• Aucun résultat trouvé

Quand la brume se lève, le 19 juin 1767, Samuel Wallis constate que plusieurs centaines de pirogues indiennes entourent le Dolphin. Les indigènes ne se montrent pas hostiles tant que OHV$QJODLVQ¶HVVDLHQWSDVGHGpEDUTXHUGDQVODEDLHGH0DWDYDL, au creux de laquelle coule une rivière. Comme il est urgent de trouver une aiguade et des vivres frais pour combattre le scorbut qui sévit à bord, les canots tentent de se rendent à terre, et se voient alors attaqués. Afin de pouvoir débarquer, les Anglais doivent pour la première fois tuer des Tahitiens. Le 25 juin 1767, le lieutenant Furneaux, futur officier de Cook, plante enfin le pavillon anglais dans ODEDLHGpVHUWpHGH0DWDYDL/¶vOHUHoRLWDORUVOHQRPG¶Ile du roi George III.

79 Les marins français du XIX° siècle, après les découvertes du siècle précédent, donneront des contours plus SUpFLVjFHWWHDLUH'qVORUVRQSDUOHUDG¶XQ© triangle polynésien », ce qui aura pour effet de mettre la Polynésie française au centre de cette figure géométrique. Les côtés du triangle sont une frontière et ses pointes deviennent des postes avancés. Voir Hélène Blais qui montre que les diverses nominations, à commencer par celles de O¶RFpan lui-même, révèlent toutes, malgré leur flou (« Grand Océan », « Mer(s) du Sud », « Océanie », « Polynésie », « mer Pacifique »), « la volonté de saisir un espace dans son ensemble, et ceci avec la crainte, SUpVHQWHjO¶HVSULWGHVYR\DJHXUVGHOHGpQDWXrer par un terme inexact. » (2001 : 91).

45 Ces premiers moments de la découverte de Tahiti nous sont connus par le récit de Samuel Wallis, An Account of a Voyage round the World80 (Q UpDOLWp LO V¶DJLW G¶XQH SXEOLFDWLRQ tardive de 1773, remaniée par le littérateur Hawkesworth, qui utilise non seulement le récit de O¶pFULYDLQ GX ERUG PDLV pJDOHPHQW SOXVLHXUV DXWUHV MRXUnaux, dont celui G¶XQ PDvWUH G¶pTXLSDJHGeorge Robertson (1955).

(Q V¶DSSURFKDQW GH OD ULYLqUH TXL VH MHWWH GDQV OD EDLH GH 0DWDYDL OH OLHXWHQDQW )XUQHDX[ aperçoit un vieillard apeuré à qui il donne, pour le rassurer, une hache, des clous et quelques babioles. Wallis ne mentionne pas le nom de ce vieillard, dont nous savons par le journal de 5REHUWVRQTX¶LOV¶DSSHOOH2ZKD7HXLUD+HQU\SHQVHTX¶LOV¶DJLWdu petit chef G¶XQdistrict nommé Hau (1997 : 25-  QRP TXH OH 7DKLWLHQ Q¶D SX LPSRVHU QL DX FDSLWDine, ni à O¶pFULYDLQTXLSXEOLHUDOHUpFLWGXYR\DJH(WF¶HVWSRXUWDQW+DXPRWTXLHQWDKLWLHQVLJQLILH « paix »81TXLVHUYLUDG¶LQWHUPpGLDLUHHQWUHOHV$QJODLVHWOHVFKHIVDXWRFKWRQHV*UkFHjOXL mais aussi à cause de la peur inspirée par les armes à feu des Anglais, les premiers échanges vont pouvoir avoir lieu. Les « Indiens ª FRPSUHQQHQW TX¶LOV SHXYHQW pFKDQJHU GHV SURGXLWV frais contre de la pacotille dont ils font grand cas. Ils sont aussi très intéressés par le fer qui est pour eux82 une nouveauté. Les Anglais en profitent : ils négocient un cochon pour un clou ! Un autre commerce, promis lui aussi à un grand avenir, se met en place : pour quelques clous les marins peuvent se procurer des femmes qui furent, pense-t-RQDXMRXUG¶KXLcontraintes de se livrer (Tcherkézoff, 2004). Wallis doit bientôt craindre pour la sécurité de son navire dont O¶pTXLSDJHVHPHWjDUUDFKHUOHVFORXV

