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La transmission des taux d’intérêt au sein de la zone euro est- est-elle homogène ?est-elle homogène ?

monétaire : Une analyse en zone euro

2.1 Analyse empirique de l’influence de la concurrence bancaire sur la transmission des taux d’intérêtbancaire sur la transmission des taux d’intérêt

2.1.2 La transmission des taux d’intérêt au sein de la zone euro est- est-elle homogène ?est-elle homogène ?

Exposé de la méthodologie

Prétendre que des facteurs structurels, telle la concurrence bancaire, pourraient altérer la transmission de la politique monétaire, astreint à s’assurer, au préalable, de l’existence de mécanismes de transmission hétérogènes. En ce domaine, certains travaux académiques, parmi lesquels Blot et Labondance (2013), ont mis en exergue l’hétérogénéité du canal des taux d’intérêt en Europe. Dans cette section, nous cherchons à vérifier ces précédents résultats en estimant l’ampleur de la transmis-sion des taux en zone euro, pays par pays, et en considérant deux sous-périodes d’étude. Cela nous permet ainsi d’analyser l’hétérogénéité spatiale et temporelle du mécanisme de transmission.

Le soubassement théorique à toute étude analysant la transmission des taux d’in-térêt est un simple modèle de tarification au coût marginal :

brt= β0+ β1mrt (2.1)

Cette représentation théorique particulièrement sommaire met en relation un taux d’intérêt bancaire (brt) et un taux monétaire (mrt) associé aux décisions de politique monétaire. Dans cette représentation, le paramètre β1 correspond à l’ampleur de la transmission du taux monétaire au taux bancaire et est donc l’objet de nos attentions.

Pour conduire, d’un point de vue statistique, une analyse de la transmission des taux d’intérêt, l’écriture du modèle théorique en 2.1 doit être révisée. Plusieurs obstacles s’opposent, en effet, à l’estimation de la spécification précédente. Cette dernière pose notamment le fameux problème des régressions fallacieuses énoncé par Granger et Newbold (1974). Les séries de taux d’intérêt monétaires ainsi que bancaires se trouvant communément être non-stationnaires, estimer le modèle 2.1 conduirait, par conséquent, à des estimations dénouées de sens. Une seconde propriété statistique de ces deux séries de taux d’intérêt est que leur combinaison linéaire est, en général, stationnaire (I(0)). Les séries seraient, par conséquent, cointégrées. Dès lors, l’écriture du modèle peut prendre la forme d’un modèle à correction d’erreur (ECM, pour Error Correction Model). De tels modèles permettent de rendre compte simultanément de l’ajustement dynamique de court terme des séries (représenté par les variables en différence première) et de leur relation de long

terme (illustrée par les variables en niveau).

L’ensemble des aspects statistiques précédents nous conduisent, par voie de conséquence, à réécrire l’équation 2.1 sous la forme d’un modèle à retards éche-lonnés autorégressifs (AutoRegressive Distributed Lag Model, ARDL) avec un méca-nisme à correction d’erreur. Pour des séries temporelles, la forme la plus générale du modèle ARDL peut s’écrire comme suit :

brt= α + p X j =1 λjbrt −j+ q X j =0 δjmrt −j+ εt (2.2)

soit encore, après quelques transformations, le modèle à correction d’erreur suivant :

∆brt= α + φ(brt −1− βmrt −1) + p−1 X j =1 λj∆brt −j+ q−1 X j =0 δj∆mrt −j+ εt (2.3) où φ correspond au coefficient d’ajustement à la relation de long terme entre les taux d’intérêt bancaire et monétaire en niveau (brt −1+ βmrt −1),α représente une constante et εt correspond à un processus homoscédastique non autocorrélé. L’ampleur de la transmission des taux d’intérêt est, dans ce cadre, donnée parβ. On note enfin que p et q correspondent aux nombres de retards optimaux déterminés à partir du critère d’information d’Akaike (AIC)3.

