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Être migrant et le devenir socialement La portée d’un statut peu enviable

DEUXIÈME PARTIE

I. Être migrant et le devenir socialement La portée d’un statut peu enviable

1. La migration transsaharienne commence-t-elle au Sahel ? Traverser le Niger

En raison de l’organisation des infrastructures de transport, les migrants qui transitent par le Niger pénètrent presque systématiquement dans ce pays par le Sud, à l’image des Maliens et des Tchadiens qui passent respectivement par le Burkina Faso et le Nigeria (carte 7). Tous doivent ensuite parcourir plusieurs centaines de kilomètres avant d’atteindre les « ports sahariens » d’où ils pourront se lancer dans la traversée du désert à proprement parler.

De leur localité d’origine à leur entrée sur le territoire nigérien, et même lorsqu’ils sont amenés à traverser plusieurs pays, les migrants ne font généralement pas l’objet de stigmatisation de la part des forces de l’ordre et des agents de transport qu’ils rencontrent102. Voyageurs parmi les autres voyageurs, leur identité de migrant en partance pour l’Afrique du Nord n’est pas encore révélée ni reconnue, ou tout au moins ne semble pas avoir d’importance, comme l’illustrent les récits suivants. Ces migrants évoquent les différentes étapes de leur voyage du Sénégal au Niger, en en précisant le coût. Il est intéressant de voir que seuls les tarifs des transports sont mentionnés, ainsi qu’une taxe prélevée à l’entrée du

102 La mise en place d’un protocole de libre circulation des individus au sein de l’espace CEDEAO (abolition des

visas et des permis d’entrée) devrait faciliter la mobilité des migrants ressortissants des États membres de cette communauté, jusqu’à leur sortie du Niger. Pourtant, leurs conditions de circulation au sein de l’espace CEDEAO ne sont en réalité pas différentes de celles des autres migrants, comme on peut le lire sur le site même de la CEDEAO : « Tous les États membres de la CEDEAO ont aboli les visas et permis d'entrée. Toutefois, dans presque tous les pays, il existe de nombreux postes de contrôle et les citoyens de la Communauté sont victimes de tracasseries administratives qui se manifestent le plus souvent par des extorsions de fonds » (http://www.sec.ecowas.int/sitecedeao/francais/achievements-1.htm - 02.08.2007). Finalement, quelle que soit leur nationalité, les candidats à l’émigration vers l’Algérie et la Libye expliquent qu’ils n’ont pas eu de difficultés particulières jusqu’à leur arrivée au Niger, dans le sens où ils n’ont pas été stigmatisés en tant que « migrant », c’est-à-dire qu’ils ont pu circuler d’un pays à l’autre éventuellement sans passeport ni visa, puisque avec ou sans papiers le franchissement des frontières est possible mais nécessite généralement de « payer un peu » (c’est-à-dire de corrompre).

Burkina Faso, peu onéreuse, et qui ne semble ni spécifique aux migrants ni systématique. En revanche, l’arrivée au Niger est marquée par les tracasseries des forces de l’ordre.

« Ma famille est en Casamance à Bounkiling. On était au travail de triage du riz, au village de Rossbethio. Depuis que je travaille là-bas, je vais et viens dans mon village. J'ai fait une autre campagne encore. On a fait six mois de campagne. On a gagné plus de 200 000 FCFA chacun. J'ai décidé de venir après la saison, après l'hivernage. J'ai dit à ma famille je vais voyager. C'était le 21 mai 2003. Mon grand frère l'a fait. J'ai décidé de prendre le train, comme lui, le 21 mai, de Dakar jusqu'à Bamako, 25 000 FCFA. En rentrant dans Bamako vers dix heures du matin comme ça, je suis parti au quartier Medina Kora, pour me reposer, pour faire un jour là-bas. Je suis parti après à l'autogare pour prendre le bus pour aller à Ouaga. C'est 19 000. On a fait toute la journée à Ouaga jusqu'à six heures du soir pour attendre l'autre voiture. C'est 9 200 pour Niamey. Le tarif c'est 9200, oui. On a quitté à six heures du soir. La nuit la voiture est tombée en panne. » (Migrant sénégalais, Niamey, le 17 décembre 2003).

