• Aucun résultat trouvé

Le transport mixte ou les échanges marchands comme support des migrations

DEUXIÈME PARTIE

II. Le transport mixte ou les échanges marchands comme support des migrations

La plupart des circulations marchandes qui se réalisent dans le Sahara nigérien participent de la mobilité des personnes. Le transport mixte est en effet une pratique très répandue dans ces zones désertiques où l’offre de transport est globalement bien inférieure aux besoins des populations qui y vivent ou y séjournent. Mais si les transporteurs qui ne prennent aucun passager sont peu nombreux, tous les transports de marchandises sur les axes Agadez-Algérie et Agadez-Libye ne concourent pas pour autant au déplacement des migrants, et rares sont ceux qui passent encore aujourd’hui les frontières méridionales de ces États nord- africains avec des passagers en situation irrégulière.

À partir d’Agadez, les deux principaux axes commerciaux en direction du nord sont les axes Agadez-Arlit-Tamanghasset et Agadez-Dirkou-Sebha. Il serait vain de vouloir

129

À propos de la notion de « secteur informel », Lourdes Diaz Olvera et Didier Plat notent que « depuis l'apparition du concept au début des années 70 dans les travaux du BIT, son usage n'a cessé de se généraliser, tant analytiquement en débordant le champ géographique dans lequel il avait pris naissance, l'urbain, que comme commodité de langage en permettant de rassembler sous un terme générique unique ces multiples activités envahissant les rues ou les cours des pays en développement, mais absentes, au moins en apparence, des pays développés. [...] Né d'un manque, l'incapacité à qualifier et à appréhender les activités permettant à la majorité de la population urbaine d'assurer sa subsistance, le concept de secteur informel est, paradoxalement, en train de mourir d'un trop-plein » (Diaz Olvera, Plat, 1993 : 12-14). Pour notre part, en nous inspirant des travaux de Chauveau, Le Pape et Olivier de Sardan (2001), nous emploierons ce terme afin de désigner des activités qui ne sont par régies par des institutions, quelles qu’elles soient, mais par des normes « non- officielles » et variables qui témoignent de la faible capacité des institutions à produire, faire accepter et faire respecter leurs propres règles.

155 dénombrer et inventorier l’ensemble des échanges se réalisant sur ces axes tant ceux-ci relèvent pour une grande part de l’informel et de l’illégal (fréquemment désignés par le terme haoussa sumogale, qui signifie « contrebande »), et tant ils sont soumis au changement qualitatif et quantitatif selon les aléas des contextes politiques et économiques130. Aussi, dans l’optique de saisir la place du transport mixte marchandises-passagers dans les circulations transsahariennes, nous ne traiterons ici que de l’organisation des transports marchands participant de manière notable au déplacement des migrants131.

1. Les échanges avec l’Algérie : l’officiel vs. l’informel

Les trois principales pistes officielles qui rejoignent le poste frontière d’Assamakka partent de Tchin-Tabaraden, d’Ingal et d’Arlit. Peu ensablées, elles permettent à des semi- remorques articulés (d’une capacité de charge de 20 à 30 tonnes) de circuler aisément, ce qui évite les rupture de charge entre les pistes non recouvertes et les tronçons goudronnés des parcours.

a. Des échanges officiels économiquement peu importants

Au départ d’Agadez, via Arlit, les marchandises officiellement exportées vers l’Algérie sont relativement peu nombreuses. Il s’agit principalement de bétail et de productions agricoles (ail, oignons, arachides) dont la valeur totale annuelle n’excède pas 250 millions de francs CFA (la valeur des exportations de l’année 2004 est exceptionnellement élevée - 4,7 milliards de FCFA - car 150 tonnes de minerais d’uranium, d’une valeur de plus de 4 milliards de FCFA, ont été envoyées en Algérie, alors qu’habituellement les exportations d’uranium depuis les mines d’Arlit se font par le port de Cotonou)132. Ces exportations ne représentent qu’une petite partie du trafic dans ce sens, l’essentiel des mouvements étant

130 Sur la constitution des réseaux marchands au Sahara central, voir notamment (Blin, 1990; Grégoire, 1999,

2003; Pliez, 2000a).

