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« &¶HVW+HQUL+LURTXLDRXYHUWODYRLHWDKLWLHQQH : en renouant avec une culture fondée sur la nature et le travail de la terre, il a évité l¶DUWLILFLHODXWDQWTXHO¶LQWHOOHFWXDOLVPH ; sa parole est issue de son vécu et ne fonctionne pas comme un repli identitaire. » /LWWpUDPD¶RKL : 168)

Daniel Margueron peut légitimement rappeler le rôle que Henri Hiro a joué dans le renouveau culturel des années soixante-GL[HWQRWHUO¶LPSRUWDQFHGXUHWRXUjODWHUUHGDQVO¶DIILUPDWLRQ LGHQWLWDLUH+LURHIIHFWXDGHVpWXGHVGHWKpRORJLHj0RQWSHOOLHUGHjjO¶pSRTXHR des événements politiques secouèrent la France2792QSHXWSHQVHUTX¶LOIXt influencé, comme EHDXFRXSG¶pWXGLDQWVSRO\QpVLHQVGHVDJpQpUDWLRQSDUOHXUVFRQGLVFLSOHVORFDX[TXLIDLVDLHQW O¶DSRORJLH GH OD YLH HQ FRPPXQDXWp HW FHOOH GH OD YLH UXUDOH 8Q SD\V TXL ILQLVVDLW GH V¶LQGXVWULDOLVHUHWV¶RXYUDLWjXQHpFRQRPLHGHVHUYLFHVQHSRXYDLWTX¶pSURXYHUGHODQRVWDOJLH SRXUXQWHUURLUTXHWRXVDEDQGRQQDLHQW/¶HVSULWGHOLEHUWpTXLVRXIIODHQ)UDQFHHWOHVXWRSLHV agraires comptèrent certainement dans la formation intellectuelle de celui qui allait incarner, dès son retour à Tahiti, la lutte contre les conformismes. Il se dressa à la fois contre la KLpUDUFKLHGHO¶(JOLVHpYDQJpOLTXHHWFRQWUHO¶DGPLQLVWUDWLRQIUDQoDLVHSHXGLVSRVpHjODLVVHU OHGpVRUGUHV¶LQVWDOOHUGDQVXQSD\VVLXWLOHDX[H[SpULHQFHVQXFOpDLUHV

Les aspirations GHODMHXQHVVHRFFLGHQWDOHHWOHGpVLUG¶DXWRQRPLHSRO\QpVLHQFRQYHUJqUHQW/H vieux leader Pouvanaa avait su développer un discours autonomiste marqué par les références ELEOLTXHV 6L OH SHXSOH SRO\QpVLHQ j O¶LQVWDU GX SHXSOH KpEUHX GHYDLW UHWURXYHU VD terre, il devint évident que ce retour à la terre devait être également un mouvement de refus contre une technologie importée et une urbanisation sauvage, qui coupaient un peuple devenu PƗ¶RKL

GHVDWHUUHG¶RULJLQH+HQUL+LURIXW-il tenté par un repli identitaire, contrairement à ce que dit Daniel Margueron "/¶DIILUPDWLRQLGHQWLWDLUHG¶XQSHXSOHSDVVHSDUGHVSKDVHVGHUpDFWLRQTXL nient un progrès inquiétant. De plus, le retour à la terre-mère ne fut pas uniquement, pour les premiers écrivains, une manièUH GH V¶RSSRVHU j OD 0pWURSROH &H IXW DXVVL XQH IDoRQ GH

279 A son retour à Tahiti, Hiro débarquera en pareu, les cheveux longs, méconnaissable pour les siens TXLO¶DWWHQGDLHQW

184 V¶RSSRVHUDXPRGqOHLGHQWLWDLUHDFFHSWpSDUOHVJpQpUDWLRQVSUpFpGHQWHV/HPRGqOHELEOLTXH fut contesté par des pasteurs, comme Henri Hiro et son ami Duro Raapoto, qui se livrèrent à une réinterprétation du message chrétien280/HSHXSOHG¶,VUDsOGHYLQWXQQnjQD¶DPƗ¶RKL, un SHXSOHDXWRFKWRQH-pKRYDKIXWDSSHOp7D¶DURD ou te Tumu Nui, la quête de la Terre Promise devint une lutte de libération, une remontée vers les origines, et la liberté, un arbre :

