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ARTICLES 1386-1 ET SUIVANTS DU CODE CIVIL

RECOURS AU DROIT DE LA RESPONSABILITE EXTRA- EXTRA-CONTRACTUELLE

ARTICLES 1386-1 ET SUIVANTS DU CODE CIVIL

297. L’expression latine sui generis est bien connue en droit français des obligations : signifiant « De son propre genre », elle « Qualifie le contrat, l’institution, le mécanisme qui échappe, en raison de sa nature originale, au classement dans une catégorie et constitue un genre en soi »654. La responsabilité sui generis est donc une responsabilité spécifique, à part.

298. L’expression responsabilité sui generis n’est guère répandue655, non que le mécanisme existe peu, mais parce que d’autres vocables sont souvent employés pour désigner celui-ci. De fait, on parle davantage à cet égard de responsabilité légale656, générale657, ou bien encore de l’autonomie658 d’une responsabilité qui transcende la dichotomie délictuelle / contractuelle659.

Les termes sui generis semblent pourtant les plus appropriés pour désigner la responsabilité dont il va être ici question. D’une part, ce mécanisme est réellement un système doté d’une spécificité, au moins à ce titre. D’autre part, les autres désignations ne sont guère satisfaisantes : tout d’abord, cette responsabilité est légale et autonome, comme beaucoup d’autres, qu’on ne qualifie pourtant pas comme telles660…ensuite, si générale soit-elle, cette responsabilité n’en génère pas moins un régime particulier qu’on ne peut appliquer qu’à un domaine spécifique ; enfin, cette responsabilité n’est pas transcendante, comme il le sera démontré ultérieurement661.

654 Lexique juridique, Expressions latines, Litec, 4e éd., 2006, par H. Roland.

655 Sur l’emploi de l’expression, v. not. C. Bloch , L’obligation contractuelle de sécurité, PUAM, 2002, préf. R.

Bout.

656 Pour illustration, v. not. Ph. Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munck, Les obligations, Defrénois, 3e éd., 2007, spéc. n° 301, p. 170.

657 Pour illustration, v. not. J. Flour, J.-L. Aubert et E. Savaux, Droit civil, « Les obligations 2. Le fait juridique », Sirey, 12e éd., 2007, spéc. n° 300, p. 327 et s.

658 Pour illustration, v. not. J. Carbonnier, Droit civil, T. IV, « Les obligations », P.U.F., 22e éd., 2000, spéc. n°

266, p. 479.

659 Pour illustration, v. not. F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil, « Les obligations », Dalloz, 9e éd., 2005, spéc. n° 987, p. 955.

660 On pense notamment à la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (J.O., 5 mars 2002, p. 4118 et s.).

661 Sur ce point, v. infra n°s 311 et s.

299. L’expression responsabilité sui generis fait ici référence à un phénomène assez récent : une responsabilité dont la spécificité réside dans le fait que ses règles s’appliquent de manière identique à toutes les victimes relevant de son domaine d’application, que celles-ci soient tiers ou cocontractantes662. Sans être fréquent, ce type de mécanisme est de plus en plus répandu. Le domaine des dommages contractuels causés par une chose en recèle d’ailleurs plusieurs : ceux issus des lois des 5 juillet 1985663 et 19 mai 1998664.

300. Certains pourraient être tentés d’affirmer que cette dernière loi, transposition française de la Directive communautaire du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux665, codifiée aux articles 1386-1 et suivants du Code civil, règle désormais, de manière favorable, la réparation des dommages causés par une chose lors de l’exécution d’un contrat. Il est vrai que le domaine de ce texte se veut assez vaste666.

Il ne peut pourtant être assimilé à celui des dommages en question667. Surtout, en dépit des nombreux avantages que l’on a coutume d’attribuer à ladite responsabilité, spécialement

662 Pour cette raison, il est apparu préférable d’aborder cette responsabilité dans ce chapitre consacré au droit positif extérieur au droit de la responsabilité contractuelle. Certes, la responsabilité ici encourue est de nature contractuelle. Toutefois, elle ne relève pas des règles du droit de la responsabilité contractuelle mais d’un droit spécifique s’appliquant tant aux victimes contractantes qu’aux tiers.

663 Loi dite Badinter, n° 85-677 du 5 juillet 1985, relative aux accidents de la circulation. Ce texte, qui concerne la réparation de dommages causés lors d’accidents de la circulation par des véhicules terrestres à moteur, concerne toutes les victimes.