Pour cet exercice d’illustration de l’hétérogénéité de la transmission moné-taire, nous avons, en premier lieu, retenu deux séries distinctes de taux bancaire. La première série de taux bancaire correspond aux taux d’emprunt offerts aux ménages pour l’acquisition d’un bien immobilier. La seconde série rend compte des taux d’intérêt pratiqués pour les entreprises non-financières. Par souci de simplicité, ces deux séries mises à disposition par la BCE, seront désignées, par la suite, respectivement sous l’appellation « taux d’intérêt pour les ménages » et « taux d’intérêt pour les entreprises ». En second lieu, nous avons retenu le taux Eonia (Euro Overnight Index Average) qui correspond au taux de référence quoti-dien des dépôts interbancaires, non gagés, effectués au jour le jour dans la zone euro. Même si les séries de taux d’intérêt bancaires et monétaires sont d’ordinaire considérées comme étant cointégrées, la spécification retenue exige de vérifier cette propriété statistique. Dans le cas où les séries ne seraient pas cointégrées, les variables devraient, en effet, être exprimées en différence première seulement. À cet égard, Pesaran et al. (2001) proposent un test statistique : le « bound test » à appliquer sur données chronologiques et construit à partir de la spécification du modèle ARDL à correction d’erreur (équation 2.3). Formellement, le test consiste à tester l’hypothèse nulle de nullité jointe des coefficients φ et βφ. À l’instar des 3. L’ARDL-ECM peut également être spécifié comme suit : ∆brt = φbrt −1+ ρmrt −1+ Pp−1

j =1λj∆brt −j+Pq−1

autres tests de cointégration pouvant exister dans la littérature, le « bound test » teste l’absence de relation de long terme entre les séries. Rejeter H0indique donc que les séries sont cointégrées et que la spécification retenue est adéquate. Pesaran et al. (2001) fournissent les valeurs critiques du test qui suivent une distribution de Fisher et dépendent de l’ordre d’intégration des séries et de la présence ou non d’une composante déterministe (constante ou tendance linéaire). Les valeurs critiques se révèlent être singulières dans la mesure où les auteurs définissent, dans chaque cas de figure, une limite inférieure (« lower bound ») et une limite supérieure (« upper bound ») à la valeur critique. Il s’ensuit que, lorsque la statistique obtenue est inférieure à la borne inférieure de la valeur critique, l’hypothèse nulle ne peut être rejetée. En revanche, celle-ci est rejetée lorsque la statistique obtenue est supérieure à la borne supérieure de la valeur critique. Pour les valeurs situées entre les deux bornes, le test ne permet pas de conclure quant à la présence ou non d’une relation de cointégration entre les variables.

Nous estimons l’équation (2.3) pour les onze pays membres de la zone euro com-posant notre échantillon d’étude. Notre analyse porte ainsi sur l’Autriche, la Belgique, la Finlande, la France, l’Allemagne, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, les Pays-Bas, le Por-tugal et, enfin, l’Espagne. Nous inspirant de la voie tracée par Blot et Labondance (2013), nous scindons nos données chronologiques en deux sous-périodes d’étude pour illustrer l’hétérogénéité du mécanisme de transmission. La première période s’étend de M1-2003 à M9-2008, alors que le second sous-échantillon couvre la pé-riode de crise et s’étend de M8-2007 à M12-2011. À ce stade, une remarque s’impose. Les deux sous-périodes d’étude se chevauchent partiellement entre M8-2007 et M9-2008. Ce choix répond exclusivement à des considérations d’ordre économétrique. En effet, il s’est avéré impossible de se situer dans une bonne configuration du mo-dèle en faisant débuter la seconde sous-période d’étude en octobre 20084.