Les Tahitiens, peuple sans écriture, ne nous ont laissé évidemment aucun récit de ces premiers moments. Nous en sommes réduits, pour comprendre leur point de vue, à croiser les textes dont nous disposons. Quelle idée se firent-ils de ces navigateurs à la peau blanche ? Les

80 Samuel Wallis, An Account of a Voyage round the World, 1773. La publication, en 1771, du Voyage autour du

monde GH%RXJDLQYLOOHUpDOLVpSRXUWDQWDSUqVFHOXLGH:DOOLVpFOLSVHUDWRWDOHPHQWOHUpFLWGHO¶$QJODLVTui ne SDUDvWUDTX¶HQGDQVXQHFRPSLODWLRQDYHFOHVUpFLWVGHVYR\DJHVGH%\URQGH&DUWHUHWHWGH&RRN

81 Hau est polysémique comme la plupart des mots tahitiens. Hau F¶HVW j OD IRLV SRXU FHWWH ODQJXH TXL QH distingue pas les classes de mots, un adjectif qui a pour sens « calme, paisible » et un substantif qui signifie « paix, calme et sérénité ». Ce mot hau désigne aussi « la rosée de la nuit », ou « la brume légère qui monte du sol ». HauF¶HVWHQILQDXMRXUG¶KXL© le gouvernement ».

82 Il est vraiVHPEODEOHTX¶LOVDLHQWSXVHSURFXUHUGHVFORXVDYDQWO¶DUULYpHGH:DOOLV : il y eut tant de naufrages dans les Tuamotu !

46 considérèrent-ils comme des dieux83 ? Pourrons-nous savoir un jour ce qui se passa vraiment lors de ces premières rencontres, ce que ressentirent les Tahitiens, comment ils appréhendèrent toutes ces nouveautés que furent pour eux le tissu, le fer, une langue inconnue HWO¶pFULWXUH "/HVpFULYDLQVSRO\QpVLHQVTXLYHXOHQWUHWURXYHUO¶LGHQWLWpDQFLHQQHSRO\QpVLenne ne savent rien de plus et doivent compter, eux aussi, avec les reconstructions tâtonnantes des anthropologues.

« Ce qui va se passer ce jour-OjQHSHXWrWUHDLQVLOXTX¶a posteriori, en en reconstruisant OD WRWDOH VLQJXODULWp j WUDYHUV FH TX¶HQ GLVHQW OHV REVHUYDWHXUV TX¶RQ SHXW FRQVLGpUHU comme contemporains ± essentiellement les capitaines anglais de Cook au Wilson de 1797 ± de choses analogues.

4X¶LOIDLOOHVHOLYUHUjXQHRSpUDWLRQGHGpFU\SWDJHSRXUGpFULUHOHVpYpQHPHQWVPDUTXDQWV qui vont prendre place en quelques jours, montre assez que « ce qui se passe ª Q¶HVW nullement réductible à un simple constat événementiel.» (Baré, 2002 : 100).

Jean-)UDQoRLV %DUp D UDLVRQ G¶LQVLVWHU VXU O¶HIIRUW GH UHFRQVWUXFWLRQ QpFHVVDLUH SRXU comprendre ce que furent ces instants de la rencontre initiale. Que pensa le premier indigène qui grimpa sur le bateau de Wallis, ORUVTX¶LO se trouva tête-à-tête avec cet animal inconnu TX¶pWDLW XQH FKqYUH DYHF FHV KRPPHV bizarres vêtus de tissus étranges, capables de faire parler des signes morts gravés sur une matière nouvelle, et dont les têtes étaient couvertes de curieux cheveux ? 0DLVQ¶D-t-on pas tendance à surestimer, par vanité ou par ethnocentrisme inconscient, « la totale singularité ªGHO¶pYpQHPHQW ?