131 Les données proposées concernant le volume de ces échanges proviennent de la Direction Générale des

Douanes du Niger. Aussi, du fait de l’importance des échanges informels et des faits de corruption sur les axes transsahariens, ces données officielles ne peuvent rendre compte de la totalité des échanges marchands internationaux dans ces zones.

156

constitué de marchandises réexportées : tissus, thé vert, pièces automobiles, et à près de 90% de tabac (figure 4). La réorientation des flux de réexportation de tabac vers l’axe libyen est à l’origine de la chute de la valeur des réexportations à destination de l’Algérie à partir de 2000. Pour ce qui est des importations, les dattes et le sel destiné aux mines d’Arlit constituent l’essentiel des flux, auxquels s’ajoutent en petites quantités divers produits alimentaires et manufacturés algériens.

Figure 4. Valeur des échanges marchands du Niger avec l’Algérie par voie terrestre (1996- 2004) 0 2 4 6 8 10 12 14 16 1996 1998 2000 2002 2004 m ill ia rd s d e F C F A Exportation Réexportation et transit Importation

Arrivée au pouvoir de M. Tandja ; forte hausse des réexportations de tabac

Exportation exceptionnelle d'uranium pour un montant supérieur à 4 milliards de FC FA Réorientation progressive des flux de

réexportation de tabac vers l'axe libyen

Sources : relevés statistiques annuels des importations, exportations, réexportations et transit, de 1996 à 2004, Direction Générale des Douanes, Niamey, 2005.

L’ensemble de ces échanges marchands officiels, relativement importants, ne donnent que rarement lieu à du transport mixte du Niger vers l’Algérie. Les transporteurs refusent en effet de franchir la frontière avec des migrants en situation irrégulière car ils savent que les policiers ne les laisseront pas passer et qu’ils seront amendés. Le transport mixte n’est donc pratiqué dans ce sens qu’entre Arlit et Assamakka, et ne concerne que peu de transporteurs et peu de migrants. En revanche, pour revenir d’Algérie au Niger, à partir de Tamanghasset, certains transporteurs ayant des connaissances parmi les agents de l’État en poste à la frontière, transportent des migrants. Le risque d’interpellation, sans être nul, est alors

157 nettement moins important133. Notons cependant que le nombre de migrants qui reviennent ainsi d’Algérie est sensiblement plus faible que le nombre total de ceux qui s’y rendent. Cette différence s’explique par le fait qu’une partie d’entre eux poursuit sa route vers le Maroc, une partie se rend en Libye, et certains sont expulsés par les forces de l’ordre algériennes.

b. Des échanges informels « socialement » indispensables

Parallèlement aux échanges officiels, enregistrés et imposables, existent entre le Niger et l’Algérie d’importantes circulations marchandes qui font partie de l’économie que l’on peut qualifier de « seconde », « parallèle », « souterraine » ou encore « informelle » (Ellis, Mac Gaffey, 1997). Ces échanges, qui ne sont pas directement ou pas officiellement signalés aux autorités publiques, et échappent par conséquent aux statistiques officielles, ont une telle importance entre les deux pays qu’on ne peut les considérer simplement comme une partie annexe des échanges officiels. Plusieurs types d’échanges transsahariens non-officiels sont à distinguer sur cet axe, selon qu’ils portent sur des produits licites ou illicites, et dans un second temps, au sein des échanges informels de produits licites, selon que leur transport – et notamment les passages de frontière – donne lieu à des transactions corruptives avec les fonctionnaires chargés du contrôle des échanges marchands, ou qu’elle se réalise clandestinement, en dehors du contrôle mais également du regard des agents des États.

Les marchandises illicites qui circulent entre les deux pays sont principalement des armes et de la drogue ; mais ces flux systématiquement clandestins sont suffisamment « discrets » pour ne pas influer de manière visible sur les activités économiques de la ville. En revanche, toute une partie des produits qui circulent officiellement font également l’objet d’un commerce non-officiel. Les commerçants considèrent fréquemment que le montant des taxes légales est trop élevé et évitent aisément ce coût du dédouanement de leurs marchandises en contournant les postes frontières, ou en corrompant les agents qui y travaillent.