« Pour nous aider à trouver le sens de la liberté, nous allons la comparer à un arbre qui SRXVVH GDQV OD EURXVVH HW j O¶RPEUH /RUVTX¶RQ DXUD DUUDFKp WRXWH OD EURXVVDLOOH TXL O¶pWRXIIH HW ORUVTXH O¶RPEUH DXUD GLVSDUX FHW DUEUH YLYUD HW FURvWUD » (Raapoto Duro, 1988 : 46)

3HQGDQW OHV DQQpHV VRL[DQWH FHW HVVDLP G¶vOHV GLVSHUVpHV TXL FRPSWH PRLQV GH 150 000 habitants, longtemps replié sur lui-PrPHV¶RXYUDLWDXPRQGHHWSUHQDLWFRQVFLHQFH GHVDIUDJLOLWp/HVSDVWHXUVHWOHVIRQFWLRQQDLUHVIUDQoDLVQ¶DYDLent pas favorisé une ouverture TXLDXUDLWPLVOHXUSRXYRLUHQGDQJHU&¶HVWO¶LQVWDOODWLRQGX&(3TXLUpYpODjOD3RO\QpVLH sa faiblesse et sa place dans le monde. Avec le retour à la terre que proposa Henri Hiro, les Polynésiens revisitèrent nostalgiquHPHQWXQSDVVpLPDJLQDLUHROHXUVDQFrWUHVQ¶DYDLHQWSDV EHVRLQ GH O¶$XWUH SRXU YLYUH 2 FKDTXH vOH UHSUpVHQWDLW XQH FRPPXQDXWp TXL WLUDLW VD QRXUULWXUHGHVRQVROHWGHODPHUORLQGHO¶DJLWDWLRQGXPRQGH/HSRqWHDGRSWHYRORQWLHUVOD posture du prophète biblique en lutte contre son époque, isolé par son intransigeance, et sûr de la justesse de son combat. Le texte « Oia Hoi », sous-titré « -HYHX[P¶DVVHRLUDYHFWRL », qui introduit le recueil Message poétique  PpULWHG¶rWUHH[DPLQp6RXYHQWFLWpELHQTX¶LO VRLW pFULW SDU -HDQ /¶+{WH281

« G¶DSUqV +HQUL +LUR », il concentre quelques marqueurs LGHQWLWDLUHV IRUWV TX¶XWLOLVHURQW SDU OD VXLWH GH QRPEUHX[ PLOLWDQWV FXOWXUHOV pJDOHPHQW j OD UHFKHUFKH G¶DXWKHQWLFLWp SUHPLqUH 3RXU +LUR OH SHXSOH SRO\QpVien se caractérise par une langue, le tahitien282+LURUDSSHOOHTXHVHVSDUHQWVDGRSWLIVQ¶HQFRQQDLVVDLHQWSDVG¶DXWUHHW

280/DUpLQWHUSUpWDWLRQHVWFRPPHO¶DPRQWUp%DEDG]DQ  XQPR\HQGHUpVLVWHUjODYLROHQFHDFFXOWXUDWLYH une manière de passer les compromis nécessaires.

281 Jean L'Hôte, né le 13 janvier 1929 à Mignéville (Meurthe-et-Moselle) et décédé accidentellement le 28 avril 1985 à Nancy, est un écrivain et cinéaste français. Ses parents étaient instituteurs. Après des études d'art et d'archéologie, il entre à l'Ecole des hautes études cinématographiques (IDHEC). Il collabore ensuite à l'émission

Cinq colonnes à la une, mensuel d'information de l'ORTF, et travaille aussi avec Jacques Tati, notamment pour

le film Mon oncle'DQVOHVDQQpHV-HDQ/¶+{WHUpDOLVHGHQRPEUHux téléfilms et documentaires pour la WpOpYLVLRQIUDQoDLVHHWGHVpPLVVLRQVSRXUO¶(JOLVH5pIRUPpHGH)UDQFH,OWRXUQHSOXVLHXUVILOPVHQ3RO\QpVLH française, en particulier avec Henri Hiro et le personnel de la Maison des Jeunes et de la Culture de Papeete. On lui doit un livre, La Communale  9RLUjO¶DGUHVVHhttp://www.ica.pf/articles.php?id=916 ,Le Pasteur et la vanille (1978).

282%RXJDLQYLOOHSXLV&RRNO¶DYDLHQWUHPDUTXpHW6RQLD/DFDEDQQHHn fait elle aussi un trait identitaire capital (1992 : 8).

