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SPECIALITE PHARMACEU

2.8. Physiopathologie de la maladie de Huntington : hypothèses générales

2.8.1. Développement et rôle antiapoptotique

L’huntingtine intervient à trois niveaux du développement : l’ontogénèse, la neurogenèse et l’hématopoïèse. Son rôle dans ces processus est probablement relié à sa fonction antiapoptotique.

Le rôle de l’huntingtine dans l’ontogenèse a été mis en évidence par la mort des embryons homozygotes au stade précédant l’émergence du système nerveux central, dans les modèles d’invalidation du gène (Duyao et al. 1995; Nasir et al. 1995; Zeitlin et al. 1995).

La léthalité embryonnaire est reversée par croisement de souris KO pour le gène de l’huntingtine avec les souris transgéniques YAC 46 ou 72 (Hodgson et al. 1999). Ceci implique d’une part, que l’expansion polyglutamines n’altère pas le développement embryonnaire et d’autre part, que la maladie de Huntington n’est pas une maladie développementale. Par contre, l’expression de l’huntingtine mutée sous le contrôle du promoteur de l’huntingtine est nécessaire pour que l’ontogenèse soit correcte, car des anomalies de l’ontogenèse ont été observées après le croisement des souris transgéniques exprimant l’huntingtine mutée sous le contrôle du promoteur CMV avec les souris KO

(Hodgson et al. 1999).

Cependant la maladie de Huntington n’est pas la conséquence d’une perte d’expression complète du gène. Les modèles murins hétérozygotes pour l’invalidation du gène, mimant la perte de fonction due à l’allèle muté, ne montrent pas de perte neuronale striatale. Par contre une neurodégénérescence corticale et striatale et une stérilité ont été observées dans un modèle d’inactivation conditionnelle de l’huntingtine (Dragatsis et al. 2000). Il est donc possible que la perte de fonction de l’huntingtine soit responsable de la dégénérescence neuronale.

L’huntingtine a aussi un rôle dans la neurogenèse, mis en évidence par la présence de malformation du cerveau et la léthalité périnatale de souris KI homozygotes Hdh50Q, 92Q et 111Q à faible expression de l’huntingtine (White et al. 1997). Les anomalies de neurogenèse sont absentes chez les souris avec le gène humain de l’huntingtine possédant une expansion de 50 CAG, ce qui indiquerait que ce n’est pas la mutation qui est responsable des anomalies de neurogénèse mais plutôt l’absence d’expression de l’huntingtine.

Le rôle de l’huntingtine dans l’hématopoïèse a été mis en évidence par la réduction du nombre de progéniteurs hématopoïétiques et de leur expansion dans les cellules souches embryonnaires homozygotes et hétérozygotes pour l’invalidation du gène (Metzler et al. 2000).

La léthalité des embryons entre 8,5 et 10,5 jours de gestation chez les souris de Zeitlin invalidées pour le gène de l’huntingtine a été attribuée à l’augmentation du nombre de cellules apoptotiques au niveau de la couche ectodermique, conséquence de l’absence de l’huntingtine

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dans sa fonction anti-apoptotique (Zeitlin et al. 1995). Plusieurs éléments sont en faveur du rôle anti-apoptotique direct ou indirect de l’huntingtine.

Le premier élément est le rôle protecteur de l’huntingtine normale vis-à-vis de différents stimulus de mort in vitro et in vivo. Ainsi, la surexpression de l’huntingtine normale protège de la mort les cellules neuronales de type striatal ST14A ou hippocampal HIB5 immortalisées exprimant de façon conditionnelle l’huntingtine mutée après induction de la mort par le 3-NP ou par retrait du sérum et stress thermique à 39°C (Rigamonti et al. 2000; Rigamonti et al. 2001). La neuroprotection des cellules par l’huntingtine normale est associée à une inhibition de l’augmentation de l’activité de la caspase 9, indépendante de la libération du cytochrome c à partir de l’espace intermembranaire. L’huntingtine a donc un rôle anti- apoptotique direct ou indirect par inhibition de la caspase 9 ou de la formation du complexe de l’apoptosome (Rigamonti et al. 2001). De même, l’expression de l’huntingtine normale chez les souris transgéniques YAC 46 et 72 protège de la dégénérescence les cellules des tubules séminifères et de la stérilité (Leavitt et al. 2001).

L’autre élément en faveur du rôle anti-apoptotique de l’huntingtine est l’interaction avec HIP-1, élément de l’hétérodimère HIP-1/Hippi (Hip-1 protein interactor) participant à l’activation de la caspase 8 et de l’apoptose. L’interaction de l’huntingtine avec HIP-1 est réduite par la présence d’une expansion de polyglutamine et permet ainsi l’activation de la mort cellulaire par une voie dépendante de la caspase-8 (Gervais et al. 2002).

