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La premi`ere ´etude d´edi´ee aux m´ecanismes contrˆolant la formation des nuages dans l’atmosph`ere de Mars fut r´ealis´ee par Rossow [1978] dont le raisonnement est ´elargi `a Venus, Jupiter mais aussi la Terre. Les conclusions de ce scientifique font encore r´ef´erence. Pronostiquant une absence de pr´ecipitation except´e dans le cas des brumes de surface, il classa les nuages martiens dans la cat´egorie cirrus et sugg´era que leurs caract´eristiques microphysiques ´etaient avant tout contraintes par la concentration de poussi`eres. Nous le verrons, notre analyse th´eorique du probl`eme (pr´esent´ee dans le chapitre 2) arrive `a une conclusion similaire.

Depuis, Kahn [1990] et Chassefi`ere et al. [1992] ont ´egalement introduit ce type de consid´erations dans leur interpr´etation des donn´ees Viking et Phobos mais le premier travail de mod´elisation sp´ecifiquement microphy- sique fut accompli par Michelangeli et al. [1993]. Ces auteurs ont en effet adapt´e un mod`ele th´eorique d´evelopp´e initialement pour les nuages stratosph´eriques polaires de la Terre. Un mod`ele identique servit par la suite `a Colaprete et al. [1999] pour analyser des donn´ees d’opacit´e atmosph´erique produites par l’atterrisseur Path- finder. Rodin et al. [1999] ont inclus l’effet radiatif des nuages pour ´etudier la non-lin´earit´e des interactions cristaux-poussi`ere.

R´ecemment, l’´etude des nuages martiens a pris une nouvelle ampleur grˆace `a leur prise en compte dans des mod`eles de circulation g´en´erale [Rodin et al., 2001; Richardson et Wilson, 2002c].

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Organisation de la th`ese

Comme nous l’avions signal´e en introduction, les travaux pr´esent´es dans ce manuscrit sont le r´esultat d’une ´etude microphysique approfondie des brumes martiennes.

– Dans le chapitre suivant, nous d´etaillons les ´el´ements th´eoriques permettant d’estimer a priori les vitesses relatives de chacun des m´ecanismes physiques impliqu´es dans la formation d’un nuage de glace d’eau. Les processus de nucl´eation, de condensation, d’accr´etion, et de s´edimentation y sont donc formalis´es. De plus, leur efficacit´e respective est analys´ee sous l’angle particulier de l’environnement atmosph´erique martien. Cette partie du manuscrit refl`ete l’importante ´etude men´ee en amont du d´eveloppement du mod`ele microphysique pr´esent´e dans le chapitre 3.

– Ce mod`ele unidimensionnel, nous le verrons, est d´eriv´e d’une version autrefois con¸cue pour le satellite de Saturne : Titan. Le chapitre 3 consiste essentiellement en une ´etude de sensibilit´e o`u est explor´ee l’influence de diff´erents param`etres sur la formation et l’´evolution diurne d’une nuage. Nous mettons en ´evidence les sources d’incertitude li´ees `a la m´econnaissance de l’efficacit´e de la nucl´eation et de la granulom´etrie de la poussi`ere en suspension.

– Le chapitre 4 reprend un article que nous avons r´edig´e durant cette th`ese. Un profil vertical de la brume obtenu durant la mission Viking y re¸coit une interpr´etation approfondie grˆace `a l’utilisation combin´ee de notre code microphysique et d’un mod`ele de transfert radiatif. Ce travail a permis d’aboutir sur l’estimation de la taille des cristaux composant la couche d´etach´ee du profil. En outre, nous sugg´erons la possibilit´e d’une distribution en taille bimodale pour la poussi`ere.

– Le th`eme du chapitre 5 se d´emarque sensiblement des pr´ec´edents puisque nous y discutons l’effet de fractionnement isotopique rencontr´e par l’eau lourde (HDO) lors des phases de condensation atmosph´erique et donc lors de la formation des nuages de glace d’eau. Inspir´es par les travaux de Fouchet et Lellouch [2000], nous basons cette fois notre argumentation sur l’emploi du mod`ele microphysique. Cette ´etude s’inscrit dans la probl´ematique du deut´erium dont la teneur actuelle sugg`ere un ´echappement massif d’une partie de l’eau autrefois abrit´ee par Mars.

– Le dernier chapitre pr´esente les r´esultats obtenus dans le cadre de la mod´elisation tridimensionnelle du cycle de l’eau martien. Apr`es une description des observations et des travaux th´eoriques qui lui ont ´et´e consacr´es par le pass´e, nous tentons de faire apparaˆıtre le rˆole jou´e par les nuages dans la distribution g´eographique de l’eau grˆace `a leur repr´esentation simplifi´ee dans un mod`ele de circulation g´en´erale.

