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DEUXIÈME PARTIE

II. La difficile invention du quotidien

Globalement, l’influence des migrations transsahariennes sur le marché foncier de la ville est quasi nul tant l’hébergement des migrants étrangers constitue une « niche » particulière du marché locatif. Aussi, plus qu’à la question foncière, c’est aux enjeux socioculturels et économiques de la présence des migrants subsahariens en transit qu’il importe de prêter attention. La dispersion relative des lieux d’hébergement des migrants ne permet pas de parler de ségrégation à l’échelle de la ville163. Cependant, cette échelle d’analyse de la ségrégation est-elle la plus pertinente ? S’il n’existe pas de quartier dont la première caractéristique serait la présence de populations migrantes, mais seulement des quartiers où se trouvent des migrants, que dire, en changeant d’échelle, des « enclaves » que constituent les ghettos ? La mixité qui se donne à voir à travers la relative diversité des formes d’hébergement et leur localisation signifie-t-elle qu’il n’y a pas de volonté de séparation, de mise à l’écart, ni de la part des Agadéziens, ni de celle des migrants en transit ? Au-delà des types et de la localisation des logements des migrants, qui renseignent principalement sur l’organisation des réseaux migratoires et la manière dont ils encadrent leurs « clients » en dehors des temps spécifiques de transport, comment les migrants étrangers vivent-ils à Agadez et quelles sont leurs relations avec les populations autochtones ?

163 Voir notamment la thèse de Laetitia Laumonier (2004) qui propose une épistémologie de la notion de

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1. Ascètes malgré eux ou le dénuement de la vie quotidienne

« Les gens ici sont encore dans l’Antiquité » (Migrant camerounais, Agadez, le 18 avril 2005).

Agadez n’est pas une ville de destination mais uniquement de transit. Il faut donc différencier les cas des migrants qui, en y arrivant, n’ont pas ou plus les moyens de financer directement leur voyage jusqu’en Afrique du Nord et sont obligés d’y rester quelques temps pour renflouer leur capital, de ceux qui en ont les moyens et n’y restent que le temps de trouver un moyen de transport qui les emmènera de l’autre côté du Sahara. Cependant, malgré ces différences de capacités financière, la plupart des migrants restreignent « volontairement » leurs dépenses au strict minimum. Les économies se font notamment sur la nourriture considérée par beaucoup comme particulièrement chère, ce qu’exprime avec dépit un migrant camerounais constatant qu’ « un doigt de banane coûte 125 FCFA ici, au Cameroun pour 125

FCFA tu as un régime de bananes » (Agadez, le 31 décembre 2004). Ces restrictions,

lorsqu’elles sont « choisies » ont pour objectif de ne pas dilapider un budget limité, dans l’espoir d’être rapidement en possession d’une somme d’argent plus importante que celle dont ils disposent et de pouvoir poursuivre leur route, et/ou en simple prévoyance de la suite de leur voyage. À cela s’ajoute le fait qu’ils sont souvent logés dans des conditions déplorables (principalement dans les ghettos), dormant dans une grande promiscuité à même le sol, et ne disposant ni de l’eau courante ni de l’électricité (ce qui est le cas d’un grand nombre de logements à Agadez). Ceci accentue leur représentation négative d’Agadez, perçue comme une ville sale avec des habitants pauvres et « méchants avec leurs étrangers ». C’est pourquoi de manière générale les conditions de vie objectives et subjectives des migrants étrangers à Agadez peuvent être qualifiées de difficiles.

« Le dernier souci d'un Camerounais c'est de savoir ce qu'il va manger, même si tu n'as rien tu vas manger, jamais tu n'auras faim. Mais ici les Nigériens ils ne pensent qu'à une chose : c'est de savoir ce qu'ils vont pouvoir se mettre dans le ventre. [...] Il n'y a rien ici, les gens sont trop pauvres, ils sont sales... » (Migrant camerounais, Agadez, le 31 décembre 2004).