2.8.2. La transcription

Plusieurs éléments corroborent le rôle de l’huntingtine dans la transcription cellulaire. Elle possède des motifs protéiques potentiellement associés à la transcription, elle a une localisation nucléaire et elle interagit avec des régulateurs de la transcription.

L’huntingtine possède les motifs protéiques HEAT (Huntingtin-Elongation-A subunit- TOR) et polyglutamine, communs aux cofacteurs de transcription et aux protéines associées aux chromosomes (Neuwald and Hirano 2000).

L’huntingtine a une localisation nucléaire reliée à la présence de peptide signal de localisation nucléaire (Bessert et al. 1995) et la mutation de l’huntingtine est associée à la relocalisation nucléaire des fragments N-terminaux et des agrégats aussi bien dans les modèles in vitro, que in vivo (Li et al. 1999) et chez le patient (DiFiglia et al. 1997).

2.8.2.1. Protéines de régulation de la transcription en

interaction avec l’huntingtine

L’huntingtine interagit avec différents types de régulateurs de transcription :

- des facteurs de transcription : HYP-C (Faber et al. 1998), NFκB (Takano and Gusella 2002), TBP (TATA-binding protein) (Huang et al. 1998), p53 (Steffan et al. 2000)

des activateurs de transcription : CA-150 (Holbert et al. 2001), CBP (cAMP response element-binding protein-binding protein) (Steffan et al. 2000; Nucifora et al. 2001), SP1

(Dunah et al. 2002; Li et al. 2002), TAFII 130 (RNA polymerase II TATA-binding protein (TBP)-associated factor de 130kDa)(Dunah et al. 2002) ;

- des répresseurs de transcription : CtBP (C-terminal binding protein) (Kegel et al. 2002), N-CoR (nuclear receptor corepressor) (Boutell et al. 1999), REST/NRSF (repressor element-1 transcription factor/neuron restrictive silencer factor)(Zuccato et al. 2003) ;

La mutation de l’huntingtine est associée à des modifications de l’interaction avec les facteurs de transcription (Martindale et al. 1998; Cha 2000).

2.8.2.2. Huntingtine mutée et modification des histones

La mutation de l’huntingtine a pour conséquence différents types de modifications au niveau des histones menant à une dérégulation de la transcription et modifie l’interaction avec les régulateurs de transcription.

La mutation de l’huntingtine entraîne une augmentation de l’interaction avec CBP, HYP-A, B et C, NCOR et SP-1 et une diminution de l’interaction avec CtBP et REST-NRSE

(Li and Li 2004). Ces modifications d’interaction et la réduction de proportion d’huntingtine normale entraînent soit l’augmentation soit la diminution de la transcription de différentes familles de gènes (Cha 2000; Harjes and Wanker 2003; Sugars and Rubinsztein 2003; Li and Li 2004). Le mécanisme de diminution et d’augmentation de la transcription est souvent relié à des modifications des histones par acétylation, phosphorylation et ubiquitination ou à la SUMOylation des facteurs de transcription.

Le niveau d’acétylation des histones est diminué en cas de baisse de transcription et augmentée dans le cas contraire. Deux systèmes enzymatiques interviennent dans le niveau d’acétylation des histones : les histone-acétyl-transférases et les histone-déacétylases (Wade et al. 1997). Une réduction de l’activité des histone-acétyl-transférases a été observée dans des modèles cellulaires exprimant l’huntingtine mutée (Steffan et al. 2000; Nucifora et al. 2001; Wyttenbach et al. 2001; Sugars et al. 2004).

2.8.2.3. Huntingtine mutée et modification des facteurs de

transcription

En dehors des modifications des histones, la transcription peut être modifiée par la SUMOylation de facteurs de transcription, ce qui entraîne une augmentation de la répression de la transcription (Verger et al. 2003). C’est en effet ce qui est observé dans un modèle de culture neuronale exprimant la forme SUMOylée de l’huntingtine mutée (Steffan et al. 2004).

De plus, le croisement d’une souche de drosophile exprimant l’huntingtine mutée avec une souche de drosophile à activité de SUMOylation réduite à 50%, réduit significativement la neurodégénérescence des photorécepteurs (Steffan et al. 2004).

