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Le travail de Fouchet et Lellouch [2000] ´etait destin´e `a la quantification du biais cr´ee par le fractionnement sur les mesures de HDO atmosph´erique. Inspir´es par cette ´etude, Bertaux et Montmessin [2001] ont vu dans le CEFE un candidat potentiel pour expliquer la faible concentration en deut´erium `a 100 km [Krasnopolsky et al., 1998]. Ce ph´enom`ene s’ins`ere en amont de toute consid´eration photochimique, avant mˆeme la production de HD qui v´ehicule le deut´erium vers la haute atmosph`ere. L’´etude de ces auteurs se base sur les r´esultats de notre code microphysique (dans sa version HDO) pour les conditions particuli`eres de l’aph´elie. Comme cela est indiqu´e dans la Figure 5.4 (simulation `a 10 pr. µm), le pi`ege froid associ´e `a l’hygropause implique une diminution en deut´erium tr`es rapide lorsque l’altitude croit. Le facteur d’appauvrissement atteint une valeur de 10 (δv=-90%)

au-dessus de 20 km, soit en-dessous des 25 km du pic de photolyse obtenu par Cheng et al. [1999]. Un cas favorable au CEFE (profil thermique de Clancy et al. [1996], la condition froide `a 10 pr. µm) est discut´e dans l’article de Bertaux et Montmessin [2001] afin d’illustrer au mieux le couplage possible entre le fractionnement `a la condensation et le fractionnement du HDO `a la photo-dissociation mis en ´evidence par Cheng et al. [1999]. Les profils de H2O et HDO vapeur r´esultant de la mod´elisation microphysique ont ´et´e utilis´es pour ´etablir

une simulation comparative de la photolyse des deux esp`eces (Figure 5.8). Les effets dissoci´es du fractionnement `a la condensation et `a la photolyse (PHIFE : PHoto-Induced Fractionation Effect) sont quantifi´es dans la Figure 5.8. La photolyse totale de la vapeur d’eau (courbe H20) donne 9×10 mol.cm2.s−1. Si le HDO avait le mˆeme

profil de m´elange que H2O (et donc la mˆeme abondance), sa photolyse totale serait 2.5 fois plus faible. C’est

le r´esultat que donne l’int´egration de la courbe PHIFE sur toute la colonne Cheng et al. [1999]. Finalement, l’association PHIFE+CEFE indique une photolyse totale du HDO plus faible d’un facteur 9.5 relativement `a H2O. Le facteur de r´epartition R ne serait donc plus en th´eorie de 1.6 comme le trouve Yung et al. [1988] mais

de 0.17, ce qui rejoint les mesures HST (R=0.09). Ces r´esultats indiquent comment la photo-dissociation dans une masse d’air appauvrie en deut´erium sous l’effet du CEFE est d´eterminante dans l’une des ´etapes de la production des mol´ecules HD.

Ce cas d’´etude ne permet pas d’´elaborer un sc´enario g´en´eral sur la mani`ere exacte dont est retenu le deut´erium dans la basse atmosph`ere. Une contrainte majeure s’oppose au sch´ema propos´e par Bertaux et Montmessin [2001]. La robustesse du couplage des deux fractionnements (CEFE+PHIFE) repose sur la n´ecessit´e d’une hygropause situ´ee sous le pic de photolyse. Ces deux niveaux sont des variables fortes de la saison et de la g´eographie (angle d’incidence solaire pour le pic de photolyse, profil de temp´erature et abondance de vapeur d’eau pour l’hygropause). Si cette condition n’est pas r´ealis´ee, la production totale de HD `a partir de la photochimie ne sera pas sensible `a l’appauvrissement en deut´erium dˆu au CEFE. L’int´egration de cet effet sur toutes les latitudes et sur une ann´ee compl`ete pourrait r´eduire notablement son rˆole. Malgr´e l’absence d’une climatologie (par l’interm´ediaire d’une mod´elisation 3D de circulation g´en´erale+microphysique+photochimie), le CEFE reste un effet `a fort potentiel.

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Ce qu’il faut retenir. . .

