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monétaire : Une analyse en zone euro

2.2 Canal étroit du crédit et concurrence bancaire

2.2.1 Fondement et démarche . . . 170 2.2.2 Présentation de la méthodologie économétrique et des données174 2.2.3 Résultats empiriques . . . 179

auprès des décideurs politiques et des citoyens, de vives interrogations concernant son bien-fondé. Il a donc été demandé à la recherche économique, dans le sillage de la publication du rapport Delors en avril 1989, d’apporter des éclairages sur l’optimalité de l’unification monétaire.

Dans l’optique de mener une analyse coûts-bénéfices de l’Union Économique et Monétaire (UEM), le cadre théorique des Zones Monétaires Optimales (ZMO), né des travaux de Mundell (1961) et McKinnon (1963) notamment, a été très largement mis à profit. Apparue dans le contexte de Bretton Woods et se voulant une réponse à Friedman (1953), qui prônait alors un retour sans condition à un système de change flottant, la théorie des ZMO vise à déterminer les conditions dans lesquelles un groupe de pays ont un intérêt à partager une monnaie unique. Selon l’approche mundellienne, un certain nombre de critères influencent l’arbitrage entre les béné-fices d’ordre microéconomiques (réduction des coûts de transaction) et les coûts macroéconomiques induits par la perte de l’instrument de politique monétaire.

Parmi les critères identifiés, les travaux pionniers ont souligné l’importance de la mobilité des facteurs de production et, en particulier, du travail (Mundell, 1961), de l’intégration financière (Ingram, 1962), du degré d’ouverture commerciale (McKinnon, 1963), de la diversification de l’économie (Kenen, 1969) ou encore de l’homogénéité des préférences sociales concernant l’inflation (Fleming, 1971). Selon Sénégas (2010), ce vaste ensemble de facteurs structurels distincts influe sur les coûts induits par l’adoption d’une monnaie unique en agissant sur : (1) la probabilité d’occurrence de chocs asymétriques au sein de la zone monétaire ; (2) les mécanismes de stabilisation alternatifs à la politique de change en cas de choc asymétrique. Il en découle, en définitive, que la synchronisation des chocs et l’effica-cité des mécanismes d’ajustement aux chocs constitueraient les deux méta-critères d’optimalité d’une zone monétaire (Mongelli et al., 2008).

Ces deux méta-critères permettent ainsi de statuer si une union monétaire pour un groupe de pays est souhaitable. Indubitablement, ces deux méta-critères ne sont pas indépendants l’un de l’autre. Ainsi, ce qui a trait à l’efficience dépend de la syn-chronisation des chocs. Des chocs macroéconomiques coïncidents ordonnent que les mécanismes d’ajustement à l’échelon fédéral aient des effets homogènes entre les différentes économies de la zone euro. À l’inverse, la constance de chocs idiosyn-cratiques contraint à des mécanismes de péréquation. Du reste, la synchronisation des chocs n’est pas indépendante, elle non plus, de l’efficience des mécanismes d’ajustement : des mécanismes d’ajustement inefficients pouvant conduire à une divergence des cycles.

Dans le cadre de la zone euro, étant donné le long processus vers l’union éco-nomique et monétaire et les critères de convergences imposés aux pays entrants, on a de jure supposé que les chocs étaient initialement bien synchronisés et que la zone euro respectait, de ce fait, le premier meta-critère isolé. Dans ce contexte, il s’agit, par conséquent, pour la BCE, de s’assurer que la transmission de sa politique monétaire est bel et bien one size fits all d’un pays membre à l’autre, de façon à garantir la soutenabilité de l’union monétaire. Plus prosaïquement, une variation du taux monétaire de dix points de base, par exemple, devrait ainsi avoir un effet similaire dans l’ensemble des pays de la zone euro. En l’absence d’homogénéité des mécanismes de transmission de la politique monétaire, et ce quand bien même les États seraient caractérisés par une forte synchronisation de leurs chocs, la politique d’ajustement mettrait à mal l’intégration et les co-mouvements des cycles.

On peut naturellement objecter que la symétrie parfaite des chocs est malencon-treusement de facto une abstraction. La politique monétaire aurait, en conséquence, une réponse uniforme à des chocs discordants. Toutefois, ces disparités nationales ne sauraient être un problème. Dans le cadre institutionnel européen, défini par le traité de Maastricht, il revient, en effet, à la politique budgétaire et aux politiques structurelles, demeurant autonomes et décentralisées, de répondre à ces idiosyncra-sies nationales. Dès lors, cela assoit l’idée que les décisions de politique monétaire doivent être prises sur la base d’indicateurs économiques agrégés à l’échelle de la zone euro et que la transmission de la politique monétaire à l’économie réelle doit être strictement homogène d’un pays membre à l’autre.