185 TX¶LO Q¶D SDV DLPp O¶pFROH IUDQoDLVH TXL PpSULVDLW VD ODQJXH PDWHUQHOOH 0DLV OH WH[WH SDUOH VXUWRXW GH O¶DUW GH YLYUH GH FH SHXSOH Ge pêcheurs-SD\VDQV TX¶LO DYDLW FRQQX SHQGDQW VRQ HQIDQFH +HQUL +LUR WUDQVIRUPH O¶DWWDFKHPHQW j OD WHUUH fenua, en attachement à la nature,

natura : un glissement sémantique subtil qui a pour but de mettre en évidence le « rapport

harmonieux » que les ancLHQV0Ɨ¶RKLDYDLHQWVXpWDEOLUDYHFXQPLOLHXTX¶LOV¶DEVWHQDLHQWGH piller283 &HWWH VLPSOLFLWp G¶DQWDQ j OD IRLV ELEOLTXH HW PƗ¶RKL, est donnée en modèle aux jeunes générations. ,OQ¶HVWSDVV€UTXHOHV3RO\QpVLHQVG¶DQWDQDLHQWYpFXHQKDUPRQLHDYHFOD nature ,O Q¶HVW SDV V€U TXH FH concept de nature, relativement récent et marqué par nous inquiétudes contemporaines, soient pertinents pour rendre compte de la société ancienne284. /D FpOpEUDWLRQ G¶XQH VRFLpWp SOXV SURFKH GH OD 1DWXUH V¶DFFRPSDJQH LQpYLWDEOHPHQW G¶XQH valorisation de la communauté attachée à ce sol, et notamment la famille élargie qui exploite DYHFERQVHQVOHIUDJLOHHVSDFHSRO\QpVLHQ/DYDOOpHGXVRPPHWGHODPRQWDJQHMXVTX¶jOD barrière récifale, est un espace naturel où le clan premier V¶HVW LQVWDOOpXQPLFURFRVPHTXL impose la solidarité.

« &HWWHVWUXFWXUHWUqVSDUWLFXOLqUHGHQRWUHVRFLpWpP¶DSURWpJpGHO¶LQGLYLGXDOLVPHHWGH O¶pJRwVPH ª /¶+{WH± Hiro, 1991 : 5)

Les « anciens », dont Henri Hiro célèbre la vie simple, ne sont pas ceX[G¶DYDQWOHFRQWDFW mais les générations qui avaient accepté le modèle identitaire des missionnaires, après la restructuration des communautés païennes effectuée par ces derniers. Cette confusion entre « ancien » et « traditionnel » est caractéristique du discours identitaire des années soixante-GL[/HSDVVpGRQW+LURHVWQRVWDOJLTXHHVWXQSDVVpPLVVLRQQDLUHTX¶LOUpFXVHSDUDLOOHXUV SXLVTX¶LO OH UHQG UHVSRQVDEOH GH OD GLVSDULWLRQ GH O¶DQFLHQQH FXOWXUH PƗ¶RKL. Chantal Spitz cultive elle aussi cette ambiguïté. Les textes du recueil poétique de Henri Hiro ignorent délibérément les transformations que subit la Polynésie des années soixante-dix et célèbrent la

283 Une telle lecture du passé a conduit à interpréter les UƗKXL anciens (une partie du territoire ou du lagon était

déclarée interdite à la culture ou à la pêche) que les chefs imposaient régulièrement comme des mesures de SURWHFWLRQGHO¶HQYLURQQHPHQW&¶pWDLWVRL-GLVDQWXQHPDQLqUHGHSURWpJHUOHVUHVVRXUFHVG¶XQSD\VTXLSRXYDLW connaître la famine. Une telle interprétation, très « écologique », passe sous silence que ces restrictions alimentaires pWDLHQWXQH PDQLqUHSRXUOHVFKHIVG¶LPSRVHUOHXUSRXYRLUVXUOHVSRSXODWLRQV $KXWRUXDYDLWIDLW UHPDUTXHUj%RXJDLQYLOOHTXHODWDEOHGHVFKHIVpWDLWPLHX[IRXUQLHTXHFHOOHG¶XQSHXSOHTX¶LOVEULPDLHQWHQOH soumettant régulièrement à ces interdictions. Celles-ci précédaient souvent les grands événements communautaires et en soulignaient le caractère « sacré ».

