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Géographie du mouvement, géographie en mouvement Questions de méthode

C HAPITRE III

I. Géographie du mouvement, géographie en mouvement Questions de méthode

1. De l’intérêt de mener des recherches dans les espaces de transit

La migration est un mouvement, un déplacement de personnes. La position de l’observateur sur le parcours des migrants d’une part, et les catégories d’individus enquêtés de manière privilégiée d’autre part, sont deux éléments déterminants de la vision que l’on peut obtenir du phénomène migratoire étudié. Or, la plupart des travaux de recherche sur les migrations internationales se réalisent en deux points spécifiques des parcours migratoires : les espaces « de départ » et ceux « d’arrivée »83, que ce statut des espaces soit définitif ou de plus en plus fréquemment temporaire dans le cas des migrations par étapes. L’un des intérêts majeurs de ce type de localisation des enquêtes, en dehors de l’étude même des incidences de la migration sur ces espaces et sur les sociétés qui y vivent, est de pouvoir travailler longuement auprès des migrants. D’ailleurs, afin d’approfondir réellement la relation avec les migrants enquêtés, de travailler dans leur langue, de pouvoir reconstituer les filières, ou encore de traiter en profondeur des relations interethniques entre communautés de migrants et entre migrants étrangers et autochtones, certains chercheurs font le choix de focaliser leurs travaux sur une communauté particulière de migrants prise dans le processus migratoire. Par exemple, pour ce qui est des migrations transsahariennes, des travaux très intéressants ont porté sur les migrants congolais (Goldschmidt, 2002) et sénégalais (Pian, 2007) au Maroc, ou sur les migrants burkinabés à Tripoli (Bredeloup, Zongo, 2005). Ce type d’approche répond aux besoins de certains questionnements. Mais lorsque l’on souhaite saisir l’organisation d’un système migratoire dans sa globalité, et que celui-ci est animé par des migrants dont les origines géographiques et les destinations sont multiples, comment faire pour ne pas fonder son analyse sur une partie restreinte et spécifique des migrants – selon leurs origines ou leur destination –, pour ne pas avoir une vue trop fragmentée et partiale des migrations étudiées ? En écartant l’option d’une équipe de recherche qui aurait les moyens humains et matériels

83 « Dans l'étude de la circulation migratoire, les anglo-saxons mènent l’analyse du point de vue du pays

d’origine alors que la plupart des chercheurs français l’abordent à partir des migrants installés définitivement dans leur pays d’accueil, et qui circulent entre leur pays d’accueil et d’origine » (Ma Mung, 1998 : 2). Depuis que cette synthèse sur les circulations migratoires a été écrite, il y a une dizaine d’années, la situation a certes évoluée mais le constat général demeure.

d’enquêter sur toutes les communautés de migrants dans leurs régions d’origines et de destination, se positionner dans les espaces de transit où se concentrent les flux semble être le meilleur moyen d’obtenir la vue la plus complète possible des mouvements migratoires transsahariens. Dans le même temps, travailler dans ces espaces afin de prendre en compte « toutes » les catégories de migrants transsahariens risque d’induire un biais important, celui de gommer ou tout au moins d’amenuiser les spécificités des différentes catégories de migrants en employant le terme « subsaharien » comme s’il s’agissait d’une catégorie d’analyse efficiente. Or il n’y a pas d’unité sociologique a priori des « migrants subsahariens ». La seule caractéristique homogène de ces individus est celle, temporaire, de l’orientation de leurs parcours dans les espaces de transit. Tout en ayant conscience des limites et des biais de cette terminologie, il s’agira de voir dans quelle mesure elle peut prendre un sens sociologique, d’une part à travers les perceptions des populations autochtones dans ces espaces de transit, et d’autre part à travers l’éventuelle émergence d’un sentiment d’appartenance commune de ces ressortissants du sud du Sahara.

