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Si cette transformation de l’obligation de sécurité a généré des inégalités de traitement dans la matière étudiée, cette évolution du droit a également très nettement atténué

SOUS-SECTION 1 – LA SYSTEMATISATION DE L’OBLIGATION DE SECURITE

99. Si cette transformation de l’obligation de sécurité a généré des inégalités de traitement dans la matière étudiée, cette évolution du droit a également très nettement atténué

les avantages de celle-ci au regard de la réparation des dommages causés aux parties par les choses lors de l’exécution des contrats dès lors que certaines des difficultés posées par lesdits préjudices, spécialement la complexité d’établir un fait de l’homme derrière l’intervention d’une chose dans la commission d’un dommage308, perdure dans bon nombre de cas, cette obligation accessoire étant souvent qualifiée de moyens309. L’introduction d’obligations de moyens dans ce domaine a en outre engendré certaines incertitudes quant au critère de distinction, conséquence limitant, là encore, l’efficacité de l’obligation à l’égard de la question étudiée.

307 En l’absence de consécration de l’obligation contractuelle de sécurité, ce principe serait peut-être aujourd’hui applicable à tous les dommages causés par une chose. Il l’est d’ailleurs parfois, ce qui n’est pas sans susciter des critiques (sur ce point, v. infra n°s 291 et s.).

308 Sur ce point, v. supra n° 5.

309 Sur ce point, v. supra n°s 85 et s.

2 – L’incertitude du critère de distinction

100. Durant la période où il a été considéré que l’obligation de sécurité dont les créanciers étaient susceptibles de subir un dommage causé par une chose lors de l’exécution du contrat ne pouvait être qu’une obligation de résultat, la question d’un éventuel critère de distinction ne s’est pas posée. La situation s’est révélée très différente à partir du moment où les juges ont commencé à introduire des obligations de moyens dans cette matière310. Les règles applicables étant différentes selon la nature de l’obligation, notamment en ce qui concerne la charge probatoire, il est en effet apparu nécessaire de savoir précisément à quoi s’était engagé le débiteur de l’obligation de sécurité : fournir un résultat déterminé ou bien mettre en œuvre tous les moyens possibles pour exécuter la prestation311.

101. Accessoire312, l’obligation de sécurité n’en reste pas moins contractuelle313. Il semblerait donc logique de rechercher ce que les parties ont voulu à cet égard. En d’autres termes, à défaut de texte impératif en la matière et sauf atteinte à l’ordre public (par application de l’article 6 du Code civil aux termes duquel « On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs »), le juge serait tenu, après interprétation du contrat, de faire respecter la volonté des parties.

Il est toutefois très fréquent, à plus forte raison en ce qui concerne l’obligation de sécurité, souvent tacite, que les cocontractants n’aient pas exprimé leur volonté à cet égard dans la convention. Dans cette hypothèse, comment alors décider de la nature de l’obligation de sécurité ?

102. Face à la diversité des situations, une liste des obligations de sécurité de moyens et des obligations de sécurité de résultat a été envisagée314. Il a toutefois été rétorqué qu’« il ne pourra jamais s’agir que d’un indicateur choisi et nullement d’un inventaire exhaustif »315.

310 Sur ce point, v. supra n°s 85 et s.

311 Cette question ne concerne pas seulement l’obligation de sécurité, mais toutes les obligations contractuelles dès lors que la distinction de Demogue leur est applicable.

312 Sur ce point, v. supra n° 42.

313 Sur ce point, v. supra n°s 51 et s. et infra n°s 436 et s.

314 V. not. Ph. le Tourneau et M. Leroy, Juris-classeur : Civil Code, Art. 1136 à1145, Fasc. 30, spéc. n°s 18 et s.

315 Ph. le Tourneau et M. Leroy, Juris-classeur : Civil Code, Art. 1136 à1145, Fasc. 30, n° 36.

103. Comment alors savoir objectivement et dans tous les contrats concernés si une partie a accepté d’être tenue à cet égard sauf preuve d’une cause étrangère ou bien si elle n’a promis qu’une certaine diligence ? L’existence d’un critère abstrait, à l’image de celui permettant de distinguer les obligations de moyens et les obligations de résultat de manière générale, s’est finalement révélée nécessaire dans le domaine des obligations de sécurité dont les créanciers étaient susceptibles de subir un dommage causé par une chose. Nécessaire, certes, mais non aisée.

104. Si la summa divisio a conquis la majorité des juristes dès l’origine316, tel n’a pas été le cas du critère avancé par Demogue. Beaucoup d’auteurs ont alors pensé pouvoir contribuer à cette innovation en proposant leur solution. Les critères, censés constituer des moyens de parvenir à la connaissance de la volonté probable des parties, sont devenus rapidement nombreux.