284 « /HVXMHWSRO\QpVLHQDYDQWODSpULRGHGHFRQWDFWDYHFO¶2FFLGHQWQHYLWSDVGDQVOD1DWXUHLOYLWHQUHODWLRQ avec des entités plus ou moins chargées en sacralité dans le cadre de son réseau. » (Rigo, 2004 : 269).

186 Nature, « Ia ora te natura » (1991 : 15-16), seul fondement possible pour une identité PƗ¶RKL.

Le travail manuel y est célébré :

« &¶HVWWDPDLQHWWDPDLQVHXOHPHQW

4XLHVWODPHVXUHGHODWRXIIHTX¶LOIDXWSODQWHU /DWRXIIHG¶RV¶pODQFHURQWO¶DUEUHHWODYLH La main bonne retourneuse de terre

La main apte à écarter les pierres La main qui sait doQQHUO¶RPEUH La main qui arrose

La main fertile

Alors maintenant tu peux le dire : Le soir de Turu

Est un bon soir pour les plantations. » (Hiro, 1991 : 8)

Dans /¶$UEUH j SDLQ de Célestine Hitiura Vaite, Ati, un militant du parti indépendantiste

G¶2VFDU 7HPDUX OH PDLUH DFWXHO GH )DD¶D YLHQW FKHUFKHU 3LWR OH PDUL GH 0DWHUHQD SRXU balayer la route.

« /HEDODLF¶HVWV\PEROLTXHF¶HVWSRXUGLUH© Du balai ªjWRXVFHV3RSD¶ƗIDUƗQL285,

ces envahisseurs, ces salauds, ces voleurs de terre. » (Vaite, 2003 : 199)

8QHGLVFXVVLRQSROLWLTXHDVVH]YLYHV¶HQJDJH /RDQDODPqUHGH0DWHUHQDYRXHXQFXOWHj *DVWRQ)ORVVHO¶DGYHUVDLUHG¶2VFDU7HPDUX286/HWRQPRQWHG¶DXWDQWSOXVYLWHTXHWRXVVRQW un peu ivres. Ati argumente : quand il a fallu aller se battre pour la France, les Polynésiens ont UpSRQGX SUpVHQW HW PDLQWHQDQW TX¶LOV IRQW DSSHO j OD )UDQFH SHUVRQQH QH OHV pFRXWH 'H Gaulle, peu reconnaissant, leur a imposé la bombe atomique.

« $WLVRXULWHWH[SOLTXHTX¶LODXQUrYH TX¶LODHPSUXQWpj2VFDU HWTXHVRQUrYHF¶HVWGH VH GpEDUUDVVHU GH WRXV OHV 3RSD¶Ɨ HW GH YLYUH FRPPH RQ YLYDLW DYDQW µRLD KR¶L RQ YD UHWRXUQHUDXID¶D¶DSXSODQWHUQRVLJQDPHVRQYDDOOHUjODSrFKHRQYDYLYUHVLPSOHPHQW Heureux, indépendants. » (Vaite, 2003 : 202)

On ne peut accorder de crédit à un tel rêve : peu nombreux sont les Polynésiens désireux DXMRXUG¶KXL GH GHYHQLU DJULFXOWHXUV &H VRQW SOXW{W OHV DJULFXOWHXUV TXL UrYHQW GH GHYHQLU employés ou fonctionnaires. Mais le retour au ID¶D¶DSX287

fait partie du mythe indépendantiste. On sDLWELHQTX¶HQO¶pWDWDFWXHOO¶DJULFXOWXUHQHSHUPHWSDVGHQRXUULUOHSD\V 285 Ces Français. 286 Celui-FLYLHQWGHSDVVHUDXMRXUG¶KXLXQDFFRUGGHJRXYHUQHPHQWVXUSUHQDQWDYHFVRQHQQHPLGHWRXMRXUV 287 Jardin potager.

187 HWGHVHSDVVHUGHOD)UDQFHPDLVRQYHXWFURLUHjO¶DXWRVXIILVDQFHDOLPHQWDLUHTXLPDUTXHUDLW le retour à une vie simple et heureuse qui fut celle, paraît-il, des ancêtres.

