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Il semble acquis que Mars n’a pas toujours ´et´e la plan`ete s`eche que l’on connaˆıt aujourd’hui. La surface de Mars est couverte de traces d’anciens r´eseaux fluviaux. La pr´esence d’un liquide, sans doute de l’eau, capable de modifier le terrain martien `a l’´echelle de la plan`ete ne s’accorde qu’avec l’image d’un climat plus chaud et n´ecessairement beaucoup plus humide. Ces t´emoignages g´eologiques mis `a part, l’enseignement isotopique est actuellement l’un des seul ´el´ements ayant conserv´e l’enregistrement d’une ´evolution importante du climat martien. L’ensemble des ´etudes li´ees `a ce sujet se fonde sur les mesures en spectrom´etrie infrarouge effectu´ees par Owen et al. [1988] depuis la Terre. La d´etection des raies fondamentales de HDO et de H2O a rendu possible

la d´etermination du ratio d’abondances HDO/H2O et par cons´equent le ratio D/H. Ce dernier se situant `a

(9±4) × 10−4, l’abondance relative de deut´erium sur Mars est sup´erieure d’un facteur 6±3 `a celle observ´ee

dans les oc´eans terrestres (le Standard Mean Ocean Water, SMOW). Un ratio identique fut obtenu pr`es de dix ans plus tard par Krasnopolsky et al. [1997]. En supposant qu’`a la fois la Terre et Mars furent constitu´ees de la mˆeme n´ebuleuse primitive et donc que les rapports isotopiques ´etaient initialement les mˆemes sur les deux plan`etes, le rapport actuel D/H sur Mars peut ˆetre interpr´et´e comme r´esultant d’un enrichissement progressif en deut´erium comparativement `a la Terre.

L’´echappement vers l’espace depuis la haute atmosph`ere des atomes D et H constitue une perte indirecte de mol´ecules d’eau et d’eau lourde. Int´egr´e sur des p´eriodes g´eologiques, ce ph´enom`ene peut avoir vid´e Mars d’une partie de son contenu initial en eau (lourde ou non). Le rapport D/H actuel semble s’expliquer par un ´echappement moindre du deut´erium compar´e `a celui de l’hydrog`ene.

Etant deux fois plus lourd que H, D sera moins affect´e par un ´echappement de type thermique1. Il faut noter

cependant que l’examen de la m´et´eorite QUE94201 par Leshin [2000] remet en cause l’hypoth`ese d’un rapport D/H initial identique `a celui de la Terre. Un ´echappement de type hydrodynamique durant l’`ere noachienne

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L’agitation mol´eculaire s’assimilant `a un mouvement al´eatoire des mol´ecules, la m´ecanique maxwellienne stipule qu’une partie d’entre elles atteignent une v´elocit´e suffisante pour se lib´erer du champ gravitationnel

1. PROBL ´EMATIQUE DU HDO DANS L’ATMOSPH `ERE MARTIENNE

Figure 5.1 : Cycle des processus menant `a l’´echappement. Dans la basse atmosph`ere, HD et H2sont obtenus par une

s´erie de r´eactions photochimiques (cf. Nair et al. [1994] et Yung et al. [1988] pour la mod´elisation de la photochimie sur Mars) avec `a la base la photodissociation de HDO et H2O. HD et H2 diffusent ensuite vers la haute atmosph`ere

o`u ils donnent `a la fois le deut´erium et l’hydrog`ene atomique (r´eaction se produisant dans l’ionosph`ere). In fine, cet enchaˆınement de processus implique que le peuplement en atomes D et H de la haute atmosph`ere est intimement li´e au devenir de HDO et H2O dans la basse atmosph`ere.

(4 milliards d’ann´ees avant notre `ere), o`u l’augmentation sensible de flux UV solaire aurait chauff´e suffisam- ment l’exosph`ere pour produire un ´echappement thermique en masse, pourrait ˆetre `a l’origine du rapport D/H (SMOW×2) trouv´e sur la m´et´eorite. Mais qu’il soit thermique (Jeans) ou non, le taux d’´echappement reste tributaire de la densit´e num´erique des atomes de D et H dans l’exosph`ere. C’est `a ce niveau que s’ins`ere le lien entre le deut´erium-hydrog`ene et HDO-H2O. La Figure 5.1 retrace sch´ematiquement les ´ev`enements qui m`enent

de HDO et H2O dans la basse atmosph`ere aux atomes D et H (ainsi que HD et H2) de la haute atmosph`ere.

Trois ´etapes principales interviennent dans le peuplement de l’exosph`ere par les atomes D et H qui pourront ensuite s’´echapper vers l’espace :

1. Production photochimique de H2 et HD depuis HDO et H2O

2. Transport de H2 et HD jusqu’`a la haute atmosph`ere

3. Dissociation de H2et HD en H et D dans l’ionosph`ere

Dans la basse atmosph`ere (z<30 km), l’´equation bilan pour H2O s’´ecrit :

Dans l’ionosph`ere (z∼140 km), H2est d´ecompos´e en H selon des r´eactions ioniques donnant au final :

H2→ H + H

Des bilans similaires peuvent ˆetre ´ecrits pour HDO, HD et D ; dans ce cas la r´epartition du deut´erium entre HDO et HD est contrˆol´ee cin´etiquement. Ceci peut ˆetre oppos´e `a un contrˆole de type thermodynamique bas´e sur la relation :

HDO + H2↔ H2O + HD

N´eanmoins, la constante de r´eaction dictant l’´equilibre thermodynamique est bien trop faible pour interf´erer sur le contrˆole cin´etique (sugg´er´e par Yung et Kass [1998] sur la base de mesures en laboratoire et confirm´e par la suite par Krasnopolsky [2000]). D’apr`es les r´esultats du mod`ele photochimique de ces auteurs, la variable R –donn´ee par (HD/H2)/(HDO/H2O) et caract´erisant la r´epartition du deut´erium entre les mol´ecules HDO et

HD– vaut 1.6.

De cette valeur, Yung et al. [1988] ont d´eduit le rapport F des ´echappements du deut´erium sur celui de l’hydrog`ene. Pour F =0, le deut´erium est totalement retenu par l’atmosph`ere, alors que pour F =1, il s’´echappe aussi facilement que l’hydrog`ene. La valeur de 0.32 obtenue pour F se base sur un calcul ne faisant intervenir que l’´echappement thermique. La perte d’eau attribuable `a ce processus int´egr´ee sur les derni`eres 3.6 milliards d’ann´ees se situe aux alentours de 3.6 m (en supposant que cette eau, une fois condens´ee, recouvre la totalit´e de la plan`ete).