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Biogénèse mitochondriale

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2.1-Introduction

En raison de leur origine bactérienne, les mitochondries sont des organites

semi-autonomes qui disposent de leur propre génome (ADNmt) et machinerie de

synthèse protéique. Chez les mammifères, l’ADNmt est organisé en structures

nucléoïdes , répartis dans l'ensemble de la matrice mitochondriale (Legros et al.,

2004). L'ADNmt est circulaire, double-brin et multicopie (103-104 copies/cellule). Ce

génome est dégénéré puisqu’il ne code plus que pour environ 1% des protéines mitochondriales totales qui correspondent à 13 protéines des sous-unités des complexes I, III, IV et V de la chaîne respiratoire. Les mitochondries sont donc les produits de la transcription et la traduction de gènes mitochondriaux, mais surtout de gènes nucléaires qui contribuent à la synthèse de plus de 1500 protéines différentes (Calvo et al., 2006) nécessaires pour la fonction mitochondriale et le maintien du génome mitochondrial. Etant donnée l’origine mixte de cet organite, la synthèse des protéines mitochondriales nécessite donc une étroite coordination de l’expression entre le génome mitochondrial et nucléaire, et un adressage et un import correct, permettant une maturation et un assemblage efficace des protéines codées. Ces processus complexes sont finement régulés par l’intervention de divers mécanismes de régulation.

Le terme de biogénèse mitochondriale est utilisé pour décrire à la fois la formation des mitochondries au cours du cycle cellulaire et la phylogenèse et l'ontogenèse des mitochondries. La biogenèse mitochondriale est le processus clef régulant et contrôlant la masse et la fonction mitochondriale, par lequel de nouvelles mitochondries sont formées pour permettre leur renouvellement ou une synthèse additionnelle dans la cellule (Hood, 2001).

L’ensemble des études tendent à prouver que la biogenèse mitochondriale résulte de la croissance et de la division de mitochondries préexistantes, indépendamment du cycle cellulaire. La néosynthèse de mitochondries débute avec une augmentation de la surface membranaire à l’aide d’un recrutement accru en

‐Introduction‐III‐  deux pour pouvoir produire deux mitochondries-filles, par des processus de fission qui seront abordés dans la partie suivante (Figure 18).

Figure 18 : Etapes de la biogénèse mitochondriale. (Modifiée d’après, Source:

Alberts B et al, Molecular Biology of the Cell-3rd edition, N Y: Garland Science; 1994)

La biogénèse mitochondriale est ainsi un processus complexe qui doit être finement contrôlé en fonction des conditions physiologiques, et qui nécessite une coordination étroite entre le génome nucléaire et le génome mitochondrial étant donné l’origine mixte des protéines mitochondriales. Toutefois, les principaux mécanismes d’adaptation intervenant dans la régulation coordonnée de l’expression du génome mitochondrial et nucléaire sont encore assez mal connus (Ventura- Clapier et al., 2008; Yan et al., 2012).

2.2-Voies de signalisation induisant la biogénèse mitochondriale

Une cellule, en fonction de sa spécificité fonctionnelle, est capable d’adapter ses capacités énergétiques et sa fonction mitochondriale. En réponse à de multiples signaux cellulaires comme le développement, l’activité physique, l’exposition à certains facteurs (hormonaux, de croissance), une restriction calorique, l’exposition au froid et certains traitements médicamenteux (Hock & Kralli, 2009), une augmentation des capacités énergétiques va être nécessaire, ce qui va provoquer une activation de la biogénèse mitochondriale.

Les publications actuelles suggèrent que la majorité des stimuli extracellulaires converge, via des voies de signalisation spécifiques, vers un régulateur majeur de la biogenèse, PGC-1α (Peroxisome proliferators-activated

receptor gamma coactivator-1 α), mais dans certains cas, la biogénèse peut tout de

même s’opérer en l’absence de ce co-activateur de facteurs transcriptionnels. PGC- 1α permet de moduler les différentes cascades de signalisation, depuis la transcription et la réplication de l’ADN mitochondrial et nucléaire, jusqu’à l’expression des facteurs de transcription nucléaire intervenant dans le métabolisme oxydatif, la réponse au stress oxydant, et l’expression de protéines de la chaîne respiratoire (Figure 19).

Figure 19 : Régulation coordonnée du génome mitochondrial & nucléaire.

(Source : Villena & Kralli, 2008)

2.2.a-Réplication, transcription, traduction des génomes

Au niveau de l’ADN mitochondrial, la transcription est sous le contrôle du facteur mitochondrial TFAM (mitochondrial transcription factor A). Ce facteur

d’origine nucléaire participe au maintien de la stabilité de l’ADNmt (Hood et al., 2006)

et s’associe à l’action d’autres facteurs de transcription que sont TFB1M, TFB2M (Human mitochondrial transcription specificity factor B1 et B2) (Falkenberg et al.,

‐Introduction‐III‐  mitochondrial par synthèse d’amorce ARN, en s’associant aux zones promotrices des deux brins d’ADN et à l’ARN polymérase (Shadel & Clayton, 1997). Le contrôle du rapport ARNm/ARNr est assuré par le facteur mTERF (Mitochondrial transcription

termination factor).