Le premier autochtone qui réussit à imposer son nom dans les récits européens est une femme UHQFRQWUpHOHMXLOOHW(OOHDXQHTXDUDQWDLQHG¶DQQpHVHWOHSRUWPDMHVWXHX[:DOOLV FURLW FRPSUHQGUH TX¶HOOH VH nomme Oberea. Les journaux de bord et les traductions O¶RUWhographieront aussi Obrea ou Obiria. /HFDSLWDLQHDQJODLVLJQRUHTX¶LOV¶DJLWGH3XUHDOD SXLVVDQWHpSRXVHG¶$PRFKHIGH3DSDUD/HQRPTX¶LOOXLGRQQHQ¶HVWTX¶XQHpetite partie du

83 « Un fait est certain : les insulaires ne prirent pas les nouveaux venus pour des « hommes » ta(n)gata. Les Polynésiens ne connaissaient que des hommes comme eux (tous les archipels polynésiens et les Fidji). Un autre fait est certain : les insulaires ne rejetèrent pas les nouveaux-venus comme des monstres qu'il faudrait écarter ou détruire au plus vite. Il y eut bien un désir d'intégration, car l'interprétation dominante plaçait ces nouveaux venus du côté du « soleil » et créait ainsi un désir, celui de capter une partie des pouvoirs de ces êtres. La seule possibilité était donc de faire appel aux catégories existantes : dieux créateurs du monde, dieux locaux, ancêtres, esprits du genre « fantômes » et « lutins », etc. Cependant, aucune catégorie ne correspondait exactement à ce que les Polynésiens avaient sous leurs yeux. L'intégration fut donc aussi une interrogation et une innovation. » (Tcherkézoff , http://alor.univ-montp3.fr/cerce/r5/s.t.htm )

47 QRPSUHVWLJLHX[TX¶HOOHSRUWH84

. Il ne sait pas non plus que son époux, avec qui elle règne sur FHGLVWULFWUHGRXWDEOHHVWUHVSRQVDEOHGHVGLIIpUHQWHVDWWDTXHVTX¶LODVXELHV3RXU:DOOLVLOQH fait pas de doute que cette femme est la « reine ªGH7DKLWL(QYpULWpO¶vOHjO¶DUULYpHGHV (XURSpHQV Q¶HVW SDV XQH UR\DXWp FRPPH O¶LPDJLQHQW OHV $QJODLV SURPSWV j IDLUH GHV DQDORJLHV DYHF FH TX¶LOV FRQQDLVVHQW PDLV XQH vOH GLYLVpH HQ FKHIIHULHV ULYDOHV OHV

PDWD¶HLQD¶D, chacune regroupant plusieurs lignages familiaux, les µƗti (Saura, 2004 : 10)85

. &¶HVWSHXDYDQWOHGpSDUWGHV$nglais, que les « Indiens » sont enfin nommés Otahitiens86

par Gore, un contremaître qui a eu la curiosité de demander aux indigènes le nom de leur île. Il Q¶HVWSDVV€UGXWRXWTXHFHQRPG¶2WDKLWLHQVRXGH7DKLWLHQVGRQWOHV$QJODLVYRQWVHVHUYLU pour désigner leurs hôtes ait eu une quelconque signification pour des insulaires qui V¶LGHQWLILDLHQWSOXW{WSDUUDSSRUWjOHXUmarae familial ou à leurs ancêtres, les tupuna. Mais les découvreurs, puis les missionnaires eurent besoin de ces identités simples pour mettre de O¶RUGUHGDQVOHPRQGHFHUWDLQHPHQWXn SHXFRQIXVTX¶LOVGpFRXYUDLHQW

:DOOLVTXLSDUWLWDXERXWG¶XQPRLVHWGHPLQHVXWSDVTXHVDYLVLWHDYDLWSURYRTXpFRPPHOH dit Jean-François Baré, « O¶pEDXFKH G¶XQH VRUWH GH UpYROXWLRQ GDQV XQ XQLYHUV fortement hiérarchique » (Baré, 2002 : 132). En effet les chefs de la place, les DUL¶LQ¶pWDLHQWSOXVOD

VRXUFHXQLTXHGHVELHQVGLVWULEXpVGDQVO¶vOH1pDQPRLQVFHUWDLQVFKHIVVXUHQWWUqVYLWHUpDJLUj ce danger qui pouvait mettre en péril leur pouvoir. Ils surent reprendre la main et être à

