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Présentation de la méthodologie économétrique et des don- don-nées

monétaire : Une analyse en zone euro

2.1 Analyse empirique de l’influence de la concurrence bancaire sur la transmission des taux d’intérêtbancaire sur la transmission des taux d’intérêt

2.2.2 Présentation de la méthodologie économétrique et des don- don-nées

Présentation de la méthodologie

Depuis la contribution fondatrice de Bernanke et Blinder (1988), la littérature a peu à peu posé les jalons nécessaires à l’identification d’un canal étroit du crédit à partir de données micro-bancaires. Quelques recherches d’ordre théorique, telles Stein (1995) ou encore Ehrmann et al. (2001) permettent de saisir les soubasse-ments théoriques à la méthodologie d’identification empirique du canal étroit du crédit dans la littérature. Par voie de conséquence, avant d’exposer la spécification empirique retenue afin de tester la présence d’un canal étroit du crédit et l’effet sur ce dernier de la concurrence bancaire en Europe, nous mettons en lumière ses fondements théoriques en reprenant, en partie, les développements d’Ehrmann et al. (2001).

Tout l’objet de la modélisation consiste à mettre en exergue le fait que l’offre de crédit réagisse aux décisions de politique monétaire. À cet effet, on va, tout d’abord, définir la demande de crédit. De manière orthodoxe, celle-ci est donnée par l’expression suivante :

Ldi = −a0rL,i+ a1y + a2p (2.9)

Ainsi l’offre nominale de crédit s’adressant à la banque i est fonction des taux d’intérêt (rL,i), de la demande agrégée (y), donnée par le niveau d’activité et du niveau des prix (p). Dans la mesure où il s’agit là d’une fonction de demande de crédit, les paramètres a0, a1et a2doivent être de signes positifs.

Partant de cette demande de crédit, la banque i va chercher à maximiser son profit sachant qu’elle est contrainte de détenir des capitaux propres à hauteur proportionnelle des prêts consentis :

Ci= kLi (2.10)

En outre, dans une optique de liquidité, la banque place une part des dépôts, s, dans des actifs liquides :

Si= sDi (2.11)

Dans le modèle Di ne donne pas d’intérêt et offre uniquement un service de moyen de paiement. La demande agrégée de dépôts est égale à l’offre de monnaie en circulation et elle est donc fonction négative des taux d’intérêt :

D = −b0rs (2.12)

On constate alors l’inertie de la demande de dépôts aux décisions des banques puisque ces dernières ne rémunèrent pas les dépôts. La demande de dépôts est

ainsi parfaitement exogène et fonction des décisions de politique monétaire (en particulier du taux d’intérêt sans risque rs).

Néanmoins, les banques ne se financent qu’en partie seulement par les dépôts. Une variation de la demande de dépôts peut donc être contrebalancée par un re-cours à des financements alternatifs, à savoir principalement l’émission de certificats de dépôts et d’obligations. Contrairement aux dépôts, ces titres de dettes requièrent le paiement d’un taux d’intérêt primé, correspondant au taux sans risque amplifié d’une prime de risque :

rB,i= rs(µ − c0xi) (2.13)

où B représente les financements alternatifs de marché, xi indique la capacité de la banque i à faire face à ses engagements et oùµ − c0xi > 1.

L’offre de crédit de la banque i découle du problème de maximisation des profits suivant : πi = LirL,i+ Sirs− BirB,i− Ψi (2.14) ou encore : πi= Li(− 1 a0Li+a1 a0y +a2 a0p) + sDirs− ((1 − k)Li− (1 − s)Di)rB,i− Ψi (2.15) La condition de premier ordre du problème de maximisation est égale à :

Li =a1 2 y +a2 p p −a0µ(1 − k) 2 rs+a0c0(1 − k) 2 xirsa0 2 ∂Ψi ∂Li (2.16)

Étant donné l’existence d’une prime de financement externe, caractérisée par le fait que µ − c0xi est supérieur à un, rs, le taux de politique monétaire affecte négativement l’offre de crédit. L’intensité de l’effet négatif dépend de xi. Ainsi, plus la santé financière perçue de la banque i est faible, plus la prime de risque exigée sera importante, ce qui aura pour conséquence de réduire davantage l’offre de crédit de la banque i .