« Ici il n’y a pas de travail, il n’y a rien… tu passes partout on te dit qu’il n’y a pas de travail. Y’a rien. Je sais pas là où l’argent est parti… peut-être qu’on a bloqué l’argent dans les banques. [...] Il n’y a même rien à manger, on mange les spaghettis, on mange le riz, on mange les macaronis, les ignames sont aussi rares, alors que chez nous au Cameroun y’a la patate,

189 y’a les ignames, y’a les macabos, y’a les plantains, y’a les bananes, y’a trop de choses. »

(Migrant camerounais, Agadez, 17 avril 2005).

« Le problème c'est l'argent. [...] Si tu as l'argent ça va aller, tu vas pouvoir voyager, mais le problème c'est l'argent... on n'a plus d'argent... on mange mal, matin, midi et soir on mange le gari164. Ça nous donne des problèmes de digestions… on est fatigué. [...] Quand tu as l'argent tu peux prendre le vol, mais même si tu prends la route ce sera plus facile... Nous on nous a tout pris et maintenant on est bloqué ici, on ne peut plus retourner au Nigeria et on ne peut pas continuer... vraiment on souffre trop ici. Ce pays est trop pauvre... il n'y a rien que du vent et de la poussière. » (Migrant nigérian, Agadez, le 29 novembre 2004).

Le manque d’argent constitue effectivement le principal problème des migrants tant pour voyager vite que pour mieux vivre pendant le voyage, pendant les étapes. L’attente du départ ou d’une aide à Agadez est d’autant plus problématique qu’elle constitue une période de paupérisation, du simple fait du coût de la vie. Cette attente n'étant généralement pas prévue dans le budget du voyage, certains la compensent par une baisse de leur niveau de vie, d’autres en cherchant de quoi gagner de l’argent sur place, d’autres encore en viennent à demander l’aide d’un tiers, un ami ou un membre de la famille. À ces difficultés de la vie matérielle s’ajoutent les premiers doutes concernant les possibilités et les conditions de réalisation de leur projet migratoire.

2. Des migrants en quête d’argent

Les migrants qui ont pour projet de se rendre en Europe sans faire étape au Maghreb quittent généralement leur région d’origine avec suffisamment d’argent pour ne pas être bloqués dans les régions septentrionales du Niger. En revanche, ceux qui se rendent – au moins dans un premier temps – en Algérie ou en Libye partent avec des budgets plus restreints, parfois d’une centaine de milliers de francs CFA seulement (pour des ressortissants de pays limitrophes du Niger). Les taxes illégales que prélèvent les agents de l’État nigérien mettent ainsi en difficulté de nombreux migrants qui se retrouvent dans l’obligation de « trouver » de l’argent dès Agadez pour pouvoir poursuivre leur route.

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« Au Cameroun il y a beaucoup de Nigériens sans papier et ils font leurs affaires tranquillement, on les laisse. Mais ici si tu es étranger c'est autre chose, on te traite comme si tu étais n'importe quoi... » (Migrant camerounais, Agadez, le 31 décembre 2004).

« Les passagers qui partent à l'aventure ils me font pitié, ils souffrent trop. [...] C’est les policiers qui leur prennent leur argent, c'est pour ça qu'ils restent bloqués ici » (Membre d’une agence de courtage, Agadez, le 23 novembre 2004).