Titaua Peu raconte dans Mutismes XQPHHWLQJLQGpSHQGDQWLVWH,OV¶DJLWGHUpFXSpUHUODWHUUH anciennement confisquée :

©/j DXVVL OHV GLVFRXUV V¶HQFKDvQDLHQW 'HV YLHX[ VDJHV DX[ SOXV MHXQHV IRXJXHX[ HW impatients, ils venaient tous dire leur incompréhension et leur volonté de se réapproprier OHXUWHUUHOHXUFXOWXUH/DYUDLHFHSHQGDQWSDVFHOOHTX¶RQDYDLW© folklorisée » pour le

heiva HWTXHO¶RQYHQGDLWSDUODVXLWHDX[SOXVJUDQGHVFKDvQHVK{WHOLqUHV » (Peu, 2002 : 92)

Pour les participants à ce rassePEOHPHQW VH UpDSSURSULHU OD WHUUH F¶HVW HQ SUHQGUH VRLQ : écologie et indépendance vont de pair pour les nouveaux auteurs.

« Un Tahitien qui reprend sa terre est un Tahitien libre, et, pour la reprendre, il fallait HPSrFKHUTX¶HOOHVRLWGHQRXYHDXEDIRXpe, souillée. » (Peu, 2002 : 119)

Dans Hombo, les grands-SDUHQWV G¶(KX O¶HQIDQW VL PDO QRPPp SDU VHV SDUHQWV SUHVVpV GH V¶RFFLGHQWDOLVHUHVVDLHQWGHFRQMXUHUOHVULVTXHVGHGpULYHHQLQLWLDQWO¶HQIDQWDXWUDYDLOGHOD WHUUHFRPPHV¶LOVSRXYDLHQWFRUULJHU« FHGpIDXWG¶LGHQWLWp » (Spitz, 2002 : 19).

« 'HSXLVTX¶LOHVWDVVH]UREXVWH(KXDSULVO¶KDELWXGHGHVXLYUH0DKLQHSDUWRXW3UqVGH OXLLOV¶HQUDFLQHGDQVVDWHUUHSUROLILTXH$IODQFGHPRQWDJQHRHOOHHVWVRPEUHJDJHGH fertilité pour la culture du tarua288 du ûmara289 du manioc et du ufi290. Au bord de la rivière où elle est boueuse indispensable à la pousse du taro, toutes patientes tubercules (sic) dont les premières sont déterrées quelques mois après la mise en terre. Regarder silencieusement son grand-père déterminer un carré et y remuer la terre la fouiller la UDPROOLU ORQJXHPHQW OpJqUHPHQW WHQGUHPHQW SRXU OXL SHUPHWWUH G¶HQIRXLU GDQV FKDTXH trou ainsi préparé un àta et le recouvrir de la mince couche de cette même terre. Recommencer plus loin la même opération pour mettre dans chaque trou trois ou quatre courtes branches de manioc. Plantations faciles ponctuées de brusques hochements de tête approbateurs ou de brefs reproches quand ses mains inhabiles mettent la pousse en danger. » (Spitz, 2002 : 39)

Le grand-SqUH0DKLQHWUDQVPHWGHIDoRQTXDVLPXHWWHVRQVDYRLUG¶DJULFXOWHXUj(KX3DVXQ PRWQHYLHQWJrQHUODWUDQVPLVVLRQ3OXVTX¶XQVLPSOHVDYRLU0DKLQHWUDQVPHWXQHPDQLqUH G¶rWUHOD UHODWLRQFKDUQHOOHTX¶LOHQWUHWLHQWDYHF VDWHUUH jODIRLVIHPPe et mère. Il pense pouvoir « autochtoniser » son petit-fils en refaisant devant lui les gestes qui enracinent. Ainsi

288

Tubercule dont on ne mange que les feuilles (fafa). Variété du Caladium, Xanthosoma sagittifolium (Linné).

289 Patate douce.

188 pétrie, caressée, malaxée, fouillée et chérie, la terre est rendue fertile. Les 0Dǀ¶KL de Chantal

Spitz ne sont plus des navigateurs mais des terriens amoureux de leur fenua TX¶LOVFXOWLYHQWHW GDQVOHTXHOLOVSODQWHQWDXVVLOHSODFHQWDGHOHXUVHQIDQWV0DKLQHSHQVHTXHO¶pGXFDWLRQTX¶LO donne à son petit-fils Ehu lui évitera la dérive fatale à laquelle sa mauvaise nomination O¶H[SRVH

« - 0PP«7DVVHODWHUUHXQSHXPLHX[/HVSRXVVHVQHYRQWMDPDLVWHQLUFRPPHoD« (VSDFHOHVSODQWHVVLWXOHVFROOHVWURSHOOHVQ¶DXURQWSDVG¶HVSDFHSRXUVHGpYHORSSHU« Tu dois bien regarder sinon tu ne sauras pas. » (Spitz, 2002 : 39).