Pour synthétiser, certains sont fondés sur l’analyse de la situation des parties tandis que d’autres sont attachés au contenu de l’obligation ce qui revient à distinguer les critères subjectifs et les critères objectifs. Certes, certains paraissent avoir été mieux accueillis que d’autres. Aucun n’a toutefois été définitivement fixé, même par la jurisprudence qui semble malgré tout s’être adaptée à cette diversité, du moins pendant un temps.

105. Deux critères principaux sont fondés sur l’analyse de la situation des parties.

Tandis que l’un tient compte de la condition du débiteur, l’autre est attaché à celle du créancier.

Lorsqu’en 1925 Demogue a décidé de distinguer les obligations de moyens et les obligations de résultat317, l’auteur a proposé un critère fondé sur l’opposition entre professions libérales et métiers. Selon lui, l’exercice d’une profession libérale ne générait qu’une obligation de moyens, alors qu’en dehors de cette hypothèse, le débiteur s’engageait à une obligation de résultat318.

Starck, quant à lui, a préféré tenir compte de la situation du créancier. D’après l’auteur, si le contrat en cause était relatif à l’intégrité corporelle et à la vie du créancier, ou

316 Sur ce point, v. supra n° 80.

317 Sur ce point, v. supra n°s 76 et s.

318 L’auteur a affirmé que « Le professionnel qui a une profession libérale, c’est-à-dire exigeant une indulgence dans l’exécution, comme le médecin, l’avocat, n’a à sa charge qu’une obligation de moyens. Le métier, qui va depuis le manœuvre jusqu’au plus haut degré, jusqu’à l’architecte, comporte d’ordinaire une obligation de résultat. Car le résultat peut être atteint presque sûrement avec la technique appropriée. », R. Demogue, Traité des obligations en général, T.V., Paris, 1925, spéc. n° 1237, p. 544.

l’intégrité matérielle de ses biens, le débiteur était tenu à une obligation de résultat. En dehors de ces hypothèses, il s’engageait au contraire à exécuter une obligation de moyens319.

106. D’autres critères sont fondés sur l’analyse du contenu de l’obligation. Mais là encore, rien n’a été clairement consacré en la matière.

Selon Mazeaud, l’obligation devait être qualifiée de résultat dès lors qu’elle n’était pas aléatoire. A l’inverse, lorsque certains évènements sur lesquels le débiteur n’avait pas de prise entraient en considération, l’obligation ne pouvait être que de moyens320. En d’autres termes, l’absence ou la présence d’aléa321 permettait de déterminer selon l’auteur si l’obligation était de moyens ou de résultat. Se fondant sur certaines décisions jurisprudentielles322, une partie de la doctrine323 a pensé pouvoir trouver une indication de cette existence ou absence d’aléa dans l’examen du comportement de la victime. Ainsi, un rôle actif de celle-ci, c’est-à-dire une liberté d’action laissée au créancier, était révélateur d’une obligation de moyens tandis qu’un rôle passif de la victime était un signe d’appartenance de l’obligation à la catégorie des obligations de résultat. Par ailleurs, certains auteurs324, jugeant ce critère certes intéressant mais insuffisant, y ont ajouté celui de l’acceptation des risques. D’après cette doctrine, « le critère de l’aléa n’est pertinent que lorsqu’il est établi que le créancier, qui connaissait l’aléa dans l’exécution du contrat, son existence et sa consistance, l’a accepté, c’est-à-dire qu’il a accepté les risques de l’inexécution »325.

Frossard, quant à lui, a affirmé que « chaque fois qu’une personne [promettait]

d’exécuter « une prestation déterminée », aux contours juridiques et matériels précis, elle [supportait] une obligation de résultat. Au contraire, si le débiteur, sans garantir le but à atteindre, se [réservait] une liberté plus ou moins grande d’action, « sa prestation [était]

319 B. Starck, La responsabilité civile dans sa double fonction de garantie et de peine privée, Th. Paris, 1947.

Comme il le sera expliqué ultérieurement, ce critère n’a pas été retenu par la jurisprudence. Dans le cas contraire, il aurait été difficile de justifier les décisions ayant jusque là admis l’existence d’obligations de sécurité de moyens.

320 L’auteur a affirmé que « d’une manière […] générale, […] chaque fois qu’il s’agit d’une « entreprise aléatoire » […], l’obligation doit, en principe, être considérée comme une simple obligation générale de prudence et de diligence », H. Mazeaud, « Essai de classification des obligations : Obligations contractuelles et extra-contractuelles ; « obligations déterminées » et « obligation générale de prudence et de diligence », R.T.D.civ., 1936, n° 50, p. 45.

