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De l’analyse structurale à l’analyse des films éducatifs films éducatifs

travaux d’Edward Twitchell Hall

6.2. De l’analyse structurale à l’analyse des films éducatifs films éducatifs

Notre quête de sens entre les différents éléments du jeu sérieux et ceux du socle commun de connaissances et de compétences nous amène à nous appuyer sur l’analyse structurale. En effet, l’analyse structurale permet de mettre en évidence des relations entre différents éléments, à l’image de la reconstruction d’un puzzle (Piret, Nizet, & Bourgeois, 1996). Elle est définie par les auteurs comme faisant « partie des méthodes d’analyse de contenu qualifiées de sémantiques et structurales » (p.8). Ainsi, puisque l’intérêt est porté au sens du discours, il s’agirait d’une méthode sémantique, et puisqu’elle cherche à « saisir les associations, les oppositions qui relient les thèmes d’un discours », c’est une méthode structurale (pp.7-9). Pour l’analyse structurale, « aucun élément du discours ne trouve sa signification en lui-même », le sens ne pourrait être identifié que par la « mise en évidence de ses relations avec d’autres éléments du discours articulées en structure » (Ibid. p.15). Ce serait « la mise en relation de deux éléments du discours » (Ibid. p.15).

La méthode reposerait sur la « binarité » comme instrument minimal. C’est la « relation de disjonction » (Ibid. p.15). Pour que cette relation de disjonction soit cohérente, il faut que les mots ou groupes de mots aient quelque chose en commun tout en étant différents. C’est l’« axe sémantique » qui les relie. Pour qu’une relation de disjonction soit identifiable, il faut, pour les auteurs, que plusieurs conditions soient réunies. Il faut qu’il y ait binarité, comme nous l’avons précisé précédemment, que le critère d’homogénéité soit effectif (avec un axe sémantique), que l’axe sémantique soit décrit exhaustivement par les termes et qu’il soit exclusif par le fait que le « locuteur n’envisage aucune réalité qui possède à la fois les caractères d’un terme et de son inverse » (Ibid. p.20). Sont alors identifiables des « structures parallèles », composées de disjonctions « empilées » par des « relations réciproques », avec une notion de « valorisation » (positif/négatif) pour laquelle il est possible de procéder par « condensation » en ne sélectionnant qu’un seul des termes parmi plusieurs synonymes.

Sont également identifiables des « structures hiérarchisées » à « plusieurs étages » et pour lesquelles un des deux mots d’un système binaire peut devenir à son tour axe sémantique et être analysé (Ibid. p.43). En ce qui concerne l’aspect de valorisation, il est maintenu et répercuté sur les niveaux hiérarchiquement inférieurs. Cette structure hiérarchisée se

deviennent à leur tour des séries composées elles aussi de différentes notes. Enfin, il existe des « structures croisées » qui présentent schématiquement les axes qui ne sont plus « parallèles » ni « hiérarchisés ». Il y a ici ce qu’appellent Piret, Nizet et Bourgeois (1996) le croisement de deux « disjonctions-mères » (Ibid. p.49). Il s’agit d’une représentation des « combinaisons possibles des termes des disjonctions-mères pris deux à deux » (Ibid. p.50).

Pour saisir la dynamique qui s’instaure entre ces structures, il est utile d’avoir recours au « récit de quête », emprunté par les auteurs à Greimas (1986). C’est ce récit qui permettrait d’organiser les « disjonctions selon un scénario dans lesquelles prennent place des rôles typiques » que l’on appelle des « actants ». Les trois actants principaux sont « l’objet convoité», le « sujet qui tente de l’obtenir » et les « actions qu’il mène pour y parvenir » (p.77). D’autres actants participent à ce schéma avec « l’adjuvant » (qui apporte son aide au sujet dans l’obtention de sa quête), «l’opposant » (qui le gênerait ou l’en empêcherait) et le « destinateur » qui est la source envoyant l’opposant gêner le sujet. Enfin, il existe l’actant « destinataire » qui est « celui à qui profite la réalisation de la quête » (p.80).

Alain Jaillet s’est appuyé sur cette méthode d’analyse structurale pour l’appliquer au film (Jaillet, 2008). L’auteur considère que « le texte filmique est un texte intersémiotique résultant de l’interaction de plusieurs textes dépendant de la nature d’énonciation » (p.39). Un film c’est « des images, du son de la musique, de l’écrit » (Ibid. p.39). Le texte se construirait alors avec l’assemblage d’énoncés de différentes natures et il apparaît important de comprendre les mécanismes qui permettent d’identifier les « énoncés au sens sémiotique du terme de mise en forme et les énoncés de contenu » (Ibid. p.39). Pour comprendre comment le sens du film s’élabore, il faut alors « partir des signes construits sur la base de signifiants de différentes natures » (Ibid. p.39). En s’appuyant sur les travaux de Hall (1984), Jaillet a élaboré une méthode considérant que « les mécanismes de significations fonctionnent selon une articulation de deux schémas, d’ordre et de sélection ». C’est en partant de ce schéma structuraliste que l’on pourrait « élaborer le triptyque classique de la sémiotique, signe, énoncé, texte » (Ibid. p.39).