Faisant abstraction du premier méta-critère d’optimalité d’une union monétaire, nous nous focalisons, dans ce chapitre, sur le second méta-critère, autrement dit sur l’homogénéité des mécanismes de transmission monétaire. Porter un diagnostic sur la transmission de la politique monétaire suppose, au préalable, d’avoir distingué les différents canaux par lesquels la politique monétaire affecte l’économie réelle. Une analyse partielle, concentrée sur un canal de transmission, ne saurait être à même de juger de l’efficience de la transmission monétaire. Il est, en effet, tout à fait envisageable que des disparités induites par un premier canal soient compensées par un second (voir pour une illustration pour l’Europe, Kashyap et al. (1997)).

De façon générale, on convient de l’existence d’un triptyque de canaux de transmission : les taux d’intérêt, l’octroi de crédit et le prix des actifs.

Le canal des taux d’intérêt est, sans conteste, le canal de transmission prééminent de la politique monétaire. Dans la représentation traditionnelle IS-LM, la variation des taux d’intérêt de court terme, liée à la conduite d’une politique expansionniste, réduit les taux d’intérêt réels à long terme. Il s’ensuit que le coût du capital pour les entreprises et les ménages se réduit, ce qui a un effet direct sur les dépenses d’investissement et la consommation (via des effets de revenu et de substitution). Par ce fait, une baisse des taux d’intérêt de court terme a des effets réels dans la

la nouvelle économie classique, les banques de second rang transmettent l’entièreté des impulsions de politique monétaire. Une variation de 1% des taux nominaux de court terme devrait donc entraîner une variation similaire des taux sur les crédits offerts. Dans la mesure où crédits et titres sont supposés être de parfaits substituts dans ce cadre d’analyse, l’actif des banques est neutre. Car les banques de second rang n’offrent pas de services spéciaux à l’actif de leurs bilans, leur existence ne se justifie alors qu’au regard des dépôts qu’elles offrent. Il en résulte que l’influence des intermédiaires de crédit sur l’économie réelle est nulle et neutre pour la politique monétaire.

Ce cadre théorique ne résiste toutefois pas aux faits. Crédits et titres ne sont pas de parfaits substituts pour la grande majorité des agents. Nul besoin de développer le fait que les ménages et la plupart des petites et moyennes entreprises n’ont, en effet, pas la possibilité de se financer sur les marchés financiers. Car les asymétries d’information, pour ces agents, sont élevées ; seul le financement intermédié par des banques, qui ont la capacité de résoudre les asymétries d’information, permet de transférer des flux futurs espérés dans le présent. Certains suggèrent que l’inadéqua-tion de ce postulat pourrait, dès lors, expliquer pourquoi de faibles chocs monétaires ont pu, par le passé, conduire à des contractions fortes et persistantes de l’activité économique, ce que n’explique pas le canal des taux d’intérêt. Remettre en cause l’axiome de substituabilité paraît donc capital à la bonne compréhension des faits économiques. Aussi cela nous amène-t-il à notre deuxième canal de transmission : le canal du crédit.

Le canal du crédit se définit comme « a set of factors that amplify and propagate conventional rate effects » (Bernanke et Gertler, 1995). Il s’agit donc d’un canal de transmission additionnel. Les taux de court terme agissent selon cette théorie non seulement sur les taux de long terme, mais également sur l’octroi de crédit. Ce canal du crédit est communément divisé en deux branches : le canal étroit du crédit (ou le canal du crédit bancaire) et le canal large du crédit (ou le canal du bilan) (Ber-nanke et Gertler, 1995). Le premier met l’accent sur le fait qu’un choc de politique monétaire affecte non seulement le passif, mais également l’actif des banques. D’après le canal traditionnel, une politique monétaire restrictive réduit la quantité de dépôts, ce qui fait augmenter les taux d’intérêt. La politique monétaire transite donc, dans ce cadre, exclusivement par le passif des banques. En revanche, selon Bernanke et Blinder (1988), la baisse de la quantité de dépôts influence également l’actif des banques en provoquant une baisse de l’offre de prêts. En effet, en raison de l’imparfaite substituabilité entre dépôts et autres sources de refinancement, le bilan de la banque, suite à un retrait de monnaie, va se contracter. L’offre de crédit à destination des agents dépendant des banques, à savoir les agents caractérisés par de fortes asymétries d’information, se resserre donc suite à un choc négatif. La politique monétaire affecte, par conséquent, cette catégorie d’agents par les taux,

mais aussi par la disponibilité du crédit. Il en résulte une baisse de la demande agrégée supérieure à celle qui peut être imputée au seul canal des taux d’intérêt.