84/HQRPGHFHWWHIHPPHLPSRUWDQWHWpPRLJQHGHVRQGURLWVXUGHVWHUUHVTX¶HOOHSHXWUHYHQGLTXHUHWGHVOLHQV TXL O¶DWWDFKHQW j VHV Dncêtres, les tupuna. Les anthropologues hésitent encore entre Airoreatuai i Ahurai i )DUHSX¶D %DUp : 133) ou Airoro atua i Ahurai i Farepua (Scemla, 1994 : 1208). On relève dans ce nom après la préposition locative i, les noms de deux lieux sacrés auxquels le nom de Purea est associé : le marae de )DUHSX¶D 0DLVRQGHSLHUUHFDOFDLUH j$WL-ma-ono près de Papara, son district, et le marae de Ahu-UD¶L 0XUGX ciel) (Henry, 1997 HW j)DD¶DGLVWULFW YRLVLQGRQWOHFKHIHVW VRQIUqUH %DUp 002 : 133). Sa mère GLVSRVHDXVVLG¶XQVLqJHDX marae de Mahina. Purea et Amo, en dépit de leurs efforts, ne réussiront jamais à DVVHRLU OH SRXYRLU GH OHXU ILOV 7HUL¶L-UHUH 6RXYHUDLQ YRODQW  TXL SRVVpGDLW OXL DXVVL O¶XQH GHV SOXV QREOHV généalogies : il pRXYDLWrWUHUHFRQQXFRPPHOHSOXVJUDQGFKHIGHO¶vOH%LHQV€U:DOOLVQHSRXYDLWULHQVDYRLUGH FHVDPELWLRQVHWGHVFRQIOLWVTXLDJLWDLHQWO¶vOH,OQHVRXSoRQQDLWSDVTXHOD© grande femme qui paraissait âgée G¶HQYLURQTXDUDQWH-FLQTDQVG¶XQ PDLQWLHQDJUpDEOHHWG¶XQSRUWPDMHVWXHX[ » (Wallis, 1994 : 21) puisse être aussi importante et porter un nom aussi prestigieux. Voir la généalogie de Mare (Henry, 1997 : 278).

85&¶HVW%OLJKTXLOHSUHPLHUGpFRGHOHV\VWqPHORUVGHVRQGHX[LqPHVpMRXUj7DKLWL

86 Otahiti, Otheiete (Tahiti), Oberea (Purea), Omai (Mai) : les Anglais lièrent longtemps, à tort, le prédicat nominal µ2, qui précède le nom propre, et le nom propre lui-PrPH7HXLUD+HQU\H[SOLTXHDLQVLFHQRPGHO¶vOH

donné par les Anglais : « Ces premiers navigateurs entendant les indigènes dire « O Tahiti », ce qui signifie « ceci est Tahiti ª HQ FRQFOXUHQW TXH F¶pWDLW OH QRP GH O¶vOH HW pFULYLUHQW 2WDKHLWL HUUHXU ELHQ QDWXUHOOH FDU prononcé comme un mot anglais, cela ressemble beaucoup au vrai nom tahitLHQ&HWWHHUUHXUV¶DSSOLTXHDXVVLjOD plupart des mots tahitiens inscrits phonétiquement par les écrivains étrangers. » (Henry, 1997 : 22-23)

48 QRXYHDXOHVLQWHUPpGLDLUHVLQGLVSHQVDEOHVG¶XQFRPPHUFHTXLILQDOHPHQWFRQWULEXDDXmana87

de leur nom, auprès des officiers des navires comme auprès des autres insulaires. Les Anglais qui crurent diriger les échanges QH FRPSULUHQW TXH WUqV WDUG TX¶LOV IXUHQW SOXV VRXYHQW PDQLSXOpV TX¶LOV ne O¶LPDJLQDLHQW /HV MRXUQDX[ GH ERUG HXURSpHQV VRXV-estiment FRQVWDPPHQWO¶KDELOHWpGHV3RO\QpVLHQVFHOOHGH3RPDUHQRWDPPHQWTXLVXWWLUHUSURILWGHOD présence des Anglais dans la baie de Matavai. La petite narratrice de Louise Peltzer, dans