664 Loi n° 98-389 du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, J.C.P., 1998, III, 20090. Pour un commentaire de la loi, v. not. F. Chabas, « La responsabilité pour défaut de sécurité des produits dans la loi du 19 mai 1998 », Gaz. Pal., 1998, 2, p. 2 et s. ; Y. Dagorne-Labbe, « La loi du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux », Defrénois, 1998, p. 1265 et s. ; J. Ghestin, J.C.P., 1998, I, 148 ; J. Huet, « Une loi peut en cacher une autre : mise en prespective de la loi sur la responsabilité du fait des produits défectueux », D. Affaires, 1998, p. 1160 et s. ; Ch. Jamin, R.T.D.civ., 1998, p. 763 et s. ; P. Jourdain, Resp. civile et Ass., 1998, chron. n° 16 ; Ch. Larroumet, « La responsabilité du fait des produits défectueux après la loi du 19 Mai 1998 », D., 1998, chron., p. 311 et s. ; G. Raymond, « Premières vues sur la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux », Contr. conc. cons., 1998, chron., p. 7 et s. ; J. Raynard, R.T.D.civ., 1998, p. 524 et s. ; F.-X. Testu et J.-H. Moitry, « La responsabilité du fait des produits défectueux, Commentaire de la loi 98-389 du 19 mai 1998 », D. Affaires, 1998, supplément au n° 25 ; G. Viney,

« L’introduction en droit français de la directive du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux », D., 1998, chron., p. 291 et s. V. également M. Bacache, « La loi n° 98-389 du 19 mai 1998, 10 ans après », Resp., civile et Ass., 2008, n° 5, p. 7 et s.

665 Directive 85/374 CEE, J.O.C.E., n° L-210, 7 août 1985, p. 29 et s.

666 Dans cette loi, dommages, produits, producteurs…sont entendus de manière relativement large (articles 1386-2, 1386-3, 1386-6…du Code civil). Pour illustration, ce texte s’applique notamment à une partie des dommages causés par le défaut d’un produit de santé, exclue du domaine de la responsabilité pour faute édictée à l’article L.

1142-1 du Code de la santé publique par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

667 La loi du 19 mai 1998 ne s’applique pas à la réparation de tous les dommages contractuels causés par une chose. Certaines limites sont légales. D’une part, le législateur a précisé plusieurs conditions nécessaires. Pour illustration, il est implicitement exigé que la chose, cause du dommage, ait été l’objet principal du contrat. En

au regard des difficultés posées par la réparation des préjudices en cause668, la loi du 19 mai 1998 ne satisfait pas vraiment.

301. Pour ces raisons, il est apparu opportun d’étudier cette évolution du droit qu’est la transposition de la Directive communautaire du 25 juillet 1985669, évolution initiée afin de faciliter la réparation de dommages causés par une chose lors de l’exécution d’un contrat670. Contrairement aux évolutions jusque là abordées, il n’est pas ici proposé de commencer par l’exposé des intérêts de cette initiative législative. Dès lors qu’elle n’en présente pas ou peu, il a en effet semblé inutile de s’y attarder671. Certains pourraient alors s’interroger sur les raisons d'aborder cette loi dans une partie consacrée à l’étude des évolutions du droit susceptibles de prendre en considération les particularités des dommages ici abordés, spécialement au regard

effet, il paraît difficile de pouvoir parler de mise en circulation lorsqu’un produit est simplement employé pour l’exécution d’une prestation (article 1386-5 du Code civil). D’aucuns voient dans une décision de la Cour de Justice des Communautés Européennes, interprétant la Directive du 25 juillet 1985, en date du 10 mai 2001 une extension du domaine d’application de cette responsabilité aux dommages causés par le défaut d’un produit utilisé lors d’une prestation de service (C.J.C.E., 10 mai 2001, R.T.D.civ., 2001, p. 898 et s., obs. P. Jourdain – p.

988 et s., obs. J. Raynard ; D., 2001, jurisp., p. 3065 et s., note P. Kayser). Néanmoins, on peut penser que la décision d’appliquer cette responsabilité du fait des produits défectueux à la fabrication et à l’utilisation par les médecins de produits défectueux à des fins thérapeutiques s’explique par les faits de l’espèce : l’action a été intentée contre la personne propriétaire et gestionnaire à la fois de l’hôpital ayant fabriqué le produit et de celui dans lequel ce dernier a été employé. En ce sens, v. not. J. Raynard, R.T.D.civ. 2001, p. 989 et s., spéc. p. 989.

