• Aucun résultat trouvé

L'UTILISATION DE L'ESPACE

II.3 Les interactions dans l'espace :

II.3.2 Les interactions sociales en sciences humaines : .1 Goffman et l'interaction face-à-face :

II.3.2.3 Les travaux de Hall et la proxémique :

La proxémique est le champ de recherche qui concerne la diversité des espaces personnels et les facteurs qui déterminent leurs tailles et leurs fonctions.

L’espace personnel est reconnu par les chercheurs comme une sorte de bulle invisible qui entoure le corps de chacun et à laquelle les étrangers n’ont pas accès. On le considère comme étant sien, il est chargé affectivement et défendu en cas d'intrusion. Il s'agit d'une notion à la fois sociale et environnementale, car selon Lévi-Leboyer, la question fondamentale est « quelle proximité tolère-t-on d'autrui dans différentes situations ? » (Lévy-Leboyer, 1980).

Edward T. Hall est le premier à avoir étudié l’espace personnel, d’autres recherches comme celles de Moles ou de Goffman se sont également intéressées au sujet.

Pour Hall, l’espace est un « langage silencieux » dans le sens où les comportements spatiaux mobilisent un code (Schwatz, 1998).

75

Il identifie quatre zones spatiales qui servent à réguler les différentes interactions sociales.

Hall identifie une typologie d'espaces personnels qu’il étage de façon concentrique autour de l’individu et qui se reconnaissent comme des distances :

1. distance intime : elle permet la réception de l'autre d’informations visuelles, auditives, olfactives, voire tactiles et d’autres relatives à la température du corps.

Cette distance est considérée comme inconvenable dans l'espace public (Lévy-Leboyer, 1980).

2. distance personnelle : c'est une zone protectrice que les gens maintiennent entre eux et les autres, elle permet une communication interpersonnelle riche : possibilité de toucher, éventuellement l’odorat, les détails visuels, les sons, etc. Elle concerne les rapports personnels normaux.

3. distance sociale : elle permet la communication à voix normale, des expressions du visage, la vue des postures. Elle concerne généralement des rapports de type professionnel.

4. distance publique : c’est une distance formelle, elle permet une communication des expressions du visage, de la posture, avec un ton de voix adapté, articulé, formel (Lévy-Leboyer, 1980).

Hall énonce que ces distances sont variables selon les cultures, mais d’autres recherches font ressortir d’autres facteurs comme influents dans l’espace personnel comme les différentes classes sociales, le pouvoir, le degré de confiance, les différentes postures (assis, debout, allongé, etc.). Le cadre bâti est également un élément déterminant dans la régulation des différentes distances. Les individus utilisent le cadre bâti pour moduler leurs distances vis-à-vis des autres.

Le cadre bâti est peu cité dans les recherches de proxémie bien que son rôle soit important selon Canter (Scherer, 1974 ; Altman et Vinsel, 1977 ; Canter, 1974, cités par Lévy-Leboyer, 1980). Le cadre bâti peut réguler les distances à travers les mécanismes de territorialité tels ceux d'Altman revues ci-dessus. L'environnement physique est un des mécanismes puissants pour régler les tailles de l'espace personnel. Hall parle d’espace sociofuge et d’espace sociopète ; le premier est conçu de manière à décourager les interactions sociales alors que le deuxième est fait pour les favoriser. On retrouve l'évocation de ce rapport avec l'environnement physique et l'espace personnel chez Moles. Il reconnaît, le cadre bâti –à travers des critères perceptifs- comme élément modificateur de l’étendue et de la forme de ces zones d’espace personnel. Lecuyer cité

76

par Lévy-Leboyer (1980), relève que le mot « espace personnel » est inapproprié et que le phénomène étudié a une dimension sociale. Il s’agit d’un comportement socio-spatial.

Il est analysable vis-à-vis de la situation sociale, de l’environnement physique et de la contrainte culturelle.

Abraham Moles s’est penché également sur la proxémie d’un point de vue phénoménologique. Il la définit ainsi : « La proxémique est fondée par une loi de

« perspective » selon laquelle l’importance des évènements, des choses,…décroît avec la distance au point ici. » (Shwatz, 1998). Il établit une typologie appelée « la théorie des coquilles de l’homme » et dans laquelle il décrit huit zones concentriques autour de l’être à la manière des couches d’un oignon. Ces zones correspondent à des entités autour d’un être nu et isolé et qui vont, les unes autour des autres jusqu’au vaste monde.

Ces zones sont différenciées par la distance au « point ici » et par la représentation ou le vécu de l’homme (Schwatz, 1998). Ces coquilles se définissent par les mécanismes d’appropriation, les modes d’action et sont également déterminées socialement. Moles reconnaît, également que le cadre bâti –à travers des critères perceptifs- modifie l’étendue et la forme de ces zones. « Par-delà la continuité de la loi générale (de la proxémique, ndlr), les discontinuités perceptives et comportementales, définissent des formes particulières, les catégories spatiales ». (Shwatz, 1998).

II.3.2.3.1Critique :

La proxémique permet une projection dans l'espace des types de relations entre les individus. Hall pense également à la production et l'agencement de l'espace à partir des dimensions qu'imposent ces relations humaines, d'où la dimension cachée de l'espace ; ceci est très important par rapport, au domaine de la conception, où le programme et les activités proposent des agencements et dimensionnements appropriés culturellement.

Cette théorie cependant, envisage l'espace uniquement, comme le reflet des rapports humains ; le rapport inverse semble être abordé, uniquement à travers la modification des tailles des espaces personnels. Canter (1974) a déjà relevé que la dimension spatiale du cadre bâti est négligée dans les études de proxémique. L'influence de l'espace sur la fréquence et les types d'interactions humaines ne semble pas être abordée dans cette approche.

D'autre part, cette théorie permet à l'analyste de reconnaître à travers les descriptions de Hall, les types de rencontres qui se produisent dans l'espace, notamment l'espace public et ouvert des campus d'universités. Ceci permettra de comprendre s'il existe des

77

logiques spatiales de répartition de ces types d'interactions et quelles sont leurs natures.

L'approche apporte une contribution certaine pour l'étude de la relation entre les interactions et la configuration spatiale dans ce travail.