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8. La perle de l’hystérie et la fibromyalgie

8.2. La fibromyalgie comme une manifestation de l’hystérie

8.2.1. Travaux en psychiatrie

pulsion et sa fixation à son représentant psychique263». Or, selon la fameuse phrase de Freud, l’hystérique souffre de réminiscences et qui dit réminiscences dit représentation, et qui plus est, dans hystérie, on parle représentation refoulée: « La souvenance consisterait alors à une opération de synthèse qui unit l’ensemble des traces figuratives à l’ensemble des traces émotionnelles, promues d’abord du niveau fantasmatique, au niveau affectif264», écrivent S. Guillaumin et J. Guillaumin. Il nous faut donc suivre un autre fil et examiner des propositions qui mettraient le refoulement au cœur de ce que se passe sur le plan psychique dans la fibromyalgie. En effet, certains travaux présentent et/ou interrogent la fibromyalgie sous l’angle d’une hystérie et en particulier d’une hystérie de conversion, mais nous n’avons trouvé que peu de travaux traitant de la fibromyalgie à partir d’une réflexion psychanalytique. En réalité, bon nombre d’entre eux concernent des approches psychiatriques et médicales. Il faut bien dire que l’énigme de la fibromyalgie a d’abord intéressé les médecins tout court puis par la suite, les médecins spécialisés en psychiatrie se sont emparés du sujet. C’est pourquoi nous avons jugé nécessaire de parcourir quelques-unes des idées de ces praticiens semblant être à l’origine de l’hypothèse que l’hystérie pourrait être le modèle expliquant la fibromyalgie, avant de retrouver plus loin le cadre clinique et psychanalytique qui est le nôtre, en dehors de toute confusion épistémologique.

8.2. La fibromyalgie comme une manifestation de l’hystérie

8.2.1. Travaux en psychiatrie

Dans une approche essentiellement statistique, Virginie Martaillé265 a mené une étude comparée de la personnalité au cours de la fibromyalgie et d’autres maladies rhumatologiques. Au total 64 patientes du CHRU de Tours ont été incluses dans l’étude dont 15 fibromyalgiques266. Les données ont été recueillies à l’aide de questionnaires267. Bien que cette étude soit bien trop éloignée de notre cadre théorique et méthodologique, il nous a paru intéressant de la parcourir dans le sens où elle donne une bonne idée des approches médicales

263 Botella C. et S. (1992), Le statut métapsychologique de la perception et l’irreprésentable, in Revue française de

psychanalyse, Paris, PUF, vol. 56, n° 1, pp. 23-41.

264 Guillaumin S. et Guillaumin J. (1968), La genèse du souvenir, Paris, PUF, p. 149.

265 Martaillé V. (2011), Etude comparée de la personnalité au cours de la fibromyalgie et d’autres maladies

rhumatologiques : l’étude PERFect, Thèse de doctorat, Université de Tours, sous la dir. de Denis Mulleman.

266 Et 16 patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde, 18 de spondylarthrite ankylosante et 15 du syndrome de Gougerot Sjögren.

87 actuelles. L’étude présentée en 2011, tente de saisir des traits de personnalité des sujets fibromyalgiques. L’auteure fait l’hypothèse de la présence de traits de personnalité spécifiques à ces patients et pense qu’il existerait chez eux « des scores de névrosisme et d’introversion plus prononcés que dans les autres maladies rhumatismales268». Le névrosisme correspond dans son cadre théorique à une dimension de la personnalité caractérisée par l’anxiété et la labilité émotionnelle. Autrement dit, quelque chose qui s’apparente à des manifestations hystériques, du moins dans les manuels psychiatriques. Les résultats dégagés ont montré qu’il n’y avait pas de différence significative entre les grands traits de la personnalité dans les quatre groupes de patientes. Cependant, l’auteure a constaté, en analysant de plus près la dimension « Névrosisme », une différence significative dans le groupe de fibromyalgiques « concernant l’anxiété, le stress et la sensation d’angoisse269 ». La démarche étant quantitative et selon un modèle médical, les résultats restent globaux et ne révèlent pas suffisamment la dimension clinique qui nous préoccupe, mais la comparaison avec d’autres maladies douloureuses est néanmoins intéressante.

