) sont unitaires. Il sut alors d'appliquer le lemme 1.1.5 pour conclure.

Le résultat suivant assure la pertinence des résultats énoncés sous l'hypothèse de régu-larité dans le cadre des systèmes polynomiaux triangulaires normalisés.

Proposition 1.1.2

Soit ffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire normalisé dans Pn. Alors pour tout j 2E :

j;1(lc(fj))2K?j;1:

Preuve. Le système polynomial triangulaire étant normalisé, c'est une conséquence directe des lemmes 1.1.1 et 1.1.7.

Corollaire 1.1.1

Tout système normalisé au sens de D. Lazard est régulier.

Preuve. Triviale. Le résultat découle de la proposition précédente.

Exemple. On considère le système polynomial triangulaire faible dans Q[X1;X2]

suiv-ant : (

(X1;1)X2;1 = 0 X12+X1+ 1 = 0 Par dénition, l'anneau K1 est égal à :

K1 =Frac Q[X1]

hX12+X1+ 1i

!

et l'homomorphisme 1 est égal à :

1 =inj10 11 est la projection de Q[X1] sur Q[X1]

hX12+X1+ 1i et inj10 est l'injection canonique de Q[X1]

hX12+X1+ 1i dans son anneau total des fractions 2. Les polynômes X1 ; 1 et X12+X1+ 1 étant premiers entre eux dans Q[X1], l'image du coecient dominant de f2 = (X1;1)X2;1 par 1, c'est-à-dire 1(X1;1), est donc inversible dansK1. D'autre

2Il est facile de vérier que l'anneau Q[X1]

hX12+X1+ 1i est un corps. En particulier, celui-ci est donc isomorphe àK1 et l'homomorphismeinj10 est simplement l'identité.

24 Propriété de normalisation part, l'indice delc(f2) =X1;1 est aussi l'indice def1 =X12+X1+1. Ainsi, ce système polynomial triangulaire faible est régulier mais pas normalisé. Les deux notions ne sont donc pas équivalentes.

La proposition suivante précise la nature des homomorphismes i.

Proposition 1.1.3

Soitffj = 0gj2E un système polynomial triangulaire régulier dans Pn. Alors pour tout entier 1in, l'homomorphisme i est unitaire et injectif.

Preuve. Soit un entier i compris entre 1 et n. Si i 62E alors, par dénition, l'homo-morphisme i est égal à :

i =injiinjKi;1:

Ainsi, l'homomorphismei est égal à la composée de deux injections et, par conséquent, est injectif.

Si i2E alors, par dénition, l'homomorphismei est égal à : i =inji0iinjKi;1:

Soit g un élément de Ki;1 tel que i(g) soit nul. Alors :

i(g) = 0,g 2hi;1[Xi](fi)iKi;1[Xi]:

Ce qui est encore équivalent au fait que le polynôme i;1[Xi](fi) diviseg dans l'anneau Ki;1[Xi]. Or, le degré deg en la variableXi est nul car, par hypothèse, c'est un élément de l'anneau Ki;1. D'autre part, le système polynomial triangulaire étant régulier, le polynôme i;1[Xi](fi) est de degré :

degXi(i;1[Xi](fi)) =deg(fi)>0:

Par suite, on en déduit que le polynôme g est identiquement nul. Ce qui montre que i

est injectif et achève la démonstration.