En définitive, la modélisation témoigne donc de l’influence de traits spécifiques à chaque établissement financier dans l’ampleur du canal étroit du crédit. Si, jusqu’alors, la littérature s’est cantonnée à mettre en évidence l’effet de la taille, la liquidité ainsi que la capitalisation bancaire sur la capacité des banques à faire face à leurs engagements, il est indéniable que le pouvoir de marché bancaire déteint également sur la solvabilité espérée des banques.

Dans la lignée de Kashyap et Stein (1994), Ehrmann et al. (2001), Ashcraft (2006) et Altunbas et al. (2010) parmi d’autres, notre modèle de régression linéaire dynamique

s’écrit sous la forme suivante : ∆ln(Li , j ,t) = αi+ β1∆ln(Li , j ,t −1) + 1 X l =0 γl∆MRt −l+ 1 X l =0 δl∆MRt −lCAPi , j ,t −1 + 1 X l =0 ζl∆MRt −lTai l l ei , j ,t −1+ 1 X l =0 ηl∆MRt −lLIQi , j ,t −1+ 1 X l =0 θl∆MRt −lLERNERi , j ,t −1 + β2CAPi , j ,t −1+ β3Tai l l ei , j ,t −1+ β2LIQi , j ,t −1+ β2LERNERi , j ,t −1+

1 X l =0 κlGDPj ,t −l + 1 X l =0 φlIn f l at i onj ,t −l+ εi ,t (2.17) où j désigne les États membres de la zone euro, i les banques et t l’année de l’observation.∆ln(Li , j ,t) représente le taux de croissance nominal des prêts inscrits dans le bilan de la banque i , ∆MRt −l la différence première des taux monétaires,

GDPj ,t −l le taux de croissance du PIB dans l’économie j et In f l at i onj ,t −l le taux

de croissance de l’indice des prix. CAPi ,t −1, LIQi ,t −1, Tai l l ei ,t −1 et LERNERi ,t −1 correspondent, pour leur part, respectivement au ratio de capital, au ratio de liquidité, à la taille et au pouvoir de marché, ce dernier étant établi à partir de l’in-dice de Lerner de la banque i en date t −1. Enfin, αitranscrit la présence d’effets fixes. Dans la spécification précédente les paramètres γl permettent de tester la présence d’un canal étroit du crédit en Europe. Les paramètres estimés peuvent directement être commentés. Par souci de simplicité, on normalise en effet les variables entrant en interaction avec ces paramètres dans la suite de l’écriture du modèle. Ainsi, les paramètresγl mettent en lumière l’effet global d’un choc de po-litique monétaire sur l’offre de crédit. La présence de variables à différents niveaux d’agrégation permet de distinguer l’offre de la demande de crédit. Dans la spéci-fication précédente, les variables macroéconomiques (In f l at i onj ,t −l, GDPj ,t −l) prennent ainsi en considération les variations de crédit imputables à une évolution de la demande. Finalement, l’interaction des différentes variables micro-bancaires (CAPi ,t −1, Tai l l ei ,t −1, LIQi ,t −1 et LERNERi ,t −1) qui ont été préalablement normali-sées, avec la différence première des taux monétaires (∆MRt −l), illustrent l’effet de ces caractéristiques bancaires sur la transmission de la politique monétaire. Suivant nos a priori théoriques, la capitalisation, la liquidité ainsi que la taille pourraient, tout d’abord, réduire l’ampleur du canal étroit du crédit. Ensuite, le pouvoir de marché devrait également concourir à restreindre ce canal de transmission. On considère, en effet, que la concurrence bancaire tend à ébranler la solvabilité des entités bancaires.

Le modèle présenté est écrit sous une forme dynamique afin de rendre compte de l’inertie dans la croissance des prêts. La croissance des prêts, notre variable endogène (∆ln(Li , j ,t)), est ainsi expliquée par sa valeur retardée (∆ln(Li , j ,t −1)). L’estimation du modèle par les moindres carrées ordinaires présente un écueil im-portant puisque cet estimateur est, dans ces conditions, non convergent à distance