L’´enigme de l’eau sur Mars a conduit les scientifiques `a se tourner vers des mesures indirectes de la quantit´e qui s’est ´echap´ee vers l’espace durant les quatre milliards d’ann´ees pass´ees. Comme le soulignent Bertaux et Montmessin [2001], la valeur du facteur F de fractionnement de HDO/H2O `a l’´echappement (∼ 0.02 d’apr`es

Krasnopolsky et al. [1998]) se ram`ene presque au cas limite d’absence d’´echappement du deut´erium. En mul- tipliant le facteur d’enrichissement du HDO (∼5-6 d’apr`es Owen et al. [1988]; Krasnopolsky et al. [1997]) par le volume du r´eservoir actuel, nous pouvons en d´eduire la quantit´e d’eau initiale. Selon Zuber et al. [1998], l’estimation du volume de glace de la calotte polaire Nord est de 9 m (une fois r´epartie sur toute la plan`ete), la calotte ´etant le seul r´eservoir d’eau 3 que l’on supposait impliqu´e dans l’´echange isotopique. Ainsi calcul´e,

le r´eservoir initial aurait ´et´e de 55 m, la diff´erence de 46 m s’´etant probablement ´echapp´ee vers l’espace. Kass and Yung [1995] ont utilis´e une m´ethode parall`ele bas´ee sur le calcul des ´echappements thermiques et non thermiques (criblage par le vent solaire. . . ). La perte en eau d´etermin´ee par ces auteurs est de l’ordre de 80 m (valeur r´eactualis´ee `a 50 m par Kass and Yung [1999]). Cette hypoth`ese pourrait ˆetre remise en cause par les mesures THEMIS de la mission Mars Odyssey qui ont d´etect´e des ´emanations d’hydrog`ene atomique provenant du r´egolite. Selon les scientifiques, ces ´emanations pourraient ˆetre celles ´emises par la glace d’eau d’une perma- frost affleurant `a 50 cm-1 m de la surface. Bien entendu, le probl`eme reste de savoir si cette glace joue un rˆole important dans les ´echanges isotopiques avec l’atmosph`ere.

L’estimation de la quantit´e d’eau ´echapp´ee se basant sur les mesures en deut´erium est totalement d´ependante de la valeur de F . Grˆace aux mesures de Krasnopolsky et al. [1998], la valeur th´eorique de F ´etablie par Yung et al. [1988] a pu ˆetre corrig´ee et a mis en ´evidence la m´econnaissance du cycle de production du deut´erium parvenant dans la haute atmosph`ere. Cette production ´etant initi´ee par la photo-dissociation de HDO, deux effets de fractionnement combin´es sont `a pr´esent invoqu´es pour expliquer la r´etention de deut´erium dans la basse atmosph`ere :

1. La pression de vapeur saturante du HDO, inf´erieure `a celle H2O, r´esulte en la cr´eation d’une deut´eropause ;

une altitude associ´ee `a celle de l’hygropause et au-del`a de laquelle le HDO vapeur est quasi absent [Fouchet et Lellouch, 2000].

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L’inventaire dress´e par Rossbacher et Judson [1981] indique que la calotte permanente contient la tr`es large majorit´e de l’eau sur Mars.

4. CE QU’IL FAUT RETENIR. . .

2. Une production de deut´erium atomique restreinte par la section efficace d’absorption dans l’UV du HDO plus faible que celle du H2O [Cheng et al., 1999].

Le premier effet (le CEFE) a ´et´e ´etudi´e par Bertaux et Montmessin [2001] grˆace `a notre code microphysique. Dans ce chapitre, nous avons apport´e une extension `a cette ´etude. Nous avons fait apparaˆıtre la sensibilit´e du CEFE au profil de temp´erature (combin´e `a sa variation diurne et saisonni`ere), `a la pr´esence de noyaux, `a la cin´etique de la condensation et au transport (nature et intensit´e). Toutes ces contraintes peuvent alt´erer signifi- cativement l’efficacit´e du CEFE et donc son implication dans la r´etention du deut´erium. Ces r´esultats motivent la r´ealisation d’une ´etude plus compl`ete couplant microphysique et photochimie afin d’´evaluer la robustesse du CEFE `a d’autres saisons que celle de l’aph´elie. Par la suite, un mod`ele comprenant dynamique tridimensionnelle, microphysique et photochimie serait n´ecessaire pour suivre l’´evolution du HDO dans l’atmosph`ere martienne. Ce mod`ele aurait pour vocation d’int´egrer le CEFE sur l’ensemble de la plan`ete et sur une ann´ee compl`ete. Diff´erents types d’investigations pourraient ˆetre men´ees. Le contenu total de la vapeur d’eau varie de plus d’un facteur deux durant l’ann´ee, victime de la formation et de la sublimation de calottes de glace saisonni`eres au- tour des pˆoles. Dans un tel contexte m´et´eorologique, le rapport (HDO/H2O) semble appel´e `a fluctuer selon les