Si le Sahara est dans sa globalité un espace de transit, on s’aperçoit que les lieux où la fonction de transit est affirmée sans pour autant se conjuguer avec celle de destination y sont actuellement relativement peu nombreux. Le Nord du Niger est celui qui concentre la plus grande partie des flux migratoires par voie terrestre, tout d’abord dans une ville, Agadez, puis sur deux principaux axes en direction de l’Algérie et de la Libye. Il s’agit donc d’un espace d’observation privilégié du système migratoire étudié. La plupart des « catégories » de migrants transsahariens sont susceptibles de passer par là, quelles que soient leurs origines et leurs destinations. Ceux qui reviennent d’Afrique du Nord y transitent également et s’autorisent à y parler de leur expérience migratoire plus aisément semble-t-il qu’en Algérie ou en Libye. Ainsi les espaces de transit, en l’occurrence le Nord du Niger, rendent accessible un matériau empirique plus complet qu’ailleurs, tout en posant des contraintes méthodologiques particulières ; ces espaces offrent la possibilité de mener une réflexion complémentaire de celles conduites dans les espaces de départ et d’arrivée des migrants, voire de tendre vers une réflexion plus globale concernant les mouvements migratoires étudiés84.

84

Pour aller plus loin dans ce sens, voir les travaux d’Hervé Domenach, qui plaide en faveur d’une approche globale non pas simplement des phénomènes migratoires en eux-mêmes, mais de la migration comme élément des sociétés modernes, et donc à traiter pleinement en lien avec tous les domaines qui lui sont liés de près ou de loin. Il propose pour cela la notion de « migratologie » (Domenach, 1996).

2. Pour un « pluralisme méthodologique » de principe

« Le monde que nous voulons explorer est largement inconnu. Nous devons donc rester ouvert à toutes les options sans nous limiter à l'avance. Certaines prescriptions épistémologiques peuvent bien paraître admirables comparées à d’autres, ou à des principes généraux, mais qui peut garantir que ce sont elles qui permettent le mieux de découvrir, non pas quelques “faits“ isolés, mais aussi des secrets de la nature profondément cachés ? » (Feyerabend, 1988 : 16).

Quelle méthodologie adopter pour étudier les migrations transsahariennes ? Au regard de mon questionnement, il m’est rapidement apparu nécessaire de « jongler » tant que possible avec les différentes méthodes que je présumais pertinentes et que je pensais être en mesure de mettre en œuvre sur le terrain. Car la méthodologie me semble être tout autant une question pratique, une affaire de mise en œuvre dans un contexte donné, qu’une question théorique a priori. C’est pourquoi il me semble important de prôner un « pluralisme méthodologique » de principe, c'est-à-dire possible, permis et recherché, par opposition aux « fétichismes méthodologiques » qui continuent d’orienter un certain nombre de travaux, bien qu’ils soient de plus en plus remis en cause (Bourdieu, Wacquant, 1992). Ces formes de « fétichismes » ou de « dogmatismes » qui entravent la réflexion critique concernant les pratiques méthodologiques sont de deux ordres, l’un concerne la séparation académique des disciplines, l’autre celle des approches qualitatives et quantitatives. Je souhaite ici mettre en évidence d’une part l’inanité de ces oppositions méthodologiques (qui s’avèrent souvent plus théoriques que pratiques, et auxquelles il ne faut donc pas accorder plus d’importance qu’elles n’en ont), et d’autre part les intérêts du « pluralisme méthodologique » de principe, qui potentiellement permet d’étudier un même objet sous différents angles, d’élargir le contenu et la nature des données empiriques recueillies, de comparer les conceptions et les idées en en introduisant de nouvelles.

La séparation disciplinaire (universitaire) des méthodes des sciences humaines et sociales a pour origine l’époque où certains objets étaient propres à certaines disciplines. Les méthodes pouvaient alors apparaître attachées aux disciplines, or elles étaient fonction non pas de ces disciplines mais de leurs objets et de la nature des questionnements produits. Depuis quelques temps déjà, la plupart des objets scientifiques sont étudiés dans plusieurs disciplines, « ni la ville et l'urbanisation, ni les questions agricoles, ni les mouvements de

population ne sont plus le domaine réservé d'une ou deux "spécialités". Ces "objets" eux- mêmes ne font désormais figures que de segments dans la continuité du réel » (Sautter, 1993 :