finie. Cela résulte, d’une part, de la présence d’une corrélation entre la variable retardée et les effets fixes individuels (Nickell, 1981). D’autre part, cela peut égale-ment s’expliquer par le caractère endogène des régresseurs. Afin de remédier à ces différents problèmes et obtenir des estimations efficientes du modèle dynamique, nous utilisons, par conséquent, la méthode des moments généralisés (GMM), qui permet notamment de relâcher l’hypothèse de stricte exogénéité des variables ex-plicatives du modèle, en permettant à celles-ci d’être corrélées avec le terme d’erreur. Dans le cadre de notre étude, nous utilisons la méthode des GMM en système développée par Arellano et Bover (1995) et Blundell et Bond (1998). L’estimateur GMM en système consiste à combiner les équations en différence première avec les équations en niveau, dans lesquelles les variables sont instrumentées par les différences premières des variables retardées. Le système d’équation obtenu est ensuite estimé simultanément par le biais de la méthode des moments généralisés. À la différence de l’estimateur GMM en différence proposé par Arellano et Bond (1991), l’estimateur en système utilisé permet de modéliser, outre les variations intra-banques, les variations inter-banques de l’offre de crédit, grâce à l’équation en niveau. À partir de simulations de Monte Carlo, Blundell et Bond (1998) montrent ainsi que l’estimateur des GMM en système est plus efficient que l’estimateur GMM en différence première qui, par définition, n’exploite que les conditions des mo-ments de l’équation en différence première (instrumentée par les valeurs décalées des variables en niveau).

L’efficacité de l’estimateur des GMM repose sur deux hypothèses : (1) les instru-ments sélectionnés sont valides ; (2) il y a une absence d’autocorrélation des termes d’erreurs. Deux tests de spécification permettent de vérifier ces hypothèses et, donc, la bonne tenue des estimations. Tout d’abord, le test de suridentification de Sargan / Hansen permet de tester la validité des variables retardées sélectionnées comme instruments. Ensuite, le test d’autocorrélation sérielle de second ordre d’Arellano et Bover (1995) permet de vérifier l’absence d’autocorrélation dans l’équation en dif-férence. Le test d’autocorrélation est mené au second ordre dans la mesure où, par construction, le terme d’erreur en différence première est corrélé à l’ordre un. Pour les deux tests, ne pas rejeter l’hypothèse nulle valide les instruments sélectionnés.

Présentation des données

Il convient, à présent, de présenter les données nécessaires à nos recherches empiriques. L’échantillon de travail se compose de 680 banques implantées dans les onze pays membres de la zone euro suivants : Autriche, Belgique, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Pays-Bas, Portugal et Espagne. La couverture géographique de l’étude est donc semblable à celle retenue dans la section 2.1 de ce chapitre. Eu égard à la disponibilité des micro-données bancaires au moment de la réalisation de cette étude, notre examen porte sur la période 1999-2011, ce qui contraste avec la première analyse menée dans ce chapitre.

L’étude du canal étroit du crédit repose sur l’observation de la réaction de l’offre de crédit bancaire à des chocs de politique monétaire. Cela impose, par consé-quent, de définir ces deux indicateurs. Tout d’abord, l’offre de crédit est obtenue en calculant la différence première du total des prêts en bilan exprimé sous forme lo-garithmique. Ensuite, le choc de politique monétaire est déterminé par la différence première d’un taux monétaire. Le taux monétaire transcrit, en effet, les décisions de politique monétaire de la BCE et, en particulier, ses décisions concernant le taux de refinancement des opérations principales. De même que, dans la section précédente, la question du choix du taux monétaire se pose. Deux taux alternatifs peuvent être envisagés : l’Eonia et l’Euribor 3 mois. En dépit du fait que l’Eonia a été préféré dans la section précédente, nous optons ici pour l’Euribor 3 mois en tant qu’indicateur principal des chocs de politique monétaire. Il s’agit avant tout, de cette manière, de se mettre dans les pas d’études antérieures telle Altunbas et al. (2010). Les résultats obtenus dans la section précédente suggèrent néanmoins que le choix de l’indicateur a des répercussions limitées sur les résultats. Nous vérifierons, du reste, cette allégation en substituant l’Eonia à l’Euribor 3 mois lors de nos tests de sensibilité.