Présentation des résultats

Les tableaux 2.1 et 2.2 répertorient les résultats des estimations de l’équation (2.3) pour les taux d’intérêts offerts, respectivement, aux ménages et aux entreprises. Les colonnes « F-test » retranscrivent les statistiques pour les « bound tests ». Pour la majorité des cas considérés, les valeurs critiques de la limite supérieure (« upper bound ») données par Pesaran et al. (2001) permettent de rejeter l’hypothèse nulle d’absence de cointégration entre nos deux séries de taux, mrt et brt. A fortiori, ces résultats justifient le recours à un modèle à correction d’erreur et permettent d’interpréter, dans la plupart des cas, les coefficients estimés, ˆβ. Dans la mesure où notre analyse préliminaire ne se focalise que sur l’hétérogénéité des relations de long terme entre les taux d’intérêt, les tableaux 2.1 et 2.2 reportent uniquement les coefficients ˆβ et laissent de côté les estimations des coefficients de court terme.

4. On ajoute, par ailleurs, que le choix de la date de M8-2007 n’est pas fortuit. C’est, en effet, en août 2007 que les premières manifestations de tensions sur les marchés monétaires ont pu être observées. La mise en place de tests de Chow ont, du reste, confirmé ce diagnostic.

Les estimations précédentes appellent trois commentaires. Il est, tout d’abord, saisissant de constater que la transmission des taux d’intérêt en zone euro est extrêmement hétérogène, quels que soient la période ou le taux d’intérêt bancaire considérés. La mesure de l’écart-type des pass-through permet de caractériser cette disparité. Ainsi, on observe, par exemple, que l’écart-type inter-pays est égal à 0.25 et 0.127 respectivement pour les taux aux ménages et aux entreprises sur la période M1-2003 - M9-2008. À bien des égards, l’Espagne constitue un exemple particu-lièrement intéressant de l’hétérogénéité de la transmission des taux. Le tableau 2.1 indique ainsi que la transmission des taux monétaires aux taux immobiliers était supérieure à l’unité avant la crise en étant égale à 1.111, alors que la moyenne européenne s’établissait alors à 0.799. Il en résulte qu’une baisse des taux de 1% de la part de la BCE avait un effet expansionniste plus important en Espagne que dans l’économie moyenne européenne.

TABLEAU2.1 – Transmission de l’Eonia aux taux d’emprunt pour les ménages pour l’acquisition d’un bien immobilier

2003 :1-2008 :9 2007 :8-2011 :12

Pass-through F-stat Pass-through F-stat

AT 0.922 5.823 0.817 9.715 BE 0.690 3.572 0.424 2.426 GE 0.426 4.323 0.377 1.468 ES 1.111 2.418 0.790 4.551 FIN 0.960 5.166 0.806 11.633 FR 0.9418 3.731 0.407 5.764 GR 0.251 3.718 0.252 5.069 IE 0.908 3.837 0.584 4.233 IT 0.922 5.823 0.647 2.11 NL 0.656 3.102 0.269 1.883 PT 0.996 6.852 0.201 0.027 Moyenne 0.799 0.507 Écart-type 0.263 0.232 Min 0.25 0.201 Max 1.111 0.817

Note : F-stat correspond à la statistique des « bound tests » (Pesaran et al., 2001). La limite supérieure (« upper-bound ») des valeurs critiques tabulées par Pesaran et al. (2001, pp.303-304) dans le cas où les variables sont I(1) et en pré-sence d’un seul régresseur sont égales à 3.51, 4.16 et 6.44 pour des niveaux de significativité de 10%, 5%, et 1% respec-tivement. Pass-through indique pour sa part le coefficient de long terme de l’Eonia dans l’équation 2.3 et témoigne de l’ampleur de la transmission de l’Eonia aux taux d’intérêt pour les ménages pour des emprunts immobiliers.