Ehu, le Blond, préfère planter le taroF¶HVWODFXOWXUHUpVHUYpHDX[KRPPHV

©$USHQWHUODWHUUHERXHXVHTXLO¶DVSLUHODVHQWLUODUHFRQQDvWUHSURSLFHjODPDWXUDWLRQGHV tubercules. Recouvrir le pai taro291 GHQƯjX292 sec pour éviter la prolifération des herbes pendant les longs mois avant le déterrage. Résonner de la cadence sourde et régulière du SODQWRLU WDLOOp GDQV XQH pSDLVVH EUDQFKH GH SnjUDX TXH 0DKLQH HQIRQFH SXLVVDPPHQW violemment obstinément pour ouvrir la masse boueuse dans laquelle il pose VRLJQHXVHPHQWOHVUHMHWV,ODLPHVHVPDLQVTXLV¶HQIRQFHQWGDQVODPDWULFHSURPHVVHGH lendemains qui déploient la nourriture familiale autour de la table qui communie la force. » (Spitz, 2002 : 39-40)

Mahine espèrHTX¶(KXYDOXLDXVVL© V¶HQUDFLQHUGDQVODWHUUHSUROLILTXH » (Spitz, 2002 : 39), en la travaillant et en la fécondant293. Teraimateata, sa grand-mère, lui enseignera quelque chose de moins violent. Elle lui montrera les gestes délicats qui fécondent, qui « marient », la vanille. Le travail agricole est encore décrit avec beaucoup de sensualité, comme une relation charnelle :

« 3UHQGUH OD IOHXU GDQV XQH PDLQ HW GH O¶DXWUH RXYULU OH {IDWD RSHUFXOH j O¶DLGH G¶XQ morceau de bois effilé décrocher le reà, grain de pollen, le déposer avec précaution dans le ôfata et refermer le tout. Il imite sa grand-PqUH HW VHV V°XUV -DPEHV pFDUWpHV ELHQ plantées corps raide légèrement en avant bras assurés mains rigoureuses. Le travail est rapide et silencieux. Les milliers de fleurs à féconder ne vivent que trois jours. Récolter neuf mois plus tard les gousses et les étendre des jours entiers au soleil qui leur fait rendre leur eau et exhaler leur capiteux arôme.» (Spitz, 2002 : 40)

Malheureusement, après la mort du grand-pèrHWRXWFHWUDYDLOG¶HQUDFLQHPHQWFHVVH/HSqUH HWODPqUHG¶(KXUHYLHQQHQWGHODJUDQGHvOH© DIIXEOpVGHODILOOHTX¶LOVRQWpOHYpH » (Spitz, 2002  XQHV°XUTX¶LOYHXWDLPHUPDLVTXLSDUOHODODQJXHpWUDQJqUH/HSqUHG¶(KXOH

291 La terre de la tarodière qui a été buttée et irriguée.

292 Palme de cocotier.

293

Un mythe néo-zélandais raconte comment Tane façonne avec Papa, la terre-mère, une IHPPHGRWpHG¶XQpuke 0RQWGH9pQXV $SUqVO¶DYRLUDQLPpHHQOXLLQVXIIODQWODYLHGDQVOHVQDULQHVLOV¶XQLWjFHOOHTX¶LODSSHOOHHine

ahu one (la jeune fille de la terre). Hine GRQQHQDLVVDQFHj+LQH7LWDPDHWjG¶DXWUHVILOOHV7DQHSUHQGSRXU femme sa fille aînée Hine Titama qui lui donne à son tour plusieurs filles (Dunis, 1984 : 411-412).

189 responsable de la mauvaise nomination, travaille à Tahiti sur un tractopelle et passe ses MRXUQpHVFRPEOHGHO¶LURQLH© à ouvrir des routes couper des montagnes pour le compte du VHUYLFH GHV WUDYDX[ SXEOLFV TXL PRGHUQLVH O¶vOH » (Spitz, 2002    /¶RSSRVLWLRQ HVW QHWWH entre ce grand-SqUHDPRXUHX[G¶XQHWHUUHGRQWLOWLUHVRQLGHQWLWpHWFHSqUHH[SDWULpTXLPXWLOH la terre tahitienne.