Autrement dit,malgré cette décision de 2001, il semble que la loi du 19 mai 1998 ne vise que les dommages causés par une chose objet principal du contrat. En outre, l’article 1386-6 du Code civil écarte du domaine de la loi les rapports entre non-professionnels. D’autre part, le législateur a également précisé l’exclusion des personnes dont la responsabilité peut être recherchée sur la base des articles 1792-6 et 1646-1 du Code civil (article 1386-6 dudit Code). D’autres limites sont jurisprudentielles, à l’origine tout le moins. Pour illustration, le 25 avril 2002, la Cour de Justice des Communautés Européennes a condamné la République française, notamment pour avoir inclus dans l’article 1386-2 du Code civil les dommages inférieurs à 500 euros (C.J.C.E., 25 avril 2002, aff. C-52/00, Comm. c/ Rép. Fr., R.T.D.civ., 2002, p. 523 et s., obs. P. Jourdain ; D. 2002, p. 2462 et s., note Ch. Larroumet; D. 2003, somm. comm., p. 463 et s., obs. D. Mazeaud ; J. Calais-Auloy, « Menace européenne sur la jurisprudence française concernant l’obligation de sécurité du vendeur professionnel », D.

2002, chron., p. 2458 et s. ; G. Viney, « L’interprétation par la CJCE de la Directive du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux », J.C.P., 2002, I, 177). Depuis, le législateur français a introduit cette limite dans le Code civil (article 1386-2 alinéa 2) et un décret n° 2005-113 du 11 février 2005 a fixé à 500 euros le montant à partir duquel la loi s’applique dans cette hypothèse.

668 Sur ce point, v. supra n°s 4 et s.

669 Ni la loi du 5 juillet 1985 relative aux accidents de la circulation, ni les articles L. 221-1 et suivants du Code de la consommation concernant la conformité et sécurité des produits et services, textes modifiés récemment encore par l’Ordonnance n° 2008-210 du 22 août 2008 (J.O., 23 août 2008) qui a complété la transposition de la Directive n° 2001/95/CE du 3 décembre 2001 relative à la sécurité générale des produits (transposition engagée par une Ordonnance du 9 juillet 2004) ne seront ici abordés, alors que ces dispositions concernent, notamment, des dommages contractuels causés par une chose. En effet, tandis qu’elles s’avèrent globalement satisfaisantes (il a été décidé de n’aborder dans ces travaux que les échecs, plus nombreux), au regard des règles de responsabilité à tout le moins, les secondes édictent par ailleurs des règles de prévention.

670 Certes, cette loi a été votée avant tout pour transposer la Directive du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux. Il n’empêche que ce texte, à l’image de son prédécesseur communautaire, a pour objectif d’être favorable aux victimes concernées.

671 L’un des principaux et rares avantages de la loi de 1998 reste sa nature même, c’est-à-dire le fait de s’appliquer indifféremment aux victimes contractantes ou non. Cela permet une uniformisation de traitement, même si cette identité de règles peut susciter des critiques à certains égards (sur ce point, v. infra n°s 436 et s.).

de leur réparation. De fait, certaines des règles de cette nouvelle responsabilité du fait des produits défectueux correspondent tellement peu à l’image globalement véhiculée par ce mécanisme, qu’il est apparu nécessaire d’examiner ce texte. Il semble en effet important d’insister sur le fait que la loi du 19 mai 1998 n’est pas satisfaisante au regard de la réparation des dommages contractuels causés par une chose (II), contrairement à ce qui pourrait être pensé (I).

I – Un régime de responsabilité dit favorable aux victimes

302. Si l’on a coutume d’affirmer que la responsabilité du fait des produits défectueux issue de la loi du 19 mai 1998 est favorable aux victimes de dommages contractuels causés par une chose, c’est parce que de tels préjudices sont concernés (A). Surtout, cette responsabilité est dite objective (B).

A – La relation avec les dommages causés par une chose lors de l’exécution d’un contrat

303. Le lien entre la loi du 19 mai 1998 et les dommages étudiés dans ces travaux ne soulève guère de difficulté. D’une part, l’intitulé même du texte, responsabilité du fait des produits défectueux, laisse clairement entendre que la loi concerne la réparation de dommages causés par une chose. Certes, celle-ci est ici particulière puisqu’il s’agit d’un produit défectueux. Cela n’enlève toutefois rien à la qualification en question, même si le terme produit semble être entendu de manière assez large672. D’autre part, aux termes de l’article 1386-1 du Code civil, « Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat à la victime ». Autrement dit, la loi du 19 mai 1998 vise notamment des victimes contractantes. Ce texte concerne donc, entre autres, des dommages causés lors de l’exécution d’un contrat.