a. S’en sortir seul : vendre sa force de travail, ses affaires, son corps

Le marché de l’emploi d’Agadez n’offre que peu d’opportunités et de nombreux habitants de la ville sont inactifs malgré eux. Dans ce contexte de chômage et de pauvreté, les migrants ont du mal à se faire embaucher quelles que soient leurs qualifications, et les rares emplois qui leurs sont proposés sont généralement sous-payés. Les employeurs potentiels savent que certains de ces étrangers sont prêts à travailler pour une rémunération très faible, n’ayant pas d’autres choix pour gagner de quoi poursuivre leur voyage. Si certains réussissent à valoriser des compétences professionnelles en travaillant dans des ateliers de réparation des appareils électriques ou des salons de coiffures, la plupart des hommes sont employés à la journée pour effectuer des travaux de manœuvre. Les « Côtiers », termes par lequel les Nigériens désignent les ressortissants des pays du Golfe de Guinée, dont l’utilisation englobe fréquemment ceux originaires d’Afrique centrale, sont considérés comme une main d’œuvre plus efficace que les Sahéliens dans la réalisation des travaux physiques. C’est ainsi que l’on retrouve un certain nombre de migrants dans les carrières de banco aux abords de la ville, payés 1 000 à 1 500 FCFA par jour pour fabriquer des briques d’argile, ou travaillant à la consolidation des rives des oueds proches de la ville, encadrés alors par des ONG locales. Ceux qui sont hébergés dans les cases de passage des garages privés peuvent aussi être employés pour charger et décharger les camions.

À la différence d’autres villes sahariennes (Sebha, Nouakchott), les migrants ne se regroupent pas en un lieu particulier de la ville pour signifier qu’ils sont à la recherche d’un emploi et attendre que l’on vienne les embaucher. Le faible nombre d’emplois proposés localement rend cette pratique inutile ; la circulation orale des informations suffit aisément à combler la demande de main d’œuvre.

191 Bien que les migrants voyagent avec peu d’affaires, la revente d’effets personnels (vêtements, chaussures, montres et bijoux en particulier) constitue pour eux un autre moyen de se procurer de l’argent. Au sein même de la gare routière et à ses proches abords, quelques commerçants se sont spécialisés dans ce commerce de seconde main. Connaissant les difficultés financières des migrants, ils n’hésitent pas à leur acheter à très bas prix des objets qui seront revendus trois ou quatre fois plus chers sur les marchés des autres quartiers, et parfois sur place, dans les échoppes de la gare routière.

La part des femmes dans les migrations transsahariennes est en augmentation depuis plusieurs années (Bensaad, 2003; Mimche, Yambene, Zoa Zoa, 2005), et la prostitution constitue pour certaines d’entre elles le seul moyen de gagner de l’argent pendant leur voyage165. À Agadez, la prostitution semble être en augmentation, sous différentes formes. Certaines migrantes, comme nous l’avons évoqué précédemment, se prostituent pour être hébergées, sans qu’il y ait d’échange monétaire, tandis que d’autres sont encadrées par des individus – souvent liés aux ghettos – qui font office de proxénètes de soutien166 et se prostituent de manière permanente dans certains lieux spécifiques de la ville (aux abords de la gare routière et du marché tôle). Des formes de prostitution occasionnelle existent également et sont peut-être les plus pratiquées, à l’image des quelques migrantes qui travaillent comme serveuses dans des bars qui font également office de maison de passe167. Sans qu’il ne soit possible de connaître la part des migrantes qui se livrent à ces pratiques, il apparaît que les faits de prostitution ont un impact sur l’ensemble de la communauté féminine migrante. En effet, toute migrante est perçue comme une prostituée potentielle, et cette vision violente et dégradante de la femme migrante s’accentue encore lorsqu’il s’agit de femmes anglophones.

165 Nous n’évoquons ici que les formes de prostitution volontaires et individuelles, non les formes contraintes

d’exploitation sexuelle organisée par des groupes de type mafieux (notamment pour les migrantes anglophones) qui se placent dans un autre registre que celui du besoin de ressource financière des migrantes pour voyager.

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Par opposition au proxénétisme de contrainte, « ce type de proxénétisme désigne l’attitude de celui qui se contente d’aider, de protéger ou de profiter de la prostitution d’autrui, sans exercer ni pression ni violence sur la personne prostituée et sans en organiser l’exploitation » (Ouvrard, 2000 : 25).

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En général, ces serveuses travaillent sans salaire et ne sont rémunérées que par les pourboires et ce qu’elles gagnent en se prostituant auprès de clients. Le prix de la « passe » va de 2 000 à 5 000 FCFA. Par comparaison, dans d’autres lieux les serveuses de bar ont des salaires mensuels fixes compris entre 10 000 et 18 000 FCFA.

