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Les missionnaires Orsmond et (OOLVTXLOHVSUHPLHUVpWXGLqUHQWOHVP°XUVSRO\QpVLHQQHVHW UHFXHLOOLUHQWOHVWH[WHVGHO¶RUDOLWXUHDQFLHQQHQ¶HQDEDQGRQQqUHQWSDVSRXUDXWDQWOHur mission évangélisatrice. Certes les nécessités de la traduction les poussa, comme le pense Jacques 1LFROHjV¶RXYULUjO¶$XWUHjtémoigner G¶une curiosité qui eut pour effet de laisser derrière eux des témoignages irremplaçables. Mais il ne faut pas oublier TXHV¶LOVIXUHQWOHVSUHPLHUV ethnographes de ce peuple, leur projet scientifique ne les dissuada pas de convertir les Polynésiens et de détruire leur civilisation1741RXVDYRQVWHQGDQFHDXMRXUG¶KXLFRPPHQRXV y invite Louise Peltzer, à faire un tri parmi les missionnaires, en distinguant les bons des mauvais. Cette distinction qui permet de sauver une part de leur °XYUH HVW DUWLILFLHOOH /D conversion des Tahitiens fut le souci constant des missionnaires qui voulurent également les protéger des inflXHQFHV H[WpULHXUHV 2Q FRPSUHQG O¶LVROHPHQW GHV SUHPLHUV pWXGLDQWV polynésiens en Métropole, coupés de leur communauté et soudain séparés de leurs pasteurs. Ils découvrirent avec étonnement la France des années soixante-KXLW HQWUHYLUHQW O¶H[HUFLFH G¶XQHOLEHUWpGRQWLOVQ¶DYDLHQWJXqUHO¶H[SpULHQFH2QFRPSUHQGTXHEHDXFRXS aient voulu V¶HQJDJHU SROLWLTXHPHQW GqV OHXU UHWRXU HW TXH FHUWDLQV PRLQV QRPEUHX[ VH soient tournés YHUVO¶DFWLRQFXOWXHOOHSRXUDIILUPHUXQHLGHQWLWpTXHOHVSDVWHXUVDYDLHQWYRXOXfaire oublier. Le pays dans lequel ils rentrèrent, traumatisé par les expériences atomiques, était aussi un pays qui redécouvrait son passé. Des anthropologues y travaillaient, un musée commençait à se monter, et les traductions françaises des ouvrages de Teuira Henry, Tahiti aux temps

anciens, et de William Ellis, $ODUHFKHUFKHGHOD3RO\QpVLHG¶DXWUHIRLV, circulaient parmi les

intellectuels. Ces missionnaires, dont la tutelle pesante était remise en question, revenaient V¶LPSRVer par des ouvrages que bien peu de Polynésiens francophones connaissaient jusque-là. Une jeunesse en révolte redécouvrait O¶DQFLHQQHFXOWXUH/HVOLYUHVGH:LOOLDP(OOLVHWGH Teuira Henry, furent les manuels de base des militants culturels tahitiens qui découvraient à la

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La connaissance anthropologique est rarement « pure ». Elle fonde sa nécessité sur un projet qui la dépasse et TXLSDUIRLVO¶LQVWUXPHQWDOLVH &RPPHOH PRQWUH-HDQ-Loup Amselle, (1999), les ethnologues qui eurent partie OLpHDYHFOHVFRORQLVDWHXUVHWOHXUVWUDYDX[ QRPLQDWLRQVFODVVHPHQWVHWLQYHQWDLUHV IDFLOLWqUHQWO¶DGPLQLVWUDWLRQ GHVSRSXODWLRQVQRXYHOOHVSODFpHVVRXVO¶DXWRULWpGHVJUDQGHVSXLVVDQFHV

107 fois que leurs ancêtres avaient été certes G¶DERPLQDEOHVSDwHQVmais TX¶LOVDSSDUWHQDLHQWjXQ peuple dont la civilisation méritait G¶être connue.