Une autre thèse de médecine traitant de la fibromyalgie et de données quantitatives est celle de Cécile Ribière270. Il s’agit d’un travail qui analyse de façon statistique à partir des données quantitatives du Rorschach 18 protocoles de femmes fibromyalgiques afin d’en dégager leurs points communs et de comparer ces données avec celles existantes dans le service de rhumatologie où travaille l’auteure, concernant les sujets souffrant d’algodystrophie271 et ceux ayant une polyarthrite rhumatoïde272, deux maladies douloureuses. Les protocoles des fibromyalgiques s’avèrent très défensifs avec une tendance à l’inhibition. Le nombre de réponses globales supérieures à la norme, avec une prédominance de G simples, mettent pour l’auteure en évidence une difficulté d’élaboration psychique. Le caractère défensif est également souligné par un accrochage à la forme (F% supérieur à la norme). Ces déterminants formels sont souvent de mauvaise qualité (F+% à la limite inférieure de la normale) mettant en exergue le caractère défensif et fragile de l’accrochage formel, résultat que Cécile Ribière interprète comme une discrète tendance à une mauvaise adaptation à la réalité. Nous nous interrogeons sur l’éventuelle valeur de ces « ratés » en tant que marque du retour du refoulé,

268 Op. Cit., p. 5. 269 Op. Cit., p. 15.

270 Ribière C. (2004), Le test de Rorschach dans la fibromyalgie, thèse de doctorat de médecine, Université de Nice-Sophia Antipolis, Faculté de médecine, sous la direction d’Olivier rocq.

271 C'est une maladie osseuse provoquant des douleurs mécaniques et une déminéralisation non homogène des os, avec des troubles trophiques (de la peau et des phanères : ongles, cheveux). L'algodystrophie résulte d'une perturbation vasomotrice elle-même liée à un dérèglement du système nerveux végétatif sympathique.

272La polyarthrite rhumatoïde est la plus fréquente des diverses formes de rhumatismes inflammatoires chroniques regroupées sous l’appellation « arthrite ».

88 mais le manque d’éléments qualitatifs de l’analyse ne nous permet pas de répondre. Il n’y a pas de référence au nombre de banalités, ce qui nous aurait donné une indication sur la qualité du rapport au réel. Il en est de même pour ce qui concerne les inesthésies. L’auteur nous dit qu’il y a peu de inesthésies, notamment un manque de grandes inesthésies, ce qui signe pour elle une inhibition. Les déterminants couleurs purs semblent peu représentés, la forme prévaut ici sur la couleur. Le type de résonance intime (TRI) prédominant est l’introversif, mais toutes les modalités sont représentées (dont 3 coartés). Il se dégagerait des protocoles une mise à l’écart des affects, une tendance à l’impulsivité lorsque ceux-ci s’expriment, le centrage sur une pensée rationnelle et la volonté de maîtrise dans la situation de passage de l’épreuve. La question de l’expression des affects est ici centrale. A noter, le score d’anxiété qui serait dans la norme. La comparaison de ces résultats avec ceux concernant les autres affections douloureuses annoncées montre des similitudes entre la fibromyalgie et les autres groupes mais ce qui distingue les fibromyalgiques des sujets atteints des autres affections serait la présence d’un indicateur d’angoisse dans la norme, alors qu’il est élevé par ailleurs. Ce dernier point, non interprété par l’auteure, nous interroge du côté des préoccupations pour la santé physique qui pourraient être attendues chez les fibromyalgique et qui auraient tendance à majorer ce score (réponses «anat», par exemple). Par ailleurs, nous notons que les 18 protocoles ne semblent pas homogènes et certaines données (ici quantitatives) semblent en contradiction avec ce que l’on attend habituellement d’un protocole d’un sujet hystérique, dont la labilité et la mise en avant des affects vont de pair avec la présence significative de réponses couleur, alors qu’ici on observe une faible représentation du pôle couleur.

Dans sa thèse de psychiatrie, Anne Beni273 a posé l'hypothèse de la fibromyalgie comme expression actuelle de l'hystérie. Elle propose d'interpréter la fibromyalgie comme un symptôme de conversion qui se ferait le substitut d'un deuil. Son analyse se base sur l’observation de quatre patientes ayant subi des pertes, mais elle considère que l’hystérie est plus présente chez deux d’entre elles, laissant entendre que les manifestations étaient moins marquées chez les deux autres. Elle nous dit : « La définition de la fibromyalgie, sa présentation clinique, éclairées de l’histoire de l’hystérie, nous ont autorisé à poser l’hypothèse de la fibromyalgie comme symptôme de conversion hystérique. Mais pourquoi la fibromyalgie ? Parce que les douleurs sont le support idéal pour dire la douleur morale et se faire métaphore d’un deuil. Mais cela n’est pas nouveau. Surtout parce que « l’éclatement »

273 Benni A. (2003), La fibromyalgie: une modalité de l'inventivité hystérique, thèse de doctorat de médecine, Université Henri Poincaré- Nancy 1, Faculté de médecine, sous la direction de Jean-Pierre Kahn.

