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Anomalies anatomopathologiques du striatum : 1 Anomalies à l’échelle tissulaire

Chapitre 1 RAPPEL BIBLIOGRAPHIQUE

2.5.5. Anatomopathologie du striatum :

2.5.5.2. Anomalies anatomopathologiques du striatum : 1 Anomalies à l’échelle tissulaire

Le deuxième type d’examen conventionnel, à l’importance historique notamment pour la classification des différents stades de la pathologie, est l’examen anatomopathologique du cerveau. Avant la découverte de la mutation génétique responsable de la maladie, l’anatomopathologie du cerveau des patients permettait de confirmer le diagnostic. L’observation la plus évidente lors de l’examen global du cerveau d’un patient atteint de la maladie de Huntington est la diminution globale du poids (30%) et de la taille du cerveau (de la Monte et al. 1988). Cette perte de poids globale est la conséquence d’une atrophie corticale, visible en surface par l’élargissement des sillons et surtout d’une atrophie du striatum dorsal constitué du noyau caudé et du putamen.

L’atteinte du striatum a été mise en évidence dès 1896-1897 (Anton 1896; Lannois and Paviot 1897) mais acceptée vers 1904-1911(Jelgersma 1908; Alzheimer 1911).

Certains auteurs ont suggéré une atteinte du putamen supérieure à celle du noyau caudé (Pfeiffer 1913; Dunlap 1927), mais c’est en fait le noyau caudé qui est le plus sévèrement atteint (Forno and Jose 1973). L’atteinte du globus pallidus existe mais elle est moins importante (Kiesselbach 1914; Terplan 1924; Spielmeyer 1926).

En 1985, Vonsattel et collaborateurs ont évalué l’atteinte striatale en post mortem de 163 cerveaux de patients Huntington. Cette évaluation a été réalisée d’après des critères macroscopiques et microscopiques pour établir une classification de la pathologie en 5 stades (de 0 à IV par ordre ascendant de gravité) (Vonsattel et al. 1985). Les critères observés ont été décrits dès 1968 et consistent macroscopiquement en une atrophie diffuse du striatum et microscopiquement en une perte neuronale et une astrogliose (Bruyn 1968). Ils ont été décrits semi-quantitativement comme absent (0), léger (+), modéré (++), sévère (+++) et très sévère (++++). L’atrophie striatale a été quantifiée en forme et en taille à deux niveaux de coupe coronale : un niveau passant par le noyau caudé, le noyau accumbens et le putamen et un niveau passant par le globus pallidus interne et externe (Figure 15). La perte neuronale a été évaluée par comptage après marquage par luxol + hématoxyline éosine ou crésyl violet (Figure 16). L’astrogliose a été évaluée après marquage de l’antigène GFAP (glial fibrillary acidic protein) (Figure 17).

Dans le tableau 1, les anomalies macroscopiques et microscopiques des différents stades de la maladie sont décrites. Le stade 0 est caractérisé par une absence d’anomalies macroscopique (Figure 18 en haut à droite) ou microscopique, en présence de signes cliniques de maladie de Huntington. Le stade I présente uniquement des anomalies microscopiques : perte neuronale de 50% dans la tête et la queue du noyau caudé, sans atteinte du corps du noyau caudé. Au stade II, l’astrogliose se détecte en parallèle de la perte neuronale avec une atrophie du noyau caudé qui a un aspect convexe du côté ventriculaire (Figure 18B). Le bord ventriculaire du noyau caudé devient droit dans le stade III (Figure 18C) puis concave dans le stade IV, signe d’une atrophie maximale (Figure 18 en haut à gauche). La perte neuronale dans le noyau caudé atteint 95% au stade IV. Le striatum ventral constitué du noyau accumbens est moins sévèrement et plus tardivement touché (Bots and Bruyn 1981; de la Monte et al. 1988).

La perte neuronale est corrélée avec la taille de l’expansion CAG du gène IT15

(Furtado et al. 1996). La neurodégénérescence a une orientation dorso-ventrale et médio- latérale dans le noyau (Vonsattel et al. 1985). Le putamen dégénère selon un axe postero- antérieur et dorso-ventral (Roos et al. 1985). Plus tard, d’autres méthodes de marquage de

Figure 15 : Niveaux de coupe coronale étudiés dans la classification neuropathologique de la maladie par Vonsattel

