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LA PORTEE D’UNE RESPONSABILITE CONTRACTUELLE DU FAIT AUTONOME DES CHOSES

DU FAIT DES CHOSES ?

SECTION 2 LA PORTEE D’UNE RESPONSABILITE CONTRACTUELLE DU FAIT AUTONOME DES CHOSES

227. Cette évolution du droit de la responsabilité contractuelle initiée par les juges dans le but clairement affiché de faciliter la réparation de dommages causés par une chose lors de l’exécution d’un contrat aurait pu se révéler intéressante et pallier certaines des difficultés présentées par ces préjudices, spécialement la complexité de prouver un fait de l’homme lorsqu’un objet est intervenu dans la commission d’un dommage536 (I). Cette initiative a pourtant progressivement révélé ses limites (II), confortant l’intérêt de son étude dans le cadre de nos travaux.

532 Civ., 1ère,17 janvier 1995, Resp. civile et Ass., 1995, chron. n° 16, par H. Groutel ; D., 1995, jurisp., p. 350 et s., note P. Jourdain ; R.T.D.civ., 1995, p. 631 et s., obs., P. Jourdain ; R.G.A.T., 1995, p. 529 et s., obs. Ph. Rémy

; J.C.P., 1995, I, 3853, n°s 9 et s., obs. G. Viney.

533 Sur ce point, v. supra n°s 47 et s.

534 Civ., 1ère,17 janvier 1995, Resp. civile et Ass., 1995, chron. n° 16, par H. Groutel ; D., 1995, jurisp., p. 350 et s., note P. Jourdain ; R.T.D.civ., 1995, p. 631 et s., obs., P. Jourdain ; R.G.A.T., 1995, p. 529 et s., obs. Ph. Rémy

; J.C.P., 1995, I, 3853, n°s 9 et s., obs. G. Viney.

535 Sur ce point, v. supra n°s 4 et s.

536 Si l’on fait abstraction du fait que, pratiquement, le fait d’une chose ne peut sérieusement être considéré comme autonome. Sur ce point, v. infra n°s 408 et s.

I – Un intérêt probatoire renforcé

228. Consacrée, semble-t-il, en 1995 par la Cour de cassation (A), la responsabilité contractuelle du fait des choses aurait pu nettement faciliter la demande en réparation de la victime du dommage causé par un objet lors de l’exécution d’un contrat (B).

A – L’arrêt du 17 janvier 1995

229. C’est par un arrêt rendu par sa première chambre civile le 17 janvier 1995 (arrêt Planet Wattohm)537 que la Cour de cassation aurait consacré la responsabilité contractuelle du fait des choses538. Alors qu’elle jouait dans la cour d’une école privée, une fillette de quatre ans a été blessée à l’œil par la rupture d’un cerceau en plastique habituellement utilisé dans l’établissement pour les exercices de psychomotricité. Le cerceau avait été acheté par l’école à la société Lafoly et de Lamarzelle qui elle-même l’avait acquis d’un distributeur, la société Armand Colin et Bourrelier qui l’avait fait fabriquer par une société qui en était également le concepteur, la société Omniplast absorbée par la société Planet Wattohm. Les parents de l’enfant victime ont demandé réparation du dommage causé par le cerceau lors de l’exécution du contrat d’enseignement au fabricant, au distributeur et au revendeur intermédiaire ainsi qu’à l’école et à son assureur.

230. Par un arrêt rendu le 29 janvier 1993, la Cour d’appel de Paris a condamné la société Armand Colin, distributeur, et la société Planet Wattohm, fabriquant, à indemniser la fillette tandis que la société Lafoly et de Lamarzelle et l’école privée ont été mises hors de

537 Civ., 1ère,17 janvier 1995, Resp. civile et Ass., 1995, chron. n° 16, par H. Groutel ; D., 1995, jurisp., p. 350 et s., note P. Jourdain ; R.T.D.civ., 1995, p. 631 et s., obs., P. Jourdain ; R.G.A.T., 1995, p. 529 et s., obs. Ph. Rémy