- Chapitre 2 -

Th´eorie microphysique appliqu´ee aux

Notations

Variables et param`etres utilis´es dans ce chapitre k constante de Boltzmann (∼1.38.10−23 J.K−1)

p pression partielle d’une esp`ece gazeuse donn´ee (Pa) n concentration mol´eculaire d’une esp`ece donn´ee (m−3)

pa pression totale (Pa)

ρa densit´e atmosph´erique (kg.m−3)

T temp´erature (K) ˙

m masse mol´eculaire d’une esp`ece donn´ee (kg)

λ libre parcours moyen en m d’une mol´ecule d’air de rayon a (∼ 2 ˙A pour le CO2)

λ = pa4πkT√ 2a2

¯

vt vitesse d’agitation thermique d’une particule de masse m (m.s−1)

¯ vt=

q

8kT πm

ηa viscosit´e dynamique de l’air (N.s.m−2) — d’apr`es Fuchs [1964]

ηa= 0.5ρaλ¯vt

r rayon d’une particule (m) Kn nombre de Knudsen

Kn = λ/r

D coefficient de diffusion d’une particule de rayon r (m2.s−1) — d’apr`es Pruppacher et Klett [1978]

D = kT (1+αKn)6πηar (cf. §3.1 pour α)

σ tension de surface d’une esp`ece en phase condens´ee (N.m−1)

∆F ´energie de formation d’une goutte `a un rayon donn´e Z Facteur de Zeldovitch

Z = [∆F∗/(3πkT i∗2]1

1. LE SOUL `EVEMENT DES POUSSI `ERES

A l’instar des brumes d’a´erosols ou de condensats dans l’atmosph`ere terrestre, les brumes martiennes r´e- pondent `a l’influence de nombreux processus physiques dont l’´etude se range dans la discipline de la microphy- sique. D’un point de vue eul´erien, la d´eriv´ee temporelle d’une population n de particules en suspension dans l’atmosph`ere de Mars `a un rayon donn´e r et une altitude donn´ee z peut s’´ecrire de la mani`ere suivante :

∂n ∂t = µ ∂n ∂t ¶ source +µ ∂n ∂t ¶ puits +µ ∂n ∂t ¶ transport +µ ∂n ∂t ¶ accretion +µ ∂n ∂t ¶ nucleation +µ ∂n ∂t ¶ cond/subl

Aucune source photochimique n’est `a envisager ici, le terme source s’applique exclusivement `a la poussi`ere min´erale dont la mise en suspension par saltation est initi´ee par les vents en surface.

– Le d´epˆot au sol par s´edimentation ou par m´elange turbulent constitue l’unique terme puits.

– Le terme de transport comprend aussi bien la chute gravitationnelle qui affecte toute particule en suspension que le transport atmosph´erique. Ce dernier vient en sus des processus microphysiques `a proprement parler, mais son action est d´eterminante dans la formation et l’´evolution des brumes. Ce transport s’effectue grˆace aux ph´enom`enes de convection (`a toutes les ´echelles), la circulation g´en´erale, la turbulence ; en bref par la dynamique atmosph´erique. La comp´etition entre transport vertical et s´edimentation d´etermine `a la fois l’extension verticale des brumes mais aussi la taille des particules qui la composent.

– L’accr´etion des particules entre elles (coagulation par mouvement brownien, coalescence) est, on le verra, th´eoriquement le moins efficace de tous les processus.

– Finalement, la formation des cristaux de glace d’eau aura pour origine la nucl´eation suivie des processus de condensation et de sublimation.

Ce chapitre pr´esente les d´eveloppements th´eoriques associ´es `a l’ensemble de ces ph´enom`enes afin de saisir les processus gouvernant le devenir des brumes martiennes.

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Le soul`evement des poussi`eres

Nous ne rentrerons pas trop dans le d´etail th´eorique (la r´ef´erence majeure `a ce sujet ´etant l’ouvrage de Bagnold [1941]) ; nous nous limiterons `a quelques aspects qualitatifs. La r´ealisation d’un processus ´eolien n´e- cessite l’existence de vents d’intensit´es suffisantes pour assurer la mobilisation en surface de particules ”libres”. Une vari´et´e de ph´enom`enes comme la fragmentation du r´egolite par des ´ev`enements com´etaires ou volcaniques, l’´erosion chimique et physique, peut expliquer la provenance de particules `a la surface de Mars.

La vitesse seuil du vent en surface, `a partir de laquelle les particules sont entraˆın´ees, est donn´ee dans Bagnold [1941] comme ´etant :

U∗t= Aµ ρd− ρa ρa

gDp

¶−2

o`u A est un coefficient empirique, ρdla densit´e des particules, et Dpleur diam`etre. D’apr`es la Figure 2.1, U∗tdoit

ˆetre en th´eorie sup´erieur `a plusieurs dizaines de m`etres par secondes pour mobiliser des grains d’environ 100 µm. En supposant que ces grains se pr´esentent sous la forme d’agr´egats constitu´es de particules plus fines, le processus de saltation peut alors ˆetre initi´e. C’est en effet par impaction avec d’autres agr´egats que ces grains permettront la lib´eration de particules plus fines dont la faible masse leur garantit une dur´ee de vie cons´equente en suspension. En outre, plusieurs types d’´ev`enements m´et´eorologiques sont susceptibles de transmettre l’´energie m´ecanique suffisante au sol pour d´eclencher la saltation : tempˆetes locales ou `a plus grandes ´echelles (dites saisonni`eres), vents locaux cycloniques encore appel´es dust devils.

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Nucl´eation

Il est courant de penser que la transformation d’une phase vapeur en phase condens´ee se produit sitˆot un ´echantillon d’air amen´e `a des conditions de saturation de l’un de ses composants. Cette vision n’est pas

Figure 2.1 : Courbes des vents seuils en fonction du rayon de la particule `a mobiliser pour des conditions ”mar- tiennes” de pression-temp´erature (figure reprise de Greeley et al. [1992]). CASE 1 donne la vitesse seuil du vent au-dessus d’une surface plane. CASE 2 se r´ef`ere `a une surface pourvue d’obstacles (par exemple, une surface ro- cailleuse).

exacte. Le fait que cette transformation se manifeste par l’apparition de gouttelettes implique la consid´eration de l’´equilibre thermodynamique de celles-ci dans leur environnement