672 Il a été dit précédemment que les animaux doivent être exclus du domaine des choses (sur ce point, v. supra n° 28). Or il est précisé à l’article 1386 –3 du Code civil que sont visés par cette loi notamment les produits de chasse et de pêche. Cela étant, ces derniers font par principe référence à des animaux inanimés, donc des choses.

304. Si la loi du 19 mai 1998 vise des dommages contractuels causés par une chose, il ne faut toutefois pas en conclure que le domaine de ce texte correspond à l’ensemble de ces préjudices. Comme cela a déjà été précisé, ces dispositions ont en effet un champ plus limité et ne concernent que certains des dommages contractuels causés par une chose, en raison de limitations légales ou jurisprudentielles673.

305. Quand bien même cette transposition française de la Directive du 25 juillet 1985 serait intéressante, du fait du caractère objectif de la responsabilité qui en est issue, elle ne pourrait donc l’être qu’à l’égard de certains dommages causés par une chose lors de l’exécution d’un contrat.

B – Le caractère objectif de la responsabilité

306. La responsabilité du fait des produits défectueux issue de la loi du 19 mai 1998 est dite objective. La doctrine s’accorde sur ce point674.

307. C’est au cours du XIXe siècle, en pleine révolution industrielle, que la responsabilité objective a été essentiellement introduite dans notre droit675. Imprégnés par un nouveau phénomène désigné aujourd’hui par le terme victimisation, certains auteurs, suivis de juges puis du législateur, ont tenté de substituer, dans les situations les plus délicates pour les victimes, une responsabilité objective à celle subjective jusque là en vigueur dans notre société.

Cette nouvelle institution n’était pas sans présenter un réel avantage pour les victimes : obligées jusque là d’établir une faute de la personne dont elles voulaient engager la responsabilité, elles se trouvaient épargnées de cette charge lorsque les règles appliquées

673 Sur ce point, v. supra n° 200.

674 En ce sens, v. not. J. Huet, « Une loi peut en cacher une autre : mise en perspective de la loi sur la responsabilité du fait des produits défectueux, D. Affaires, 1998, p. 1160 et s. – F.-X. Testu et J.-H. Moitry, « La responsabilité du fait des produits défectueux, Commentaire de la loi 98-389 du 19 mai 1998 », D. Affaires, 1998, supplément au n° 25.

675 Sur ce point, v. supra n°s 4 et s.

étaient celles d’une responsabilité objective676, ce qui n’est pas sans intérêt quand on connaît les difficultés en présence de dommages contractuels causés par une chose677.

308. En quoi la loi du 19 mai 1998 peut-elle être considérée comme un texte générateur d’une telle responsabilité, si intéressante pour les victimes en bénéficiant ? De fait, aux termes de l’article 1386-9 du Code civil, « Le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ». Autrement dit, la mise en œuvre de la responsabilité du fait des produits défectueux nécessite la réunion de trois conditions : un dommage, un défaut du produit et un lien de causalité entre les deux. Il n’est donc fait explicitement référence à aucune faute établie par la victime ; les juges saisis d’une action fondée sur la loi du 19 mai 1998 paraissent ne pas avoir à apprécier le comportement du producteur ; cette nouvelle responsabilité repose sur une condition dont l’appréciation semble dépendre d’éléments bien plus objectifs à l’image du défaut du produit, de la cause du dommage.

309. Tel était déjà le cas, évidemment, de la responsabilité édictée par la Directive communautaire du 25 juillet 1985678, dès lors que la loi du 19 mai 1998 en constitue la transposition française. La jurisprudence rendue sous l’influence de ladite Directive dans l’attente du vote de la loi a par ailleurs également opté pour une telle responsabilité dans les domaines concernés par le texte679.