John Muggridge Orsmond, est pour Jacques Nicole « O¶XQGHVPHLOOHXUVFRQQDLVVHXUVGHOD culture et de la langue tahitiennes » (1988 : 51). Charpentier de métier, il fut formé au VpPLQDLUHGH*RVSRUWDYDQWG¶rWUHHQYR\pHQ3RO\QpVLH$XFRXUVG¶XQF\FOHG¶pWXGHVGHWURLV DQVLODYDLWpWXGLpOD%LEOHOHJUHFHWO¶KpEUHX,ODUULYDHQ3RO\QpVLHHQ$PELWLHX[HW sûr de ses capacités, « il parvint, en un temps record, à provoquer la colère de ses collègues aînés en prétendant, de façon fort arrogante, être le seul qualifié à traduire les Ecritures. » (Nicole, 1988 : 51). Ses rapports avec Henry Nott, chargé de traduire la Bible, furent difficiles. Il ne comprit jamais pourquoi on ne lui confiait pas cette charge, à laquelle sa formation paraissait le destiner. Il triompha quand, en 1843, on le chargea de réviser la traduction de son « concurrent » parue à Londres en 1838

Orsmond comprit, peut-être mieux que les autres pasteurs, la nécessité de connaître la culture WDKLWLHQQH SRXU SUrFKHU HIILFDFHPHQW HW WUDQVIRUPHU HQ DGKpVLRQ VLQFqUH FH TXL Q¶pWDLW TXH ralliement politique après la victoire de Pomare. Dans son journal, il justifie ainsi son goût pour le travail ethnographique :

« /¶XQGHVYLHX[FKHIVGpVLUDLWVDYRLUFRPPHQWM¶HQVXLVYHQXjFRQQDvWUHOHQRPGHOHXUV arbres et de leurs poissons : Dieu les avait-il écrits dans nos livres à notre usage ? Le pauvre ne supposait pas que le labeur aplanit les montagnes, puise dans les profondeurs GXODQJDJHHWIDLWVXUJLUODQRXYHDXWpGHO¶REVFXULWp3RXUSURGXLUHTXHOTXHFKRVHG¶jSHX près varié en prédication tahitienne, on doit continuellement être en recherche. /¶LQYHQWLRQF¶HVWUpHOOHPHQWWRXW ! » (Nicole, 1988 : 180)

Orsmond prend soin, semble-t-il, de ne pas prêter le flanc à la critique de ses collègues qui pourraient lui reprocher de négliger son ministère. Sa défense est subtile : les Polynésiens, fins connaisseurs en matière de rhétorique, ne peuvent se satisfaire de sermons trop abstraits. /¶(FULWXUHHOOH-PrPHPRQWUHSDUVHVSDUDEROHVODQpFHVVLWpSRXUFRQYDLQFUHGHV¶DSSX\HU sur des exemples et des situations dans lesquels les auditeurs, ou les lecteurs, retrouvent un SHXGXPRQGHTXLOHVHQWRXUH'¶RODQpFHVVLWpGHV¶LQIRUPHUHWG¶HQTXrWHU

/¶LQWpUrWTXHPRQWUH2UVPRQGSRXUODFXOWXUHWDKLWLHQQHQ¶HVWSDVGpVLQWpUHVVp,OVDFULILHjOD « tendance bien connue des missionnaires ethnographes à sélectionner, parmi les traditions disponibles, celles qui offrent des parallèles avec la Bible » (Nicole, 1988 : 59). En effet, il UHWLHQW SDUPL OHV UpFLWV TX¶LO UHFXHLOOH G¶DERUG FHX[ TXL pYRTXHQW des écrits bibliques, la

108 création ou le déluge, par exemple. On peut douter TX¶LOVHFRQWHQWHGHQRXVIDLUH© écouter textuellement les prêtres tahitiens » (Henry, 1997 : 8).

Lors de sa parution, Tahiti aux temps anciens IXWSUpVHQWpFRPPHO¶°XYUHG¶XQIRONORULVWHTXL DYDLW SX VDXYHU TXHOTXHV YHVWLJHV G¶XQH DQFLHQQH FXOWXUH175

