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Un tétraptyque pour évaluer les structures bancaires et finan- finan-cières en Europefinan-cières en Europe

Concurrence et stabilité en Union européenne

1.1 Concurrence et stabilité : Une synthèse de la littéra- littéra-turelittéra-ture

1.3.3 Un tétraptyque pour évaluer les structures bancaires et finan- finan-cières en Europefinan-cières en Europe

L’examen statistique des cycles a permis de planter les jalons de notre étude en mettant en exergue l’hétérogénéité de la procyclicité du crédit en Europe. Il en ressort inévitablement des interrogations quant aux facteurs expliquant ces divergences de synchronisation et d’ampleur des cycles de crédit et d’activité au sein de l’Union européenne. En s’appuyant sur les éléments théoriques expliquant la procyclicité du crédit, donnés dans la sous-section 1.3.1, nous faisons l’hypothèse que les différences de structures bancaires et financières ont une influence sur cette hétérogénéité.

Puisqu’aucune définition unanime des structures de marché et des variables per-mettant de les évaluer n’a émergé dans la littérature, nous avons retenu quatre carac-téristiques structurelles différentes relatives au côté de l’offre du marché du crédit,

TABLEAU1.14 – Corrélations entre cycles d’activité et de crédit obtenus à partir d’un filtre HP

COR(Cycl eCréditt +i, Cycl eactivitét)

i -2 -1 0 1 2 AUT 0.3826* 0.2803* 0.4654* 0.5047* 0.5037* BEL 0.6762* 0.4475* 0.7962* 0.8131* 0.7431* DNK 0.1698 0.0221 0.3176* 0.4551* 0.5314* FIN 0.0227 -0.1447 0.2249 0.3981* 0.5264* FR 0.2910* 0.0489 0.5091* 0.6529* 0.7380 GER 0.0601 -0.1344 0.2438 0.3800* 0.5060* GRE 0.5607* 0.5023* 0.6323* 0.6975* 0.7280* IRE 0.3843* 0.2549 0.4676* 0.5161* 0.5590* IT 0.5579* 0.3291* 0.6742* 0.6828* 0.6077* NTH 0.5518* 0.3310 0.6952* 0.6586* 0.5095* PT 0.4653* 0.3253 0.5758* 0.5615* 0.5106* SP 0.7262* 0.6366 0.7593* 0.7457* 0.7148* SWE -0.1761 -0.3495 0.0156 0.1996 0.3489* UK 0.2346 0.1301 0.2235 0.1362 0.0312 Ecart-type 0.1427 0.1027 0.2358 0.1399 0.1148

Note : L’asterix indique que le coefficient de corrélation est différent de zéro à un seuil de confiance de 95%.

dans l’espoir de tenir compte de l’intégralité des dimensions que revêtent les struc-tures de marché. Ainsi, nous serons amené à tester l’effet de la concurrence bancaire, du modèle d’affaires, de la désintermédiation financière et enfin du niveau de capi-tal réglementaire. Avant cela, nous allons cependant définir, ci-dessous, ces quatre variables et exposer nos a priori théoriques.

Concurrence bancaire

Dans le cas présent de l’étude menée, nous avons fait l’hypothèse que le risque systémique, mesuré par la procyclicité du crédit, est gouverné par trois facteurs : les asymétries d’information, l’excès de prise de risque et l’environnement institu-tionnel et réglementaire. Sur chacun des trois points la littérature a montré que la concurrence pouvait avoir une incidence. Même si l’ensemble de cette littérature a été présenté dans la section vouée à cet égard, il nous apparaît toutefois essentiel de revenir, de manière laconique, sur les relations entre la concurrence et les trois facteurs identifiés.

Concernant les asymétries d’information, tout d’abord, deux développements théoriques distincts permettent de relier ces dernières au degré de concurrence. La mise en concurrence des intermédiaires financiers pourrait, en premier lieu, affecter la banque de relation, et en cela la capacité des banques à résoudre les asymétries d’information (Boot et Thakor, 1993 ; Petersen et Rajan, 1994, 1995 ; Boot, 2000). En second lieu, en conduisant à une baisse des taux, la concurrence réduirait les problématiques tant d’aléa moral que de sélection adverse (Stiglitz et Weiss, 1981). Cette idée est d’ailleurs au cœur des travaux de Boyd et De Nicoló (2005) qui ont été précédemment présentés.

De manière plus globale la concurrence pourrait également affecter la prise de risque des entités bancaires, ainsi que, et cela y est étroitement lié, le capital réglementaire détenu. Ces deux éléments font référence à ce que nous avons lon-guement présenté dans notre revue de littérature, mais également aux résultats de notre section précédente, lesquels éclairent sur l’influence néfaste du pouvoir de marché sur la contribution des banques au risque systémique. À la question plus spécifique des bulles spéculatives à la Minsky, Miotti et Plihon (2001) soulèvent que la concurrence aurait pour effet d’accentuer l’instabilité financière en favorisant le développement de comportements spéculatifs de la part des banques.

