• Aucun résultat trouvé

Cycle de l’eau : Caract´eristiques g´en´erales

Avant de pr´esenter l’´etat des ´etudes th´eoriques actuelles, penchons-nous sur les figures 6.1 et 6.2 afin de discerner quelques ´el´ements majeurs du cycle hydrologique annuel. Nous pourrons noter les points suivants :

– Un h´emisph`ere nord en moyenne plus humide que l’h´emisph`ere sud.

– Une injection massive dans les hautes latitudes nord `a cheval entre le printemps et l’´et´e (i.e. Ls∼100◦), et

une autre de plus faible intensit´e pr`es du pˆole sud `a deux saisons d’intervalle (Ls∼270-300◦).

– La forme des contours de la Figure 6.2 donne l’impression que l’eau inject´ee `a sa source estivale se r´epand par la suite vers le reste de la plan`ete.

– Des saisons d’automne/hiver tr`es s`eches dans les deux h´emisph`eres.

Le relatif surcroˆıt d’humidit´e observ´e dans l’h´emisph`ere nord semble li´e `a la pr´esence de la CPN (situ´ee ap- proximativement entre le pˆole et 80◦N). La situation g´eographique de cette source quasi-in´epuisable est-elle la

cause ou la cons´equence du gradient notable de vapeur d’eau entre le Nord et le Sud ? On peut voir d’apr`es la Figure 6.1 que l’h´emisph`ere nord amorce son humidification au milieu du printemps. A cette ´epoque, la calotte r´esiduelle est encore recouverte d’une couche de CO2 et ne peut donc ´echanger avec l’atmosph`ere. Plusieurs

raisons peuvent ˆetre invoqu´ees pour expliquer cette humidification anticip´ee : d´egazage par le r´egolite [Kahn, 1990], r´ecession de la calotte saisonni`ere lib´erant le d´epˆot de glace d’eau fix´e en surface. Nous le verrons, la deuxi`eme hypoth`ese est actuellement la plus vraisemblable.

Vers la fin du printemps (Ls∼90◦), les fortes abondances en H2O vapeur du pˆole nord (> 90 µm pr.) s’expliquent

par la sublimation terminale de la calotte saisonni`ere de CO2. La temp´erature `a la surface de la CPN passe 2

L’instrument MAWD mesurait le flux proche-infrarouge r´efl´echi par l’atmosph`ere `a une longueur d’onde d’environ 1.4 µm, situ´ee dans une des raies d’absorption de la vapeur d’eau. L’inversion des abondances a sans doute ´et´e parasit´ee par de la r´eflexion atmosph´erique additionnelle g´en´er´ee par la poussi`ere en suspension.

Figure 6.1 : Evolution annuelle du contenu int´egr´e en vapeur d’eau (en gigatonnes) de chaque h´emisph`ere (trait plein : h´emisph`ere nord - pointill´es : h´emisph`ere sud - tirets : total des deux). Donn´ees reprises de Smith [2002] d’apr`es les mesures TES. Les saisons indiqu´ees sont celles de l’h´emisph`ere nord.- tirets : total des deux). Donn´ees reprises de Smith [2002] d’apr`es les mesures TES. Les saisons indiqu´ees sont celles de l’h´emisph`ere nord.

alors de pr`es de 150 K (temp´erature de condensation du CO2) `a plus de 200 K. A ce moment, la CPN se

retrouve expos´ee et relˆache de grandes quantit´es de vapeur d’eau. Bass et al. [2000] notent cependant que la sublimation au-dessus du pˆole ne devient intense qu’une fois que le centre de la calotte est ´elev´e `a plus de 200 K. L’absence d’une calotte de mˆeme nature au pˆole sud (la CPS est faite de CO2) o`u l’on observe pourtant une

tendance similaire lors de l’´et´e austral, sugg`ere que les fortes concentrations de vapeur pr`es des pˆoles en ´et´e ne sont pas uniquement conditionn´ees par l’apport local d’un r´eservoir permanent. Ce ph´enom`ene fait aussi appel `a un m´ecanisme assez subtil que nous verrons plus en d´etail par la suite.

Un point int´eressant apparaˆıt `a la lecture de la Figure 6.1 : `a partir de Ls∼75◦, le contenu en vapeur d’eau

de l’h´emisph`ere sud suit une croissance parall`ele, quoiqu’amortie, `a l’h´emisph`ere nord. La calotte saisonni`ere de CO2 australe n’a pas entam´e sa r´ecession, la source ne peut ˆetre locale. Smith [2002] attribue ce ph´enom`ene `a

la circulation moyenne. La th´eorie montre qu’une cellule de Hadley unique se forme au-dessus de l’´equateur `a cette ´epoque. Grˆace `a elle, le transport de masse entre h´emisph`eres est assur´e et l’eau serait ainsi transf´er´ee du Nord au Sud. Un proc´ed´e sym´etrique pourrait s’appliquer d`es Ls∼240◦du Sud vers le Nord lorsque la cellule est

invers´ee. Notre ´etude th´eorique nous permettra de donner plus de clart´e `a cet impact de la circulation g´en´erale sur le cycle de l’eau. Aux alentours de Ls∼110◦, la concentration en vapeur d’eau au niveau du pˆole Nord et plus

g´en´eralement dans l’ensemble de l’h´emisph`ere bor´eal commence `a s’appauvrir. La diminution de temp´erature en surface de la calotte neutralise peu `a peu la source alors que des ´el´ements puits oeuvrent dans le mˆeme temps. Nous pouvons constater en ´etudiant la Figure 6.2 que la ceinture intertropicale est la partie de la plan`ete subissant les plus faibles fluctuations saisonni`eres. Malgr´e la possibilit´e d’un ´echange avec le r´egolite, le contenu humide de cette r´egion doit essentiellement d´ependre de l’apport d’eau provenant des plus hautes latitudes. L’expansion des contours de fortes concentrations (> 20 µm pr.) vers l’´equateur tout au long du printemps et