. Puisque la civilisation SRO\QpVLHQQHGpFULWHDYDLWGLVSDUXHWTXHODUpSUREDWLRQGHVPLVVLRQQDLUHVQ¶DYDLWSOXVOLHX G¶rWUHRQSRXYDLWHQILQJR€WHUODEHDXWpVDXYDJHGHFHWRXYUDJH\WURXYHU© une grandeur et XQHSRpVLHLQGpQLDEOHVTX¶DXFXQFKDQWG¶DXWUHSeuple primitif dépasse » (Henry, 1997 : 8). La culture ancienne réduite ainsi à son seul aspect esthétique devenait rassurante176. En ce début du XXe siècle, Orsmond, le folkloriste, avait révélé, SDUO¶LQWHUPpGLDLUHGH sa petite-fille, les charmes surannés G¶XQH OLWWpUDWXUH RFpDQLHQQH SULPLWLYH ,O Q¶HVW SDV V€U TXH OH PLVVLRQQDLUHH€WDSSUpFLpFHWWHOHFWXUHUHVWULFWLYHGHVRQ°XYUH(WLODXUDLWpWpIRUWpWRQQp de voir TXHSOXVG¶XQVLqFOHSOXVWDUGelle serve aux militants du renouveau culturel, dans leur construFWLRQG¶une identité polynésienne contraire à cellHSRXUODTXHOOHLODYDLW°XYUp

2UVPRQG DIILFKDLW G¶DXWUHV DPELWLRQV GDQV OD SUpIDFH TX¶LO pFULYLW HQ  SRXU VRQ OLYUH DXMRXUG¶KXLGLVSDUX6¶LODYDLWGpFLGpGHSXEOLHUFHVGRFXPHQWVSDWLHPPHQWDPDVVpVF¶était G¶DERUG SRXU GRQQHU XQH © description exacte de Tahiti ª TX¶RQ QH WURXYDLW SDV GDQV OD OLWWpUDWXUH VDYDQWH GH O¶pSRTXH HW UpYpOHU DXVVL © les détails intéressants et cachés de son histoire ». Mais ce travail scientifique ne lui faisait pas oublier pour DXWDQW TX¶LO pWDLW missionnaire : il se proposait donc de faire sentir « au milieu de ces traditions orales et des déformations païennes, un effort vers une civilisation plus raffinée, mieux informée, dans O¶pEORXLVVDQWH OXPLqUH GH OD UpYpODtion divine ». Enfin, dernière ambition affichée, qui plut beaucoup aux folkloristes, il entendait « préserver la littérature tahitienne dans son style propre et sa simplicité primitive qui constituent son plus grand charme » (Henry, 1997 : 7). Sa méthode était apparemment simple. $ O¶pSRTXH F¶pWDLW FHOOH GH WRXV OHV DPDWHXUV HXURSpHQVGHWUDGLWLRQVSRSXODLUHV2UVPRQGYHQDLWG¶XQSD\VTXLDYDLWFRQQXXQHYpULWDEOH révolution esthétique depuis que Macpherson avait publié les poèmes du barde écossais Ossian en 1760. Tous OHV SHXSOHV G¶(XURSH V¶pWDLHQW DORUV PLV j OD UHFKHUFKH G¶pSRSpHV

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En 1928, Stimson écrit « Il résulte de tout cela que les connaissances sur le folk-lore de ce groupe sont presque entièrement limitées aux notes de ceux qui y vécurent il y a un siècle et plus. » (Henry,1997 : 10)

176 « Comme toujours la folklorisation est la couverture en surface de ce qui baratte dans les profonds. Un faux-semblant. » (Glissant,1996 : 115)

109 primitives aux barbares beautés qui leur permettraient de fonder une littérature nationale et de rejeter la référence obligée à la culture gréco-latine (Thiesse, 2001). Comme ses confrères HXURSpHQV2UVPRQGVHPLWjUHFXHLOOLUDYDQWTX¶ils ne disparaissent, les traditions et les récits légendaires de la bouche même de ceux qui étaient chargés de les transmettre. Il les recueillait, insiste-t-il, « de vive voix » (Henry, 1997 : 7). Comment les notait-il ? Il ne le dit guère. Les prêtres, les conteurs, les prophètes, tous ceux qui maîtrisaient la parole tahitienne IXUHQW VROOLFLWpV 2UVPRQG QH VH SRVD JXqUH GH TXHVWLRQV VXU OHV FRQGLWLRQV G¶pQRQFLDWLRQ FRPPHOHIHUDLWDXMRXUG¶Kui un ethnologue177/HVSUrWUHVGH%RUD%RUDTX¶LOLQWHUURJHDGDQV les années 1820 étaient pourtant dans une situation particulière de sujétion par rapport à lui. Orsmond semble avoir une vraie passion pour la langue tahitienne dont il veut collecter les prRGXFWLRQVDXSUqVGHVPHLOOHXUVVSpFLDOLVWHV,OpFULWGDQVVRQMRXUQDOGHTX¶LOV¶HPSORLH à « puiser dans les réserves des vieux prêtres, prophètes et orateurs publics, seuls dépositaires des beautés et finesses de la langue. » (Nicole, 1988 : 179). Ce pur amour pour la langue tahitienne178 OH UHQG SOXV KXPDLQ HW IDLW RXEOLHU TX¶LO pWDLW SDUIRLV WUqV pQHUJLTXH GDQV VHV manières, allant, QRXVGLWO¶pGLWHXUGHMXVTX¶jDEDWWUHOHVFRFRWLHUVHWOHVDUEUHVjSDLQ qui donnent de la nourriture abondamment et portent les indigènes à la paresse (Henry, 1997 : 12).