Au niveau de l’ADN nucléaire, la régulation de la transcription se fait par interaction du co-activateur PGC-1α avec différents ligands spécifiques tels que des facteurs de transcription comme NRFs (Nuclear respiratory factors), ou bien ceux appartenant à la sous- famille des récepteurs nucléaires ERRs (Estrogen-related

receptors) ou PPARs (Peroxisome-proliferator-activated receptors) (Lin et al., 2005). 2.2.b-Principaux régulateurs de la biogénèse mitochondriale

Les PGC-1s (PGC-1α et PGC-1β) sont fortement présents dans les tissus avec une activité oxydative importante. PGC-1α est un co-activateur de transcription (Wu et al., 1999), qui induit l'expression d’une multitude de gènes en se liant à d’autres facteurs de transcription, car il est incapable de se lier par lui-même à l'ADN. Son expression est en lien direct avec les stimuli de stress externes et la stimulation de la biogenèse mitochondriale (Meirhaeghe et al., 2003). Son activité est aussi associée à son rôle dans la régulation du métabolisme énergétique (Garnier et al., 2003; Lehman et al., 2000). En tant que facteur important régulant la néoglucogénèse, il participe à la détermination du type de fibres musculaires, à la trans-différenciation des adipocytes et à la sécrétion d’insuline par le pancréas. Son intervention sur le transport du glucose est encore assez mal définie. Situé en amont de la cascade transcriptionnelle, PGC-1α se retrouve impliqué avec NRF-1 et 2 sur le promoteur de Tfam dans la stimulation de l’expression des protéines mitochondriales (Wu et al., 1999), avec PPAR-γ dans la thermogénèse adaptative en contrôlant UCP- I (Puigserver et al., 1998) et UCP-II (Wu et al., 1999). Avec PPAR-α/RXR ou ERR-α, selon les tissus, ils stimulent l’oxydation des acides gras par induction de l’expression de MCAD et CPT-I (Finck, 2007; Vega et al., 2000), mais également la chaîne respiratoire (Scarpulla, 2008).

Les NRFs (NRF-1 et NRF-2) sont des facteurs de transcription nucléaires activés par PGC-1α (Puigserver et al., 1998; Wu et al., 1999) qui participent activement à la communication noyau-mitochondrie et à la coordination des deux

génomes, en étant responsables de la stimulation de la transcription de nombreuses protéines mitochondriales d’origine nucléaire (Kelly & Scarpulla, 2004). Ils activent l'expression de certains gènes clés de la croissance cellulaire, via le contrôle de gènes impliqués dans la traduction (eIF2α), de gènes nucléaires nécessaires pour la respiration mitochondriale (ATP synthase β, COX II et IV, cytochrome c (Wu et al.,

1999) et pour la réplication et la transcription de l’ADNmt, via l’activation de

l’expression des facteurs TFAM, TFB1M et TFB2M. (Gleyzer et al., 2005).

Les ERRs (ERR-α, ERR-β et ERR-γ) sont des récepteurs nucléaires orphelins constitutivement actifs. Ils agissent comme des régulateurs de transcription spécifiques sur des séquences promotrices (ERRE ; ERR response element), qu’ils lient sous forme de mono, homo ou hétréo-dimères. Ils présentent également des interactions avec l'œstrogène et TFIIB (qui lie directement les facteurs de transcription et l’ARN polymérase). ERR-α est exprimé ubiquitairement, et constitue la forme majoritaire. Son action est multiple, il contrôle à la fois les gènes impliqués dans la biogenèse mitochondriale (Wu et al., 1999), la néoglucogenèse (Yoon et al., 2001), la phosphorylation oxydative via son rôle sur les cibles des NRFs (Mootha et

al., 2004) et aussi le métabolisme des acides gras (internalisation / production et

transfert d’énergie) (Huss et al., 2004).

Les PPARs (PPAR-α, γ et β/δ) (Berger & Moller, 2002) sont des récepteurs nucléaires qui activent la transcription de leurs gènes cibles en se liant, sous forme d’hétérodimères avec les récepteurs RXR (Retinoid X receptor), aux séquences promotrices (PPRE ; PPAR response element). Ils jouent un rôle important dans le métabolisme des acides gras, l’inflammation et le développement embryonnaire. Le mode d’action de ces protéines inductibles est le recrutement de complexe de remodelage de la chromatine et de facteurs initiant et activant la transcription (Pol II). PPAR-α est exprimé dans les tissus utilisant préférentiellement les acides gras et participe à la régulation des gènes impliqués dans les transports membranaires des acides gras au niveau cellulaire (FAT) et au niveau mitochondrial (CPT-I), ainsi que les gènes responsables de la β-oxydation (MCAD, LCAD). De même, PPAR-β/δ,

‐Introduction‐III‐  2.3-Modulation des voies de signalisation

Étant l’intégrateur des signaux externes, PGC-1α subit l’action d’une multitude de facteurs, régulant ainsi son expression et son activité. Ces voies de signalisation responsables de sa modulation commencent seulement à être appréhendées (pour revue, voir (Ventura-Clapier et al., 2008)).