Le canal large du crédit trouve également ses racines dans l’existence d’asymé-tries d’information. En présence d’asyméd’asymé-tries d’information, le financement externe devient un imparfait substitut au financement interne. Les préteurs exigent, en effet, une prime de financement externe couvrant les risques d’anti-sélection et d’aléa moral. Cette prime de financement externe a pour propriété fondamentale d’être fonction de la situation financière des entreprises, le corollaire étant que la situation financière des entreprises agit sur l’ampleur des asymétries d’information. Une dégradation de la situation financière de l’entreprise implique, tout d’abord, une moindre disponibilité de garanties en contrepartie d’un prêt, ce qui augmente les coûts liés à l’anti-sélection. Ensuite, une baisse de la situation nette d’une entreprise augmente les risques d’aléa moral puisque les agents sont incités à mener des projets plus risqués, ce qui se répercute également dans la prime de financement externe. Dès lors, tout choc qui dégrade la situation nette des entreprises augmente les coûts de financement et réduit la capacité d’investissement. Le canal du bilan repose alors sur le fait que la politique monétaire affecte la situation financière des entreprises en modifiant le coût du capital. Une augmentation du coût du capital réduit, en effet, la somme actualisée des flux de trésorerie futurs et, donc, la valeur nette de l’entreprise. En raison de l’existence d’une prime de financement externe, la propagation du choc est plus que proportionnelle au choc monétaire initial ; cela caractérise alors l’existence d’un canal de transmission additionnel : le canal du bilan.

Tout compte fait, à ces deux courroies de transmission, il faudrait ajouter le canal du prix des actifs. Le prix des actifs, qu’il s’agisse du taux de change, des prix immo-biliers ou des actions, peut affecter l’économie réelle en agissant notamment sur la compétitivité extérieure ou via des effets de richesse. Le graphique 2.1 illustre de ma-nière synthétique les différents mécanismes de transmission présentés.

Il convient, à présent que les mécanismes de transmission ont été exposés, d’écarter un possible malentendu. L’objet de notre recherche ne consiste pas en un examen de l’optimalité de l’UEM selon le deuxième méta-critère d’optimalité identifié. L’objet de ce chapitre est plus modeste. Notre intérêt porte, en effet, exclu-sivement sur l’influence des imperfections des marchés bancaires sur l’homogénéité de la transmission monétaire. Plus particulièrement, nous étudierons, dans ce cha-pitre, les implications de la concurrence bancaire. De ce fait, l’analyse menée entend ainsi déterminer si la concurrence bancaire, et en particulier son hétérogénéité, est un facteur mettant à mal l’efficacité de la transmission monétaire et, de ce fait, la soutenabilité de la zone euro. Notre recherche se cantonnera, par conséquent, aux canaux de transmission pour lesquels les imperfections de la concurrence peuvent avoir une incidence sur la transmission effective, en l’occurrence le canal des taux d’intérêt et le canal du crédit bancaire.

Source : BCE.

Tant auprès des académiques que des banquiers centraux, l’idée s’est imposée que la politique monétaire ne pouvait faire abstraction des imperfections de la concurrence bancaire. Cela est d’autant plus criant dans une union monétaire où les marchés bancaires demeurent fragmentés, comme cela peut-être le cas en Europe1. L’hétérogénéité de la concurrence est, en effet, susceptible de nuire à l’objectif d’une politique monétaire uniforme en zone euro.

Dans la suite de ce chapitre, nous procéderons à un examen économétrique des incidences des structures bancaires pour la transmission des taux d’intérêt dans la zone euro (section 2.1). Puis nous nous demanderons si la concurrence a un effet semblable en ce qui concerne le canal étroit du crédit (section 2.2).

1. Le chapitre 1 fournit une illustration probante de l’hétérogénéité de la concurrence au sein de l’Union européenne, à défaut de la zone euro.

2.1 Analyse empirique de l’influence de la concurrence