133 Dans tous les cas, il semble plus simple de pénétrer au Niger depuis l’Algérie que l’inverse, comme le

rappelle non sans mécontentement le directeur régional des transports terrestres d’Agadez : « Quand un véhicule nigérien veut aller en Algérie, il a tout les problèmes du monde… l'accès n'est pas facile. Au contraire eux quand ils viennent ils ont le champ libre. Quand on va en Algérie on a vraiment des tracasseries administratives et policières intenses. » (Agadez, le 29 novembre 2004).

158

« Les camions qui font le commerce avec l’Algérie, qui passent la frontière par le désert, y'en a beaucoup… normalement ils doivent venir dédouaner ici ou à Agadez… mais y'a plus de 50% de fraude, on peut constater ça… tous ceux qui transportent des niamas-niamas, des pâtes alimentaires… » (Responsable de la société de transit NITRA, Arlit, avril 2003).

Du bétail nigérien est ainsi exporté frauduleusement vers l’Algérie. Les camelins et les ovins peuvent être emmenés en caravane, guidés par des bergers Touaregs de la région, ou chargés dans des véhicules. En retour les produits alimentaires « subventionnés » par le régime algérien ainsi que certains produits manufacturés sont amenés illégalement au Niger en grande quantité (depuis la levée de la politique de subvention officielle à la fin des années 1990, il s’agit d’un subventionnement indirect via des entreprises publiques). Les marchés des villes et villages du Nord du Niger sont en partie approvisionnés par ces produits issus de la contrebande avec l’Algérie. En raison de leur moindre coût à la vente, ces marchandises sont considérées par beaucoup (responsables locaux d’ONG et de partis politiques notamment) comme étant indispensable à la « survie » des habitants de la région d’Agadez, ou tout au moins au maintien de leurs conditions de vie.

Les carburants et les voitures d’occasion en provenance d’Europe sont également importés frauduleusement au Niger depuis l’Algérie, mais ne passent pas nécessairement par Agadez avant d’y être revendus. Pour ces produits spécifiquement, Ingal peut être considéré comme une place marchande aussi importante qu’Agadez, voire davantage pour les carburants. Les bidons de 20 litres d’essence sont en effet achetés à Ingal 7 000 FCFA aux fraudeurs, et peuvent être revendus sur place 8 000 FCFA ou à Agadez 9 750 FCFA. « Mais

tout ça ça vient de l’Algérie par la fraude, c’est le marché noir alors les prix ne sont pas fixes, parfois c’est plus cher, parfois ça diminue » explique un membre du syndicat des

transporteurs, avant de rappeler qu’à Ingal, « chaque matin il y a deux ou trois Toyota qui

arrivent de l’Algérie » avec du carburant et des produits alimentaires (Ingal, le 2 avril 2005).

2. Les échanges avec la Libye : grandes filières et petits trafics

À l’exception du bétail, les marchandises exportées ou re-exportées depuis le Niger vers la Libye passent toutes par Agadez où elles sont chargées sur des camions tout-terrain

159 spécialement équipés pour les traversées sahariennes134. De là, ces marchandises sont amenées par des transporteurs nigériens jusqu'à Dirkou ou parfois Madama où elles sont déchargées et rechargées sur des camions libyens, ceux-ci ayant plus de facilités à circuler en Libye que les véhicules étrangers. Au moment de cette transmission des chargements, s'il n'y a pas de marchandises provenant de Libye à emporter, les camionneurs nigériens peuvent se rendre à Bilma pour y charger des productions locales (sel ou dattes selon la saison), et ainsi ne pas revenir à vide vers Agadez. Cependant, il arrive que des transporteurs libyens se rendent jusqu’à la ville d’Agadez avec leurs propres véhicules afin de vendre directement leurs marchandises ou de les apporter à un de leurs correspondants. Ils repartent alors vers leur pays avec une cargaison de produits dont une partie pourra être déchargée dans les oasis traversées sur la route du retour135. De même, dans certains cas les transporteurs nigériens sont autorisés à pénétrer en Libye avec leurs véhicules, notamment lorsqu’il s’agit d’exportation de bétail.

