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En suivant le protocole observ´e par Fouchet et Lellouch [2000], nous avons l’occasion de confronter notre version du code am´enag´ee pour le HDO avec un outil dont la pertinence scientifique a d´ej`a ´et´e ´etablie lors d’´etudes de cas terrestres. En cons´equence, nous reprendrons les diff´erents profils thermiques utilis´es par ces auteurs pour simuler diff´erentes saisons `a l’´equateur :

– Lors de l’aph´elie, c’est `a dire au printemps Nord, o`u la plan`ete est sur le point le plus ´eloign´e du soleil sur sa trajectoire orbitale. R´eduction du flux re¸cu, baisse sensible des temp´eratures, nous assimilerons ce cas `a des conditions froides. Le profil thermique est issu des mesures HST effectu´ees par Clancy et al. [1996] ; – Des conditions chaudes du printemps/´et´e Sud, c’est `a dire la p´erih´elie. Le profil est, une fois encore, donn´e par les observations HST de Clancy et al. [1996]. La diff´erence avec les conditions de l’aph´elie peuvent se r´esumer par un ´ecart de pr`es de 20 K ;

– Des conditions interm´ediaires, `a mi-chemin entre les conditions pr´ec´edentes. Ces conditions ne sont pas celles d’une r´ealit´e terrain , mais celles obtenues par le Mod`ele de Circulation G´en´erale du LMD pour la p´eriode de la p´erih´elie sur la base d’une charge en poussi`ere faible.

Ces trois profils thermiques sont trac´es sur la Figure 5.3. Les r´esultats de cette partie sont issus de run `a profils de temp´eratures stationnaires. Les mesures de Clancy et al. [1996] ne pouvant produire de suivi journalier, elles correspondent `a un ´etat moyen quotidien de l’atmosph`ere. Le chapitre 3 a clairement ´etabli l’importance du cycle quotidien de condensation/sublimation. Une simulation suppl´ementaire, pr´esent´ee dans une partie suivante, a permis d’´evaluer l’impact de ce cycle sur le comportement du CEFE. N´eanmoins, n´egliger cet aspect de la m´et´eorologie ne modifie pas fondamentalement les enseignements qui peuvent ˆetre tir´es de la pr´esente ´etude.

En parall`ele aux diff´erents profils thermiques employ´es, le contenu int´egr´e en vapeur d’eau est lui aussi soumis `a variation. Trois contenus sont envisag´es (3, 10 et 30 pr. µm) pour chaque condition. Nous disposons donc d’un panel de neuf simulations au total. Contrairement au mod`ele simplifi´e de pr´ecipitation de Dansgaard

[1964], le code de microphysique n´ecessite l’emploi de param`etres tels que kd (pour repr´esenter le transport

atmosph´erique), le coefficient m pour la nucl´eation, et la charge en poussi`ere (autrement dit le nombre de noyaux de condensation). Pour kd, nous nous appuierons sur la valeur pr´econis´ee par Clancy et al. [1996],

`a savoir une valeur de 100 m2.s−1 dans toute la colonne. m est fix´e `a 0.945 conform´ement au consensus

microphysique [Michelangeli et al., 1993; Colaprete et al., 1999]. Concernant la poussi`ere, la distribution en taille utilis´ee est celle de Pollack et al. [1995] (ref f=1.8 µm). La charge en poussi`eres, ajust´ee par l’interm´ediaire

de l’´epaisseur optique, est fix´ee en fonction des conditions thermiques. Des charges de 0.1 et de 2 sont attribu´ees respectivement aux simulations froides et chaudes (ces valeurs sont tir´ees de Clancy et al. [1996]), une charge de 0.1 est employ´ee pour le run interm´ediaire.

Simulations en conditions froides

Nous l’avons signal´e pr´ec´edemment, le printemps Nord co¨ıncide avec le minimum d’ensoleillement. Pour l’´equateur, cela se traduit par un minimum saisonnier de temp´eratures. La ceinture ´equatoriale de nuages qui se d´eveloppe `a cette ´epoque est un t´emoignage direct de ces conditions relativement froides. Dans la configuration que nous lui avons donn´ee, le code est en mesure de produire les r´esultats de la Figure 5.4 pour δv. Ces profils se

comparent tr`es bien avec ceux obtenus par Fouchet et Lellouch [2000]. Ils se caract´erisent par un appauvrissement tr`es important de HDO vapeur au-dessus de l’hygropause. A plus de 40 km, le rapport D/H dans les mol´ecules d’eau n’est seulement qu’`a un dixi`eme (voire `a un cinqui`eme) de sa valeur pr`es du sol. L’effet du confinement du deut´erium est perceptible par les valeurs de δvpositives sous l’hygropause. Le surcroˆıt de concentration de HDO

dans les cristaux est transf´er´e vers le bas par s´edimentation puis relˆach´e par sublimation. La basse atmosph`ere est donc enrichie du deut´erium qui a ´et´e pr´elev´e des niveaux sup´erieurs `a l’hygropause. Ainsi, l’effet de pompage d´ej`a mentionn´e pour l’eau est accentu´e dans le cas du HDO en raison du fractionnement.