Le bref rappel de ces différents arguments théoriques justifie que la concurrence bancaire ait une influence sur la procyclicité du crédit. Afin d’approcher le niveau de concurrence bancaire à l’échelle des différents pays européens, nous prenons le parti de conserver l’indice de Lerner utilisé dans la section précédente. Cela nous permet ainsi d’avoir un cadre d’analyse cohérent entre les deux sections. Les métho-dologies d’estimation sont, au demeurant, strictement identiques. Naturellement, une première différence notoire est que l’indice de Lerner est ici calculé par pays, en considérant la médiane des estimations individuelles de l’indice de Lerner par pays. En outre, une seconde différence tient à la période d’estimation de l’indice, qui s’étend dans cette section de 1999 à 201179. De ce fait, les estimations de la fonction translog diffèrent (marginalement) entre les deux sections80.

La figure 1.7 nous livre des données sur les moyennes de notre indicateur de concurrence sur trois sous-périodes (1999-2002, 2003-2007, 2008-2011).

Modèle d’affaires bancaires

Au-delà de la concurrence bancaire, la crise financière de 2008 a également interrogé quant aux implications des modèles d’affaires et, en particulier, du modèle de la banque universelle (c.-à-d., la combinaison d’activité bancaire de détail et d’investissement au sein d’une même entité légale) dans l’émanation de la crise. En réponse, un certain nombre de réformes structurelles ont d’ailleurs vu le jour. Les États-Unis ont ainsi, par exemple, mis en place la règle Volcker (qui interdit aux banques, bénéficiant de l’assurance de la FDIC, notamment les activités de trading pour compte propre) et les autorités britanniques ont, pour leur part, suivi en grande partie les recommandations émanant du rapport Vickers (qui cantonne l’activité de dépôts des banques commerciales) afin de restreindre les interconnexions des banques avec les marchés financiers et, en cela, protéger l’activité commerciale des 79. La période d’étude couvre bien la période 2000-2012. Toutefois, dans la mesure où nous consi-dérerons un décalage d’une année pour l’ensemble de nos variables structurelles, afin de s’assurer de leur exogénéité, l’indice de Lerner doit être estimé sur la période 1999-2011.

80. Nous testerons la robustesse de nos résultats en considérant les estimations de l’indice de Ler-ner produites par la Banque mondiale.

banques.

Sur le volet théorique, les travaux de Wagner (2010) exposent que la diversi-fication pour les banques a des répercussions négatives, en raison du fait que le système manquerait de diversité (Haldane, 2010). Sur le plan empirique, le modèle d’affaires est souvent approché à partir de la part des revenus hors intérêt dans le total des revenus (voir, Stiroh, 2004 et section précédente). C’est notamment ce qui guide Lepetit et al. (2008), qui établissent dans leur étude l’existence d’un lien positif significatif entre diversification et prise de risque dans l’industrie bancaire européenne. Plus récemment, De Jonghe (2010) soulèvent, pour leur part, un lien entre diversification et exposition au risque systémique.

Dans la lignée des études précédentes, il est attendu qu’un choc d’activité ait davantage d’influence sur l’offre de crédit bancaire dans les économies où le sys-tème est davantage libéralisé et où les banques ont des liens étroits avec les marchés financiers81. Afin de tester cette conjecture, la mesure retenue de diversification, c’est-à-dire des caractéristiques des modèles d’affaires bancaires, est conforme aux études précédemment citées. Les données sont du reste extraites de la base de données GFD de la Banque mondiale.

La figure 1.7 représente l’évolution du modèle d’affaires bancaires à travers le temps pour les économies européennes. Le caractère disparate des modèles d’af-faires bancaires et, en cela, des logiques d’intermédiation (bilan vs. marché), apparaît ostensiblement sur ce graphique, tout comme l’absence de mouvements de conver-gence, et ce, en dépit de la création sur la période des conditions pour l’émergence d’un marché bancaire unique. Au-delà de ces deux tendances d’ensemble, l’observa-tion à une plus petite échelle permet de constater que le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne sont les trois économies dans lesquelles l’amarrage des systèmes ban-caires avec les marchés financiers sont les plus forts. Cette observation s’explique aisément par la présence, dans ces trois économies, de conglomérats financiers in-ternationaux. À l’inverse, il apparaît que les systèmes bancaires grec, portugais et es-pagnol ont les liens avec les marchés financiers les plus faibles.

Financement bancaire vs. financement de marché

À l’instar de la logique d’intermédiation (bilan vs. marché), la répartition entre financement intermédié (bancaire) et financement de marché dans une économie, interroge quant à ses conséquences macroéconomiques. En Europe, le débat sur « which is the better » (Levine, 2002) entre financement bancaire et de marché, est souvent cantonné à une comparaison transversale des systèmes financiers britan-nique et allemand, respectivement considérés comme les archétypes d’un modèle de marché et d’un modèle intermédié.