Jusqu’au début des années 2000 les transporteurs marchands pouvaient transporter des migrants en situation irrégulière et pénétrer avec eux en Libye sans que cela ne leur pose de problème. Les agents libyens les laissaient passer, taxant uniquement les migrants. Le transport mixte sur cet axe était alors très pratiqué et permettait aux transporteurs d’augmenter substantiellement leurs revenus. Mais le durcissement de la politique migratoire libyenne a entraîné la fin de cette pratique basée sur la complémentarité entre le transport marchand et le transport de personnes sur cet axe. Depuis quelques années, il n’est plus permis aux migrants de pénétrer irrégulièrement en Libye par le poste frontière que de manière exceptionnelle. Aussi, pour ne pas prendre le risque d’être taxés voire emprisonnés, la plupart des transporteurs marchands ne pratiquent plus de transport mixte dans le sens sud-nord qu’entre Agadez et le Kawar ou la frontière. Seules les exportations de bétail peuvent encore donner lieu à des pratiques de transport mixte du Niger jusqu’au Fezzan libyen (cf. encadré n°10).

134 Si sur l’axe algérien les semi-remorques peuvent circuler, en revanche seuls les camions-bennes tout-terrain

empruntent la piste de la Libye. Il s’agit de camions Mercedes ou Renault, appelés « 10 roues » de manière générale, et « 24-26 » ou « 24-32 » si l’on souhaite en spécifier la puissance. Ces camions possèdent tous trois ponts et peuvent transporter 20 à 35 tonnes. Les camions « 24-26 » sont assez lents, 10 à 15 km/h en moyenne dans le Sahara, mais en cas de problème leurs chauffeurs se dépannent entre eux aisément car les pièces mécaniques de ces véhicules sont disponibles au Niger. Par contre, les pièces des camions « 26-32 », qui sont plus rapides (20-25 km/h), ne sont disponibles qu’en Libye ce qui fait que les chauffeurs de ces véhicules évitent de se séparer de leurs pièces de rechange même lorsqu’ils croisent des collègues en pannes. Les arrêts des « 26- 32 » dus aux pannes durent ainsi fréquemment plus d’une semaine.

135 Comme nous l’avons signalé précédemment, cette pratique est illégale (Lettre Circulaire n°50 PAZ, envoyée

160

Dans le sens inverse, de Libye vers le Niger, le transport mixte est très fréquent car autorisé par les autorités libyennes. De nombreux transporteurs pratiquent une forme particulière de transport mixte puisque la totalité des marchandises qu’ils convoient appartiennent aux migrants qu’ils font voyager.

Il est donc possible de diviser les transports marchands entre le Niger et la Libye en deux catégories, selon que le parcours entre Agadez et les villes du Fezzan libyen est effectué avec ou sans rupture de charge. Cet axe est ainsi essentiellement animé par des flux marchands internationaux (exportation de bétail, réexportation de tabac, importation de produits alimentaires) qui, en raison des législations en vigueur, donnent lieu à des flux régionaux de contrepartie (sel et dattes notamment).

L’exportation de bétail à partir des zones pastorales du Niger constitue systématiquement plus de 90 % des exportations officielles à destination de la Libye, le reste portant principalement sur des alcools. De la même manière que pour l’Algérie, les flux de réexportation sont également nettement plus importants que ceux d’exportation directe (figure 5). Ainsi, en 2004, pour environ 220 millions de FCFA136 d’exportation (dont 211 millions de bétail), le Niger a réexporté près de 24 milliards de FCFA137 de marchandises (dont 23,5 milliards de tabac). La forte hausse des flux de réexportation à partir de 1999 provient de la réorientation d’une partie des flux de réexportation de tabac qui passaient en Algérie vers l’axe libyen, qui devient en quelques années l’axe très largement prédominant, et surtout de l’augmentation générale du volume de tabac passant officiellement par le Niger à destination de l’Afrique du Nord (figure 6).

Quant aux importations officielles, elles portent essentiellement sur des produits alimentaires (huile, farine, riz, pâtes, concentrés de tomates, etc.) et des hydrocarbures (gasoil et pétrole lampant). Ces produits sont en grande partie subventionnés en Libye et interdits à l’exportation. Pourtant, par l’intermédiaire des souq libya (marchés d’État) chargés de la redistribution de ces marchandises sur l’ensemble du territoire libyen, des filières d’exportation illégales en direction des États voisins se sont mises en place (Pliez, 2000a). Ces exportations frauduleuses de Libye, qui deviennent au Niger des importations légales, portent en moyenne sur quelques centaines de millions de francs CFA chaque année, avec des