; J.C.P., 1995, I, 3853, n°s 9 et s., obs. G. Viney

538 Selon certains auteurs, la Cour de cassation aurait déjà transposé dans le domaine contractuel une responsabilité du fait des choses analogue à celle qui a été créée en matière délictuelle sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1 du Code civil dans un arrêt rendu par sa troisième chambre civile le 27 février 1979 : Civ., 3, 27 février 1979, Bull. civ. III, n° 50 (en ce sens, G. Viney et P. Jourdain, Traité de droit civil sous la direction de J. Ghestin, « Les conditions de la responsabilité », L.G.D.J, 3e éd., 2006, spéc. n° 745 p. 796).Toutefois, s’il est exact que dans cette décision la Haute juridiction a retenu la responsabilité contractuelle d’un entrepreneur en raison, notamment, de la garde du local où son ouvrier travaillait seul au moment de la réalisation du dommage, il n’empêche que la Cour de cassation n’a pas explicitement parlé de responsabilité contractuelle du fait des choses, alors qu’elle en avait l’occasion. En outre, cet arrêt n’a eu aucun écho.

cause. En outre, la société Planet Wattohm a été condamnée à garantir totalement la société Armand Colin et Bourrelier. En ce qui concerne son refus de retenir la responsabilité de l’école, partie de l’arrêt directement concernée par la consécration de la responsabilité contractuelle du fait des choses539, la Cour d’appel de Paris s’est appuyée sur le fait qu’il n’avait pas été prouvé que l’accident avait été la conséquence d’une faute commise par l’école dans l’exécution de ses obligations contractuelles.

231. La société Planet Wattohm, la société Armand Colin et Bourrelier et les époux Morice, parents de la victime, ont alors formé chacun un pourvoi contre ce refus de déclarer l’école privée responsable. Selon eux, la cour d’appel avait notamment violé les articles 1135 et 1147 du Code civil car l’établissement d’enseignement était tenu d’une obligation de sécurité l’obligeant à indemniser tous les dommages causés par une faute de surveillance du personnel ou bien par un vice du matériel mis à disposition.

232. Quelle était la nature de l’obligation de sécurité de l’établissement d’enseignement au regard des choses employées pour l’exécution de son obligation principale ? Telle était donc l’une des questions auxquelles la Cour de cassation a eu à répondre dans cette affaire.

Les intérêts de ce problème de droit étaient multiples. Sur un plan pratique, il s’agissait de savoir s’il était nécessaire d’établir une faute de l’école pour obtenir réparation du dommage (en cas d’obligation de moyens, position des juges d’appel, cette preuve était nécessaire ; en cas d’obligation de résultat, position des demandeurs au pourvoi, cette preuve était inutile). Sur un plan plus théorique, la question présentait l’intérêt de situer cette hypothèse par rapport à l’évolution de la nature de l’obligation de sécurité (une obligation de moyens confirmait le mouvement d’affaiblissement de l’intensité de cette obligation ; une obligation de résultat illustrait une résistance du domaine au mouvement précité).

Jusque là, l’obligation de sécurité des établissements d’enseignement n’était guère favorable aux victimes puisqu’elle semblait être de moyens540. En d’autres termes, il appartenait aux créanciers d’établir un manquement du débiteur. Or une telle solution était critiquable541.

539 Dans cette partie consacrée à la responsabilité contractuelle du fait des choses, il n’est pas apparu opportun de s’attarder sur les autres aspects de l’arrêt.

540 En ce sens, v. not. Civ., 1ère, 13 février 1979, Bull. civ. I, n° 59 – P. Jourdain, D., 1995, jurisp., p. 350 et s., spéc. p. 354.

541 Sur ce point, v. supra n°s 84 et s.

233. La Haute juridiction a cassé pour violation de textes l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris. Au visa des articles 1135 et 1147 du Code civil, la Cour de cassation a affirmé en des termes généraux que « contractuellement tenu d’assurer la sécurité des élèves qui lui sont confiés, un établissement d’enseignement est responsable des dommages qui leur sont causés non seulement par sa faute mais encore par le fait des choses qu’il met en œuvre pour l’exécution de son obligation contractuelle ».