La structure verticale des profils de δv est dict´ee par les profils de temp´erature et de rapport de saturation de

la vapeur d’eau. La d´ecroissance en temp´erature s’accompagne d’une ´el´evation du coefficient de fractionnement αc ainsi qu’indiqu´ee par la Figure 5.2. De plus, la pression de vapeur saturante d´ecroˆıt plus vite avec l’altitude

que la pression partielle de vapeur d’eau si celle-ci ´etait uniform´ement m´elang´ee. La combinaison de ces deux effets implique que le fractionnement se fait de plus en plus sentir `a mesure que l’on s’´el`eve dans l’atmosph`ere. Pour la simulation la plus humide (30 pr. µm), il n’y a pas d’hygropause, l’atmosph`ere ´etant satur´ee juste au-dessus de la surface. Il en r´esulte un fractionnement op´erant sur l’ensemble de la colonne. Ce cas semble n´eanmoins peu repr´esentatif, il n’a d’ailleurs jamais ´et´e observ´e d’hygropause si basse `a l’´equateur Smith [2002]. Simulations en conditions interm´ediaires

En comparaison des simulations pr´ec´edentes, les simulations de type interm´ediaire se caract´erisent par une ´el´evation sensible de l’altitude de l’hygropause (au dessus de 20 km versus moins de 10 km pr´ec´edemment). L’impact du fractionnement sur les profils de δv reste notable mais une tendance d´ej`a amorc´ee dans les run

pr´ec´edents se confirme au vue de la Figure 5.4 : l’augmentation du niveau de l’hygropause se corr`ele `a une diminution de l’effet de fractionnement. Pr`es de 15% s´eparent les simulations `a 30 et 3 pr. µm et plus de 30% si l’on consid`ere la simulation la plus humide des conditions `a l’aph´elie. C’est `a ce niveau qu’interviennent les contraintes physiques li´ees `a l’utilisation de notre code microphysique pour simuler le CEFE. En effet, nos r´esultats contrastent avec ceux de Fouchet et Lellouch [2000]. Dans le cas de leur mod`ele de nuage ouvert `a α variable2, leurs r´esultats indiquent une disparition totale de HDO (δv=-100%) quelques kilom`etres au-

dessus de l’hygropause. Quels que soient l’abondance de vapeur d’eau et le profil thermique employ´es pour leurs simulations, cette disparition caract´erise leurs profils verticaux de δv (cf. Figure 5.5). Ce contraste, en terme

de r´esultats, entre notre mod`ele et le leur est dˆu `a nos repr´esentations diff´erentes de la formation nuageuse sur Mars. Dans le mod`ele de Fouchet et Lellouch [2000], il est suppos´e que la convection `a grande ´echelle est `a l’origine du refroidissement d’une masse d’air humide par ´el´evation de celle-ci. Dans ce cas, le trajet ascendant d’une parcelle dans la zone de condensation s’assimile `a un appauvrissement permanent de sa vapeur

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Les donn´ees exp´erimentales sur α, valides entre 230 K et 270 K, ont incit´e Fouchet et Lellouch [2000] `a traiter un cas o`u α reste constant en-dessous de 240 K.

3. R ´ESULTATS

Figure 5.4 : Profils verticaux de δvpour les trois contenus en vapeur d’eau. : a) Conditions froides (aph´elie), b)

d’eau en deut´erium. Dans notre mod`ele, le m´elange des masses d’air est seul responsable du transport vertical. Une communication s’´etablit donc entre masses d’air situ´ees au-dessous et au-dessus de l’hygropause. Le HDO vapeur, confin´e sous ce niveau, peut diffuser et r´eapprovisionner les niveaux sup´erieurs appauvris en deut´erium. Le m´elange est d’autant plus apte `a limiter l’appauvrissement de la colonne (en uniformisant le gradient vertical de concentration de HDO) que la portion d’atmosph`ere sous-satur´ee, et donc non soumise au CEFE, est plus importante. Ce dernier point explique la tendance affich´ee par notre mod`ele `a diminuer l’effet de fractionnement lorsque l’hygropause s’´el`eve.

Ascendance ou/et m´elange, il est difficile d’´evaluer la contribution respective de ces processus dans la for- mation des nuages. Dans certains cas, le transport vertical par eddy diffusion ne peut satisfaire le type de transport d’une zone de forte ascendance [Chassefi`ere et Blamont, 1992]. On peut finalement conclure que, compar´es au mod`ele de Fouchet et Lellouch [2000], nos r´esultats constituent une limite inf´erieure de l’efficacit´e du CEFE.