703). La séparation méthodologique par discipline n’a d’ailleurs plus cours en tant que tel dans la réalité des pratiques de recherche. « Tout se passe comme si [les méthodes]

constituaient aujourd'hui une sorte de fond commun où puisent les chercheurs de toute paroisse », note Gilles Sautter, avant de poursuivre : « cette "transgression méthodologique" ne fait elle même que refléter, ou prolonger la mise en commun des champs scientifiques »

(Sautter, 1993 : 703). La vieille conception académique des sciences humaines et sociales qui continue de borner hermétiquement les champs des disciplines apparaît désuète et en décalage avec la plupart des pratiques de recherche. Selon une conception de partage possible et souhaitable des méthodes entre sciences humaines et sociales, tout en reconnaissant que les questionnements et la façon d’envisager les objets continuent – heureusement – de différer selon les spécialités, j’ai tendance à considérer que les méthodes qui se développent de manière privilégiée au sein de telle ou telle discipline n’ont par la suite pas à être considérées comme des « emprunts » lorsqu’elles sont utilisées et de fait ré-appropriées dans d’autres disciplines.

Se pose néanmoins la question de la formation universitaire. S’il me semble qu’en principe les méthodologies doivent être déterminées avant tout en fonction des objets de recherche et de la nature des questionnements, en revanche, admettons-le, l’éclectisme théorique et méthodologique a des limites. Nous ne sommes pas formé de la même manière à l’utilisation de toutes les méthodes qui, au niveau universitaire, sont encore assez fortement séparées selon les disciplines85. Face à l’objet de ma recherche, j’ai ainsi essayé de maîtriser tant bien que mal une culture théorique et des outils méthodologiques dépassant le cadre de ce que ma formation universitaire m’a appris, tout en ayant conscience des limites de cette entreprise. En effet, derrière l’aspect séduisant de l’approche pluridisciplinaire, je me suis bien souvent retrouvé à utiliser dans différentes disciplines les auteurs les plus accessibles ou déjà utilisés par d’autres en géographie, les auteurs traduits pour ceux qui écrivent en langues étrangères, et pas nécessairement ceux qui auraient pu être les plus pertinents.

Le second débat méthodologique qui apparaît particulièrement important dans la recherche sur les migrations internationales et sur lequel je souhaite brièvement revenir est celui qui oppose les méthodes dites quantitatives aux méthodes dites qualitatives, alors que

85 Il existe tout de même des initiatives de décloisonnement disciplinaire. Par exemple, il m’a été donné de suivre

en parallèle de mon DEA de géographie les cours du DEA « études africaines » de l’université Paris 1, qui propose une formation pluridisciplinaire (anthropologie, anthropologie juridique, économie, géographie, histoire, sciences politiques).

l’intérêt de l’alliance de ces deux approches, de la quantification tant que possible des données qualitatives et de la contextualisation des données quantitatives, a été montré par divers auteurs (Peneff, 1995; Peretz, 1998; Weber, 1995). Le débat porte sur la rigueur de ces méthodes, sur la pertinence des données qu’elles permettent d’obtenir. Chacun de ces deux courants méthodologiques a sa propre forme de rigueur qui lui permet de valider de manière spécifique les données produites. Les méthodes quantitatives ont une validité statistique prévue par avance, mesurable et qui peut être vérifiée selon divers critères après coup. En revanche la rigueur des méthodes qualitatives est plus difficilement quantifiable car elle repose davantage sur la mise en œuvre plus ou moins intuitive de savoir-faire, de connaissances et de compétences qui ne prennent sens et ne s’enrichissent que dans la pratique (Olivier de Sardan, 2004). Là encore, il me semble non seulement que l’intérêt du choix privilégié de l’un ou l’autre de ces courants méthodologiques ne peut être discuté en faisant abstraction de l’objet étudié et de la nature des questions posées, mais également que leur croisement, leur combinaison est souhaitable dans la mesure du possible (Groulx, 1997)86.