234. Si certains pourraient penser que la Cour de cassation a consacré dans cette décision une responsabilité contractuelle du fait autonome des choses et non une obligation de sécurité de résultat, ce serait très probablement en raison de la formule employée, formule qui ressemble beaucoup à celle rattachée à l’article 1384 alinéa 1 du Code civil542, expression communément entendue comme faisant référence à un fait autonome543. Il existerait néanmoins une différence importante : tandis que la responsabilité extra-contractuelle du fait des choses est associée à la notion de garde de l’objet544, celle de la matière contractuelle resterait liée à la mise en œuvre de celui-ci pour l’exécution d’une obligation. En d’autres termes, serait tenue pour contractuellement responsable d’un dommage causé par une chose la personne ayant employé cette dernière pour exécuter son obligation contractuelle545. La relation exigée entre l’objet, cause du dommage, et le responsable ne serait donc pas une maîtrise matérielle, mais une décision d’utiliser la chose pour l’exécution de sa prestation contractuelle. D’ailleurs, outre le fait que la formule employée par les juges est explicite à cet égard, une application des règles relatives à la garde n’aurait certainement pas pu aboutir à une responsabilité de l’école546.

542 Aux termes dudit texte, « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ».

543 Sur la question, v. not. F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil, « Les obligations », Dalloz, 9 éd., 2005, spéc. n°s 745 et s., p. 727 et s.- A. Bénabent, Droit civil, « Les obligations », Montchrestien, 11e éd., 2007,spéc. n°s 602 et s., p. 424 et s.- Ph. Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munck, Les obligations, Defrénois, 3e éd., 2007, spéc. n°s 187 et s., p. 96 et s.- Ph. Malinvaud, Droit des obligations, Litec, 10e éd., 2007,spéc. n°s 607 et s., p. 442 et s.

544 Sur la question, v. not. F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil, « Les obligations », Dalloz, 9e éd., 2005, spéc. n°s 745 et s., p. 727 et s.- A. Bénabent, Droit civil, « Les obligations », Montchrestien, 11e éd., 2007,spéc. n°s 602 et s., p. 424 et s.- Ph. Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munck, Les obligations, Defrénois, 3e éd., 2007, spéc. n°s 187 et s., p. 96 et s.- Ph. Malinvaud, Droit des obligations, Litec, 10e éd., 2007, spéc. n°s 607 et s., p. 442 et s.

545 Si la chose a été employée par une autre personne, chargée de réaliser la prestation, le cocontractant initial reste responsable du fait de la chose, sauf si cette autre personne a pris l’initiative d’utiliser une chose sans lien avec lui.

546 A considérer le cerceau comme une chose ayant un dynamisme propre et par application de la distinction garde de la structure / garde du comportement, c’est le fabricant, en tant que gardien de la structure de la chose, qui devrait être tenu pour responsable du dommage causé par le vice interne du cerceau. Sur cette distinction, v.

235. Consacrée, semble-t-il, en 1995 par la Cour de cassation, la responsabilité contractuelle du fait des choses a donc immédiatement rappelé celle rattachée à l’article 1384 alinéa 1 du Code civil en dépit de certaines différences flagrantes. Ces dissemblances n’auraient toutefois pas empêché cette évolution du droit de la responsabilité contractuelle de se révéler intéressante au regard de la question de la réparation de dommages causés par une chose lors de l’exécution d’un contrat.

B – L’allègement renforcé de la charge probatoire

236. Avant de présenter les intérêts que pourrait présenter cette responsabilité, peut-être serait-il opportun d’établir le lien avec le sujet. Est-ce cependant vraiment utile ? Non pas que ce lien n’est pas nécessaire, mais il paraît ici assez évident : outre le fait que l’arrêt Planet Wattohm illustre un dommage causé par une chose lors de l’exécution d’un contrat, il semble difficile d’envisager une responsabilité contractuelle du fait des choses dans une hypothèse autre que celle d’un préjudice causé par un objet lors de l’exécution d’une convention. La responsabilité contractuelle consacrée en 1995 concerne donc ces dommages, du moins certains d’entre eux.

237. Accueillie globalement de manière favorable547, cette initiative prétorienne aurait pu être intéressante pour les victimes de dommages causés par une chose lors de l’exécution d’un contrat. Ces avantages auraient été principalement au nombre de deux et très nettement liés l’un à l’autre.

not. B. Starck, H. Roland et L. Boyer, Obligations, « 1. Responsabilité délictuelle », Litec, 4e éd., 1991, spéc. n°s 574 et s., p. 259 et s.