A : Niveau de coupe du noyau caudé, de l’accumbens et du putamen. B : niveau du globus pallidus. 1 : Tête du noyau caudé, 1.1 : niveau médian du noyau caudé, 1.2 : niveau latéral du noyau caudé, 2 substance blanche de la capsule interne séparant le noyau caudé du putamen, 3 : putamen, 4 : Noyau accumbens, 5.1 : partie latérale du globus pallidus et 5.2 : partie médiane du globus pallidus. Schéma issu de (Vonsattel et al. 1985)

Figure 16 : Perte neuronale dans le striatum de patient huntington après coloration histologique à l'hématoxyline-éosine et au crésyl violet

C : Noyau caudé médian un peu atteint. D : noyau caudé latéral au stade I normal. G : Noyau caudé médian avec perte neuronale plus avancée. H : noyau caudé latéral au stade III avec forte perte neuronale, grossissement x320. Figures issues de (Vonsattel et al. 1985)

Figure 17 : Astrogliose présente dans les stades II à IV

Astrogliose détectée dans le cerveau d’un patient Huntington A par immunomarquage GFAP (glial fibrillary acidic protein), absente chez le sujet sain.

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perte neuronale et une analyse plus complète des niveaux antéro-postérieurs ont permis de démontrer l’existence de perte neuronale dès le stade 0 (Myers et al. 1991; Hedreen and Folstein 1995) et même chez les patients présymptomatiques (Albin et al. 1992).

2.5.5.2.2. Anomalies à l’échelle neuronale

La perte neuronale dans le striatum touche préférentiellement les neurones épineux de taille moyenne efférents (Graveland et al. 1985a), exprimant l’enzyme de biosynthèse du GABA, la GAD (glutamic acid decarboxylase) qui est diminuée dans le striatum des malades

(Bird et al. 1973). Cette perte neuronale concerne les MSN contenant de la substance P projettant sur la substance noire réticulée (Marshall et al. 1983) et les neurones met- enképhalinergiques projetant sur le globus pallidus externe (Deng et al. 2004). Ces neurones portent des récepteurs au glutamate, de type NMDA, dont le nombre est réduit lors de la maladie (Albin et al. 1990). Les interneurones cholinergiques semblent préservés (Ferrante et al. 1987) car les quantités d’acétylcholine et de choline acétyltransférase ne sont pas modifiées dans la maladie (Chesselet 1988). Ces résultats sont controversés par la description d’une baisse de l’activité de la choline acétyltransférase striatale (McGeer et al. 1973; Aquilonius et al. 1975). Enfin les interneurones GABAergiques contenant la parvalbumine

(Harrington and Kowall 1991) comme les interneurones contenant la somatostatine (Ferrante et al. 1985) sont relativement préservés. Les neurones afférents venant de la substance noire sont préservés (Ferrante and Kowall 1987) mais la concentration de la dopamine est parfois diminuée dans le striatum et même si elle est stable dans la substance noire (Kish et al. 1987).

2.5.5.2.3. Anomalies à l’échelle intraneuronale et

agrégats

A l’échelle intracellulaire, les anomalies neuronales observées au niveau de la morphologie membranaire des neurones épineux évoluent selon les stades de la maladies

(Ferrante et al. 1991). Au stade II, les neurones épineux ont plutôt une augmentation du nombre d’épines dendritiques, parallèle à un recourbement des extrémités des dendrites et à une croissance dendritique anormale (Figure 19). Aux stades plus avancés III et IV, les neurones épineux ont un nombre réduit d’épines dendritiques, des zones de gonflements irréguliers au niveau des dendrites et des recourbements des extrémités dendritiques (Figure 20A, C, D). Puis au stade IV, on aperçoit fréquemment des troncations dendritiques (Figure 20B). Plusieurs études ont démontré des anomalies au niveau des organelles intracellulaires. Des irrégularités ont été observées au niveau du réticulum endoplasmique rugueux a une déplétion des ribosomes au niveau du noyau caudé de patient Huntington (Roizin et al. 1974). Au niveau nucléaire, un nombre anormalement élevé d’indentations a été observé dans le noyau caudé (Roos and Bots 1983) ainsi qu’une désorganisation du nucléole (Roizin et al. 1974). Au niveau synaptique, les terminaisons synaptiques dégénèrent et sont non myélinisées avec des vésicules synaptiques sans connexion avec la synapse (Forno and Jose 1973). La formation d’agrégats de huntingtine anormale est observée au niveau intranucléaire et au niveau des neurites des MSN, dans les formes classique et juvénile de la maladie (DiFiglia et al. 1997). Il existe plusieurs types d’agrégats contenant l’huntingtine mutée, différenciable selon leur localisation, intranucléaire ou cytosolique, et leur composition, avec des formes plus ou moins courte de l’huntingtine, ubiquitinées ou pas. L’agrégation nécessite souvent au préalable une protéolyse de la protéine en fragments courts. Les fragments N-terminaux