Pour effectuer le présent travail, et sans que cela ne s’oppose au propos précédent, j’ai opté pour une approche à dominante « qualitative ». Ce fut tout à la fois un choix, en raison de ma manière d’aborder ma thématique de recherche et des questions suscitées, et une nécessité car en travaillant seul dans le Nord du Niger et en l’absence de données précises concernant les phénomènes étudiés, je n’étais ni en mesure de déterminer un échantillon d’individus à enquêter doté de critères de représentativité statistique, ni d’appliquer un ou plusieurs protocoles d’enquêtes par questionnaires qui m’auraient permis d’obtenir des informations circonscrites et quantitativement représentatives sur les flux migratoires, les échanges marchands ou quelque autre aspect des phénomènes étudiés. L’approche dite « qualitative » fut donc privilégiée, me permettant d’être au plus près des situations vécues par les personnes auprès desquelles et avec lesquelles j’ai travaillé. Au sein de cette approche, j’ai accordé une large place à la serendipity en tant que méthode et processus de découverte par hasard, par chance, notamment théorisé par Robert King Merton et Elinor G. Barber dès les années 1960 dans « The Travels and Adventures of Serendipity », ouvrage qui ne fut publié que plusieurs décennies plus tard (2004). La serendipity est une ouverture à

86 La limite de l’articulation des méthodes qualitatives et quantitatives peut résider dans les difficultés qu’il y a à

maîtriser les outils opérationnels qui leurs sont spécifiques, et à disposer des moyens humains et financiers qu’elles requièrent (surtout dans le cas des enquêtes par questionnaires).

l’inattendu, une disposition visant à prêter une attention particulière aux moments qui accroissent les opportunités de faire des découvertes par hasard. Elle favorise la prise en compte des observations imprévues ainsi effectuées, notamment lorsque celles-ci vont à l’encontre des théories jusque-là acceptées, donnant l’occasion de développer de nouvelles hypothèses et éventuellement de nouvelles théories.

Immersion dans les vies quotidiennes, observation participante, discussions, entretiens libres ou semi directifs, circulation sur le terrain, sont autant de facettes d’une situation d’interaction prolongée avec les individus enquêtés et donc autant de moyens de production de connaissances transversales et contextualisées. Mon approche vise autant à rendre compte des points de vue intimes, des discours publics et des pratiques officielles des acteurs avec le plus de justesse possible, que des pratiques cachées, illégales ou clandestines et des représentations ordinaires qui ne font pas l’objet de discours. En multipliant les points de vue et les échelles d’analyse, le « pluralisme méthodologique » vise à limiter les biais inhérents à chacun des points de vue plus particuliers ; c’est pourquoi les représentations de la réalité ainsi produites ont été croisées tant que possible avec des informations statistiquement plus représentatives, mais nécessairement d’un autre ordre, provenant d’enquêtes quantitatives telles que les recensements de population ou les statistiques de différents services d’État.

3. Favoriser l’ouverture et le changement de regard : pragmatisme et mise en mouvement.

Les migrations transsahariennes sont, dans leurs formes actuelles, des mouvements migratoires relativement récents. Afin de pouvoir les aborder sous tous les aspects qui nous intéressent, d’être en mesure d’en saisir les spécificités et de déconstruire si besoin les discours dominants (qui se basent généralement sur une vision lointaine des faits), il m’a semblé important de ne pas trop utiliser les catégories classiques des études migratoires qui leurs sont préexistantes et qui orientent le regard (migrants économiques, réfugiés ; migrations temporaires, définitives, circulaires ; installation, retour ; etc.). Abdelmalek Sayad (1999) a montré comment les biais des catégories avec lesquelles nous pens(i)ons l’immigration nous empêch(ai)ent de comprendre le phénomène de l’émigration-immigration