89 des symptômes dans le corps, si caractéristiques de la fibromyalgie, est à l’image de la mise en pièces de l’hystérie dans la classification actuelle des troubles mentaux274».

Pour l’auteur, cette « mise en pièces du corps » serait à mettre en parallèle avec le concept de dissociation de Pierre Janet, appliqué aux manifestations corporelles. Dans ce travail, la question du deuil gagnerait à être davantage développée et, bien que nous trouvions cette approche intéressante, nous manquons d’éléments pour nous faire une idée plus précise des hypothèses proposées, et notamment sur le mode de traitement de la perte. Ceci nous incite à nous référer à titre d’exemple à un membre du forum qui place la maladie et la perte d’un être cher, son père, à l’origine du déclenchement d’une dépression et de la maladie. Ainsi, Urielle nous dit : « Les douleurs ont commencées lorsque mon père a été très malade, j'ai aidé ma mère à le soigner, j'avais demandé un congé à mon patron, malheureusement mon papa est mort un mois et demi après, (je suis) tombée dans la dépression, avec perte énorme de poids, puis ensuite ces douleurs à longueur de journée ».

Dans cette étude, la correspondance entre la géographie corporelle des points douloureux de la fibromyalgie et ce que l’auteur appelle « la mise en pièces » de l’hystérique est restée pour nous, énigmatique. D’ailleurs, nous notons au passage que cet éparpillement dont elle parle contraste avec la concentration des symptômes chez certaines hystériques célèbres : la toux de Dora, la jambe d’Elisabeth von R. Même ceux, pourtant nombreux, polymorphes, d’Anna O. (paraphasie, strabisme convergent, troubles graves de la vue, contracture parésique totale du bras droit et des jambes, et partielle du bras gauche, parésie des muscles du cou . . .) nous évoquent moins un éparpillement qu’une grande labilité. Par ailleurs, l’auteur souligne le fait que l’hystérie représente le discours médical dominant car « elle est capable d’endosser n’importe quel masque, leurrant son monde au passage275». Nous rajouterions que la prudence serait de mise afin de ne pas coller une telle étiquette à toute sorte de manifestation bruyante non expliquée par le corps médical !

En 2008, Delphine Gire part de deux observations cliniques de femmes fibromyalgiques pour lesquelles elle fait l’hypothèse d’un fonctionnement hystérique. Pour la première patiente de 25 ans, Elise ., l’auteur voit un fonctionnement hystérique se déployer à partir « de l’expression inappropriée de la douleur et le « débordement » permanent à toute évocation d’une conflictualité psychique au travers d’un diagnostic de fibromyalgie vécu, et présenté,

274 Op. Cit., p. 149. Sa référence : le DSM-IV et l’IDC-10 concernant les troubles dits somatoformes : la somatisation, la conversion, le trouble douloureux, l'hypocondrie et la peur d'une dysmorphie corporelle (dysmorphophobie), les troubles dissociatifs, etc.