Simulations en conditions chaudes

Ces simulations nous donnent l’occasion de discuter de l’impact de certains processus sur le comportement du fractionnement. Dans les conditions m´et´eorologiques de la p´erih´elie `a l’´equateur, les temp´eratures mesur´ees sont environ 20 K plus ´elev´ees que celles obtenues `a l’aph´elie. L’hygropause suit une ´el´evation cons´equente `a ce r´echauffement et se situe au-dessus de 55 km. La faible portion d’atmosph`ere affect´ee par la condensation limite plus encore les valeurs de δv conform´ement a ce qui a ´et´e ´evoqu´e dans la partie pr´ec´edente. La Figure

Figure 5.5 : Profils verticaux de δvextraits de Fouchet [2000b] dans les condtions interm´ediaires pour des contenus

en vapeur d’eau de 3 et 30 pr. µm. La courbe annot´ee MO1 (mod`ele ouvert `a α variable) est `a comparer directement avec nos profils b) de la Figure 5.4.

3. R ´ESULTATS

10 20 30

Contenu intégré de vapeur d’eau, micron pr. -40

-20 0

delta (au-dessus du nuage) , %

Cas nominal Mélange intense Sans effet cinétique

Figure 5.6 : Graphe r´ecapitulant l’´etude men´ee en conditions chaudes. En abscisse, nous avons fait varier le contenu en eau. En ordonn´ee, est report´ee la valeur de δvcaract´eristique des couches situ´ees au-dessus de l’hygropause. Trois

cas sont envisag´es : le cas nominal (la valeur de δv est celle de la Figure 5.4-graphe c, partie sup´erieure `a 55 km),

un cas o`u le m´elange est intensifi´e et un dernier cas o`u l’effet cin´etique n’est pas pris en compte.

5.4 indique que les valeurs de δv dans la partie surplombant le nuage ne descendent pas sous les -10% (dans le

cas le plus humide). Si le ph´enom`ene de dilution des masses d’air riches en HDO dans les masses d’air pauvres amortit l’impact du fractionnement, d’autres effets viennent se superposer.

Nous l’avons soulign´e dans la partie consacr´ee `a la th´eorie, l’efficacit´e du processus de condensation diminue avec la temp´erature et donc, dans la plupart des cas, lorsque l’altitude augmente. Ce processus n’est plus, hi´erarchiquement, dominant. Son temps caract´eristique est comparable `a celui du m´elange des esp`eces gazeuses, la dilution est encore plus favoris´ee dans ce contexte. La valeur de kd utilis´ee dans nos simulations n’est pas

suffisante pour contenir la chute des particules. Les couches sup´erieures de l’atmosph`ere ne sont que faiblement peupl´ees en noyaux de condensation. L’efficacit´e de la condensation s’en trouve r´eduite, le profil de vapeur d’eau ne peut ˆetre maintenu `a saturation. Pour le fractionnement, cela a deux cons´equences :

1. La masse de glace est comparativement moindre que celle qui serait form´ee si la condensation convertissait l’exc´edent de vapeur en sursaturation. L’appauvrissement du HDO `a un niveau donn´e ´etant fonction du rapport M (glace form´ee)/M (vapeur), le HDO dispose d’un volume de glace r´eduit pour se concentrer. 2. La sursaturation d´eclenche l’effet de la cin´etique et limite donc les valeurs de αc.

L’efficacit´e de la condensation peut ˆetre accentu´ee si celle-ci dispose d’un nombre accru de CCN. Pour favori- ser la suspension des poussi`eres, il suffit d’intensifier le m´elange turbulent. Des valeurs sup´erieures `a plusieurs milliers de m2.s−1 ont ´et´e obtenues pour k

d [Rosenqvist et Chassefi`ere, 1995; Jaquin et al., 1986]. Sur la base

de ces observations, nous fixons le coefficient de m´elange kd `a une valeur de 6 000 m2.s−1 pour une nouvelle

simulation. Le r´esultat est donn´e dans la Figure 5.6. L’abondance de poussi`eres dans la zone du nuage permet `a la condensation d’op´erer plus efficacement, et par cons´equent favorise le fractionnement. Cependant, l’ampli- fication du m´elange n’a aucune incidence sur l’efficacit´e intrins`eque de la condensation `a basse temp´erature et l’atmosph`ere ´evolue toujours dans un ´etat sursatur´e.

Ceci nous am`ene `a envisager la part prise par la cin´etique dans le fractionnement isotopique. Dans les conditions pr´ec´edentes, l’´equilibre isotopique ´etait toujours r´ealis´e au niveau du nuage, la condensation ´etant

suffisamment prompte pour que le profil reste `a saturation. Une nouvelle simulation est r´ealis´ee (`a kd=100

m2.s−1) o`u l’effet cin´etique est neutralis´e (cf. Figure 5.6). Le coefficient de fractionnement n’est d´etermin´e que

par la relation (2.2). Ces r´esultats nous permettent de situer l’importance de la cin´etique qui r´eduit d’au moins un facteur 3 l’effet du fractionnement.