Hormis les chocs de politique monétaire, la méthode d’identification retenue impose de considérer d’autres variables macroéconomiques en vue de discerner les variations du crédit imputables à l’offre et celles imputables à la demande de crédit. Typiquement, on considère que le taux de croissance du PIB ainsi que celui du niveau des prix influencent la demande de crédit. Ces variables permettraient ainsi d’isoler les effets d’offre car définies à un niveau d’agrégation plus important que la variation du crédit bancaire. On précise, par ailleurs, que l’une et l’autre ont été extraites de la banque de données WDI de la Banque mondiale.

Reste désormais à présenter les caractéristiques bancaires dont le niveau et les évolutions sont susceptibles de modifier la réaction de l’offre de crédit à un choc de politique monétaire. La raison invoquée est que certaines caractéristiques influent sur la solvabilité perçue des établissements financiers et, donc, sur le coût et la disponibilité de financement externe de la banque. La littérature sur le sujet souligne que trois caractéristiques bancaires principales sont en mesure d’avoir un effet sur l’ampleur du canal étroit du crédit : la capitalisation, la liquidité et la taille.

Dans cette étude, la capitalisation est définie très simplement par le ratio ca-pitaux propres sur total de l’actif. Ce ratio présente l’avantage d’être disponible pour l’ensemble des banques de notre échantillon et sur l’ensemble de la période considérée, contrairement à des indicateurs de risque plus avancés, tel le ratio de capital ajusté aux risques pris (tier one capital). Par ailleurs, malgré la simplicité de ce ratio, Blundell (2012) fait valoir que le levier (inverse du ratio considéré) est empiriquement plus à même de rendre compte du risque et de la capacité des banques à absorber les pertes. Le levier doit, par conséquent, influer à un plus haut

niveau sur la prime de financement externe exigée par le marché. La porosité entre liquidité et solvabilité des entités financières, dont la crise financière de 2008 a été le témoin, conduit, pour les mêmes raisons qui nous ont fait considérer un ratio de capitalisation, à retenir un ratio de liquidité. Ce dernier est défini très simplement par le rapport : actifs liquides sur total de l’actif. Nous reprenons, à cet égard, la définition des actifs liquides donnée par Bankscope, et considérons donc comme liquide : les disponibilités, les titres souverains ainsi que les créances de court terme ou rapidement exigibles. De manière là encore conventionnelle, la taille est déterminée en prenant en compte le logarithme du total des actifs. La taille d’une entité financière est en mesure d’affecter la prime de risque d’une entité en raison, d’une part, des distorsions spécifiques au cadre bancaire induites par les assurances too-big-to-fail et, d’autre part, de la plus grande liquidité des titres émis par des grandes banques26. On peut, du reste, considérer que le suivi de la solvabilité d’une banque de grande taille sera plus aisé, influençant positivement la prime de risque exigée. En définitive, d’après les définitions données à la solvabilité, la liquidité et la taille, ces trois facteurs devraient contribuer à réduire l’ampleur du canal étroit du crédit.

Outre ces trois facteurs, notre analyse intègre également, de manière innovante, un indicateur de pouvoir de marché. En effet, il est difficile de soutenir que la santé financière d’une entreprise est indépendante de sa capacité à maintenir ses marges. En pratique, les analystes financiers n’ignorent d’ailleurs pas cet aspect puisque l’analyse du marché et de l’intensité concurrentielle est partie intégrante de l’ana-lyse financière. En revanche, la manière d’évaluer le pouvoir de marché diffère gran-dement, dans notre étude, de la pratique courante, se limitant en général à l’ana-lyse transversale et à travers le temps des marges, de la profitabilité économique, du nombre de concurrents et des barrières à l’entrée du marché. Bien que sans conteste riche d’informations, une telle analyse pose divers problèmes sur le plan de l’explo-ration statistique. Ainsi, à l’image de ce qui a pu être fait jusqu’alors, nous estimons le pouvoir de marché par l’indice de Lerner. Nous faisons évidemment ici l’écono-mie de rappeler sa définition. La méthodologie d’estimation est, en effet, identique à celle définie dans le chapitre 1 de cette thèse. Ainsi, nous estimons quatre indicateurs de pouvoir de marché différents dans cette section : un indice de Lerner convention-nel, un indice de Lerner ajusté des inefficiences, un indice de Lerner ajusté des coûts de financement et, enfin, un indice de Lerner spécifique à chaque économie. Étant donné la définition de l’indice de Lerner au sens général, celui-ci devrait a priori conduire à réduire l’ampleur du canal étroit du crédit.