entre le Maghreb et la France dans toute sa complexité87. N’en est-il pas de même, à divers degrés, pour l’ensemble des phénomènes migratoires ? Notre manière d’envisager les migrations transsahariennes ne relève peut-être pas de ce que le sociologue appelait la « pensée d’État », mais nous avons dans tous les cas en tête une grille de lecture des phénomènes migratoires structurée, en tant qu’elle est culturellement, socialement et historiquement marquée, et structurante, en ce qu’elle détermine notre façon de percevoir et de penser le réel (Glick Schiller, Basch, Blanc-Szanton, 1992; Wimmer, Glick Schiller, 2003). Dans une perspective de géographie post-coloniale, l’enjeu est de mettre ces catégories préétablies (catégories d’analyse scientifiques, mais également catégories des médias et des politiques qui inévitablement nous influencent) à l’épreuve de l’empirisme, à l’épreuve des faits observés lors de nos séjours sur le terrain, et de rester ouvert à l’inattendu, à l’improbable, au contradictoire. Suivant cette logique, il faudrait être en mesure d’analyser tout notre système de pensée, notre façon habituelle de formuler nos questionnements, nos hypothèses, nos observations les plus courantes et les plus évidentes.

Afin de favoriser la possibilité d’émergence de points de vue différents sur les phénomènes migratoires étudiés, j’ai naturellement fait varier les types d’interlocuteurs et les contextes d’énonciations et adopté dans un premier temps une démarche pragmatique, accordant une grande importance à la serendipity comme facteur heuristique dans ma recherche. L’élément sur lequel je souhaite insister ici, relativement peu pris en compte dans les études migratoires, a trait aux deux formes de production de données que sont l’observation – participante – et l’entretien. Il s’agit de la mobilité de l’observateur, considérée, d’un point de vue méthodologique, selon deux aspects : la mobilité sur le terrain et la « mobilité » comme terrain.

La mobilité sur le terrain, c'est-à-dire la circulation entre différents sites appréhendés chacun comme un « micro-terrain », fut longtemps considérée comme étant une marque de « superficialité » (Spittler, 1996), s’opposant à l’ancrage « en profondeur » dans un terrain

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« Ces catégories à travers lesquelles nous pensons l'immigration (et plus largement tout notre monde social et politique), catégories sociales, économiques, culturelles, éthiques - on ne dira jamais assez la place que la morale occupe dans la perception qu'on a du phénomène de l'immigration - et, pour tout dire, politiques, sont assurément et objectivement (c'est-à-dire à notre insu et, par suite, indépendamment de notre volonté) des catégories nationales voire nationalistes. Les structures de notre entendement politique le plus ordinaire, celui qui se retraduit spontanément dans notre vision du monde, qui en est constitutif pour une large part et qui en est en même temps le produit, sont au fond des structures "nationales" et agissent aussi comme telles » (Sayad, 1999 : 5).

unique, caractérisé par son unité de lieu, et impliquant la sédentarité88. Pourtant, circuler sur le terrain, y être mobile, permet de vraiment « contextualiser » chaque lieu d’enquête, chaque phénomène observé, et de les aborder d’une manière légèrement différente chaque fois que l’on revient ou repasse par un site où l’on a déjà travaillé, chaque fois que l’on recroise une personne connue après un temps d’absence. Cette manière d’envisager la mobilité sur le terrain, entre les différents sites qui ensemble constituent le terrain, renvoie à la théorie de l’ethnographie multi-située développée par George E. Marcus (1995; 1998). Quelle que soit son échelle d’application, même lorsque celle-ci est relativement grande, cette méthode permet de mieux contrôler la production de l’objet de recherche.

La « mobilité » comme terrain, second aspect de la mobilité qui nous intéresse, consiste à envisager la circulation (éventuellement, mais pas uniquement, entre les différents sites qui constituent le terrain) comme étant une situation de recherche particulière. Il s’agit en somme de faire de la mobilité un terrain, de considérer le voyage-déplacement comme situation privilégiée d’enquête et d’observation, d’étudier le mouvement dans le mouvement. « Les

"phénomènes dynamiques" tiennent leur unité de moi qui les vis, qui les parcours, et qui en fais la synthèse, observe Merleau-Ponty. Ainsi nous passons d'une pensée du mouvement qui le détruit à une expérience du mouvement qui cherche à le fonder, mais aussi de cette expérience à une pensée sans laquelle, à la rigueur, elle ne signifie rien. [...] il y a dans tout mouvement sinon un mobile, du moins un mouvant, à condition qu'on ne confonde ce mouvant