321 L’aléa ne doit pas être entendu ici au sens du contrat aléatoire. Dans celui-ci, il concerne l’existence même de l’obligation tandis qu’en l’espèce il ne porte que sur le contenu de celle-ci.

322 Not. Civ., 6 janvier 1959, D., 1959, jurisp., p. 106. – Civ., 6 juin 1961, D., 1961, jurisp., p. 772.

323 En ce sens, v. not. J. Mazeaud, note sous Civ., 1ère, 8 octobre 1968, D., 1969, jurisp., p. 157 et s. - Ph. Le Tourneau et M. Leroy, Juris-Classeur, Civil Code, Art. 1136 à 1145, Fasc. 30.

324 En ce sens, v. not. Ph. le Tourneau et M. Leroy, Juris-Classeur, Civil Code, Art. 1136 à 1145, Fasc. 30.

325 Ph. le Tourneau et M. Leroy, Juris-Classeur, Civil Code, Art. 1136 à 1145, Fasc. 30, n° 53.

indéterminée » et il n’[était] soumis qu’aux règles relatives aux obligations de moyens »326. L’auteur a par ailleurs précisé que sa terminologie ne devait pas être confondue avec celle proposée par Mazeaud327. La détermination, telle qu’il l’entendait, tenait compte en effet de la prestation tandis que dans la distinction doctrinale de Mazeaud cette terminologie visait le devoir juridique328.

107. Les critères envisagés pour distinguer les obligations de moyens et les obligations de résultat, par suite les obligations de sécurité de moyens et les obligations de sécurité de résultat dont les créanciers sont susceptibles de subir un dommage causé par une chose lors de l’exécution d’un contrat, sont donc nombreux. Il est cependant manifeste qu’aucun critère unique n’a encore été désigné de façon définitive. Autrement dit, plus de 80 ans après la proposition de Demogue, le critère de distinction reste toujours incertain, même s’il est vrai que l’aléa, notamment au travers du rôle de la victime ou de son éventuelle acceptation de risques, semble avoir les faveurs du plus grand nombre tant en ce qui concerne la proposition doctrinale329 que le domaine plus spécifique de l’obligation de sécurité.

108. De la même manière, les juges n’ont jamais opté pour un critère unique de distinction. Ils ont néanmoins réussi à s’adapter. Ainsi, à l’origine, à défaut de pouvoir se référer à la volonté des parties, les tribunaux ont pris l’habitude de s’attacher aux propositions doctrinales, du moins à certaines d’entre elles : on s’accorde à dire que les critères proposés par Demogue, Starck et Frossard ont eu peu, voire aucune influence sur la jurisprudence330 ; au contraire, l’aléa semble l’avoir beaucoup imprégnée, critère dont les juges ont souvent tiré une indication en examinant le rôle de la victime ou l’éventuelle acceptation par elle de risques. Cette tendance jurisprudentielle a prévalu pendant longtemps, dans tous les

326 J. Frossard, La distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat, L.G.D.J., 1965, préf. R.

Nerson, spéc. n° 292, p. 167.

327 Sur ce point, v. supra n° 78.

328 J. Frossard, La distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat, L.G.D.J., 1965, préf. R.

Nerson, spéc. n° 293, p. 168.

329 En ce sens, v. not. A. Plancqueel, « Obligations de moyens, obligations de résultat (Essai de classification des obligations contractuelles en fonction de la charge de la preuve en cas d’inexécution ), R.T.D.civ., 1972, p.

334 et s. – J. Flour, J.-L. Aubert, Y. Flour et E. Savaux, Droit civil « Les obligations 3. Le rapport d’obligation », Sirey, 5e éd., 2007.

330 En ce sens, v. not. G. Viney et P. Jourdain, Traité de droit civil sous la direction de Jacques Ghestin, « Les conditions de la responsabilité », L.G.D.J., 3e éd., 2006, spéc. n° 540, p. 524 et s.

domaines331. Les critères étaient divers, mais les juges étaient parvenus à s’adapter à cette multiplicité.

109. La cohérence n’a cependant pas toujours existé ces dernières années. De temps à autres, les juges ont en effet davantage procédé de manière ponctuelle, ne cherchant vraisemblablement pas à établir de règles générales. La jurisprudence a donc été parfois fluctuante et incertaine comme en témoigne précisément et plus particulièrement encore le domaine de l’obligation de sécurité dont les créanciers sont susceptibles de subir un dommage causé par une chose, notamment celle de l’exploitant d’un télésiège332.

