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Transferts énergétiques dans les cellules musculaires striées

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Dans les myofibrilles, lors de la contraction, le stock d’ATP est utilisé. Il se produit alors un déséquilibre dans le rapport ATP/ADP. Cet équilibre entre la consommation et la production d’énergie est restauré par la régénération et le transfert intracellulaire rapide de l'énergie sous l’action de systèmes enzymatiques spécialisés tels que la créatine kinase (CK) (Wallimann et al., 1992) et l’adénylate kinase (AK) (Dzeja & Terzic, 2003) (Figure 15), ou par la canalisation directe des nucléotides adenyliques (Kaasik et al., 2001).

Figure 15 : Présentation des différents systèmes de transfert énergétique AK & CK. (Modifée d’après, Source : de Dzeja & Terzic, 2003)

‐Introduction‐II‐  4.1-Le système créatine kinase (CK)

Le contrôle et le transfert d’énergie des cellules musculaires sont assurés en grande partie par la CK, mais son expression et son activité fonctionnelle sont variables en fonction des tissus (Ventura-Clapier et al., 1998). Cette enzyme catalyse de manière réversible la conversion d’ADP en ATP, via le transfert de liaison riche en énergie provenant de la PCr selon l’équation suivante.

ADP + PCr + H+ ÍÎ ATP + Cr

Il existe quatre monomères de CK (~41kDa) localisés au niveau des sites de production et d’utilisation d’énergie dans les muscles striés : Les sous-unités M (Muscle), B (Brain) forment des dimères MM-CK, MB-CK et BB-CK. L’isoenzyme MM-CK est principalement cytosolique et est également associée au sarcolemme, aux myofilaments et au réticulum endoplasmique, à proximité de la pompe NA+/K+ du sarcolemme, la myosine-ATPase et la CA2+-ATPase du RS respectivement (Minajeva et al., 1996; Rossi et al., 1990; Ventura-Clapier et al., 1998). Les deux sous-unités mitochondriales (mi-CK) situées sur la face externe de la membrane mitochondriale interne (Wallimann et al., 1992) sont exprimées soit ubiquitairement et majoritairement dans les muscles lisses et le cerveau (mi-CKu), soit spécifiquement dans les muscles striés (mi-CKs). On retrouve la mi-CK sous deux formes dimérique (~80kDa) ou octamérique (~330kda) (Fritz-Wolf et al., 1996; Payne & Strauss, 1994; Wallimann et al., 1992)).

Le système CK peut remplir différents rôles selon l’activité cellulaire et le type de métabolisme prédominant (Figure 16) (Saks et al., 1996; Wallimann et al., 1992). Il peut agir en tant que navette en transférant l’énergie entre les sites de production et d’utilisation (Joubert et al., 2002; Saks et al., 1994; Wallimann et al., 1992), par exemple dans le myocarde, ou comme système de tampon temporel et spatial de l’ATP en permettant la mobilisation rapide de l’énergie dans tous les compartiments cellulaires. Lors des contractions musculaires, des disparités d’énergie peuvent apparaître, la CK limite ces effets en contrôlant localement les concentrations en ADP et ATP et en mettant en relation ces pools d’ATP localisés aux différents sites d’utilisation et de production de l’énergie. Elle stimule également

l’énergie, ce qui contribue au maintien des activités ATPasiques et du gradient électrochimique mitochondrial.

Dans le muscle rapide, le système CK permet de maintenir un niveau élevé des réserves à haute énergie sous forme de PCr, tout en contrôlant la concentration en ATP. La fonction de tampon spatio-temporel est nécessaire lors d’une demande intense, rapide et brève de la contraction musculaire. La fonction navette du système CK ne fonctionne pas, car la respiration mitochondriale est sous la dépendance de l’ADP cytosolique et non celui produit localement par la mi-CK (Veksler et al., 1995).

