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SPECIALITE PHARMACEU

2.8. Physiopathologie de la maladie de Huntington : hypothèses générales

2.8.4. La transmission synaptique

L’huntingtine ne semble pas jouer un rôle sur l’apparition de synapses fonctionnelles mais joue plutôt un rôle au niveau de la transmission synaptique de neurones matures. En effet les cultures de cellules souches embryonnaires invalidées pour le gène de l’huntingtine sont capables de se différencier en neurones matures postmitotiques exprimant des canaux ioniques activés par le voltage ou le GABA (Metzler et al. 1999). En parallèle, des courants postsynaptiques spontanés inhibiteurs et excitateurs, signature de synapses fonctionnelles sont observés dans 24% des neurones de cellules différenciées homozygotes ou sauvages (Metzler et al. 1999). Les cellules, avec ou sans l’huntingtine, expriment des récepteurs AMPA et

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Figure 25 : Anomalies synaptiques dans la maladie de Huntington

Les protéines en gras sur le schéma seraient impliquées dans les anomalies synaptiques observées dans la maladie de Huntington. Schéma issu de (Smith et al., 2005a).

GABA fonctionnels aux propriétés identiques après 13, 16 ou 19 jours de culture alors que les récepteurs du NMDA sont fonctionnellement identiques après 11 et 14 jours de culture mais diffèrent à 17 jours où la densité de courant est augmentée par l’absence de l’huntingtine

(Metzler et al. 1999). Ceci est compatible avec le rôle de l’huntingtine sur la régulation de la transmission synaptique dans les synapses matures, notamment glutamatergique et l’apparition de phénomène excitotoxique lors de la mutation de la protéine.

Au niveau de la synapse mature, l’huntingtine régule de nombreux processus comme l’assemblage présynaptique, l’exocytose et l’endocytose, tous trois perturbés à différents niveaux par la présence de mutation de l’huntingtine (Figure 25) (Smith et al. 2005a).

L’assemblage présynaptique est perturbé soit par les anomalies de transcription, soit par les anomalies de transport cellulaire citées précédemment.

On observe aussi une diminution de l’expression des récepteurs CB1 sur les neurones GABAergiques de taille moyenne des souris R6/2 dont l’origine est mal définie (Glass 2001).

L’exocytose est le processus synaptique permettant la libération de neurotransmetteur par la fusion de la vésicule synaptique avec la membrane plasmique sous le contrôle de l’ATP et de la concentration de calcium synaptique (Figure 26) (Lin and Scheller 2000). Elle pourrait être perturbée à différents niveaux par l’huntingtine mutée. La formation de la réserve de vésicules synaptiques pourrait être perturbée par la baisse de l’interaction des vésicules synaptiques avec les filaments d’actine. En effet cette interaction est sous le contrôle de la synapsine I, phosphoprotéine dont la fonction est régulée par la phosphorylation/déphosphorylation par les kinases et les phosphatases (Greengard et al. 1993). La synapsine I sous forme déphosphorylée, en condition de repos, relie les vésicules synaptiques avec les filaments d’actine et les maintient ainsi dans le pool de réserve. Lors de l’activation neuronale, un message calcique entraîne la phosphorylation de la synapsine I qui permet la mobilisation des vésicules vers le pool d’exocytose. Or la synapsine I est anormalement phosphorylée au niveau des sites 3-5 dans le striatum et le cortex des souris transgéniques R6/2, à l’origine d’une réduction des vésicules synaptiques dans le pool de réserve. Cette augmentation de phosphorylation est vraisemblablement la conséquence d’un défaut de déphosphorylation par la calcineurine dont l’expression de la sous unité B est diminuée (Lievens et al. 2002). L’exocytose pourrait être augmentée par la baisse de transcription de la rabphiline 3A. La rabphiline 3A est une protéine inhibant l’exocytose par interaction avec la forme liée au GTP (Guanosine triphosphate) de Rab 3A (Ras-associated protein rab3a), et inhibition de son activité GTPase nécessaire à la fusion de la vésicule synaptique avec la membrane présynaptique (Kishida et al. 1993; Burns et al. 1998). Or une baisse de transcription de la rabphiline 3A progressive est observée au niveau du cortex des souris transgéniques R6/1 en parallèle de l’apparition des symptômes moteurs à partir de 15 semaines (Smith et al. 2005b). Le mécanisme de baisse de transcription de la rabphiline 3A par l’huntingtine n’est pas encore élucidé. Mais il est possible que cela entraîne une augmentation de la libération de glutamate cortical au niveau du striatum et l’excitotoxicité au niveau des cellules GABAergiques. L’exocytose pourrait aussi être diminuée par la baisse d’expression de la complexine II. La complexine II est un activateur de la libération de neurotransmetteur impliqué dans la fusion de la vésicule synaptique avec la membrane présynaptique par interaction avec le complexe protéique SNARE, récepteur de SNAP permettant la liaison de la synaptotagmine avec la syntaxine puis la fusion des membranes à l’aide du calcium (Reim et al. 2001). L’expression de la complexine II est diminuée chez les patients Huntington dès le stade I (DiProspero et al. 2004) et chez la souris transgénique