« Entre Dakar et Bamako, on me demande pas d'argent. À la frontière Mali-Burkina on est mis en rang, les Burkinabés ils demandent la carte d'identité, le carnet de vaccination, le passeport. Y'a la douane et la police. On donne 1 000 francs 1 000 francs103. Si tu ne donnes pas bon, discussion. Mais en rentrant au Niger, ah c'est pas bon, ah non. Ils ont dit il faut payer sinon vous pouvez pas rentrer. C'est les policiers, policiers douanes » (Migrant sénégalais, Niamey, le 17 décembre 2003).

Du moment où les migrants cherchent ouvertement un transport pour se rendre dans le Nord du Niger, ce qui est généralement le cas à Niamey, Dosso, Maradi ou Zinder, et parfois dès les frontières méridionales du pays104, un changement de statut social va s’opérer. Dans ces régions, ne pas être Nigérien et chercher à se rendre à Agadez ou à Arlit équivaut à dire que l’on part tenter sa chance de l’autre côté du Sahara. Ainsi, de simples voyageurs, ils seront dorénavant perçus comme des migrants en partance pour le Maghreb ou l’Europe. Or la migration transsaharienne est connue pour être une migration coûteuse. Les agents de l’État, les acteurs du transport et même les commerçants savent que ces migrants ont en leur possession des sommes d’argent relativement conséquentes, ce qui les incite à utiliser leurs positions respectives pour abuser d’eux et tirer profit de leur passage. Les propos suivants

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1 000 FCFA par personne.

104 Beaucoup plus rarement, dans le cadre de certains réseaux migratoires, il arrive que des migrants prennent des

transports directs pour Agadez à partir des grandes villes côtières du Golfe de Guinée, de Ouagadougou au Burkina Faso ou de Kano au Nigeria.

montrent comment les commerçants de la gare routière de Niamey n’hésitent pas à délivrer de fausses informations aux migrants afin de leur faire acheter certains produits. De la même manière, les tarifs de transport qui leur sont appliqués sont légèrement supérieurs à ceux communément pratiqués.

« On est rentré à cinq heures du soir à l'autogare à Niamey. Ici à Niamey on a demandé les gens les tarifs c'est combien. On a vu le tarif ici [de Niamey] jusqu'à Agadez. J'ai payé le gari105, deux tasses de Lahda [lait en poudre], les bidons de vingt litres et le petit de cinq litres. Les gens ils disaient à l'autogare que Agadez c'est le désert, que y'a pas d'eau là-bas... t'es obligé de payer le bidon. On n'a pas fait cinquante minutes à Niamey, on a payé le billet, 11 250 [francs CFA] le tarif pour Agadez » (Badio Fati, migrant sénégalais, Niamey, le 17 décembre 2003).

Depuis les zones méridionales du Niger, la plupart des migrants poursuivent leur voyage jusqu’à Agadez en utilisant des moyens de transport en commun classiques, taxis interurbains et autocars. Les taxis interurbains, appelés « taxis-brousse » ou « Hiace » (du nom du modèle de certains des véhicules Toyota), sont des minibus de 19 ou 22 places106. Moins coûteux mais moins rapides que les grands autocars, ils peuvent desservir toutes les localités situées sur leurs parcours, tant sur les routes goudronnées que sur les pistes de latérite. Un trajet Niamey-Agadez en taxi-brousse coûte entre 7 000 et 10 000 FCFA selon les cas et dure deux jours (la circulation interurbaine des véhicules de transport en commun de passagers est interdite de nuit107). En outre, après la libéralisation du secteur des transports

105

Farine de manioc.

106 Contrairement aux autres pays de la région, les taxis interurbains de 5 ou 7 places (c’est-à-dire 6 ou 9

passagers) sont très rares au Niger et ne circulent que sur certains tronçons (par exemple Gaya-Niamey).