110. En 1986, la Cour de cassation a qualifié l’obligation de sécurité assumée par une entreprise exploitant un télésiège de « simple obligation de moyens pour les opérations d’embarquement et de débarquement, au cours desquelles le skieur a un rôle actif »333. En d’autres termes, procédant à un découpage du contrat à l’image de sa jurisprudence de 1969 en matière de transport de personnes334, la Haute juridiction a considéré que le comportement de la victime pendant certaines phases du contrat nécessitait un allègement de l’obligation de sécurité du professionnel pendant ces périodes. Ainsi, ayant un rôle actif pendant l’embarquement et le débarquement, l’usager d’un télésiège ne pouvait être créancier que d’une obligation de moyens en ce qui concerne sa sécurité durant ces phases.

Décriée335 et pourtant bien établie336, cette jurisprudence a été remise en cause dans

331 Pour une illustration de cette tendance jurisprudentielle en dehors du domaine de l’obligation de sécurité, v.

Com., 7 octobre 1997, Gaz. Pal., 1997, pan., p. 308.

Pour une illustration de cette tendance jurisprudentielle dans le domaine de l’obligation de sécurité, v. Civ., 1ère, 21 octobre 1997, Bull. civ. I, n° 287. Aux termes de cet arrêt, « l’organisateur d’un vol en parapente et le moniteur sont tenus d’une obligation de résultat, en ce qui concerne la sécurité de leurs clients pendant les vols, au cours desquels ceux-ci n’ont joué aucun rôle actif ».

332 Dans cette hypothèse, la victime d’un accident subit un dommage causé par une chose (le télésiège) lors de l’exécution d’un contrat.

333 Civ., 1ère, 11 mars 1986, Bull. civ. I, n° 65 ; R.T.D.civ., 1986, p. 767 et s., obs. J. Huet.

334 Sur ce point, v. supra n°s 89 et s.

335 En ce sens, v. not. J. Huet, obs. sur Civ., 1ère, 11 mars 1986, R.T.D.civ., 1986, p. 767 et s.

336 V. not. Chambéry, 29 novembre 1989, Juris-Data n° 049931 – Grenoble, 14 mai 1990, Juris-Data n° 042592 – 21 mars 1994, Juris-Data, n° 043897.

337 Civ., 1ère, 4 juillet 1995, J.C.P., 1996, II, 22620, note G. Paisant et Ph. Brun ; D., 1997, somm. comm., p. 190 et s., obs. J. Mouly.

338 Précisément le deuxième arrêt (Mme Nercessian c/ SA SAMDA et a.) qui seul illustre un dommage causé par une chose lors de l’exécution d’un contrat.

1986, au rôle actif de l’usager au départ de l’appareil. Surtout, la Haute juridiction a rappelé au visa de l’article 1147 du Code civil que « l’exploitant d’un appareil de remontée mécanique du type télésiège est contractuellement tenu d’assurer la sécurité des utilisateurs ».

Or, si ce texte fait référence à la responsabilité contractuelle, il vise aussi classiquement l’obligation de résultat339. En d’autres termes, la Cour de cassation a affirmé l’existence d’une obligation de sécurité de résultat à la charge de l’exploitant d’un télésiège sans mentionner clairement un critère et sans procéder à un découpage du contrat.

Beaucoup moins ambiguë mais à nouveau contradictoire a été la décision rendue par la Haute juridiction le 10 mars 1998340. La première chambre civile y a clairement décidé au visa de l’article 1147 du Code civil que « si l’obligation de sécurité pesant sur l’exploitant d’un télésiège est de résultat pendant le trajet, elle n’est plus que de moyens lors des opérations d’embarquement et de débarquement, en raison du rôle actif qu’y tiennent les usagers ». Revenant à la jurisprudence de 1986, la Cour de cassation a donc à nouveau procédé à un découpage du contrat en tenant compte du comportement de la victime afin de déterminer l’intensité de l’obligation de sécurité de l’exploitant d’un télésiège.

Cette jurisprudence a été confirmée, notamment le 11 juin 2002341. Elle a également été précisée puisque la Haute juridiction y a défini le débarquement « comme le moment où l’usager doit quitter le siège sur lequel il est installé ». Or cette information est importante car la phase du contrat est le critère sur lequel s’est appuyée la Cour de cassation pour déterminer la nature de l’obligation en question. Certes, les juges n’ont pas clairement fait référence au comportement de l’usager. Celui-ci y a toutefois été sous-entendu.