(Morton and Edwardson 2001). La réduction de l’expression de la complexine II est directement reliée à la présence de l’huntingtine mutée et entraîne une diminution de la libération de neurotransmetteur dans un modèle cellulaire (Edwardson et al. 2003). On

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Figure 26 : Exocytose d'une vésicule synaptique et recyclage

Schéma représentant l’exocytose et le recyclage des vésicules synaptiques issu de (Lin and Scheller, 2000). Le cycle de vie d’une vésicule synaptique commence par l’assemblage des protéines associées à cette vésicule au niveau du corps cellulaire (étape 1), suivi du transport de la vésicule à la terminaison synaptique (étape 2). La vésicule subit une maturation par fusion membranaire et endocytose avant l’import du neurotransmetteur à travers la membrane (étape 3). La vésicule est stockée vers le cytosquelette dans une zone de réserve (étape 4) avant d’être mobilisée (étape 5) et de s’accoler à la membrane grâce à des complexes protéiques liant les deux membranes (étape 6). La fusion de la vésicule synaptique nécessite de l’ATP (étape 7) et du calcium (étape 8). Pendant la libération du neurotransmetteur, la vésicule est recyclée dans un processus d’endocytose (étape 9) dépendant en partie de la clathrine. Les vésicules perdent leur manteau de clathrine et importent directement le neurotransmetteur (étape 10a) ou suivent le circuit des endosomes avant un nouveau cycle d’exocytose (étape 10b).

pourrait donc avoir une diminution de la libération de neurotransmetteurs consécutivement à la diminution de l'expression de la complexine II induite par l’huntingtine mutée chez le patient.

Au niveau du recyclage des vésicules synaptiques et de l’endocytose postsynaptique, nous avons vu précédemment que les anomalies peuvent venir d’une modification des interactions de l’huntingtine mutée avec la PACSIN 1, HIP-14 et/ou HIP-1. Les endophilines comme l’endophiline B1 interviennent dans l’endocytose et la mutation de l’huntingtine entraîne leur séquestration notamment au niveau des agrégats (Sittler et al. 1998; Modregger et al. 2003). Cette séquestration de protéines associées aux vésicules a été décrite sur un modèle de culture cellulaire et entraîne un défaut d’internalisation de la transferrine (Qin et al. 2004).

Les perturbations au niveau de l’assemblage présynaptique, de l’exocytose et de l’endocytose sont à l’origine de l’augmentation ou de la diminution de transmission synaptique. Les anomalies de transmission synaptiques touchent différents systèmes : glutamatergique, GABAergique, dopaminergique,adénosinergique et cannabinoidergique.

2.8.5. Anomalies de la transmission glutamatergique et