Ensuite, les estimations rapportées témoignent de la disparité chronologique de la transmission des taux d’intérêt. Il peut être observé que, dans le sillage de la crise financière, dont les premières manifestations remontent à l’été 2007, le degré moyen de transmission des taux, pour les ménages par exemple, a décliné de plus de 30%. La moyenne établie à 0.799 pour la période antérieure à la crise est, en effet, passée à 0.507 pour la période d’étude comprenant la crise. Des effets de même nature peuvent également être observés pour les taux d’intérêt aux entreprises non-financières. La teneur de ces résultats ne fait, du reste, que confirmer les conclusions de Blot et Labondance (2013). Les auteurs observent, en effet, une baisse signifi-cative de l’efficience de la politique monétaire depuis l’éclatement de la crise. En revanche, à la différence de ces derniers, nos résultats ne permettent pas de conclure incontestablement à une recrudescence de l’hétérogénéité de la transmission des taux depuis la crise. D’un côté, la confrontation des écarts-types inter-pays des deux périodes d’étude ne met en évidence aucune différence substantielle de disparité. D’un autre côté, en considérant des coefficients de variation (correspondant au rapport de l’écart-type et de la moyenne) en tant que marqueurs de l’hétérogénéité inter-pays de la transmission monétaire, on pourrait souligner une hausse de la disparité sur la phase de crise.

Pour le reste, la comparaison des deux périodes d’étude illustre également le fait que le signe de la différence vis-à-vis de la moyenne a pu, dans certains cas, s’inverser entre les deux périodes. Un exemple patent est le Portugal dont le pass-through, qui était supérieur à la moyenne européenne avant la crise, est devenu inférieur à celle-ci après le déclenchement de la crise. Qui plus est, pour ce cas précis, on note que la relation de cointégration entre les taux bancaire et monétaire semble s’être dissipée au cours du temps.

Enfin, outre l’hétérogénéité temporelle et spatiale, nos deux tableaux de résultats témoignent d’un autre niveau d’hétérogénéité. Il apparaît, en effet, ostensiblement que la transmission des taux aux entreprises est plus importante que la transmission aux ménages. Cette remarque est valable aussi bien pour la période antérieure que pour la période postérieure à la crise. Ces résultats sont, du reste, dans la lignée de nombreuses études précédentes, telles Mojon (2000) ou Sorensen et Werner (2006).

La mise en évidence d’une hétérogénéité pluridimensionnelle du canal des taux d’intérêt en zone euro témoigne des difficultés d’implémentation d’une politique monétaire se voulant être one size fits all. Cela peut notamment poser la question de l’optimalité de la zone monétaire européenne et de sa soutenabilité à long terme. Il apparaît donc primordial de comprendre les facteurs sous-jacents à cette hétéro-généité qui, comme nous l’avons montré, ne peut pas exclusivement s’expliquer par des facteurs conjoncturels en lien avec la crise. Ce constat laisse donc entrevoir que des facteurs structurels, telle la concurrence bancaire, pourraient expliquer cette hé-térogénéité du mécanisme de transmission.

TABLEAU2.2 – Transmission de l’Eonia aux taux d’emprunt pour les entreprises non-financières

2003 :1-2008 :9 2007 :8-2011 :12

Pass-through F-stat Pass-through F-stat

AT 0.905 7.58 0.837 11.863 BE 1.035 3.736 0.873 3.647 GE 0.849 5.119 0.699 8.993 ES 1.221 3.972 0.627 1.179 FIN 1.003 6.224 0.848 6.778 FR 1.071 5.8 0.769 4.275 GR 0.765 2.372 1.042 2.009 IE 1.055 13.741 0.805 3.603 IT 0.905 7.581 0.836 1.02 NL 0.896 7.124 0.756 9.274 PT 1.052 3.737 0.573 0.305 Moyenne 0.978 0.788 Écart-type 0.127 0.127 Min 0.765 0.573 Max 1.221 1.042

Note : F-stat correspond à la statistique des « bound tests » (Pesaran et al., 2001). La limite supérieure (« upper-bound ») des valeurs critiques tabulées par Pesaran et al. (2001, pp.303-304) dans le cas où les variables sont I(1) et en pré-sence d’un seul régresseur sont égales à 3.51, 4.16 et 6.44 pour des niveaux de significativité de 10%, 5%, et 1% respec-tivement. Pass-through indique pour sa part le coefficient de long terme de l’Eonia dans l’équation 2.3 et témoigne de l’ampleur de la transmission de l’Eonia aux taux d’intérêt pour les entreprises non-financières.

2.1.3 Présentation des données et de la méthodologie