Toujours dans cette préface de 1848, le pasteur Orsmond déplore la mémoire défaillante de ce peuple sans écriture, sa partialité et les erreurs fréquentes de ses informateurs, mais il se dit frappé SDU O¶pWRQQDQWH © unité dans les descriptions, étant donné leur complexité » (Henry, 1997  &HWWHLPSUHVVLRQG¶XQLWpHVWG¶DXWDQWSOXVYLYHTXHles Polynésiens aspirent, selon lui, à devenir autresTX¶LOVHQWFRQIXVpPHQW© un effort vers une civilisation plus raffinée ». La religion chrétienne lui paraît un idéal FDSDEOHG¶XQLUFHVSRSXODWLRQV SULPLWLYHVGHOHXU donner enfin une identité respectable au moment même où O¶(XURSH invente ses identités nationales (Thiesse, 2001). Pour lui, iOV¶DJLWGHULen moins que de transformer ces barbares licencieux et cruels en chrétiens admirables. Ce projet passe par une connaissance

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Jack Goody, dans (QWUHO¶RUDOLWpHWO¶pFULWXUH  V¶LQWHUURJHDYHFSHUWLQHQFHVXUOD PLVHSDUpFULWGHV

témoignages et sur les variations des récitations apparemment semblables.

178 2UVPRQG IXW DXVVL O¶DXWHXU G¶XQH JUDPPDLUH HW G¶XQ GLFWLRQQDLUH GRQW LO D pWp GLW TXH VRQ FROOqJXH -RKQ Davies se servit pour fabriquer le sien, paru en 1851.

110 DSSURIRQGLHGHODVRFLpWpTX¶LOYHXWchanger. Que les missionnaires aient pu avoir l¶LGpHde GpWUXLUHXQHFXOWXUHTX¶LOVDGPLUHQWnous paraît DXMRXUG¶KXLpWRQQDQW :

« Comme il est essentiel de préserver la littérature tahitienne dans son style propre et sa VLPSOLFLWp SULPLWLYH TXL FRQVWLWXHQW VRQ SOXV JUDQG FKDUPH M¶DL UHFXHLOOL WRXWH PD GRFXPHQWDWLRQWHOOHTX¶HOOHP¶pWDLWGRQQpHGHYive voix par les prêtres et les conteurs, et M¶DL pWp VXUSULV GH OD EHDXWp GX ODQJDJH HW GH OD ULFKHVVH GHV PRWV HW GHV WRXUQXUHV GH phrases (métaphores). » (Henry, 1997 : 7)

Orsmond parle bien, dès 1848, de « littérature tahitienne », et de son admiration pour les productions orales de ses informateurs. Mais tout en reconnaissant les beautés de ce que nous DSSHORQVO¶RUDOLWXUHLOODILJHGpILQLWLYHPHQWdans le passé polynésien, à une époque révolue GHSXLV O¶DUULYpH GH O¶(YDQJLOH /HV GRFXPHQWV TX¶LO DPDVVe ne sont pas destinés aux 3RO\QpVLHQVPDLVDX[VDYDQWVHXURSpHQVTXLVHSDVVLRQQHQWSRXUO¶RULJLQHGHVSHXSOHVHWDX[ pFULYDLQVURPDQWLTXHVTXLYHXOHQWHQILQLUDYHFO¶XQLYHUVDOLVPHGX;9,,,e

siècle. On se doute bien TX¶HQVDXYDQWODPpPRLUHSRO\QpVLHQQH 2UVPRQGQ¶DYDLWSDVSRXUbut de permettre aux indigènes de garder une trace de leur identité passée. Mais le pasteur semble fasciné par cette FXOWXUHTX¶LOYHXWGpWHVWHULOHVWFRPPHKDSSp, malgré lui, SDUO¶RULJLQDOLWpGHFHVP°XUVTXL lui font horreur179. Il lui semble nécessaire de sauver ce qui fut un momeQWGHO¶KLVWRLUHGH O¶KXPDQLWp