Dans les muscles lents et le muscle cardiaque, l’organisation cellulaire et la présence de nombreuses mitochondries permettent un transfert d’énergie facilité par le système CK, et une adéquation rapide entre utilisation et production d’énergie, sans variation notable des concentrations cytosoliques des produits et des substrats, pour assurer une contractilité soutenue. Cette spécialisation des flux énergétiques est rendue possible par une faible perméabilité de la mitochondrie à l’ADP cytosolique, ainsi que par une forte activité de la CK mitochondriale dans ces muscles. Figure 16 : Présentation du système de transfert énergétique CK–PCr et des micro-domaines où agit la CK. (Source : Saks, 2006)

‐Introduction‐II‐  4.2-Les adénylates kinases (AK)

L’AK constitue un autre système de transfert d’énergie important dans la synthèse et l’homéostasie des nucléotides adényliques, mais aussi lors de la contraction musculaire (Savabi, 1994), via un couplage fonctionnel avec les sites producteurs et utilisateurs d’énergie (Dzeja & Terzic, 2003). Elle assure également un rôle dans la modulation du potentiel membranaire par le biais de la transduction du signal métabolique par l’AMP. Elle catalyse réversiblement la réaction suivante :

2 ADP ÍÎ ATP + AMP

Diverses isoformes de l’AK sont exprimées différemment selon les tissus considérés et sont localisées dans différents compartiments subcellulaires (Tanabe

et al., 1993). Les tissus à forte demande énergétique tels que le muscle squelettique

lent et le myocarde sont particulièrement riches en isoforme AK1. L’AK1 est localisée dans le cytosol, associée aux myofilaments (Savabi, 1994), ou au sarcolemme à proximité des canaux potassiques sensibles à l’ATP dont il régule la fonction (Elvir- Mairena et al., 1996). Les autres isoformes AK2 et AK3 sont moins abondantes dans les muscles (~10 % de l’activité totale) et sont respectivement confinées dans l’espace intermembranaire et la matrice mitochondriale.

4.3-Les autres systèmes et la canalisation directe entre organites

Les systèmes CK et AK ne sont pas les seuls systèmes cellulaires assurant la fonction de transfert d’énergie dans les compartiments (Dzeja & Terzic, 2003), et particulièrement dans les cardiomyocytes où les différents compartiments subcellulaires sont en contact. La proximité des mitochondries, du RS et des myofilaments favorise le transfert direct des nucléotides entre les organites au niveau de micro-domaines à l’interface de ces organites (Kaasik et al., 2001). Cette canalisation directe de l’ATP et de l’ADP au sein de micro-domaines participe au maintien du rapport ATP/ADP élevé au voisinage des ATPases. Cette canalisation directe dépend de l’agencement entre les mitochondries et les autres organites (Wilding et al., 2006), et donc de l’architecture cellulaire.

Des enzymes de la glycolyse et des nucléosides mono-et diphosphate kinases également localisées à différents sites subcellulaires (Dzeja et al., 2004) peuvent participer à l’homéostasie énergétique cellulaire.

Tous ces systèmes de transfert énergétiques sont différents dans les diverses fibres musculaires et adaptés à chaque fonction musculaire. Ils contribuent au maintien du statut énergétique cellulaire dans des conditions normales et pathologiques. L’architecture cellulaire et l’agencement des organites entre eux jouent un rôle dans l’optimisation de ces transferts énergétiques, et leur altération peut donc diminuer l’efficience énergétique de la cellule.

‐Introduction‐III‐ 

Chapitre III : PLASTICITE MITOCHONDRIALE

Nous l’avons vu, la mitochondrie joue un rôle important dans la production de l’énergie dans les cellules musculaires striées. Mais elle est aussi impliquée dans de nombreuses autres fonctions cellulaires qui nécessitent l’intégrité et un fonctionnement optimal de cet organite, ainsi qu’une capacité à s’adapter en fonction des besoins cellulaires.

Dans ce troisième chapitre, les phénomènes qui assurent son ‘contrôle- qualité‘, qui passent notamment par des mécanismes de biogénèse et de dynamique mitochondriale, seront principalement décrits.

1. Généralités sur la mitochondrie

1.1-Structure

Les mitochondries possèdent une certaine plasticité qui leur permet d’acquérir des formes diverses en fonction du type cellulaire (Kuznetsov et al., 2009). Il est communément décrit dans la littérature que ces organites ont une dimension moyenne de 0,5-2 µm de long pour 0,5 µm de largeur lorsqu’ils sont isolés (Frey &

Mannella, 2000) (Figure 17). Toutefois, il est assez rare de les observer sous cette

forme/dimension de par leur propriété dynamique.

Figure 17 : Structure de la mitochondrie. A gauche : Reconstruction par

tomographie de l’organisation interne d’une mitochondrie ; A droite : visualisation par microscopie électronique des différents compartiments mitochondriaux.