2.8.2.4. Augmentation ou diminution de l’interaction entre

l’huntingtine et les facteurs de transcription

La mutation de l’huntingtine est associée à l’augmentation de l’interaction avec CBP qui ne peut plus jouer son de facteur de transcription et d’histone-acétyl-transférase (Steffan et al. 2000; Nucifora et al. 2001; Wyttenbach et al. 2001; Sugars et al. 2004). L’inhibition de la fonction de CBP pourrait être associée à la baisse de transcription gènes sous le contrôle de CREB (Kwok et al. 1994), comme l’oncogène JUN-B chez les souris transgéniques R6/2

(Luthi-Carter et al. 2000) et le BDNF chez les patients Huntington. Or la baisse de BDNF cortical est une des hypothèses pouvant expliquer la mort striatale neuronale par manque de facteur trophique (Zuccato et al. 2001).

La mutation de l’huntingtine est associée à l’augmentation de l’interaction avec les protéines à motif protéique en tandem de tryptophane (WW), HYP-A, B et C entraînerait des anomalies au niveau de l’épissage des pré-ARNm et de la transcription (Faber et al. 1998).

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D’après des études d’immunoprécipitation et de double hybride, l’expansion polyglutamine augmente l’interaction entre l’huntingtine et la partie C-terminale de Sp1

(Dunah et al. 2002; Li et al. 2002). Chez les souris R6/2, Sp1 n’est pas présent dans les agrégats mais lie la forme soluble de l’huntingtine mutée et cette liaison entraîne, in vitro, un défaut de transcription de gènes par non fixation de Sp1 sur le promoteur des récepteurs du NGF (Li et al. 2002). De plus, la surexpression de Sp1 augmente la viabilité des cellules HEK293 exprimant l’huntingtine mutée au niveau nucléaire et il corrige partiellement l’extension neuritique des cellules PC-12 différenciées (Li et al. 2002). Chez le patient, dès le stade présymptomatique, l’interaction entre Sp1 et TAFII est réduite, ainsi que la liaison de Sp1 à l’ADN sur au niveau du noyau caudé (Dunah et al. 2002). La liaison de Sp1 à l’ADN est inhibée par l’huntingtine mutée et la transcription des récepteurs dopaminergiques D2, régulée par Sp1 est réduite en culture primaire striatale exprimant l’huntingtine mutée (Dunah et al. 2002). En outre, la coexpression de Sp1 et de TAFII dans les neurones primaires exprimant la forme entière de l’huntingtine mutée, reverse l’inhibition de la transcription des récepteurs D2 et la toxicité cellulaire.

Par immunoprécipitation, l’expansion polyglutamine diminue l’interaction entre l’huntingtine et le corepresseur de transcription C-tBP (Kegel et al. 2002). Il en résulte un niveau de transcription constitutivement diminué en présence du fragment N-terminal de l’huntingtine porteur de l’expansion polyglutamine pathologique ou en présence de la forme entière de l’huntingtine normale dans des cultures C33A (Kegel et al. 2002).

Par immunoprécipitation, l’expansion polyglutamine diminue l’interaction entre l’huntingtine et le REST/NRSF, répresseur de transcription ayant pour cible NRSE (neuron restrictive silencer element), contrôlant entre autre la transcription de gènes de la famille des neurotrophines comme le BDNF (Zuccato et al. 2003). Il en résulte également une diminution de la transcription des gènes régulés par NRSE, dont la synapsine 1, la dynamine 1 et l’isoforme beta2 du récepteur nicotinique en culture de lignée striatale ST14-A exprimant l’huntingtine mutée comme dans le cortex des souris YAC 72 par rapport aux YAC18

(Zuccato et al. 2003). Chez le patient, la transcription de la synapsine 1, l’isoforme beta2 du récepteur nicotinique ainsi que le BDNF est diminuée dans le cortex (Zuccato et al. 2003). En condition normale, la forme entière de l’huntingtine interagit avec REST dans le cytosol et empêche ainsi sa translocation nucléaire. En condition pathologique, l’interaction est plus faible et REST transloque dans le noyau où il réduit la transcription de nombreux gènes dont le BDNF.

2.8.2.5. Familles de gènes à la transcription modifiée

Les modifications des histones, la SUMOylation et les changements d’interaction entre l’huntingtine et les régulateurs de transcription ont pour conséquence la réduction ou l’augmentation de la transcription de nombreux gènes appartenant à de nombreuses familles

(Cha et al. 1998; Cha et al. 1999; Luthi-Carter et al. 2000; Chan et al. 2002; Luthi-Carter et al. 2002; Sipione et al. 2002; Borovecki et al. 2005). Les gènes touchés sont les récepteurs, les neurotransmetteurs, les protéines de la signalisation cellulaire, les facteurs trophiques, les protéines du transport cellulaire, les protéines de structure synaptique et les facteurs d’inflammation.