&¶HVW SHXW-rWUHSDUFHTX¶HOOHVHQWFKH]2UVPRQGXQDPRXUSOXVJUDQGTX¶LOQHOH reconnaît pour la culture ancienne, TXH/RXLVH3HOW]HUQ¶HQGLWULHQGDQVVRQURPDQ/HGRFXPHQWTX¶LO laisse est capital pour la connaissance de la Polynésie ancienne. Elle préfère attaquer William Ellis (1794 - DSSHOp(ULWLGRQWO¶RXYUDJH$ODUHFKHUFKHGHOD3RO\QpVLHG¶DXWUHIRLV180

, est moins apprécié à Tahiti que Tahiti aux temps anciens. Ellis arriva à Tahiti lui aussi en  ,O \ GpEDUTXD DYHF VD IDPLOOH HW GX PDWpULHO G¶LPSULPHULH181 &¶HVW du reste lui qui LPSULPD OHV SUHPLqUHV SDJHV HQ ODQJXH WDKLWLHQQH 6L RQ ORXH DXMRXUG¶KXL YRORQWLHUV VRQ WUDYDLOG¶HWKQRJUDSKHLOIDXWTXDQGPême souligner que cet « ethnographe » ne prenait guère GHGLVWDQFHSDUUDSSRUWjO¶REMHWGHVRQHQTXrWHHWMXJHDLWVpYqUHPHQWFHTX¶LOSHQVDLWGHYRLU rapporter.

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Ce que nous pouvons lire de lui est certainement édulcoré. Sa petite-fille Teuira Henry qui a reconstitué son °XYUHSHUGXHHQDFHUWDLQHPHQWFHQVXUpXQHJUDQGHSDUWLH

180$ODUHFKHUFKHGHOD3RO\QpVLHG¶DXWUHIRLVSDUXWj/RQGUHVHQVRXVOHWLWUH3RO\QHVLDQ5HVHDUFKHV

111 « -HQHYHX[SDVIDLUHYLROHQFHjPHVSURSUHVVHQWLPHQWVRXULVTXHUG¶RIIHQVHUFHX[GHV lecteXUVHQGpWDLOODQWGHVDFWHVTXHO¶HVSULWQHSHXWHQYLVDJHUVDQVVHVDOLUHWVRXIIULU0RQ EXWHQIDLVDQWDOOXVLRQjFHVFKRVHVHVWGHPRQWUHUOHWULVWHDYLOLVVHPHQWHWO¶KXPLOLDQWH GpPRUDOLVDWLRQ DX[TXHOV O¶LJQRUDQFH OH SDJDQLVPH HW OHV PDXYDLV SHQFKDQWV GX F°XU KXPDLQORUVTX¶LOVQHVRQWni FRQWU{OpVQLIUHLQpVSDUOHVLQVWLWXWLRQVG¶XQHVRFLpWpFLYLOLVpH HWOHVYpULWpVVDFUpHVVRQWFDSDEOHVGHUpGXLUHO¶KXPDQLWpPrPHGDQVGHVFLUFRQVWDQFHV favorables au développement de la vertu, de la pureté et du bonheur. » (Ellis cité par Nicole, 1988 : 60)

8QHWHOOHGpFODUDWLRQOHPHWWDLWjO¶DEULGHVFULWLTXHVGHFHX[TXLSRXYDLHQWV¶LQGLJQHUGHFH TX¶LOUDSSRUWDLW'¶DXWUHSDUWLOpWDLWQpFHVVDLUHSRXUOHPLVVLRQQDLUHGHQRLUFLUOHWDEOHDXHW G¶HQILQLUDYHFXn « bon sauvage ªTXLDXUDLWSXUHQGUHVXVSHFWHO¶HQWUHSULVHévangélisatrice. 7D¶DURDUL¶LOH jeune prince de Huahine, future victime des lois missionnaires est le premier, GDQV OH URPDQ GH /RXLVH 3HOW]HU j UHOHYHU OD FRQWUDGLFWLRQ TX¶LO \ D j UHFXHLOOLU Ges LQIRUPDWLRQV VXU XQH VRFLpWp TX¶RQ VH SURSRVH GH GpWUXLUH /¶DPL GH 5XL SRVH XQ MRXU OD question à Eriti :