107 D’après la Direction des Transports Terrestres du Niger, 300 à 400 personnes décèdent annuellement au

Niger dans un accident de la route et 850 à 1050 sont gravement blessées - pour la période 1999-2003 - (Chekarao, 2004). Afin de limiter le nombre d’accidents sur les routes du Niger le gouvernement nigérien a décidé d’interdire la circulation nocturne interurbaine des véhicules de transport de passagers : « Suite à une concertation et au regard de la problématique de la circulation, le Gouvernement a décidé d'interdire la circulation des véhicules de transport des passagers de 21 heures et 7 heures sur toute l'étendue du territoire national. Vous voudrez bien en informer les syndicats des transporteurs de voyageur, instruire dès réception du présent message les agents de sécurité de vos ressorts administratifs respectifs pour stricte application de cette directive » (Message n°1073/MI/D/SG du Ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation aux Préfets, Sous- préfets et Administrateur Délégués, 12 octobre 2002). Dans le courant de l’année 2004 la durée de cette interdiction quotidienne de circuler a été ramenée de 0h00 à 6h00, mais les problèmes liés à une telle mesure demeurent. Les véhicules ne peuvent en effet entrer ou sortir d’une ville entre ces heures, or différentes causes dont les pannes mécaniques entraînent fréquemment des retards. Les passagers sont ainsi régulièrement retenus par la gendarmerie ou la police soit dans une ville qui n’est pas celle de leur destination, soit au péage d’entrée d’une ville (qui peut être celle de leur destination) ; notons que certains agents n’hésitent pas à monnayer leur complaisance. Le désagrément est tel qu’il n’est pas rare de voir des véhicules de transport de passagers rouler à vive allure, avec l’assentiment de leurs passagers, afin d’atteindre leur destination avant l’heure fatidique.

imposée au gouvernement nigérien par le FMI à la fin des années 1990, des compagnies de transports équipées d’autocars se sont créées. Quatre sont aujourd’hui en activité. Il s’agit de la Société Nationale des Transports de Voyageurs (S.N.T.V.), anciennement compagnie d’État sous le nom de Société Nationale des Transports Nigériens, de Rimbo Transport Voyageurs (R.T.V.), d’El Hadj Garba Messager (E.H.G.M.) et d’Aïr Transport (A.T.). Ces compagnies (dont les sièges sont localisés sur la carte 9) ne desservent que les principales localités situées sur les axes goudronnés. Un trajet Niamey-Agadez en car coûte 12 000 à 19 000 FCFA selon les compagnies et dure une douzaine d’heures (tableau 2). Contrairement aux tarifs pratiqués par les chauffeurs de minibus, qui varient selon les clients malgré la règlementation du Syndicat des transporteurs, les tarifs des compagnies de cars sont fixes, comme les horaires de départ. Les migrants utilisent dans des proportions comparables ces deux modes de transport afin de traverser le Sahel nigérien.

Tableau 2. Tarifs des transports entre Niamey et Agadez (en FCFA)

Minibus 19 places Autocar 60 places Départ hors de la gare routière de Niamey 7 000 -

Départ de la gare routière de Niamey 10 000* -

Compagnie E.H.G.M. - 12 000

Compagnies R.T.V. et A.T. - 14 000

Compagnie S.N.T.V. - 16 500

19 000** Durée du trajet 30 à 40 heures 12 à 14 heures

* parfois davantage pour les migrants étrangers. ** en autocar climatisé.

Sources : enquêtes 2003, 2004 et 2005.

Au coût du transport s’ajoutent pour les migrants étrangers des taxes prélevées aux frontières et aux entrées et sorties de villes par les gendarmes et les policiers nigériens. Le montant de ces taxes oscille entre 500 et 2 000 FCFA, et parfois bien davantage notamment lors du passage à Tahoua où des agents des douanes effectuent des contrôles quasi systématiques des véhicules. Il suffit que les migrants étrangers aient en leur possession quelques objets en provenance de leurs pays d’origine pour que les douaniers leur demandent de payer d’importantes « taxes d’importation ». Ces taxes, non officielles, donnent lieu à des négociations et se soldent fréquemment par un « dernier prix » des douaniers qui, au-delà de

son montant, interpelle les migrants du fait même de l’expression employée, et du fait que les autres passagers n’aient pas besoin de s’acquitter de ces taxes pour circuler.

