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Nous considérons que l’approche structurale peut se prêter à l’étude des jeux vidéo. En effet, on peut considérer que le défilement des images sur l’écran correspond strictement au mécanisme d’analyse de films. C’est d’ailleurs ce que nous ferons en analysant les enregistrements de jeux vidéo. Ensuite, l’articulation images et sons, relèverait comme le film d’une diégèse intersémiotique. C'est-à-dire que des signifiants de différentes natures sont en interaction pour produire du sens. Chaque segment autonome pourrait être analysé selon sa structure et révéler ses traits persistants quels que soient la diversité des jeux vidéo. Comme Metz (1966) cherchait à déterminer la grammaire du cinéma, Jacquinot (1977) celle des films à intention didactique et Jaillet (2006) celle des médias scolaires et films pédagogiques, l’analyse structurale à partir des travaux de Hall (1984) pour les jeux-vidéo, cherche à mettre en évidence les architectures récurrentes, afin de faire le lien avec le socle commun de connaissances et de compétences.

Pour ce faire, et afin d’effectuer l’analyse d’une situation ou d’une scène, il faut avant tout en extraire des segments autonomes. Un segment représente une « portion délimitée et individualisée dans un ensemble » mais aussi, en ce qui nous concerne, une « unité dans certaines techniques d’analyse » (1994). Cette dernière définition est empruntée à la linguistique. Un ensemble, un élément, tel qu’un jeu vidéo, et à plus petite échelle, le scénario d’un jeu, est donc composé de différents segments. Ces segments sont délimités et se retrouvent donc à différents niveaux.

Concernant l’adjectif « autonome », il provient du grec « autonomos », de autos « soi-même » et nomos « loi ». Ce qui est autonome se gèrerait « librement, indépendamment d’une autorité supérieure ». La notion de segment autonome dans des environnements filmiques ou vidéo-ludique a déjà été discutée par certains auteurs tels que Jacquinot (1977) ou Jaillet (2006). Pour Jacquinot (1977, p.75), « le plan est la plus petite unité de subdivision du film, le segment minimum dans le déroulement de la chaîne filmique ». Un segment autonome représenterait donc une action unitaire et continue, non perturbée par un élément scénaristique. Pour Jaillet (2006), « le segment autonome est considéré comme une articulation de textes intersémiotiques par un schéma d’ordre qui reprend les concepts de syntagmes monstratifs et démonstratifs, délimité en ses extrémités par les changements diégétiques et les ponctuations filmiques ou l’adoption d’un autre mode syntagmatique ». La définition que l’auteur propose met en valeur trois points. Il faut pour qu’un segment autonome existe qu’il n’y ait pas d’« interruption du cours de l’intrigue », ni d’« interruption par un signe de ponctuation », ni d’« abandon d’un type syntagmatique pour un autre ». Afin de vérifier l’existence du « segment autonome » sous cet angle, Alain Jaillet le met à l’épreuve du processus de « commutation ». En d’autres termes, en enlevant tel ou tel élément, est-ce que cela change le sens de l’histoire racontée ?

Un segment est donc composé de différentes notes qui lui donnent une existence et une fonction. L’ensemble de ces notes aboutissant au segment autonome donne une portion cohérente et organisée d’un passage filmique ou vidéo-ludique.

Pour élaborer notre approche analytique, nous avons joué tout d’abord à un jeu vidéo en l’enregistrant avec un logiciel de capture vidéo. Nous avons ensuite procédé à l’application de l’analyse structuraliste inspirée par les travaux d’Edward T. Hall (Hall, 1984). Notre but est, par l’utilisation de cette méthode, de faire le lien entre l’architecture des jeux vidéo et le socle commun de connaissances et de compétences.

Nous avons décomposé le jeu vidéo, en « séries », puis en « notes » de ces « séries » à l’image de l’analyse du langage effectuée par Hall et qui considère « les « séries » (mots) » comme ce que l’on perçoit d’abord », « les notes (sons) » comme ce qui constitue les « séries » et « les schémas (syntaxe) » comme « le moyen de rendre cohérentes les séries afin de leur donner un sens ».

Les schémas existants sont, selon Hall, de nature « formelle », « informelle » ou « technique » et régis par des lois d’ « ordre », de « sélection » ou d’ « harmonie ». Selon Hall, « les lois de

l’ordre sont des règles qui dictent les changements lorsque l’ordre est menacé » et régit notamment la construction des phrases pour lesquelles l’ordre doit être correct pour qu’elles soient comprises (p.155). A l’école, l’enseignement est justement basé sur cette question d’ordre. Dans un schéma d’ordre, les notes composant les séries ne sont pas disposées de n’importe quelle manière.

En ce qui concerne la sélection, elle « contrôle l’organisation des séries qui peuvent être utilisées ensemble » (p.157). Selon Jaillet (2006), c’est notamment le cas de la série classe. En effet, « les différentes notes, pupitres, tableaux, cahiers, livres, élèves, enseignant, illustrations, etc…composent la série classe par un schéma de sélection » (pp.36-37). C’est « d’après le poids de l’ensemble des pratiques sociales d’un groupe culturel » qu’agirait cette loi de sélection.

Enfin, la loi d’harmonie peut selon Hall « se définir en tant que schéma des schémas » (p.159). C’est cette loi d’harmonie qui va permettre aux autres schémas d’exister.

Les séries premières correspondent aux phases majeures, ou principales, du jeu vidéo étudié. C’est ces phases majeures, qui constitueront nos premières « séries », que nous pourrons alors décomposer en « notes » plus fines, elles aussi déclinables en « séries ».

7.1.1.a. Découpage en séries et en notes

Pour effectuer ce découpage, il faut penser le jeu comme une culture structurée par des règles non décrites et invisibles pour tout utilisateur. Le but de ce dernier étant de « jouer » au jeu, sans procéder à cette analyse culturelle qui nous anime, il ne peut déceler ce morcellement vidéo-ludique. L’affinement d’un tel média amène à la production d’une base structurale du non-visible, quoique quelque fois annoncée par le jeu lui-même dans ses propositions verbales ou iconiques avec comme contrainte de conserver l’idée d’un schéma cohérent.

La première phase consiste donc à établir le schéma global de toute action vidéo-ludique, de son entame à sa finalité. Dans cette phase primaire, nous retrouverons les grands « blocs » du jeu vidéo, non explicites mais acquis pour toute production vidéo-ludique. De la compréhension de l’objet du jeu à la pratique du jeu en lui-même, ils définissent le parcours suivi par tout utilisateur, sans qu’il en prenne conscience. Véritable structure cachée, ces premiers éléments constitueront pour nous la base d’analyse des jeux vidéo et nous

7.1.1.b. L’exemple de la série «

Afin d’illustrer la méthode d’analyse

exemple d’application à la série «

27/06/2011), identifiée en tant que segment autonome. (

Cette série « classe d’école » est constituée de différentes notes qui, par sélection (les objets vont ensemble) et un schéma d'ordre (les

n'importe comment) rendent cohérentes la série.

Visuel 2 - Exemple avec la série « classe d’école »

On obtient ainsi la représentation schématique de la série «