2QSHXWFUDLQGUHTXHFHWWHQRVWDOJLHGXWUDYDLOGHODWHUUHQHVRLWOHVLJQHG¶XQHGpVDIIHFWLRQ Le processus de mythification commence quand le lien se perd. La terre polynésienne, GpODLVVpH DEDQGRQQpH YHQGXH HW VRXLOOpH GHYLHQW SRXU FHX[ TXL O¶RQW SHUGXH XQ PRWLI GH UrYHULHXQWKqPHGHSUpGLOHFWLRQSRXUO¶pODERUDWLRQV\PEROLTXH/RDQDGDQV/¶$UEUHjSDLQ, prend plaisir à se souvenir GH5DQJLURDVRQvOHG¶RULJLQHRHOOHQHUHWRXUQHUDSOXV0DWHUHQD aime aller pêcher sur le rivage qui fut jadis la propriété de son clan. Chaque écrivain a son lieu G¶RULJLQHVDWHUUHG¶DXWKHQWLFLWp&¶HVWOH3DULSRXU)ORUD'HYDWLQH0DXSLWLRX0RRUHD pour Jean-0DUF3DPEUXQO¶vOHGH+XDKLQHSRXU/RXLVH3HOW]HUHW&KDQWDO6SLW]'HIDoRQJpQpUDOH OH WUDYDLO GH OD WHUUH HVW DX F°XU GH WRXWHV OHV PDQLIHVWDWLRQV IRONORULTXHV GHVWLQpHV DX[ 3RO\QpVLHQVXUEDQLVpVHWDX[WRXULVWHV/¶HQJRXHPHQWHVWG¶DXWDQWplus vif pour ces spectacles TXHOHOLHQFKDUQHOHWYLYDQWDYHFODWHUUHHVWTXRLTX¶HQGLVHQWOHVpFULYDLQVHQJUDQGHSDUWLH perdu. Renouer avec la terre, ne serait-FHTXHOHWHPSVG¶XQVSHFWDFOHF¶HVWVHUDVVXUHUVXUOD VROLGLWpG¶XQOLHQGRQWRQSHXW FUDLQGUHTX¶LOQHVHGpIDVVH/D3RO\QpVLHG¶DXMRXUG¶KXLTXL devient sans cesse plus urbaine, et plus dépendante, aime se sentir paysanne, capable de vivre de ses cultures294 /D UpXVVLWH G¶XQ IRONORUH WLHQW DX[ UHJUHWV TX¶LO VXVFLWH HW DX SDVVp TX¶LO occulWHSXLVTX¶RQDGpFLGpGHQ¶HQJDUGHUTXHFHTXLpWDLWDGPLUDEOH

« Comme toujours la folklorisation est la couverture en surface de ce qui baratte dans les profonds. Un faux-semblant.» (Glissant, 1996 : 115).

Le rêve du retour à la terre est le rêve du tePSVROD3RO\QpVLHYLYDLWHQPDUJHGHO¶KLVWRLUHj O¶pFDUWGHVJUDQGHVURXWHVPDULWLPHVHWGHVFRQIOLWVPRQGLDX[,OVXIILVDLWSRXUYLYUHKHXUHX[ de planter le taro HWG¶DOOHUSrFKHU&HWHPSVUrYpD-t-il vraiment existé ? Dans /¶,OHGHVUrYHV

écrasés, la mère de Tematua donne à son fils, qui part à la guerre de 14, un peu de la terre de

son île dans un morceau de bambou. Tematua fait partie des quelques enfants qui reviennent YLYDQWVGXFRQIOLW,OVHPEOHELHQTXHFHWDOLVPDQO¶DLWSURWpJp

294 /D 3RO\QpVLH UHGpFRXYUH GHSXLV TXHOTXHV DQQpHV OHV DQFLHQQHV FpUpPRQLHV TX¶DYDLHQW IDLW RXEOLHU OHV pasteurs. Tous les ans, on fête maintenant avec faste le reWRXUGHODSpULRGHG¶DERQGDQFHOH7DX0DWDUL¶L, lié à O¶DSSDULWLRQ GHV 3OpLDGHV GDQV OH FLHO DXVWUDO GpEXW QRYHPEUH /H SD\V HVVDLH GH UHWURXYHU OHV U\WKPHV TXL scandaient la vie ancienne.