1. LE CYCLE DE L’EAU MARTIEN

Figure 6.2 : Reprise de Smith [2002]. Carte du haut : Mesures TES de la distribution g´eographique et temporelle de la vapeur d’eau. Les concentrations sont int´egr´ees sur la verticale et sont donc exprim´ees µm pr. La coordonn´ee temporelle est la longitude a´erocentrique Ls. Carte du bas : Mesures MAWD effectu´ees vingt ans plus tˆot [Jakosky

et Farmer, 1982]. On notera la grande similitude entre les deux cartes malgr´e l’absence de source au pˆole d’´et´e sud pour la carte MAWD. L’extension m´eridienne des calottes saisonni`eres est corr´el´ee aux zones sans observation.

de l’´et´e semble bien indiquer que l’eau est amen´ee depuis les latitudes polaires.

Aux saisons d’automne/hiver, la progression de la calotte saisonni`ere s’accompagne d’un ass`echement progressif de l’h´emisph`ere. Le mˆeme principe de pi`ege froid que la CPS peut s’appliquer `a cette calotte majoritairement compos´ee de givre de CO2, elle est donc un puits de vapeur d’eau potentiellement fort .

Figure 6.3 : Reprise de Smith [2002]. Trait plein : Moyenne annuelle de l’abondance de vapeur d’eau (en µm pr.) en fonction de la latitude. Pointill´es : Moyenne annuelle ramen´ee `a une topographie uniforme sur toute la plan`ete. Les abondances sont multipli´ees un facteur 610/psurf (o`u psurf est la pression en surface locale exprim´ee en Pa, la

valeur de 610 Pa ´etant prise comme pression de r´ef´erence).

Concr`etement, nous pouvons donc mieux appr´ecier la grande dynamique du cycle de l’eau martien. Le contenu global varie de plus d’un facteur 2 au cours de l’ann´ee (Figure 6.1) et des r´egions sources et puits chroniques apparaissent dans les deux h´emisph`eres. Il reste `a d´egager les acteurs majeurs de ce cycle, c’est le rˆole de la th´eorie et c’est ce que nous proposons dans la partie suivante.

2

Cycle de l’eau : questions et r´eponses. . .

Comprendre le cycle de l’eau actuel est une ´etape indispensable avant de pouvoir adapter un quelconque raisonnement aux temps pass´es. Sur la base des calculs de Laskar et Robutel [1993], les param`etres de l’orbite martienne peuvent varier fondamentalement sur une p´eriode de 10 millions d’ann´ees. L’obliquit´e, par exemple, devrait fluctuer entre 0◦et une valeur proche de 60(la valeur actuelle ´etant de∼23). Ce comportement chao-

tique a sans doute modul´e les zones de stabilit´e de l’eau en surface et sub-surface, modifiant consid´erablement sa distribution g´eographique [Mellon et Jakosky, 1995].

Si l’interpr´etation des donn´ees r´ecentes permet de tirer un certain nombre d’informations sur le cycle actuel, ce n’est qu’`a travers les outils de mod´elisation que l’on peut esp´erer saisir la nature des for¸cages dont il est l’objet. Les mesures de l’instrument MAWD de Viking ont v´eritablement marqu´e les d´ebuts de son ´etude th´eorique.

2. CYCLE DE L’EAU : QUESTIONS ET R ´EPONSES. . .

Grˆace `a sa r´esolution g´eographique et son suivi sur pr`es de deux ann´ees successives, MAWD a donn´e une vision plus compl`ete et plus fiable du cycle [Farmer et al., 1977; Jakosky et Farmer, 1982] et a mis `a jour plusieurs ´enigmes. Par exemple, la communaut´e scientifique reste encore agit´ee par la probl´ematique du fort gradient de vapeur d’eau entre le Nord et le Sud [Jakosky et Farmer, 1982]. L’eau serait-elle donc continuellement transf´er´ee vers le Sud, le m´ecanisme gouvernant cette asym´etrie d’humidit´e est-il d’ordre climatique, le cycle actuel est-il `a l’´equilibre ou est-il transitoire ?

Pr`es de 20 ans s´eparent les donn´ees MAWD des donn´ees TES qui ont l’avantage de ne pas souffrir de biais obser- vationnel. Dans la bande spectrale utilis´ee (28-42 µm), la poussi`ere en suspension est quasiment transparente. Cela explique en partie que les constats d´eriv´es des deux jeux de donn´ees diff`erent notablement. Le gradient interh´emisph´erique est beaucoup moins prononc´e pour TES [Smith, 2002]. La Figure 6.3 sugg`ere clairement qu’en faisant abstraction de la topographie, deux zones se d´egagent : une r´egion intertropicale (20◦S-40N)

beaucoup plus humide et le reste de la plan`ete o`u l’humidit´e est sensiblement la mˆeme. Cette constatation pourrait changer notre fa¸con d’appr´ehender le cycle de l’eau martien pour les ´etudes futures. N´eanmoins, la totalit´e des travaux th´eoriques r´ealis´es jusqu’`a pr´esent sont bas´es sur les mesures MAWD, en voici un rappel. . .