2.3.a-Régulation transcriptionnelle

Différentes voies de signalisation ont été décrites comme intervenant dans la régulation transcriptionnelle de PGC-1α. Les plus largement décrites dans la littérature sont celles intervenant dans la réponse à l’entraînement physique. En effet, une activité d’endurance provoque une augmentation de la concentration calcique intracellulaire, qui stimule l’activation des protéines dépendantes du calcium comme la calcineurine A (CnA) et la Calcium-calmoduline kinase (CamK). CnA active entre autres le promoteur de PGC-1α. De même, la CaMK participe à la régulation du métabolisme du glucose et active le promoteur de PGC-1α (Schaeffer et al., 2004) via l’activité transcriptionnelle du CREB (cAMP response element-binding) en se fixant sur les éléments de réponse (CRE) du promoteur de PGC-1α (Akimoto et

al., 2004). En conclusion, la majorité de ces voies convergent vers une augmentation

de l’expression de PGC-1α. Toutefois, la majorité des données découle d’études sur le muscle squelettique et demande à être vérifiée dans les autres tissus (notamment dans le tissu cardiaque).

Cette revue des voies de signalisation régulant l’expression de PGC-1α n’est évidement pas exhaustive. De nombreuses autres voies ont été mises en évidence tel que l’AMPK (5' AMP-activated protein kinase), la protéine kinase B / Akt, qui semble réguler négativement l’expression cardiaque de PGC-1α et PPARα (Cook et

al., 2002), mais active ses effecteurs NRF1 et NRF2. Des études récentes

(Goldenthal et al., 2004; Irrcher et al., 2003) ont aussi montré que les hormones thyroïdiennes pouvaient contrôler la biogénèse mitochondriale, sans nécessiter forcément PGC-1α.

2.3.b-Régulation post-transcriptionelle de PGC-1α

L’activité de la protéine PGC-1α peut être également régulée par des modifications post-traductionnelles incluant son activation via sa phosphorylation par l’AMPK (Jager et al., 2007), sa déacétylation par SIRT1 (Situine1) (Lin, 2009) et sa méthylation par PRMT1 (Protein arginine methyltransferase 1) (Teyssier et al., 2005) ou bien son inhibition par sa SUMOylation (Rytinki & Palvimo, 2009).

2.4-Biogénèse mitochondriale et muscles striés

L’ARNm et la protéine PGC-1α sont enrichis dans les tissus ayant une forte activité oxydative comme dans le cœur (Rimbaud et al., 2009) et les muscles ayant des fibres lentes, à la différence des fibres glycolytiques. L’induction rapide de PGC1α lors d’une demande énergétique accrue, par exemple un exercice d’endurance chez le rat et chez l’Homme (Baar et al., 2002; Goto et al., 2000), est corrélée avec les niveaux de protéines mitochondriales, la masse mitochondriale et la capacité oxydative (Garnier et al., 2003; Lehman et al., 2000). Il permet l’amélioration des performances physiques (Calvo et al., 2008) par l’adaptation des muscles squelettiques, en régulant et coordonnant l’expression des gènes impliqués dans la biogenèse mitochondriale et la modification du profil métabolique de fibres vers une utilisation plus importante des AG chez la souris.

Dans le muscle cardiaque, de nombreux résultats différent sur l’impact d’un exercice d’endurance. Certaines études démontrent une augmentation de l'expression de PGC-1 α (Watson et al., 2007), qui s’accompagne d’une modification des activités enzymatiques mitochondriales et des capacités oxydatives (Coleman et

al., 1988; Stuewe et al., 2000), d’autres études ne montrent pas ces effets (Murakami et al., 1995; Terblanche et al., 2001; Watson et al., 2007). Il semble que dans le

cœur, la biogenèse mitochondriale puisse être stimulée en fonction des besoins de l’organisme, mais jamais en excès comme cela est le cas dans les muscles squelettiques, et en adéquation avec l’augmentation de la masse cardiaque observée lors de ce type de stress physiologique (Rimbaud et al., 2009).

‐Introduction‐III‐ 

En résumé, bien que les acteurs et les systèmes d’intégration des signaux soient similaires, l’adaptation des muscles squelettique et cardiaque en réponse à un exercice semble différente. La biogénèse mitochondriale ne joue donc pas le même rôle dans ces deux muscles, et des stratégies différentes se mettent en place en réponse à un stress.

Il ne faut pas perdre de vue que la stimulation de la biogenèse mitochondriale n’est rendue possible que lorsque les processus de la dynamique mitochondriale sont opérationnels. En effet, une mitochondrie ne peut se multiplier sans ses capacités de fusion-fission (voir Figure-(20) résumé suivante). La dynamique mitochondriale peut donc être un des processus primordiaux pour permettre l’adaptation d’un muscle à un stress.

Figure 20 : Schématisation du rôle de la dynamique mitochondriale dans la biogénèse mitochondriale. (Source : Ventura-Clapier, 2008)

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