310. En tant que responsabilité officiellement détachée de toute faute, la responsabilité du fait des produits défectueux issue de la loi du 19 mai 1998 devrait donc se révéler avantageuse pour les victimes visées et ainsi écarter la principale difficulté posée par les dommages en cause : la preuve d’un fait de l’homme en présence de l’intervention d’une

676 D’où la terminologie responsabilité subjective / responsabilité objective : tandis que dans la première, les juges procèdent à un examen du comportement de la personne actionnée en responsabilité, dans la seconde, l’appréciation est faite en dehors de tout élément propre aux individus en cause. De fait, la responsabilité subjective présente deux inconvénients au moins pour le demandeur : le risque que l’appréciation du comportement varie d’un juge à l’autre et surtout la difficulté de la preuve de la faute.

677 Sur ce point, v. supra n°s 4 et s.

678 Aux termes de l’article 4 de ladite directive, le demandeur doit établir « le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ». Autrement dit, aucune faute n’est exigée, ce qui n’est pas étonnant quand on sait que ce texte avait notamment pour but de mettre en place un régime favorable pour les victimes.

679 On pense notamment à la jurisprudence ayant consacré une obligation de sécurité à la charge du vendeur. Sur ce point, v. supra n° 60.

chose680. Ce concept devrait donc se révéler satisfaisant au regard de la question de la réparation de ces préjudices. Tel n’est pourtant pas le cas.

II – Un régime de responsabilité réellement contraignant pour les victimes

311. La loi du 19 mai 1998 ne paraît pas favorable aux victimes des produits défectueux, par suite à celles visées dans ces travaux. Cela tient tant à certaines conditions de mise en œuvre (A) qu’à une cause d’exonération (B).

Ces différents aspects du texte, principales critiques de la responsabilité du fait des produits défectueux, amènent donc à penser que ladite loi, bien que clairement initiée dans le but de faciliter la réparation desdits préjudices, soulève in fine certaines incompréhensions de nature à faire obstacle à la réalisation de son objectif.

A – Les conditions de mise en œuvre

312. Les conditions de mise en œuvre de la responsabilité du fait des produits défectueux paraissent intéressantes pour les victimes, dans la mesure où celles-ci n’ont pas à supporter officiellement la preuve d’une faute. La loi du 19 mai 1998 n’est pourtant pas sans susciter des critiques à leur égard, précisément en ce qui concerne le défaut du produit (1) et les délais impartis (2).

1 – Le défaut du produit

313. A l’image de la Directive communautaire de 1985681 et de la jurisprudence de la Cour de cassation influencée par ce texte, notamment en matière de vente682, la loi du 19 mai

680 Sur ce point, v. supra n° 5.

681 Aux termes de l’article 4 de ladite directive, la victime doit établir « le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ».

1998 soumet la responsabilité du fait des produits défectueux à l’existence, entre autres, d’un défaut du produit, défaut ayant causé le dommage683. Aux termes de l’article 1386-4 alinéa 1 du Code civil, un produit est considéré comme défectueux au sens de la loi « lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre ». La formule n’est pas inconnue puisqu’elle a déjà été employée, notamment dans la Directive du 25 juillet 1985684. Que faut-il entendre par là ?

S’il paraît évident de penser que le défaut de sécurité ici visé ne correspond pas à un vice intrinsèque du produit685 (tel peut être le cas, mais pas nécessairement), car le défaut en question est un défaut de sécurité, ce qui fait davantage référence à une conception fonctionnelle de la notion, comment entendre la sécurité ici visée ? Assez succincte686, la définition donnée à l’article précité délivre toutefois deux indices importants. D’une part, la sécurité visée correspond à un standard que les juges doivent apprécier à partir d’éléments objectifs et non subjectifs. L’emploi du pronom indéfini on ne fait en effet aucun doute sur ce point : les magistrats doivent comparer la sécurité de l’espèce à celle qu’un homme moyen aurait attendue et non à celle que la victime souhaitait. D’autre part, le législateur a précisé

S’il paraît évident de penser que le défaut de sécurité ici visé ne correspond pas à un vice intrinsèque du produit685 (tel peut être le cas, mais pas nécessairement), car le défaut en question est un défaut de sécurité, ce qui fait davantage référence à une conception fonctionnelle de la notion, comment entendre la sécurité ici visée ? Assez succincte686, la définition donnée à l’article précité délivre toutefois deux indices importants. D’une part, la sécurité visée correspond à un standard que les juges doivent apprécier à partir d’éléments objectifs et non subjectifs. L’emploi du pronom indéfini on ne fait en effet aucun doute sur ce point : les magistrats doivent comparer la sécurité de l’espèce à celle qu’un homme moyen aurait attendue et non à celle que la victime souhaitait. D’autre part, le législateur a précisé