Les mitochondries se composent de deux membranes, une externe et une interne, qui délimitent trois milieux différents : le milieu extra-mitochondrial, l’espace intermembranaire et la matrice mitochondriale. Ces membranes diffèrent par leur composition, leur activité et leurs fonctions.

La membrane externe délimite la mitochondrie du cytoplasme et est perméable aux molécules de poids moléculaire inférieur à 10 kDa. La présence de la porine VDAC (Voltage-dépendant anion chanel) joue un rôle important dans la régulation de la fonction mitochondriale (Xu et al., 1999), car c’est par ce pore que transitent les métabolites régulant la respiration mitochondriale (entre autres l’ADP, l’ATP, le Pi, la Cr, la PCr). Cette porine serait aussi responsable du transport

bidirectionnel du Ca2+ (Gincel et al., 2001).

L’espace intermembranaire contient plusieurs kinases utilisant l’ATP telles que la créatine kinase mitochondriale (mi-CK) (Wallimann et al., 1992) et l’adénylate kinase (AK). Cette localisation leur permet d’avoir un accès privilégié à l’ATP généré dans la matrice mitochondriale et de fournir localement de l’ADP pour stimuler la respiration.

La membrane interne, organisée avec des crêtes, est de perméabilité réduite et sélective. Elle constitue une barrière maintenant un gradient de concentration d’ions et de charges qui est utilisé dans la phosphorylation oxydative pour produire l’ATP. Elle contient les complexes de la chaîne respiratoire, le complexe ATP synthétase et de nombreux systèmes de transport spécifiques pour les échanges

d’ions (Ca2+, K+, Na+, H+) et de métabolites (acides aminés, acides gras, hydrate de

carbone et de Pi).

La matrice mitochondriale contient le matériel génétique mitochondrial, ainsi que les enzymes participant aux différentes voies métaboliques telles que le cycle de Krebs, l’oxydation des acides gras et le cycle de l’urée.

1.2-Fonctions

Les mitochondries sont impliquées dans plusieurs fonctions cellulaires vitales. Le rôle central pour les mitochondries est l’approvisionnement des cellules en

‐Introduction‐III‐  citrique, la β-oxydation des acides gras et la biosynthèse de l'hème, de certains phospholipides et d'autres métabolites (Westermann, 2010).

La mitochondrie, en dehors de son rôle dans ces différentes voies

biochimiques, participe aussi à l’homéostasie ionique de la cellule (Ca2+, K+, Na+, H+)

(Duchen, 1999), l’homéostasie des lipides et des hydrates de carbone, la synthèse d’hormones stéroïdiennes et de l’hème, mais aussi la régulation du pH intracellulaire, le turnover des neurotransmetteurs, et le processus de thermogénèse. De plus, elles participent aux processus de développement et de vieillissement (Westermann, 2010).

Enfin, les mitochondries sont considérées comme étant un carrefour de la vie de la cellule, car elles sont des régulateurs clés de la mort cellulaire programmée (apoptose) (Desagher & Martinou, 2000). L'apoptose est mécanisme physiologique indispensable à l’homéostasie de l’organisme. Il participe au renouvellement cellulaire et à l’élimination des cellules défectueuses et potentiellement dangereuses pour l’organisme.

L'espace intermembranaire mitochondrial contient de nombreuses protéines

impliquées dans la cascade apoptotique comme le cytochrome c et l'AIF. Ces protéines proapoptotiques sont libérées par deux voies métaboliques suite à un stimulus. La première est régulée par les protéines de la famille Bcl-2 et aboutit à la formation de larges canaux au sein de la membrane mitochondriale externe. La seconde repose sur la rupture de la membrane mitochondriale externe consécutive au gonflement mitochondrial, lui-même provoqué par l’ouverture du canal de la membrane mitochondriale interne dénommé PTP (Permeability transition pore) (Zoratti & Szabo, 1995).

Pour assurer toutes ces fonctions, et répondre à différents stress physiologiques et pathologiques, les mitochondries des cellules cardiaques et musculaires peuvent s’adapter grâce à l’activation de la biogénèse mitochondriale. Cette plasticité mitochondriale est finement régulée par de nombreuses protéines et voies de signalisation que je vais maintenant vous présenter.

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