Noyau Caudé Putamen

Partie médiane Partie latérale

stades atrophie Perte neuro- nale Gliose astro- cytaire Atro-

phie neuro-Perte nale

Gliose astro- cytaire

Atro-

phie neuro-Perte nale Gliose astrocy- taire 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 I 0 +/++ +/++ 0 0/+ 0/+ 0 0 0/+ II + ++ ++/+++ + + +/++ + +/++ +/++ III ++/+++ +++ +++ ++/++ + ++ ++ ++ +++ (sup) ++ (inf) IV ++++ ++++ ++++ ++++ ++++ ++++ +++ ++++ ++++

Tableau 1: Caractéristiques neuropathologiques des patients de stade 0 à 4 au niveau du noyau caudé et du putamen

0 : normale/ + : léger/++: modéré/ +++ : sévère/++++ : très sévère/sup : supérieure/ inf : inférieure

(Vonsattel et al., 1985)

Figure 18 : Aspect macroscopique de la neurodégénérescence

Atrophie du noyau caudé et du putamen chez un patient Huntington en haut à gauche par rapport à un sujet sain, en haut à droite. En bas, évolution de l’élargissement des ventricules latéraux chez les patient Huntington. Figures issues de

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reconnus par l’anticorps EM-48 (dirigé contre les 256 premiers acides aminés de la protéine) sont présents dans les agrégats observés chez les patients (DiFiglia et al. 1997; Gutekunst et al. 1999). Mais ils sont aussi observés chez les souris transgéniques R6/1 et R6/2 (Davies et al. 1997; Yu et al. 2003), les souris N171Q82 (Yu et al. 2003), les souris YAC128 (Slow et al. 2003; Van Raamsdonk et al. 2005), les souris HdhCAG150 (Yu et al. 2003) et les souris HdhCAG70-80 (Li et al. 2000a). Les agrégats présents dans les souris HdhCAG150 ne contiennent pas de forme longue de l’huntingtine car ils ne sont pas reconnus par l’anticorps EM-121 (dirigé contre les acides aminés 342-456 de la protéine) (Yu et al. 2003). De même, chez les souris YAC72 (2511), les inclusions intranucléaires neuronales striatales ne sont reconnues que par l’anticorps EM-48 et pas par HD549 qui reconnaît les acides aminés 549- 679 de l’huntingtine (Hodgson et al. 1999). En général, les inclusions intranucléaires neuronales contiennent de l’ubiquitine alors que les agrégats neuritiques n’en contiennent pas.

Il existe une importante controverse sur la toxicité des agrégats (Saudou et al. 1998; Kim et al. 1999). En effet, dans le modèle HD100, il y a une corrélation entre l’aggravation des symptômes moteurs et la présence de neurites dystrophiques et le marquage diffus nucléaire de l’huntingtine dans le cortex mais pas de corrélation avec la présence d’inclusions dans le striatum ou le cortex (Laforet et al. 2001). De même, dans un modèle neuronal d’expression de la forme courte de l’huntingtine mutée, la formation d’agrégats détectée par vidéomicroscopie prolonge leur survie et certains neurones meurent sans avoir former des agrégats (Arrasate et al. 2004). Au contraire, dans les souris HdhCAG70-80 exprimant la forme entière de l’huntingtine mutée, il y a une corrélation entre la neurodégénérescence axonale des MSN et la présence d’agrégats dans le neuropile du striatum (Li et al. 2000a). Il est probable que les agrégats soient toxiques au niveau neuritique par l’altération de la transmission synaptique et du transport cellulaire alors que les inclusions nucléaires seraient responsables d’anomalies de la transcription.

2.5.5.2.4. Anomalies à l’échelle gliale

L’astrogliose se développe en parallèle de la perte neuronale. Au niveau microscopique, le nombre d’oligodendrocytes semble s’élever même avant l’atrophie striatale

(Myers et al. 1991) et une microgliose est observée à tous les stades et s’accroît au cours du temps (Sapp et al. 2001). Elle existe parfois en parallèle d’une activation de cellules de type microgliales secrétant des facteurs du complément, qui peuvent être toxiques au niveau neuronal (Singhrao et al. 1999) ou en induisant la dégradation de la gaine de myéline

(Yamada et al. 1990).