« Si nos coutumes sont si mauvaises que cela, pourquoi prenez-vous tant de soin à les écrire ? » (Peltzer, 1995 : 383)

William Ellis, fort embarrassé, fait une réponse assez confuse au jeune homme. Il finit tout de PrPHSDUOXLH[SOLTXHUTX¶LOYHXWPLHX[OHVFRPSUHQGUH7D¶DURDUL¶LWRXMRXUVSOXVOXFLGHTXH VRQDPLHUHIXVHFHWWHFRPSUpKHQVLRQTX¶LOMXJHWURSIURLGH :

« Eh bien, je te dis 5XLTX¶j force de tant chercher à nous comprendre, ces hommes oublient de nous aimer. » (Peltzer, 1995 : 384)

Le jeune prince a raison de se demander si les missionnaires sont vraiment animés par O¶DPRXU FKUpWLHQ TX¶LOV SUrFKHQW 6RQW-ils capables de cette aroha, de cette compassion, TX¶HVWLPHQW WDQW OHV 3RO\QpVLHQV " 7D¶DURDUL¶L VHQW ELHQ TX¶LO QH IDXW SDV FRQIRQGUH FRPSUHQGUH HW DLPHU ,O SUHVVHQW TX¶(ULWL :LOOLDP (OOLV GpEDUTXp HQ   DQV DSUqV 'DYLHVO¶LQVWLWXWHXUDLPpDQQRQFHGHVPLVVLRQQDLUHVjO¶HVSrit nouveau, moins « aimants », mois attentifs au peuple qui les reçoit.

« ,OVGLVHQWTX¶LOVFKHUFKHQWjQRXVFRPSUHQGUHMHPHOHGHPDQGHUHJDUGH(ULWLLO\D TXHOTXHWHPSVLOP¶DGHPDQGpTXHMHOXLpFKDQJHOHVLqJHHQSLHUUHGHVFKHIVGH+XDKLQH à Mata¶LUHD FRQWUH GLIIpUHQWV REMHWV WUqV LQWpUHVVDQWV G¶DLOOHXUV TXH M¶DXUDLV YRXOX SRVVpGHU&¶HVWVRQKDELWXGHLOUHFXHLOOHWRXWHVVRUWHG¶REMHWVTX¶LOHQYRLHGDQVVRQSD\V SRXUTXRLIDLUHMHQ¶HQVDLVULHQ ! Mais le siège des DUL¶Lde notre île -¶DLFUu avoir mal

112 compris la question ou que nous ne parlions pas du même objet 0DLVQRQF¶pWDLWELHQOD stalle sacrée du marae GH0DWD¶LUHDTX¶LOYRXODLW » (Peltzer, 1995 : 385)

/HMHXQHSULQFHLQGLJQpDpWpREOLJpG¶H[SOLTXHUj(OOLVTXHFHQ¶HVWSDVSRVVLble, que ce siège est « le symbole du pouvoir des DUL¶L », le siège des ancêtres. Preuve est faite que la curiosité

« scientifique ª GX PLVVLRQQDLUH V¶LQWpUHVVH G¶DERUG DX[ REMHWV TX¶LO FROOHFWLRQQH HW FODVVH SRXU OHV PXVpHV HW TX¶LO WUDLWH SHXW-être ainsi les hommes auxquels il a affaire182

. Le VHQWLPHQWSpQLEOHG¶rWUHFRQVLGpUpFRPPHXQREMHWG¶pWXGHVHWUDQVIRUPHYLWHHQH[DVSpUDWLRQ quand les anthropologues se vantent, parfois à juste titre, de connaître mieux le pays et sa culture que les autochtones183.

