Jusqu’ici, nous nous sommes int´eress´es aux variations et incertitudes associ´ees aux param`etres microphy- siques de la mod´elisation. Nous nous tournons maintenant vers la sensibilit´e aux conditions atmosph´eriques. La condition de saturation fait appel `a deux variables principales : profil de temp´erature et humidit´e. Ces deux quantit´es peuvent ˆetre regroup´ees sous le terme g´en´erique de conditions m´et´eorologiques pour la formation du nuage et chacune pourrait faire l’objet d’une ´etude propre. Pourtant, l’une et l’autre ont pour effet commun de fixer l’altitude de l’hygropause, c’est `a dire la masse d’eau potentiellement condensable. Dans cette partie, nous nous attachons `a donner un r´ef´erentiel commun pour ´etudier la sensibilit´e du mod`ele `a ces deux variables. Ainsi, nous ferons varier l’une et l’autre de mani`ere `a obtenir une variation identique de l’altitude de l’hygropause (dans le run r´ef´erence, celle-ci est situ´ee `a 20 km).
Deux cas de figure seront envisag´es. Dans le premier, l’hygropause se trouvera `a une altitude de 30 km. Dans le deuxi`eme, celle-ci sera `a 10 km. Ces deux cas sont r´ealisables en ajoutant/retranchant 5 K au profil thermique de r´ef´erence, ou bien en diminuant/augmentant d’un facteur 2 le contenu en eau r´ef´erence de 11 µm pr´ecipitables. Nous obtenons ainsi deux couples de simulations ayant chacun pour caract´eristique d’avoir une mˆeme altitude d’hygropause zs:
– Couple 1 : une simulation `a T(z) + 5K avec une simulation `a 5 µm pr´ecipitables (zs`a ∼30 km)
– Couple 2 : une simulation `a T(z) - 5K avec une simulation `a 20 µm pr´ecipitables (zs`a ∼10 km)
A titre d’indication, on observe au niveau de l’´equateur des variations saisonni`eres de 20 K de la temp´erature moyenne [Clancy et al., 1996] ainsi qu’un contenu en eau fluctuant entre 10 et 20 µm pr´ecipitable [Smith, 2002]. Le sens climatique qui pourrait ˆetre donn´e `a cette partie repose sur la question suivante : Comment r´eagit la n´ebulosit´e martienne aux variations m´et´eorologiques ?
3. SENSIBILIT ´E DU MOD `ELE
Le suivi des variations diurnes des opacit´es pour ces quatre nouvelles simulations est retrac´e dans la Figure 3.18. Bien qu’une telle figure masque une quantit´e d’effets, elle est assez riche en informations. Un lien fort apparaˆıt nettement entre l’opacit´e du nuage et l’altitude o`u la vapeur d’eau sature. Les profils d’extinction donn´es par le Figure 3.19 semblent confirmer cette relation. Dans le contexte m´et´eorologique martien actuel, la contrainte majeure pour la structure verticale et l’´epaisseur optique du nuage est donn´ee avant tout par l’altitude o`u il se forme.
On pourra noter que la diff´erence d’opacit´e entre la simulation r´ef´erence (o`u zs=20 km) et les simulations
`a zs=10 km est bien moins marqu´ee que la diff´erence entre la simulation r´ef´erence et les simulations `a zs=30
km. Dans les deux cas, pr`es d’une ´echelle de hauteur s´epare les niveaux d’hygropause et l’on pourrait s’attendre `a ce que ces diff´erences soient du mˆeme ordre. Pour le couple 2, le pic d’extinction du nuage est situ´e vers 25 km comme dans la simulation de r´ef´erence. La variation de zs de 20 `a 10 km (r´ef´erence versus couple 2) ne
correspond qu’`a un accroissement d’un facteur 2 de la masse de glace d’eau form´ee, alors que le nombre de poussi`eres nucl´e´ees est sensiblement le mˆeme dans les deux cas. Ce constat contraste avec la variation de zs
de 20 `a 30 km (r´ef´erence versus couple 1) o`u la r´eduction de la masse de glace d’eau et de poussi`eres nucl´ees est proche d’un facteur 5. La configuration `a zs=10 km est extrˆemement contrainte par la valeur du coefficient
de mouillabilit´e m. La restriction spatiale qu’impose la nucl´eation limite la formation de cristaux aux altitudes sup´erieures `a 20-25 km (et reste donc proche de celle de la simulation r´ef´erence). L’extension du nuage jusqu’`a l’hygropause s’effectue par s´edimentation et m´elange vertical des cristaux. Cependant, la distance s´eparant zs=10 km de la zone de nucl´eation est trop importante pour que le transport puisse approvisionner en cristaux
la portion comprise entre 10 et 20 km. Cette portion atmosph´erique n’ayant pas de supports disponibles, pr`es de la moiti´e de la quantit´e de vapeur d’eau potentiellement condensable reste `a l’´etat de vapeur en sursaturation. Soulignons `a nouveau la contrainte li´ee `a la nucl´eation dans la formation des nuages : deux simulation additionnelles toujours `a zs=10 km montrent en effet que l’emploi d’un coefficient de mouillabilit´e m fix´e `a
Figure 3.18 : Evolution diurne de l’opacit´e des nuages pour chacune des quatre configurations m´et´eorologiques. Le trac´e du run r´ef´erence est aussi report´e
Figure 3.19 : Profils d’extinction des nuages `a λ=12 µm `a 8 h.
0.995 engendrent des opacit´es 4 `a 5 fois plus fortes que celle obtenue en moyenne par le couple 2 (o`u m=0.945). Dans ce cas, la vapeur d’eau en sursaturation se condense sur les poussi`eres qui ne nucl´eaient pas pr´ec´edemment. Mais d’un point de vue climatique, le facteur essentiel pour les nuages est connect´e `a l’altitude de l’hy- gropause. La r´eponse de la n´ebulosit´e martienne `a un climat plus chaud et plus humide pourrait donc ˆetre sensiblement la mˆeme que la r´eponse `a un climat plus froid et plus sec. Cette constatation, bien que tr`es par- tielle en l’absence d’une mod´elisation globale, peut avoir son int´erˆet pour l’´etude de la variabilit´e interannuelle du climat martien. En supposant qu’`a une ´el´evation globale de la temp´erature correspond une sublimation plus forte de la calotte d’eau permanente Nord et inversement, l’information apport´ee par l’observation de la n´ebulosit´e ne serait pas forc´ement la plus pertinente.