Lettre à Poutaveri  LQVLVWHVXUODVXSpULRULWpGH3RPDUHGDQVO¶pFKDQJH&KDFXQFUXW GRPLQHUO¶pFKDQJe : les Anglais pensèrent pouvoir se ravitailler à bon compte et les Tahitiens pensèrent pouvoir capter leur puissance à leur bénéfice. Si malentendu il y eut, il résulta G¶DERUGGHFHWDYHXJOHPHQWUpFLSURTXH

Les premiers navigateurs du XVIIIeVLqFOHQHV¶LQWHUURJHQWJXqUHVXUO¶LGHQWLWpGHVSRSXODWLRQV TX¶LOVUHQFRQWUHQW : il leur paraît assez évident que ces « naturels » se définissent par la terre à ODTXHOOHLOVDSSDUWLHQQHQW'¶DLOOHXUVFHVvOHVTX¶LOVGpFRXYUHQWDXPLOLHXGX3DFLILTXHQ¶RQW G¶LQWpUrWSRXUHX[TXHVLHOOHVVRQWGHVHVFDOHVXWLOHVVXUODURXWHRFFLGHQWDOHTXLPqQHDX[ épices asiatiques. Il faut donc vérifier la précision des cartes et la qualité des mouillages, UHSpUHUOHVDLJXDGHVHWYpULILHUOHVSRVVLELOLWpVG¶DSSURYLVLRQQHPHQWHQQRXUULWXUHIUDvFKHSRXU lutter contre le scorbut qui décime les équipages. Le Pacifique mérite quelques efforts et des LQYHVWLVVHPHQWVTX¶RQHVSqUHUDSLGHPHQWUHQWDEOHV7RXVSHQVHQWDXVVLTXHFHWRFpDQGRQQH accès au fabuleux continent austral qui rééquilibrerait un monde si curieusement vide dans son hémisphère sud88 et donnerait à la nation qui le découvrirait un pouvoir inégalé.

Les expéditions du XVIIIe siècle furent souvent qualifiées de « scientifiques » parce que les capitaines embarquèrent, à bord de leurs navires, des cartographes et des naturalistes qui eurent pour tâche essentielle de nommer et classer un monde dont il fallait trouver la logique (Foucault, 1966). Mais FHWWHDPELWLRQQHVXIILWSDVjUHQGUHFRPSWHG¶XQHYDVWHHQWUHSULVHTXL HXW DXVVL SRXU EXW O¶H[SORLWDWLRQ GH UHVVRXUFHV QRXYHOOHV 6L OH PRQGH GHYDLW GHYHQLU SOXV lisiblHF¶pWDLWDXVVLSRXUTX¶LOI€WSOXVH[SORLWDEOH/HVXFFqVGHVH[SpGLWLRQVVHPHVXUDFHUWHV à la richesse des informations scientifiques rapportées, à la précision des cartes et des GHVFULSWLRQVERWDQLTXHVPDLVDXVVLjO¶pYDOXDWLRQH[DFWHGHVSURILWVTX¶on allait pouvoir en

87/¶DXWRULWpODSXLVVDQFH

49 retirer. Les consignes, souvent secrètes, données aux chefs des expéditions maritimes leur IDLVDLHQWREOLJDWLRQG¶HVWLPHUODUHQWDELOLWpGHO¶LQYHVWLVVHPHQW La France par exemple, qui venait de perdre le Canada, DYDLWEHVRLQG¶H[SORUHr le Pacifique pour y trouver des ressources QRXYHOOHVHWQHSDVODLVVHUjO¶$QJOHWHUUHODPDvWULVHGXPRQGH/HVLQVWUXFWLRQVGH/RXLV;9 à Bougainville, le 26 octobre 1766, étaient explicites :

« La connaissance de ces îles étant à peine ébauchée, il est très intéressant de la SHUIHFWLRQQHU'¶DLOOHXUVFRPPHDXFXQHQDWLRQHXURSpHQQHQ¶DQLpWDEOLVVHPHQWQLGURLW VXUFHVWHUUHVLOQHSHXWrWUHTXHWUqVDYDQWDJHX[SRXUOD)UDQFHGHOHVUHFRQQDvWUHHWG¶HQ prendre possession si elles peuvent offrir des objets utiles à son commerce et à sa navigation. » (Bougainville, 1997 : IX)