« On dirait, vois-WX TX¶LOV VRQW LFL FRPPH DX VSHFWDFOH TX¶LOV QRXV UHJDUGHQW YLYUH FRPPHV¶LOV¶DJLVVDLWG¶XQHUHSUpVHQWDWLRQFRPPHjXQHIrWHGHVareoi184

et que comme tous les acteurs, on peut échanger impunément de costumes, de décors en fonction de la UHSUpVHQWDWLRQTXHULHQQ¶DG¶LPSRUWDQFH ! Ce qui me désole le plus, je vais te le dire, F¶HVWTXHQRWUHFDUDFWqUHQRVGpIDXWVGHYUDLs-je dire, favorisent admirablement le dessein des étrangers. » (Peltzer, 1995 : 385)

On ne saurait employer un terme plus exact que celui de « spectacle ». Les nouveaux missionnaires sont rejetés dans le roman de Louise Peltzer quand ils se comportent en VSHFWDWHXUV HW TX¶LOV QH V¶LPSOLTXHQW SDV GDQV OD UHODWLRQ /HXU UHJDUG © éloigné » est un affront et déshumanise ceux qui se sentent considérés au mieux comme de simples acteurs aux rôles interchangeables, au pire comme des animaux185.

182 %LHQ TXH OH URPDQ SRVWFRORQLDO GRLYH VRXYHQW EHDXFRXS j O¶DQWKURSRORJLH ©/D GpIHQVH HW LOOXVWUDWLRQ FXOWXUHOOH SURSUH j PDLQWHV °XYUHV IUDQFRSKRQHV D IUpTXHPPHQW pWp LQVSLUpH HW OpJLWLPpH SDU OD UHFKHUFKH anthropologique. », (Mourra, 1999    LO HVW DVVH] FRXUDQW GH UHOHYHU GHV FULWLTXHV VXU O¶LQVHQVLELOLWp GHV scientifiques européens.

183 Cette compétence quand elle est réelle suscite encore davantage de ressentiment. Comment les autochtones ne seraient-ils pas en FROqUHTXDQGLOVV¶DSHUoRLYHQWTXHOHVFRORQVDSUqVOHVDYRLU© civilisés », leur reprochent de ne plus connaître leur passé. Romain Gary, dans son roman La Tête coupable (1980) fait dire à une jeune indigène : « -7X VDLV FH TXH M¶DLPHUDLV IDLUH XQ MRXU &ohn " -H YRXGUDLV TXH WX P¶HPPqQHV HQ )UDQFH : là-bas on peut DSSUHQGUHWRXWVXUPHVDQFrWUHVHWVXUQRWUHSDVVp/HSRSDDDOOHPDQGP¶DGLWTX¶LOVOHJDUGHQWHQIHUPpGDQV OHXUVPXVpHVHWGDQVOHXUVOLYUHVHWTX¶RQSHXW\UHWURXYHUWRXWFHTXLDH[LVWp%LHQV€UM¶DLTXLWWpO¶(FROHGHV 0LVVLRQVjWUHL]HDQVPDLVMHVXLVFHUWDLQHTXHVLMHUHVWDLVVHXOHPHQWHQ)UDQFHM¶DSSUHQGUDLVWUqVYLWHWRXWHVQRV vieilles coutumes et tous les vrais QRPV« » Gary, (1980 : 169).

184 Plus souvent orthographié µDULRL. Les arioi constituaient une confrérie de baladins. Leurs cérémonies

SUHQDLHQWOHXURULJLQHGDQVOHVOpJHQGHVGXGLHXµ2UR2QDGPHWWDLWGDQVFHWWHFRQIUpULHOHVGHX[VH[HVPDLVOHV HQIDQWV\pWDLHQWLQWHUGLWVHWV¶LOQDLVVDLHQWLOVGHYDLHQWrWUHWXpV/HVarioi VHGpSODoDLHQWG¶vOHHQvOHHWpWDLHQW reçus par la population dans des IDUH µDULRL. Ils donnaient des spectacles nocturnes et dévoraient des repas

pantagruéliques qui laissaient leurs hôtes démunis de ressources pendant plusieurs mois. La confrérie disparut après la conversion au christianisme. Les études sur cette confrérie donnent lieu actuellement à de nombreuses WHQWDWLYHVG¶H[SOLFDWLRQVRXGHUpKDELOLWDWLRQGHFHWWHpWUDQJHWURXSH %DEDG]DQ 

185 Nous faisons allusions aux « zoos humains » qui furent présentés en Europe dès la fin du XIXe siècle. Les figurants de ces spectacles formaient une véritable troupe itinérante. Voir Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et

113 Il est remarquable de constater avec quelle facilité les auteurs polynésiens passent du