saisons, ce que seul un mod`ele tr`es ´elabor´e est en mesure de restituer. La quantit´e de deut´erium contenue par la calotte polaire Nord pourrait ˆetre contrainte de fa¸con pr´ecise en ´etudiant le devenir de la calotte `a diff´erentes configurations orbitales. Ainsi, on pourrait cerner comment l’´equilibre isotopique s’´etablit entre le r´eservoir at- mosph´erique et un r´eservoir 106 fois plus important que lui.

Tout cela s’inscrit dans la pr´eparation des missions futures. En effet, l’instrument Mambo devrait ˆetre embarqu´e sur la plateforme de la mission Premier pr´evue pour 2007. L’un des objectifs de ce sondeur atmosph´erique dans le millim´etrique est d’obtenir une climatologie tr`es pouss´ee du HDO.

- Chapitre 6 -

Param´etrisation des nuages dans un

Le th`eme du cycle de l’eau sur Mars mobilise l’attention des plan´etologues depuis plusieurs d´ecennies. Les observations r´ealis´ees au cours des missions spatiales et plus particuli`erement au cours de la mission Viking ont donn´e l’image d’un cycle extrˆemement actif impliquant de vastes ´echanges entre plusieurs r´eservoirs. L’apport scientifique de ces observations a, par le biais de simulations num´eriques, permis de reconstruire partiellement le cheminement d’une mol´ecule d’eau dans l’atmosph`ere martienne ; sa sublimation de la calotte saisonni`ere ou permanente, son transport par la dynamique, sa condensation dans l’atmosph`ere ou en surface, son adsorption par le r´egolite. . . En bref, l’´etude de ce cycle requiert la connaissance d’un nombre important de processus en interaction mais sur lesquels r`egnent encore de tr`es larges incertitudes. C’est en partie dans ce contexte que l’´etude des nuages a trouv´e son support. Dans quelles proportions les brumes de glace peuvent-elles modifier les ´echanges entre r´eservoirs ? Leur capacit´e restreinte `a ˆetre transport´es joue-t’elle un rˆole dans la distribution g´eographique de l’eau ?

Cette question a motiv´e la r´ealisation de ce chapitre. Le lecteur y trouvera tout d’abord une pr´esentation du th`eme central de ce travail : le cycle de l’eau martien. Une revue des diff´erents travaux th´eoriques pass´es montrera les progr`es r´ealis´es depuis les vingt derni`eres ann´ees et notamment depuis l’utilisation des mod`eles de circulation g´en´erale (MCG). Ce type de mod`ele nous a ´et´e fourni par le Laboratoire de M´et´eorologie Dynamique afin d’y inclure les nuages en tant que traceurs de la circulation. Les r´esultats du mod`ele originel, o`u seule la vapeur d’eau peut ˆetre transport´ee mais pas les nuages, seront pr´esent´es. Nous donnerons ensuite les param´etrisations effectu´ees dans le MCG pour simuler les principaux processus microphysiques et donc pour parvenir `a une repr´esentation simplifi´ee des nuages. Enfin, une comparaison des r´esultats obtenus avec les diff´erentes versions de mod`ele et les observations mettra en ´evidence le gain significatif en r´ealisme qui a ´et´e r´ealis´e au cours de cette ´etude. Elle montrera surtout le rˆole notable du r´eservoir de glace atmosph´erique dans la r´epartition spatiale de l’eau.

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Le cycle de l’eau martien

Mars exercerait-elle la mˆeme attraction si l’on ne supposait pas qu’elle eut pu abriter une forme de vie par le pass´e ? Cette question soul`eve implicitement le probl`eme des conditions n´ecessaires `a son d´eveloppement, et parmi elles la pr´esence d’eau. Comme nous l’avions mentionn´e dans le chapitre pr´ec´edent, le climat pr´esent, sec, contraste sans doute avec les conditions climatiques pass´ees dont les traces laissent supposer la pr´esence d’eau `a l’´etat liquide en grande quantit´e.