90 comme identitaire276». Or, il se trouve que la patiente est désaffectée et venait de faire une tentative de suicide grave lorsqu’elle l’a rencontrée en psychiatrie. Tout en tenant compte des limites imposées par le fait que nous n’avons pas rencontré la patiente, notre propre lecture du cas nous fait dire que conclure à un fonctionnement hystérique dans ce contexte nous paraît une extrapolation trop audacieuse et que son état nous évoque plutôt une pathologie ayant de bases plus archaïques. Quant à la deuxième patiente, Adja C., femme de 36 ans, hospitalisée en psychiatrie pour un ajustement thérapeutique et suivie dans un CMP pour dépression ancienne remontant à l’âge de 24 ans, période à laquelle la patiente avait subi une interruption volontaire de grossesse, l’auteur fait état d’un théâtralisme patent, d’une humeur neutre voire enjouée, d’une hyper expressivité de l’affect, d’une dépendance affective niée, éléments qui la conduisent à dire que « se dégage le diagnostic d’hystérie à côté de celui peut-être « emprunté » de la fibromyalgie277». En effet, le diagnostic de fibromyalgie est vu ici par Delphine Gire comme un moyen pour la patiente « de légitimer des comportements en rapport avec ses propres inhibitions » et de jouir de nombreux bénéfices secondaires. Sur cette dernière proposition, nous pensons au fait qu’à la fin du 19ème siècle, l’hystérie n’était pas vue comme un problème médical mais comme une déviance morale, comme le précise Leopoldo Fulgêncio278. Les symptômes étaient alors considérés comme une façon d’attirer l’attention ou de fuir les responsabilités. La lecture de ce cas nous a effectivement fait penser que l’hypothèse d’un fonctionnement hystérique serait plausible. Si la généralisation de cette hypothèse à tous ses cas nous paraît difficile à tenir, certains éléments avancés par l’auteure nous ont parus davantage intéressants, à savoir, la haine de la patiente à l’égard d’une mère décrite comme hostile et maltraitante, l’identification « douloureuse » (hystérique ?) à la mère atteinte d’un rhumatisme paralysant et enfin « l’impossibilité manifeste à occuper une position féminine279. » Ce commentaire, que l’auteure n’a malheureusement pas développé plus, interroge un point qui nous intéresse tout particulièrement, à savoir, la question du féminin dans la fibromyalgie, sujet qui sera traité par nous ultérieurement. Par ailleurs, l’auteure pointe le refus systématique de ses patientes d’accepter une approche sur le plan psychologique. Nous remarquons aussi qu’à l’instar des patientes de l’auteure, les fibromyalgiques du forum sont aussi dans une méfiance, voire dans un rejet de toute approche

276 Gire D. (2008), Aspects psychopathologiques de la fibromyalgie, Mémoire pour le Diplôme d’Etudes Spécialisées de Psychiatrie, Université Paris Diderot – Paris 7, Faculté de médecine, sous la direction de Patrick Hardy, p. 45

277 Ibid., p. 51.

278 Fulgêncio L. (2002), A compreensão freudiana da histeria como uma reformulação especulativa das psicopatologias, Revista Latinoamericana de Psicopatologia Fundamental, Vol. 5, n°4, pp. 30-44.

91 psychologique de leur maladie. Ainsi, Silaine nous dit : « Quand on est fibro on a vite fait de passer pour dépressif, alors il vaut mieux ne pas se faire remarquer», et aussi : « Le moral compte beaucoup pour un fibromyalgique et ce n’est pas en nous confondant avec des dépressifs ou des hypocondriaques que l’on pourra avancer ». Même approche chez Burlute : « C’est bien souvent que l’on croit que nous sommes déprimés, alors que nous souffrons tout simplement, et que ça n’a rien à voir avec le stress ».

Parmi les travaux de psychiatres français sur l’hystérie dans la fibromyalgie, ceux de Wilfried Morice280 nous semblent intéressants à parcourir car l’auteur propose une approche psychodynamique de la douleur. Il questionne aussi, pour la fibromyalgie, les notions de conversion et d’hystérie, ceci à partir de son expérience de consultant en psychiatrie au sein du Centre d'Evaluation et de Traitement de la Douleur de Nantes. Dans ce travail, il présente le cas d’un patient de 19 ans, Armand, sur lequel il va baser toute son argumentation. Pourtant, à côté de l’hystérie, cet auteur interroge également l’hypocondrie dans le tableau clinique présenté, en argumentant que chez ce garçon la notion de « l’hystérisation ne suffit pas car toute l’énergie pulsionnelle ne peut être convertie281». Il pointe le débordement de ses mécanismes de défense et note : « Nous nous demandons si à côté des modalités névrotiques de défense essentiellement représentées par le refoulement et la conversion, ne sont pas organisés d’autres mécanismes de type déni, projection, dont témoigneraient la dimension hypocondriaque de certaines manifestations282».

Marianne audin, dans son texte sur l’hypocondrie rappelle que Galien traitant cette affection sous l’angle des troubles sexuels, a pensé que ceux-ci engendraient chez l’homme une mélancolie et chez la femme des troubles hystériques283 !

Wilfrid Morice rajoute : « Son hypocondrie est une solution. [. . .] le symptôme hypocondriaque d’Armand vient témoigner d’une lutte pour préserver le Moi d’une désorganisation plus intense284». Puis il poursuit en posant le diagnostic d’une forme pseudo-hypocondriaque de l’hystérie chez Armand, pour finalement conclure : « Au terme de l’étude des aspects psychiatriques de la fibromyalgie, nous avons constaté l’impossibilité de la

280 Morice W. (2002), Approche psychiatrique d'un syndrome douloureux chronique : la fibromyalgie, thèse de doctorat, Université de Nantes, sous la dir. de Benoît Robin.