547 En ce sens, v. not. D. Mazeaud, « Le régime de l’obligation de sécurité », Gaz. Pal., 1997, 2, p. 1201 et s., spéc. n° 27, p. 1206 et s. Selon cet auteur, tout d’abord, une telle règle permettrait une meilleure prévisibilité car elle mettrait fin à certaines difficultés telles que la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat et la répartition des domaines de responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle. Ensuite, une responsabilité contractuelle du fait des choses permettrait une égalité de traitement des victimes de dommages causés par une chose. Enfin, une telle règle de droit préserverait un certain équilibre dans la prise en compte des intérêts de chacun.

Contra, v. not. Ph. Rémy, « Nouveaux développements de la responsabilité civile », R.G.A.T., 1995, p. 529 et s., spéc. p. 535 et s. Considérant la responsabilité contractuelle comme un faux concept, cet auteur propose de redonner à la responsabilité délictuelle du fait des choses la compétence de régir de tels dommages causés lors de l’exécution d’un contrat.

238. D’une part, cette responsabilité contractuelle du fait des choses équivaudrait, en termes de charge probatoire, au passage d’une obligation de sécurité de moyens de l’établissement d’enseignement à une obligation de sécurité de résultat de celui-ci. Le concept consacré semble en effet avoir été totalement détaché de tout manquement du cocontractant dès lors que la Cour de cassation a cassé la décision de la cour d’appel qui avait exigé une faute. La Haute juridiction a d’ailleurs rendu sa décision au visa, notamment, de l’article 1147 du Code civil.

239. D’autre part, une responsabilité contractuelle du fait autonome des choses présenterait un avantage en comparaison avec une obligation de sécurité de résultat. La nature d’une obligation, par suite d’une obligation de sécurité, n’est jamais acquise ; elle peut évoluer. Or, si cela ne pose guère de problème en ce qui concerne les obligations de moyens (bien au contraire car, hormis l’instabilité du droit, la transformation d’une telle obligation en une obligation de résultat ne présente que des avantages pour le créancier-victime), il n’en est pas de même des obligations déterminées. En effet, plus vraisemblable au regard de l’évolution de la distinction de Demogue ces dernières années548, cette transformation est également plus fâcheuse, d’un point de vue probatoire, pour le créancier-victime. Par conséquent, si un passage de l’obligation de sécurité de moyens de l’école en une obligation de sécurité de résultat reste intéressant, il n’empêche qu’il existe toujours ce risque d’évolution inverse, par suite de retour au statu quo ante. Or, outre l’instabilité du droit positif, un tel mouvement jurisprudentiel est défavorable, spécialement aux victimes de dommages causés par une chose lors de l’exécution d’un contrat. Les risques seraient limités avec ce nouveau concept549.

240. Une dichotomie faute / fait des choses présenterait donc des avantages par comparaison avec la distinction obligation de moyens / obligation de résultat, dès lors qu’elle renforcerait l’avantage probatoire procuré à la victime. Encore faudrait-il cependant qu’elle soit perpétuée. En effet, dans le cas contraire, l’efficacité de cette initiative prétorienne serait nettement limitée. De fait, tel est le cas.

548 Sur ce point, v. supra n°s 84 et s.

549 D’ailleurs, peut-être était-ce l’objectif de la Cour de cassation ? Certes, un revirement mettant fin à une responsabilité contractuelle du fait des choses est toujours envisageable. En outre, le régime, imprécis, de ce concept peut également évoluer. Néanmoins, la provocation avec laquelle la Cour de cassation semble avoir consacré cette règle de droit, laisse penser que les risques et conséquences néfastes de tels phénomènes restent limités.

II - Une portée limitée

241. En dépit de l’engouement généré par elle, la responsabilité contractuelle du fait des choses en question n’a toujours pas été confirmée, ce qui n’est pas sans porter atteinte aux bienfaits qu’elle aurait pu procurer au regard de la question ici posée (B). Quand bien même cette initiative aurait été perpétuée, il n’empêche que son domaine d’application aurait été limité (A).

A – Le domaine d’application restreint

242. Plusieurs limites au domaine d’application de cette responsabilité resteraient à ce jour incertaines et pourraient expliquer l’absence de confirmation de cette jurisprudence550. D’autres restrictions présenteraient en revanche un degré de certitude nettement plus élevé.

Ces limites en seraient d’autant plus critiquables.