On retrouverait « les signifiants visuels figuratifs » (pouvoir de représentation ou de distanciation), « les signifiants iconiques » (conditions de productions des signifiants figuratifs) et les « signifiants auditifs » (les signifiants linguistiques, prosodémiques et les signifiants bruitaux figuratifs) (Ibid. p.39). Jaillet rappelle qu’à partir des signifiants, des signes « prolifèrent » dans le film dans un rapport intersémiotique. Comment passe-t-on alors

des signes aux énoncés ? « Parmi tous les signes résultats de la mise en forme, il serait possible de montrer que l’échelle des plans qui en comporte en général trois, est le support à la conduite de l’énonciation » (Ibid. p.40). Pour le film, la principale caractéristique serait la gestion de l’énonciation dans le temps, et donc du mouvement. Ce dernier serait alors signe conducteur de l’énonciation et chaque mouvement correspondrait selon Jaillet à un énoncé. On arriverait, par l’articulation de ces énoncés dans une succession, à l’aboutissement d’un texte intersémiotique. Cependant, Alain Jaillet fait l’hypothèse que le potentiel de supplantation n’est pas le même selon la nature du segment utilisé. En se référant à Salomon (1981), il rappelle que les enfants ne sont pas égaux « quant à l’exposition aux segments filmiques ». En effet, pour l’auteur, « le degré de supplantation, eu égard à la caractéristique de l’intelligence visuelle ou logico-linguistique, varie avec les individus » (2008, p.41).

Salomon s’est intéressé aux effets des médias sur les jeunes et rappelle qu’un « média n'exerce pas, en tant que tel, d'influence sur les individus et ne participe pas non plus d'une manière simple au développement d'un enfant. En revanche, certains attributs — parfois particuliers à un média, parfois communs à plusieurs — influent de manière différente sur les connaissances, les croyances, les capacités et autres caractéristiques des enfants » (Ibid. p.76). Il s’est intéressé aux différences entre les « modes de collecte, de sélection, de mise en forme et de présentation de l'information » afin d’en « examiner les conséquences psychologiques ». Pour cela, Salomon cherche à « savoir dans quelle mesure le fait que des enfants se trouvent en présence des systèmes symboliques des médias a des conséquences significatives sur leur développement. Et comment ce problème a trait aux capacités intellectuelles des enfants ». Pour l’auteur, les systèmes symboliques « constituent une catégorie d'entités culturelles au même titre que le contenu des cultures, les technologies et les techniques d'utilisation de la technologie par ces mêmes cultures » (Ibid. p.80). L’auteur constate notamment qu’un « enfant ne semble pas comprendre le monde comme il se présente, mais bien plutôt à travers les schèmes et les opérations mentales qu'il y applique ». L’individu transformerait les messages « extérieurement codés » en « messages internes ». Et une des conditions à l’amélioration des facultés chez les enfants se situerait au niveau de l’adéquation entre les éléments véhiculés et l’utilisation d’une action éducative appropriée : « lorsqu'ils sont accompagnés d'une action éducative appropriée (problèmes à résoudre conçus pour l'expérience), les éléments d'activation des facultés améliorent la maîtrise des facultés en cause chez les enfants partiellement capables de les exercer » (Ibid. p.86). A titre d’exemple :

opération que l'on doit effectuer intérieurement quand on passe d'un gros plan à un plan général ». L’auteur a relevé qu’« en présence d'une action éducative, les éléments spécifiques qui supplantent ouvertement les processus internes accroissent la maîtrise des facultés des sujets chez qui elle était faible au départ, mais la diminuent pour ceux chez qui elle était plus affirmée ». Salomon précise que « les histoires télévisées seraient plus évidentes à traiter » car elles « supplantent » pour ainsi dire, la production d'images mentales qu'exige la lecture d'une histoire ou même le fait d'en écouter une ». Cela confirmerait que « les médias ne transmettent pas seulement un contenu. Leur contenu a une forme et une structure ». Le contenu, sa structure et sa forme seraient donc des éléments majeurs dans la compréhension des apprentissages à l’aide des médias.

Christian Metz (1966) évoque d’ailleurs l’existence d’une « grande syntagmatique du film narratif ». On retrouve ainsi plusieurs « segments autonomes » dans un film de fiction (p.120). Un segment autonome d’un film est donc « tout segment filmique qui est une subdivision de premier rang, c'est-à-dire une subdivision directe du film (et non pas une subdivision d'une partie du film) » (Ibid. p.120). Il identifie parmi les types syntagmatiques d’un film, « la scène » (« unité concrète »), « la séquence » (« action complexe se déroulant à travers différents lieux en évitant les moments inutiles »), le « syntagme alternant » (montage qui repose sur la « narration » et le rapprochement de « rameaux différents de l’action »), le « syntagme fréquentatif » (processus complet avec nombre indéfini d’actions particulières), le « syntagme descriptif » (lié aux « agencements spatiaux du signifié ») et le « plan autonome » (le plan-séquence avec des « inserts »). On constate par cette analyse l’existence d’une « grammaire » du film qui ne serait ni « arbitraire », ni « immuable » (p.124). Cette possibilité de l’existence d’une structure dans l’image et dans le film amène à s’interroger sur la présence de cette structure dans d’autres formes médiatiques telles que les jeux vidéo.

Nous allons donc nous inspirer de ces principes théoriques pour déconstruire et analyser les jeux vidéo et particulièrement par la décomposition de segments autonomes en notes, séries et schémas. Mais, une fois ces éléments déconstruits, comment pourrons-nous repérer une transformation dans les connaissances ou compétences chez le joueur ? Et comment s’opèrerait ce transfert entre pratique du jeu vidéo et apprentissage ? Pour répondre à ces questions, nous nous intéressons aux notions de compétences et de connaissances.