« Tu te retrouves avec des gens, tu ne connais personne, personne ne te connaît, tu parles français on ne te comprend pas, tu parles l’anglais on ne te comprend pas, tu es là tu es comme un sourd muet. [...] C’est à partir de la frontière Nigeria-Niger que je n’ai plus causé avec les gens... tu es dans la voiture, les gens te regardent, ils savent que c’est un voyageur là, tout le monde, les gens ils font leurs commentaires, je suis là, je les regarde, quand je vais parler le français ils ne comprennent pas, l’anglais ils ne comprennent pas… on va causer quoi ? Le chauffeur sait qu’il a un passager de Kano pour Zinder, quand il me dépose j’ai déjà payé son argent... » (Migrant camerounais, Agadez, 18 avril 2005).

Ainsi, avant même d’arriver aux portes du Sahara, les futurs migrants transsahariens sont déjà perçus comme tels. Les individus qu’ils croisent leur renvoient cette image d’eux, avec tout ce que cela implique comme présomptions concernant l’argent qu’ils possèdent, les risques qu’ils vont prendre, ou encore les mœurs des femmes seules. Les migrants intègrent ainsi ce statut social de migrant transsaharien avant même leur arrivée dans les régions sahariennes, du fait du regard des autres sans doute davantage que de leur propre représentation de leur migration. L’extrait d’un article du journal nigérien Le Républicain, intitulé « L'axe Niamey-Tahoua. Des choses vues », reflète bien cette situation des migrants traversant le Niger.

« Les jeunes tentés par l’eldorado libyen, qui transitent par le Niger sont facilement reconnaissables : filles et garçons s’habillent indifféremment en jeans, baskets et casquettes. Ils voyagent par groupes de plusieurs personnes. Ils ont des comportements, des gestes et de nombreux réflexes qui permettent aisément de les repérer. Dès que le car s’immobilise, ils en redescendent presque tous et s’assemblent aussitôt à l’écart des autres passagers. Ces marques de différenciation et ces réflexes de grégarité naturelle chez toute minorité, dans un espace géographique donné, ne facilitent malheureusement pas la traversée de l’étape nigérienne de la grande aventure de ces malheureux frères africains. De fait, ils s’exposent à de nombreuses tracasseries, ou du moins, ils sont littéralement livrés à des policiers qui n’ont d’autre grandeur, d’autre humanité ou d’autre divinité que l’argent. » (Le Républicain, 15- 21.01.2004).

La plupart des migrants atteignent Agadez comme tout autre voyageur, en utilisant des moyens de transport en commun classiques. D’autres, moins nombreux, sont pris en charge par des réseaux migratoires à partir de Niamey et Kano, parfois même dès Lagos, Cotonou ou

Accra. Des véhicules sont alors affrétés pour les transporter jusqu’au Nord du Niger. Plus rarement, une personne du réseau voyage avec eux dans les transports en commun afin de les mettre en contact avec un membre du même réseau dès leur arrivée à Agadez.

Un cas semble-t-il assez particulier est celui de réseaux migratoires qui opèrent à partir de Kano dans le Nord du Nigeria. Plusieurs possibilités de transports sont offertes aux migrants, et notamment d’aller à Agadez ou, plus surprenant, d’aller directement par fraude jusqu’en Algérie ou en Libye, voire au Maroc. Le récit d’une migrante camerounaise encadrée par ces réseaux à partir de Kano en éclaire le fonctionnement. Les escroqueries organisées, fréquentes, montrent également la « crédulité » des migrants et leur manque de connaissance des pays qu’ils traversent.