243. La limite au champ d’application de cette responsabilité la plus clairement exprimée serait certainement celle concernant la chose, cause du dommage. En consacrant une telle responsabilité contractuelle, la Cour de cassation se devait de préciser quelles choses relèveraient du domaine d’application de cette règle de droit favorable aux victimes. De fait, deux possibilités s’offraient à elle : opter pour une catégorie restreinte et par suite tenter de concilier les intérêts du créancier et ceux du débiteur ou bien choisir une définition large favorisant ainsi nettement la victime au détriment du cocontractant. Le choix de la Cour de cassation semble s’être porté sur la première possibilité ; un aspect de l’arrêt, au moins, conforte cette idée.

244. Dans sa décision de 1995, la Haute juridiction a été claire : la responsabilité contractuelle consacrée par ses soins vise les « choses qu’il [ le débiteur] met en œuvre pour l’exécution de son obligation contractuelle ». Certes, le cerceau, cause du dommage, entre dans cette catégorie en tant que chose utilisée par l’école pour les exercices de

550 Sur ce point, v. infra n°s 248 et s.

psychomotricité dont elle est, entre autres, chargée. Toutefois, la généralité des termes employés dans la formule et cette précision dans l’attendu laissent penser que les Hauts magistrats ont entendu limiter l’application de cette responsabilité contractuelle. Autrement dit, certaines choses seraient exclues du domaine de cette responsabilité.

Cela serait critiquable. Si les dommages causés par une chose sont spécifiques551, ceux-ci ne présentent pas de différences rattachées au caractère accessoire ou principal de celle-ci. Cela s’explique par le fait que cette dernière peut être l’objet principal de certains contrats et un accessoire dans d’autres552. Comment alors justifier une différence, précisément de règles applicables à la réparation des dommages causés par elle ? D’ailleurs, cela serait d’autant plus gênant que si d’autres dispositions existaient pour ces hypothèses dans lesquelles la chose serait l’objet principal par exemple, celles-ci pourraient présenter certains inconvénients553. Les victimes concernées pourraient donc se voir appliquer des régimes de responsabilité plus ou moins favorables selon la place de la chose dans le contrat. Cela serait fâcheux.

245. La formule employée par la Cour de cassation dans l’arrêt de 1995 rend également possible une autre restriction quant à la chose, cause du dommage. En utilisant les termes « choses qu’il met [le débiteur] en œuvre pour l’exécution de son obligation contractuelle », les Hauts magistrats sont restés relativement vagues. En effet, que vise précisément cette formule, qui restreint déjà considérablement le nombre de choses concernées par cette règle de droit comme il vient d’être observé ? Plusieurs possibilités sont envisageables : il pourrait s’agir des choses stipulées au contrat, de celles strictement nécessaires à l’exécution de l’obligation contractuelle, de toutes choses jugées utiles par le débiteur pour la réalisation de sa prestation…Le choix serait vaste et le serait d’autant que l’arrêt ne renseigne guère sur ce point. En effet, s’il est peu probable que l’emploi du cerceau ait été stipulé au contrat, rien ne permet de savoir si les juges se sont fondés sur la nécessité de l’objet ou sur sa simple utilité pour décider de l’application de la responsabilité contractuelle

551 Sur ce point, supra n°s 4 et s.

552 J’achète un marteau dans un magasin ; l’entrepreneur à qui j’ai demandé de réaliser des travaux se procure le même et l’emploie pour exécuter sa prestation. Dans chacune des hypothèses, la chose est susceptible de me causer un dommage, en tant que chose principale dans le premier cas, chose accessoire dans le second.

553 Certes, à l’époque où cet arrêt a été rendu, la loi du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux (articles 1386-1 et suivants du Code civil) n’avait pas encore été votée. Néanmoins, quand bien même l’obligation de sécurité relative à la chose principale aurait été de résultat, ce qui n’était pas toujours le cas, celle-ci pouvait encore être affectée par le mouvement tendant à diminuer l’intensité de ces obligations accessoires.

en question dans cette hypothèse. D’ailleurs, il se pourrait que les magistrats se soient appuyés sur un autre critère554.

Il existe donc de nombreux doutes sur ce point555, doutes qui ne seraient pas sans conséquence puisque le domaine des choses visées par cette responsabilité contractuelle

Il existe donc de nombreux doutes sur ce point555, doutes qui ne seraient pas sans conséquence puisque le domaine des choses visées par cette responsabilité contractuelle