6¶LOHVWH[DJpUpGHWRXWVXERUGRQQHUjO¶DPELWLRQFRPPHUFLDOHLOFRQYLHQWGHQHSDVSHUGUHGH YXH TXH OHV VDYDQWV GXUHQW OHXU SODFH VXU OHV QDYLUHV DX VHUYLFH TX¶RQ DWWHQGDLW G¶HX[ Bougainville avait une mission complexe : il lui fallait à la fois découvrir des terres nouvelles VXVFHSWLEOHV G¶rWUH FRORQLVpHV RXYULU XQH URXWH YHUV OD &KLQH FRQWU{OHU OHV ODWLWXGHV HW OHV longitudes portées sur les cartes, et inventorier les richesses TX¶LOGpFRXYUDLW89

. Il devait enfin UDSSRUWHU VXU O¶,OH GH )UDQFH 0DXULFH  GHV SODQWV G¶pSLFHV SRXU HQ FRPPHQFHU OD FXOWXUH (Monnier, Lavondès, 1993 : 50). Le navigateur français ne fut certainement pas à la hauteur G¶XQHWkFKHTXH&RRNHXWOHWHPSVOHJénie et les moyens de mener à bien quelque temps après lui. Il faut remarquer, de façon générale, que la connaissance des hommes qui habitaient FHV UpJLRQV Q¶pWDLW SDV DX SURJUDPPH des explorations du XVIIIe

siècle. Le génie des 3RO\QpVLHQVIXWG¶LPSRVHUOeur présence et leurs noms à ces navigateurs occupés avant tout de JpRJUDSKLHGHFRPPHUFHHWGHUDYLWDLOOHPHQW/¶LQGLJqQHGXWSDUIRLVUpVLVWHUSOXVTX¶LOQ¶pWDLW DWWHQGXHWOHVDUPHVIXUHQWQpFHVVDLUHVSRXUOHUpGXLUHDXVLOHQFH&¶HVWDLQVLTX¶LOILWVD place GDQVOHVUpFLWVGHYR\DJHHXURSpHQVHWTX¶RQILQLWSDUWURXYHUXWLOHGe le connaître un peu mieux, afin TX¶LOIDFLOLWHODWkFKHGHceux qui voulaient dominer le monde.

3 Bougainville

« 5HOLVH] %RXJDLQYLOOH HW YRXV JR€WHUH] j O¶H[RWLVPH 'H FHW H[Rtisme pur, de ces FRQVLGpUDWLRQV FRORUpHV HW QDwYHV FDU OH VpMRXU GH FH GHUQLHU Q¶D GXUp TX¶XQH VHPDLQH Comment dès lors éviter les incompréhensions, les malentendus "« » (Peu, 2002 : 25)

89,OHXWSRXUPLVVLRQGHIDLUHO¶LQYHQWDLUHGHVULFKHVVHVGXPRQGHQRXYHDXFDFDRLQGLJRFRFKHQLOOHDPEUH nacres, perles, pierres et métaux précieux La liste est de Bougainville, cité par Louis Constant en préface du

50 &¶HVWDLQVLTXH7LWDXD3HXGDQVMutismes (2002), se moque de celui qui a inventé le mythe tahitien. En dépit des reproches que mérite le navigateur français, nous avons cependant cKRLVLGHQRXVLQWpUHVVHUTXHOTXHWHPSVjOXL6¶LOUHWLHQWQRWUHDWWHQWLRQFHQ¶HVWSDVSDUdes TXDOLWpVGHQDYLJDWHXUGHFDUWRJUDSKHRXG¶observateur hors pair, car il est dans ces domaines supplanté par James Cook, qui lui succède à Tahiti. La particularité de Bougainville est G¶incarnerSOXVTXHO¶$QJODLVOHVFRQWUDGLFWLRQVG¶XQPRQGHPRGHUQHTXLQHSHXWVHGpWDFKHU GHO¶KXPDQLVPHDQFLHQ. En outre, ce fut Bougainville qui, le premier, nous fit entendre une voix tahitienne FHOOH G¶$RWRXURX $KXWRUX  TX¶LO UDPHQD HQ (XURSH et qui collabora à la rédaction de son récit de voyage.