136 Soit environ 335 000 euros. 137 Soit environ 36 532 000 euros.

161 variations notables (leur montant atteignit plus de 2 milliards de FCFA en 1999 en raison d’une importante importation de gasoil, mais n’était plus que de 80 millions en 2004). En arrivant au Niger, avant d’être revendues à Dirkou ou à Agadez à des grands commerçants nigériens, ces marchandises sont soumises à une importante taxe sur leur valeur de base138. Lors du transport de ces marchandises entre Sebha et Agadez, un camion libyen peut payer jusqu'à un million de francs CFA de taxes dont la majorité n’est pas officielle et se paie au Niger, au profit de membres de l’armée, de la gendarmerie, de la police ou des douanes selon les cas.

Figure 5. Valeur des échanges marchands du Niger avec la Libye par voie terrestre (1996- 2004). 0 5 10 15 20 25 1996 1998 2000 2002 2004 Exportation Réexportation et transit Importation

Arrivée au pouvoir de M. Tandja ; forte hausse des réexportations de tabac

Réorientation progressive des flux de réexportation de tabac de l'axe algérien vers l'axe libyen

M ill ia rd s d e F C F A

Sources : relevés statistiques annuels des importations, exportations, réexportations et transit, de 1996 à 2004, Direction Générale des Douanes, Niamey, 2005.

138

En 2003 cette taxation était de 30% pour la farine de blé, 34% pour les dattes, 40,1% pour la semoule, 47,7% pour l’huile de cuisine et pour le lait en poudre, 52,5% pour les produits de luxe (concentré de tomates, vidéo, vélo, etc.).

162

Encadré n°10. L’exportation du bétail nigérien vers la Libye

Les exportations officielles de bétail nigérien en direction de la Libye varient sensiblement d’une année sur l’autre, avec près de 3 000 camélidés par an en moyenne entre 1998 et 2002139. La valeur de ces exportations contrôlées de bétail en 2002 fut de 360 millions de francs CFA140 (pour 4 000 camélidés et 1 000 ovins et caprins), ce qui représentait plus de 98 % de la valeur totale des exportations de marchandises nigériennes vers la Libye (à l’échelle de l’ensemble du Niger, l’élevage constitue la deuxième filière d’exportation, après l’uranium).

Ces animaux, élevés dans la zone pastorale du Niger, appartiennent généralement à des Arabes nigériens. Ils sont emmenés en Libye soit sous forme de caravanes, soit en véhicules. Lorsqu’il s’agit d’une caravane, celle-ci est constituée de plusieurs centaines de bêtes qui traversent le Sahara en marchant, accompagnées d’un ou deux camions transportant le fourrage qui leur est nécessaire pendant la durée du trajet (photo 7). Ces camions, conduits par des guides sahariens accompagnés de bergers touaregs ou toubous, appartiennent au même propriétaire que le bétail. Cette marche jusqu’aux centres urbains du Sud libyen où ils seront vendus peut durer jusqu’à un mois. En revanche, lorsque le bétail est chargé dans des remorques de camions tout terrain, auxquelles un « étage » en bois et en paille est ajouté à mi-hauteur de la remorque afin de convoyer plus d’animaux par voyage, le trajet saharien Agadez-Sebha peut être effectué en une semaine. Les camions effectuant ce type de transport partent généralement en petits convois d'une dizaine de véhicules. Ils sont conduits par des chauffeurs, accompagnés d'un ou deux guides et de personnes chargées de s'occuper des bêtes.

Des migrants nigériens participent parfois à ces convois car « quand tu es avec le bétail, avec les chameaux, les moutons, tu n'as pas de problème avec la police en Libye, parce qu'ils ont besoin des bergers » (B., Nigérien, Agadez, le 17 novembre 2004). En accord avec les chauffeurs ou les guides, ils profitent de ces nombreux voyages pour se rendre en Libye à moindre coût (certains sont payés pour cela) et sans risque. Au passage de la frontière, ils se font passer pour des bergers qui accompagnent les bêtes. Les Libyens, qui encouragent les importations de bétail nigérien, ne sont alors pas trop regardants sur la régularité de leurs papiers.

D’après la législation nigérienne, chaque animal en partance pour la Libye doit subir un