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b. La « révolution » Western Union

Les possibilités de gagner de l’argent à Agadez lorsqu’on est migrant et étranger sont assez limitées, et leurs conditions difficiles168. Les migrants s’en rendent vite compte, à l’image de ce Sénégalais qui, parti de Casamance avec 200 000 FCFA, ne dispose plus que de 10 000 FCFA en arrivant à Agadez. Informé des difficultés à trouver un emploi, il n’en cherchera pas, préférant demander à sa famille restée au Sénégal de lui envoyer un mandat.

« On est descendu du véhicule. Mais pour moi j'avais encore 10 000 CFA seulement. Les 10 000 là… je voulais téléphoner. Les gens d'Agadez à l'autogare ils disaient que si ton argent il est fini, vous [êtes] obligé de téléphoner à ton parent parce qu'ici il n'y a pas de travail, tu peux pas gagner une somme d'argent pour continuer en Libye. Tu peux pas. » (Migrant sénégalais, Niamey, 17 décembre 2003).

Depuis l’implantation en l’an 2000 du service d’envoi de mandat cash Western Union, et afin de rendre les migrants solvables le plus rapidement possible, les membres des agences de courtage les encouragent à appeler leurs familles ou des amis pour qu’ils se fassent envoyer de l’argent. En parallèle, ils les dissuadent parfois de chercher un emploi rémunéré, car plus les migrants demeurent en ville et y circulent, plus il y a de probabilités qu’ils prennent connaissance de moyens de transport où d’itinéraires moins onéreux que ceux qui leurs sont proposés à leur arrivée. Certains directeurs d’agence vont jusqu’à avancer les appels téléphoniques des migrants qui s’engagent à voyager avec eux (à condition qu’une partie du transport soit déjà réglée), acceptant de n’être remboursés qu’une fois que les migrants ont touché leur mandat.

« Donc ça a été très difficile pour arriver ici... bien sûr je vais continuer, mais je crois que devant c’est plus comme ça, parce qu’on m’a déjà trop rançonné. On m’a bouffé tout l’argent, c’est là que j’ai appelé au pays pour qu’on essaie de me donner un peu d’argent pour continuer. C’est ça que je suis en train d’attendre. » (Migrant camerounais, Agadez, 18 avril 2005).

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Il arrive que certains migrants se rendent dans les villes et villages alentour afin d’y effectuer des travaux agricoles. C’est notamment le cas à Tabelot et Iferwan, oasis du massif de l’Aïr, où il n’est pas rare depuis quelques années de trouver des étrangers en train d’irriguer ou de récolter l’oignon dans les jardins.

193 C’est ainsi qu’une partie des télécentres169 de la ville sont occupés en permanence par de nombreux migrants. Après avoir joint leur contact et sollicité une aide, les migrants doivent en effet attendre qu’on les rappelle afin de leur donner le code qui leur permettra de récupérer leur argent. Et cette attente peut durer des jours entiers, car réunir l’argent demandé peut prendre du temps, mais en outre il faut impérativement être présent dans le télécentre au moment où le correspondant rappelle, sous peine de reculer le moment où l’argent sera enfin perçu. Depuis 2005 et l’ouverture d’un cybercafé disposant d’une connexion satellite, l’Internet est également devenu un moyen de communication prisé des migrants, et un moyen pratique et moins onéreux que le téléphone pour transmettre les précieux codes du service Western Union170.