Louis-Antoine de Bougainville fut à la fois un mathématicien acquis aux idées des Lumières HWXQKXPDQLVWHSRUWHXUGHVUpIpUHQFHVTXLRQWIRQGpO¶LGHQWLWpFXOWXrelle européenne. Cette GRXEOHIRUPDWLRQ H[SOLTXHODYLVLRQDVVH]FRQWUDGLFWRLUHTX¶LOQRXVODLVVHGHO¶vOHGH7DKLWL TX¶LO© découvrit » quelques mois après Samuel Wallis. La terre TX¶LODSHUoRLWGDQVOHQRUG-nord-est sur O¶avant de sa frégate La Boudeuse, le 2 avril 1768, est à la fois très nouvelle pour lui et même temps très ancienne. Il donne G¶DERUG comme nom le Boudoir, ou pic de la

Boudeuse, à la montagQHKDXWHHWHVFDUSpHTXLVHPEOHYRXORLUVRUWLUGHODPHU&¶HVWHQFRUH SRXUOXLOHWHPSVGHO¶LQFHUWLWXGH/¶vOHFRPPHWRXWHVFHOOHVTXHOHVQDYLJDWHXUV© pêchent » en mer est mouvante, capricieuse HOOHV¶RIIUHHWVHUHIXVHjODIRLV(OOHVRUWGHO¶HDXcomme pour mieux y replonger. Bougainville met du temps à la « ferrer » et enfin à la fixer. Celle qui SHXjSHXVHVWDELOLVHVXUJLWG¶XQSDVVpWUqVDQFLHQFHOXLGHODP\WKRORJLHJUHFTXH,OIDXWDX navigateur que des « nymphes », voire une déesse, surgisVHQWGHO¶kJHG¶RUSRXUGRQQHUXQ SHXGHFRQVLVWDQFHjVRQUrYHG¶vOHLa réalité GH7DKLWLRLOQHUHVWHG¶DLOOHXUVTXHGL[MRXUV, il la découvre plus tard, ORUVTX¶DSUqV DYRLUIUDQFKLODSDVVHG¶+LWLDDTXLSRUWHDXMRXUG¶KXLVRQ nom, il se rend à terre90. 3RXUO¶LQVWDQWFHQ¶HVWSDVOHSULQFLSHGHUpDOLWpTXLFRPPDQGHOH UpFLW/¶LPDJLQDWLRQYHXWWURXYHUVRQFRPSWHGDQVFHTXHOHV\HX[DSHUoRLYHQW/HDYULOXQH SLURJXH V¶DSSURFKH GH OD Boudeuse, bientôt rejointe par une « LQILQLWp G¶DXWUHV ». « Douze hommes nus ªRIIUHQWjO¶pTXLSDJHHQVLJQHGHELHQYHQXH, des branches de bananier, que le navigateur lettré assimile aussitôt au « UDPHDXG¶ROLYLHU » antique. Les premiers échanges ont OLHXPDLV%RXJDLQYLOOHUHJUHWWHTX¶LOQ¶\ DLW © point de femmes à cette première entrevue »

90 Bougainville ne sera jamais sûr de la longitude exacte de Tahiti. Cook, avec un chronomètre plus performant sera, comme à son habitude, beaucoup plus précis (voir Dunis, 2003 : 115-167).

51 (1997 : 128). Il doit attendre encore un jour pour en apercevoir enfin quelques unes, « jolies et presque nues » (1997  ,ODFFRUGHDVVH]SHXG¶DWWHQWLRQjO¶KRPPHTXLYLHQWGRUPLUj ERUG GH O¶Etoile, la flûte qui accompagne la fUpJDWH (QILQ OH  DYULO F¶HVW OD VFqQH WDQW DWWHQGXH TXL YLHQW FRPEOHU O¶LPDJLQDWLRQ GX QDYLJDWHXU FHOOH GRQW O¶(XURSH érudite se VRXYLHQGUDHWTXLIRQGHHQFRUHDXMRXUG¶KXLOHP\WKHSRO\QpVLHQ/HVQ\PSKHVVRQWHQILQOj ainsi que la Vénus anadyomène, fille du ciel et de la mer91TXLVRUWGHO¶RQGHSRXUOHSODLVLU