1.1

Observations

Un premier aper¸cu de l’aridit´e actuelle de Mars fut obtenu grˆace aux observations t´elescopiques de Spinrad et al. [1963] qui indiqu`erent une abondance moyenne de vapeur d’eau d’environ 10 µm pr.(quelques dizaines de ppm). Nous ´etions alors loin de l’hypoth`ese selon laquelle Mars serait recouverte d’un immense r´eseau fluvial (r´ealis´ee par une intelligence extraterrestre. . . ), hypoth`ese formul´ee un si`ecle plus tˆot par Schiaparelli. Plus tard, lorsque les missions spatiales purent obtenir un suivi pouss´e de la vapeur d’eau, on a pu s’apercevoir de la grande dynamique du cycle hydrologique martien, faisant de la vapeur d’eau le gaz trace soumis `a la plus grande variabilit´e saisonni`ere [Titov, 2002]. Cette variabilit´e s’explique par les ´echanges intenses qui relient des r´eservoirs de diff´erentes natures. On peut ainsi relever :

– Les r´eservoirs atmosph´eriques de glace et de vapeur.

– Le r´eservoir constitu´e par le d´epˆot de givre saisonnier en surface des moyennes et hautes latitudes des deux h´emisph`eres1.

– Le r´eservoir de glace ”permanent” de la calotte polaire nord (que nous appellerons CPN par la suite) qui est environ 106 fois plus important en masse que les deux pr´ec´edents).

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Ce d´epˆot reste tr`es mal contraint par les observations. Les mesures spectrom´etriques sont rendues d´elicates par la pr´edominance de la glace de CO2, dont les propri´et´es en ´emission sont mal connues (inclusion de poussi`eres, variation de la taille des grains. . . ).

1. LE CYCLE DE L’EAU MARTIEN

– Le ”pi`ege froid” de la calotte r´esiduelle de glace de CO2 au pˆole sud (que nous nommerons CPS). En

surface, la temp´erature est constamment contrˆol´ee par l’´equilibre des phases du CO2 (148 K environ `a 6

hPa), ce qui correspond `a une pression de vapeur saturante n´egligeable pour la vapeur d’eau. La CPS va donc capturer d´efinitivement le contenu humide de toute masse d’air la surplombant. La CPS est donc consid´er´ee, `a juste titre, comme un puits d’eau permanent.

– Le r´egolite, sur sa profondeur ”accessible” par l’atmosph`ere (c’est-`a-dire sur environ 1 m), est capable de stocker la vapeur d’eau par adsorption `a la surface de ses grains.

Notons enfin la possibilit´e d’un r´eservoir de glace immense mais inerte en terme d’´echange et situ´e en sub- surface que les r´ecentes mesures de la sonde Mars Odyssey ont pu r´ev´eler [Feldman et al., 2002; Boynton et al., 2002; Mitrofanov et al., 2002]).

Les m´ecanismes contrˆolant les ´echanges d’eau entre r´eservoirs assurent au cycle hydrologique une r´ep´etitivit´e annuelle. En effet, les sondages effectu´es par le spectrom`etre TES, et entre-temps un certain nombre d’obser- vations t´elescopiques, donnent une image semblable `a celle qu’ont pu produire les observations de l’instrument MAWD de Viking2(cf. Figure 6.2). Bien entendu, des disparit´es existent. Encrenaz et al. [2001] ont pu observer

Mars en 1997 depuis la Terre ; une partie de leurs mesures se sont av´er´ees discordantes avec celles deViking, comme l’ont ´et´e certaines de Sprague et al. [1996]. Enfin, la comparaison entre les mesures t´elescopiques de Rizk et al. [1991] et celles de Clancy et al. [1992] donne une diff´erence relative sur le contenu global de pr`es d’un facteur 3 `a une ann´ee martienne d’intervalle (Encrenaz et al. [1995] sont venus par la suite confirmer les r´esultats de Clancy et al. [1992]).

N´eanmoins, les variations interannuelles ne modifient pas fondamentalement les tendances fortes du cycle sai- sonnier ; celui-ci reste le mode dominant du cycle hydrologique global. La d´emarche scientifique conduit donc `a s’int´eresser principalement aux agents moteurs qui pilotent l’´evolution annuelle de l’eau. Dans ce cadre, l’at- mosph`ere qui ne repr´esente pourtant qu’une partie infime du contenu global, joue un rˆole de premier plan : en tant qu’unique convoyeur de l’eau, il est le responsable de sa r´epartition g´eographique.