Si le coût de ce service est important, particulièrement pour les transactions à destination de l’Afrique171, il demeure utilisé par beaucoup de migrants au cours de leur migration, en cas de problème important et notamment d’arrêt forcé de la mobilité. Il s’agit là du moyen le plus rapide de recevoir de l’argent provenant des pays de départ mais également d’arrivée pour ceux qui y ont des connaissances. Cet argent peut provenir des économies propres du migrant, que celui-ci n’aura pas souhaité prendre avec lui pour ne pas risquer de les perdre ou de se les faire voler, ou être donné ou prêté par solidarité par des membres de leur entourage familial ou amical. Dans un cas comme dans l’autre, les migrants ne sont jamais sûrs de recevoir l’aide escomptée. « En partant, je suis allée chez une cousine, raconte Liliane, migrante camerounaise, et je lui ai laissé la responsabilité de 90 000 francs, et en

arrivant ici elle devait m'envoyer ça… j'arrive, je l'appelle, et elle a dépensé ça... » (Agadez,

le 24 novembre 2004). Les surprises sont parfois dures et le sentiment de déréliction grand. Pour d’autres, il n’est tout simplement pas envisageable de demander de l’aide à des proches restés au pays : « Tu peux voir une personne qui est ici depuis deux mois ou trois mois [...], il

se peut qu’en quittant le pays il avait même volé, ou il avait vendu quelque chose qui ne le concernait pas, il a mis les parents dans le problème… s’il appelle au pays qui va le regarder ? Personne » (Migrant camerounais, Agadez, 18 avril 2005).

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Centres de téléphonie. Trois télécentres utilisant une technologie de téléphonie par satellite, dits télécentres Thuraya du nom de l’entreprise fournissant ces téléphones, se sont ouverts à Agadez en 2004. Une partie des communications internationales y est moins chère que dans les télécentres reliés au réseau national de téléphonie.

170 Coût : 500 FCFA les 15 minutes de connexion haut débit. 171 Selon les montants transférés, une taxe de 5 à 20 % est prélevée.

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Photo 9. Peinture sur le mur d’un « télécentre » d’Agadez (mars 2005)

© J. Brachet, 2005.

c. Entre voyageurs, solidarité et individualisme

Au sein de la « communauté » des migrants étrangers, le partage et l’entraide sont valorisés. Les repas sont souvent préparés et pris en commun, ce qui est l’affirmation d’une certaine solidarité tout en étant un moyen d’en réduire le coût par personne. Au-delà du partage des frais de vie, forme de solidarité pragmatique, certains prêtent ou donnent des sommes d’argent plus conséquentes afin d’aider un frère à payer son transport. Ces dons ne sont pas destinés à financer la totalité du voyage entre Agadez et la rive maghrébine du Sahara, mais servent à compléter le budget d’un membre du groupe avec qui l’on souhaite voyager, qui est bloqué là depuis longtemps ou à qui il ne manque que peu pour pouvoir reprendre la route, repartir. Ainsi, ceux qui en ont les moyens paient souvent pour les autres, du repas au transport, car on se doit d’aider celui que l’on considère subjectivement comme son frère. On se doit de l’aider car le frère de misère du moment sera peut-être demain un compagnon de route dont le soutien pourra être précieux, mais plus encore du fait de l’importance qui est accordée au regard des autres. Et à travers le regard des autres, c’est aussi de l’image de soi dont il est question, or la solidarité entre membres d’une même « communauté » est une valeur morale forte et valorisée.

Mais la question de la solidarité est complexe, car l’émergence d’un nouveau sentiment d’appartenance communautaire, qui repose sur l’expérience commune qui est vécue, et de groupes d’affinités n’enlève rien à la dimension très individuelle de la migration. L’important,

195 c’est avant tout de s’en sortir soi, et chacun en a conscience même si ce n’est pas affirmé comme cela. Alors jusqu’où être solidaire, jusqu’où partager ce que l’on possède sachant que le voyage est encore long et incertain ? Cette tension entre solidarité et individualisme s’incarne dans la scène suivante.

Ghetto camerounais, dit « ghetto d'Ajia ». Une quinzaine de migrants sont réunis dans la cour de la concession. Le débat est animé, la plupart des propos sont tenus en français, excepté quelques apartés qui se font en langues nationales camerounaises. La discussion porte sur un des jeunes du ghetto, gravement malade depuis plusieurs jours. Il ne se lève plus et a du mal à manger. Le peu d’argent dont il disposait a servi à acheter des médicaments de pharmacie et de