Liliane, Camerounaise, a quitté son pays avec une amie pour se rendre en Europe. Elles traversent le Cameroun puis le Nigeria jusqu’à Kano. En route les deux amies rencontrent un compatriote Camerounais qui part également « à l’aventure ». Ils décident de voyager ensemble. À Kano, ils se rendent dans une agence de voyage qui propose des transports pour Maradi au Niger. Cette agence est tenue par des Nigériens et des Nigérians qui leur proposent également de changer leurs nairas (monnaie du Nigeria) contre des francs CFA, et d’obtenir rapidement un visa d’entrée au Niger (avec l’aide complaisante du personnel du consulat du Niger à Kano). Ils acceptent, font le change, « achètent » leurs visas, puis montent dans un véhicule qui doit les emmener au Niger. Le passage de la frontière se fait en fraude : « On n'a pas fait le contrôle. [...] Le véhicule qui nous amenait, arrivé à l'entrée de la frontière il nous a descendu, il nous a mis sur des motos, derrière, et ces motos ont contourné par la brousse pour entrer dans le Niger… et nous déposer dans les bras de ce monsieur qui nous attendait… Il nous a pris alors qu'on avait pratiquement plus d'argent. » Un homme du réseau les attend donc près de la frontière, du côté nigérien (ils apprendront plus tard que cet homme, prévenu de leur arrivée par ses compères de Kano, savait également combien ils avaient d’argent en leur possession, ses correspondants de Kano ayant effectué le change des nairas en francs CFA). Cet homme les emmène chez lui à Zinder, à une centaine de kilomètres, et les mets en confiance en leur présentant sa femme et ses enfants. Lorsqu’il leur explique que s'ils n'ont plus beaucoup d'argent il leur faut contacter leurs familles pour se faire envoyer de quoi poursuivre leur route jusqu’au Maghreb, car après il n’y aura plus de moyen d’ « appeler au pays », ils le croient et s’exécutent. Ils reçoivent leur argent après quelques jours, grâce au service interbancaire de transfert de mandat Western Union. L’homme leur demande ensuite 80 000 FCFA chacun pour les emmener directement de Zinder à Tamanghasset. Ils quittent Zinder de nuit en véhicule tout terrain à plateau, avec d'autres migrants. Le véhicule emprunte surtout des pistes en mauvais état, et très peu la route goudronnée. Ils arrivent à Agadez peu avant l’aube. Le véhicule pénètre dans la ville discrètement, par un quartier périphérique, sans passer par l’un des points de contrôle situé sur les voies d’entrée légales de la ville. « Sans

passer aucune barrière on a faufilé jusqu'ici [à Agadez]. » Ils sont alors emmenés chez une femme. Leur chauffeur leur dit de l’attendre là, dans la concession, le temps qu’il aille chercher un autre véhicule, spécialement pour le désert. Après quatre jours d'attente ils comprennent l'escroquerie : le chauffeur est parti avec leur argent et ne reviendra pas. (Entretien réalisé à Agadez, le 24 novembre 2004).

Que les migrants soient encadrés par des réseaux ou non, la traversée du Niger jusqu’à Agadez se traduit fréquemment par un changement de leur statut social. De simple voyageur, ils deviennent migrants en partance pour « le Maghreb ou l’Europe », ce qui entraîne des coûts financiers supplémentaires importants. À ce titre, la traversée du Sahel nigérien est considérée par de nombreux migrants comme une première véritable étape de la migration. Cependant, ce qui caractérise encore bien davantage à leurs yeux la migration dans laquelle ils se sont engagés est bien évidemment l’étape désertique, la traversée du Sahara.

2. Tous les chemins mènent à Agadez, où tous les migrants sont attendus avec avidité

« En rentrant à Agadez c'est mauvais, ils sont très méchants, ils prennent 10 000 FCFA. […] Avant de rentrer à Agadez, il y a un grand panneau « visa », c'est un camp de police. C'est des petits policiers qui viennent. Le jour là on est deux Sénégalais dans la voiture [un minibus de 19 places], moi et l'autre, plus trois Ghanéens, plus les Nigériens. Les policiers ils nous ont arrêtés [uniquement les étrangers], ils ont fouillé nos chaussures, en cas de pistolet, en cas de couteau. Ils ont dit on va payer chacun 10 000 CFA. On a payé et le chauffeur a dit de rentrer. Au début on a refusé mais ils ont dit par force vous allez payer. Alors on a payé et on est rentré dans la ville » (Badio F., migrant sénégalais, Niamey, le 17 décembre 2003).

Les itinéraires de migration qui passent par le Sahara central convergent dans leur quasi-totalité vers Agadez. Mis à part ceux qui sont encadrés par des réseaux clandestins, les migrants arrivent dans cette ville en transport en commun (autocars et minibus) par la route nationale officielle. Dès leur arrivée à la barrière d'entrée de la ville, les étrangers sont repérés

de visu par les policiers qui les font descendre des véhicules et leur confisquent leurs papiers

d'identité. Pour recouvrer leurs documents et entrer en ville, ils devront payer une somme dont