La jurisprudence relative à la nature de l’obligation de sécurité de l’exploitant d’un télésiège a donc été pour le moins hésitante. Utilisant parfois un critère explicite et classique (l’aléa au travers du rôle de la victime) et procédant alors à un découpage du contrat, la Cour de cassation a en effet d’autres fois unifié l’intensité de l’obligation en question sans s’appuyer sur un critère précis, du moins de manière claire.

111. Certes, la jurisprudence dans ce domaine paraît fixée depuis 1998. Par ailleurs, ces incohérences restent limitées à certaines matières, minoritaires342.

339 Sur ce point, v. supra n° 77.

340 Civ., 1ère, 10 mars 1998, Les Petites Affiches, 1998, n° 118, p. 23 et s., note F. Gauvin.

341 Civ., 1ère, 11 juin 2002, Les Petites Affiches, 2003, n° 108, p. 12 et s., note D. Cochet ; n° 133, p. 14 et s., note D. R. Martin ; J.C.P., 2003, I, 152, n° 13 et s., obs., G. Viney.

342 C’est notamment le cas de l’obligation de sécurité de l’exploitant d’un remonte-pente, d’un parc zoologique, d’un club de vacances. Sur ces questions, v. not. G. Viney et P. Jourdain, Traité de droit civil sous la direction de J. Ghestin, « Les conditions de la responsabilité », L.G.D.J., 3e éd., 2006, spéc. n° 552, p. 547 et s.

Ces hésitations n’en génèrent pas moins une incertitude quant au critère de distinction, par suite, quant à la nature de l’obligation de sécurité dans ces hypothèses de dommages causés par une chose lors de l’exécution d’un contrat. Or cela n’est pas sans entacher l’efficacité de cette mesure car l’incertitude juridique est néfaste, tant pour le droit des obligations que pour les victimes, dès lors qu’il est impossible de prévoir les règles applicables et ainsi l’issue d’un litige dans ce domaine343. D’ailleurs, un tel contexte se révèle d’autant plus nuisible aux victimes que dans les rares domaines où la qualification d’obligation de sécurité de résultat est maintenue, non seulement il n’est pas sûr que cette solution soit conservée à long terme, mais c’est encore incertain à plus brève échéance tant les hésitations sont réelles et les explications difficilement envisageables.

Quand bien même la jurisprudence de 1986, appliquée depuis 1998, serait celle définitivement adoptée par la Haute juridiction, le domaine des dommages causés par une chose lors de l’exécution d’un contrat n’en susciterait pas moins des interrogations. Pour illustration, comment expliquer que l’exploitant d’un télésiège, dont la fonction est finalement de transporter un usager, ne soit tenu qu’à une obligation de sécurité de moyens pendant les phases de débarquement et d’embarquement alors qu’une compagnie de chemins de fer reste tenue à une obligation de sécurité de résultat pendant ces périodes344? L’usager d’un télésiège aurait-il un rôle plus actif que celui d’un train à ces moments ? Cela est difficile à admettre.

Le critère de distinction serait-il alors différent ? Il n’est guère possible de se prononcer sur ce point tant la Cour de cassation se montre peu loquace quant au critère employé en matière de transport de personnes. De fait, en n’imposant qu’une obligation de sécurité de moyens à l’exploitant d’un télésiège pendant les phases d’embarquement et de débarquement, la Cour de cassation n’adopte qu’en partie le raisonnement qu’elle a inauguré en 1969, ce qui est difficile à comprendre tant ces matières paraissent similaires345. Aujourd’hui, les usagers des transports de loisirs en question sont donc nettement moins protégés que ceux de certains transports classiques alors qu’il paraît plus facile de subir un dommage au moment du débarquement ou embarquement d’un télésiège, rarement statique pendant ces phases, contrairement à un train. Les contrats de loisirs seraient-ils moins protecteurs de leurs

343 Même s’il est vrai que de manière globale on peut difficilement prévoir à l’avance l’issue d’un litige.

344 En effet, aux termes de son arrêt rendu le 1er juillet 1969, la Cour de cassation a décidé au visa de l’article 1147 du Code civil que « l’obligation de conduire le voyageur sain et sauf à destination résultant de cet article n’existe à la charge du transporteur que pendant l’exécution du contrat de transport, c’est-à-dire à partir du moment où le voyageur commence à monter dans le véhicule et jusqu’au moment où il achève d’en descendre ».

344 En effet, aux termes de son arrêt rendu le 1er juillet 1969, la Cour de cassation a décidé au visa de l’article 1147 du Code civil que « l’obligation de conduire le voyageur sain et sauf à destination résultant de cet article n’existe à la charge du transporteur que pendant l’exécution du contrat de transport, c’est-à-dire à partir du moment où le voyageur commence à monter dans le véhicule et jusqu’au moment où il achève d’en descendre ».