281 Ibid., p.177. 282 Ibid., p. 178.

283 Baudin M. (2005), op. cit., p. 57. 284 Ibid, pp. 181, 182.

92 « classer » dans telle ou telle rubrique de la nosographie psychiatrique285». Ces dernières conclusions rejoignent nos propres hypothèses.

Dans cette perspective, Anne Duquet286 qui a étudié 5 cas de patients fibromyalgiques, quatre femmes et un homme, conclut à une hystérie pour deux des femmes, à des « traits » hystériques névrotiques avec une dimension paranoïaque associé à des troubles de l’humeur pour l’une d’entre elles, à des « traits » névrotiques pour le sujet masculin pour lequel elle souligne aussi des éléments persécutifs et enfin, à un fonctionnement limite pour l’une des patientes, avec l’existence de défenses d’allure hystériques et psychotiques. Ces patients ont été rencontrés dans le cadre d’un suivi psychiatrique hospitalier. L’investigation psychologique réalisée à l’aide du Rorschach, a été effectuée dans le cadre d’une hospitalisation pour des pathologies psychiatriques. Précisons que le diagnostic de fibromyalgie a été posé après cette investigation. Pour l’une des femmes diagnostiquées hystériques, Madame E, elle signale l’existence d’une image maternelle archaïque persécutive, d’une image paternelle n’offrant pas de sécurisation et de fixations orales associées à un vide affectif patent. Les protocoles étudiés sont pauvres et divergent de la richesse voire l’exubérance des entretiens. La fréquence de l’association de « traits » hystériques et paranoïaques est mise en exergue dans ce travail. La dimension dépressive transparait peu alors que les patients avaient été hospitalisés pour un syndrome dépressif. La présentation théâtrale constatée contraste avec la distance affective avec laquelle ils expriment leur désarroi : « Le désarroi de ces patients est exprimé avec beaucoup de distance affective donnant souvent à l’interlocuteur une impression de « trop », « d’en rajouter », parfois d’inauthenticité, avec par voie de conséquence souvent peu d’empathie de la part des soignants287. », relève Anne Duquet. Au total, elle ne pense pas la fibromyalgie comme un symptôme hystérique mais considère ce qu’elle appelle « la personnalité hystérique » comme un élément de vulnérabilité propice au développement de la maladie.

Il ne se dégage de toutes ces approches que rien ne nous amène à considérer la prévalence d’un fonctionnement hystérique. Tout au plus pouvons-nous supposer qu’il pourrait avoir des problématiques hystériques chez les fibromyalgiques et peut-être une éventuelle « vulnérabilité » de ce fonctionnement à la maladie, sans pour autant généraliser cette idée à tous les sujets fibromyalgiques. Il semble se profiler aussi parmi les cas présentés, des manifestations hystériformes qui ne correspondraient pas cependant à un fonctionnement

285 Ibid., p.188.

286 Duquet A. (2004), Fibromyalgie et personnalité, thèse de doctorat de médecine, Université Besançon, Faculté de médecine et de pharmacie, sous la direction d’Emmanuel Haffen.

93 névrotique patent. Le rapprochement entre la personnalité hystérique et la fibromyalgie reste critiquée288 dans les milieux psychiatriques.

Nous avons tendance à penser que le plus souvent ces positions centrées sur une problématique hystérique s’articulent sur le fait que la symptomatologie somatique de la fibromyalgie reste, encore aujourd’hui, sans base anatomique ni physiologique prouvée et reconnue, et sur le constat que les personnes souffrant de cette maladie sont majoritairement des femmes. Nous pensons à ce que Jacqueline Lanouzière289 évoque au sujet de l’approche de l’hystérie par la Salpêtrière et de son Iconographie, « cette obsession masculine millénaire à laquelle les hommes de sciences n’échappent pas quand ils ne contribuent pas à les entretenir », à savoir, « cette conviction des hommes qui, comme Diderot ou Baudelaire, pensent que c’est chez l’hystérique, « chez la femme dominée par l’hystérisme », que l’on peut voir et entendre « la » femme, ce que les poètes appellent « l’éternel féminin » ». Elle