L’évaluation des effets macroéconomiques prend deux formes distinctes. Une partie de la littérature consacrée s’est ainsi, tout d’abord, intéressée aux effets sur la croissance à long terme, sans pour autant parvenir à mettre en évidence la prévalence d’un système (voir, Levine, 2002). D’autres, comme cette section aspire à le faire, ont examiné l’influence du degré d’intermédiation sur la volatilité macroé-conomique. La contribution de Bolton et al. (2013) est, à ce propos, intéressante. En effet, après avoir établi que le financement intermédié favorisait la banque de relation, les auteurs font valoir que l’intermédiation favoriserait le lissage des chocs économiques ordinaires. En d’autres termes, et pour se conformer à notre étude, l’intermédiation pourrait limiter la procyclicité du crédit. Les auteurs mettent d’ailleurs en lumière des arguments semblables à ceux avancés dans cette section. La plus grande capacité des banques à résoudre les asymétries d’information dans un système intermédié expliquerait ces résultats. Les travaux de Gambacorta et al. (2014) tendent à réfuter cette thèse puisqu’ils montrent que « financial crisis can impair banks’ shock-absorbing capacity ». Le point de vue des auteurs est que les systèmes désintermédiés garantiraient une plus forte substitution des sources de financement. Parce qu’en cas de crise bancaire, la capacité des banques à prêter est souvent durablement affectée, les marchés financiers dont le retournement est plus rapide pourraient ainsi permettre d’offrir des sources de financement alternatives, et limiter le credit crunch.

L’évaluation du degré d’intermédiation est sujette à certaines discussions. Dans le cas présent, nous avons pris le parti de considérer le ratio de l’encours du crédit bancaire sur l’encours total de crédit délivré au secteur privé. Ainsi, le ratio est une mesure du degré d’intermédiation82.

La figure 1.7, qui retranscrit l’évolution du degré d’intermédiation des systèmes financiers européens, est représentative de l’hétérogénéité des structures financières en Europe. Le système financier allemand est ainsi parmi les plus intermédiés, et il est, de ce point de vue, proche de la Grèce, l’Italie, l’Espagne, le Danemark et l’Autriche. Dans l’ensemble de ces économies, le crédit intermédié représente au moins 60% du total du crédit au secteur privé. À l’opposé, la France, la Belgique, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Suède et la Finlande ont un système financier davan-tage désintermédié83.

82. Dans la littérature, le choix peut également se porter sur le ratio capitalisation boursière sur PIB. Le caractère conjoncturel de ce dernier nous conduit toutefois à préférer une mesure davantage structurelle, car guidée par le ratio de deux encours.

83. Contrairement aux a priori largement partagés, le système financier britannique n’est pas le système le plus désintermédié d’Europe. Bien que son marché boursier soit extrêmement profond, il apparaît que l’ampleur de son marché obligataire (à destination des acteurs privés nationaux) soit relativement modeste, ce qui confirme les observations de l’ESRB (2014).

Capital de précaution

C’est sans doute pour le niveau de capital de précaution que le lien avec la procyclicité du crédit est le plus évident. Les exigences de capital réglementaire, comme il a été rappelé dans la section 1.3.1, peuvent, en effet, être à l’origine de co-mouvements entre l’offre de crédit et l’activité économique. La procyclicité s’ex-plique, dans ce cadre, très simplement par le fait que le capital effectivement détenu peut se heurter au niveau de capital exigé. Une manière de limiter par conséquent la procyclicité induite par la régulation consisterait à détenir du capital en excédent du minimum requis en phase d’expansion (Zicchino, 2006 ; Heid, 2007). C’est, du reste, une des dispositions phare des accords de Bâle III, entérinées au lendemain de la crise. Ainsi, les banques doivent désormais maintenir, en phase d’expansion, un matelas de capital de précaution à hauteur de 2.5% des actifs pondérés du risque. La constitution d’un matelas de capital de précaution était toutefois sur notre période d’étude, totalement à la discrétion des entités financières et fonction de leur aversion aux risques et de leur profitabilité.

Eu égard au fait que le minimum de capital requis est commun en Europe, nous testons l’effet du capital de précaution sur la procyclicité du crédit, en considérant le niveau de capital pondéré des risques. Les différences de niveau de capital entre pays s’interprètent, en effet, comme des disparités dans les niveaux de capital de précaution détenus. Aussi, la figure 1.7 permet d’observer les évolutions du capital pondéré des risques détenu et, en cela, l’évolution du capital de précaution. Le gra-phique illustre, par ailleurs, l’hétérogénéité à travers les économies européennes de ces indicateurs.

FIGURE1.7 – Structures financières en Europe

(a) Concurrence bancaire (b) Modèle d’affaires