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Mesure de la fonction mitochondriale in situ sur fibres perméabilisées

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La technique utilisée pour mesurer la respiration mitochondriale est basée sur le principe de la polarographie, technique électrochimique découverte et mise au point par Jaroslav Heyrovsky (1922). Ce qui, par ailleurs, lui a valu le prix Nobel de chimie en 1959. La mesure de respiration mitochondriale in situ sur fibres perméabilisées consiste à évaluer la consommation en oxygène dans une chambre de respiration, via une réaction d’oxydoréduction rapide. L’utilisation de fibres perméabilisées apporte de multiples bénéfices par rapport à l’utilisation de mitochondries isolées : 1) l’architecture cellulaire et la disposition des organites entre eux sont préservées ; 2) l’ensemble des mitochondries (subsarcolemmales et intermyofibrillaires) est étudié simultanément ; 3) de part l’étape de perméabilisation, le milieu extramitochondrial est contrôlé précisément ; 4) seule une faible quantité de tissu est nécessaire (10mg) ; 5) les propriétés internes des mitochondries sont conservées (Km ADP, activité enzyme mi-CK) ; 6) cette technique très sensible permet de révéler des altérations dans des pathologies cardiaques ou musculaires.

2.1-Préparation des fibres cardiaques et musculaires perméabilisées

La technique de préparation des fibres cardiaques perméabilisées a été découverte et mise au point par Vladimir Veksler et Valdur Saks en 1987 (Saks et al.,

‐Matériels & Méthodes‐III‐  Pour cela, immédiatement après le sacrifice et le rinçage des tissus dans la solution de Krebs à 4°C, le ventricule gauche ou les muscles sont isolés et transférés dans une solution de dissection (solution S « skinning » ; composition en mM :

EGTA-CaEGTA 10 ([Ca2+ ] libre 0,1) ; KOH 70 ; Imidazole 20 ; Mg2+ libre 1 ; Taurine

20 ; DTT 0.5 ; MgATP 5,7 ; PCr 15 ; CH3KO3S 50 et pH 7,1), permettant de laisser

les tissus énergisés et relaxés grâce à l’ATP et la PCr. Les muscles sont alors délicatement disséqués en fins amas de fibres (100-200µm de diamètre) sous loupe binoculaire et avec l’aide de pinces de précision. Cette séparation mécanique des fibres facilite la diffusion de l’oxygène et de la solution au plus près des mitochondries.

La perméabilisation chimique des membranes plasmiques s’effectue par action de la saponine (50µg/ml dans solution S) pendant 30min, à 4°C et sous agitation. La saponine est un détergent doux, qui solubilise les molécules de cholestérol. Or, cette molécule est abondante dans les membranes plasmiques, mais pratiquement absente des autres membranes. Cela provoque la perforation des membranes cellulaires, mais préserve l’intégrité membranaire des autres organites, dont la mitochondrie. Ce détergent est ensuite éliminé par un lavage de 10min à 4°c avec de la solution S, sous agitation. Les fibres sont finalement conservées dans la même solution sans agitation, jusqu’au moment de leur utilisation.

2.2-Mesure de la respiration

Avant les protocoles de mesure de la respiration mitochondriale, les fibres sont lavées 10min dans une solution de respiration (solution R; composition en mM :

EGTA 10 ; CaCO3 2,77 ; KOH 110 ; NaOH 10 ; K2HPO4 3 ; Imidazole 20 ; Mg2+ libre

1 ; Taurine 20 ; DTT 0,5 ; Glutamate 10 ; Malate 4, CH3KO3S 100 ; BSA 2mg/ml et

pH 7,1) afin d’éliminer toutes traces d’ADP, ATP et de PCr qui perturberaient l’activité de la chaîne respiratoire. Les fibres sont ensuite placées dans des chambres thermostatées à 22°C contenant 3ml de solution R en agitation continue (Figure 41). La consommation en dioxygène des fibres contenues dans les chambres est mesurée à l’aide d’électrodes de Clark reliées à une interface (Oxygen Interface Model 928 Strathkelvin Instruments), qui transmettent les informations générées à un ordinateur. Les données sont enregistrées et analysées par le logiciel Strathkelvin 928 System.

Figure 414 : Système de mesure de respiration des fibres perméabilisées.

La mesure de respiration est réalisée grâce à une électrode à oxygène reliée à l’oxygraphe (928 system, Strathkelvin Instruments) et plongée dans une chambre thermostatée où baignent les fibres. (Modifiée d’après : S. Rimbaud)

2.2.a-Mesure des capacités oxydatives

Ce premier protocole permet d’évaluer les capacités oxydatives et la régulation de la respiration par les accepteurs de phosphate (ADP & Cr). En absence

de fibres, la vitesse initiale (Vi) de la consommation d’oxygène de la membrane en

téflon des électrodes est enregistrée. Cette valeur non spécifique sera donc retranchée de chaque valeur de respiration mesurée. Les fibres perméabilisées sont

alors ajoutées, et la vitesse de respiration basale (Vo) est mesurée. Elle correspond à

la consommation en dioxygène des fibres sans ADP exogène. Ces mesures des paramètres initiaux sont suivies de l’ajout régulier d’ADP (intervalle 2-3min) en concentrations croissantes dans les chambres à l’aide de micro-seringues, jusqu’à

atteindre une vitesse de respiration maximale des fibres (Vmax pour [ADP] = 2mM).

Dans ce protocole, le glutamate et malate contenus dans la solution R permettent

l’approvisionnement de la chaîne respiratoire en composés réduits (NADH,H+) et

ainsi la mesure de la respiration des complexes I, III et IV. Une variante de ce protocole consiste à le réaliser en présence de Cr saturante (20mM) ajoutée dès le début de l’expérience. Son ajout permet de stimuler la créatine kinase mitochondriale (mi-CK) qui accélère l’approvisionnement en ADP par régénération au niveau local et ainsi augmente l’affinité apparente des mitochondries pour l’ADP. Cette régénération

Acquisition

Oxymètre

Fibres musculaires perméabilisées (ou pelées) à la saponine

Acquisition

Oxymètre

Fibres musculaires perméabilisées (ou pelées) à la saponine Fibres perméabilisées Electrode reliée au système d’acquisition Chambre thermostatée Solution de respiration Système d’agitation

‐Matériels & Méthodes‐III‐  phosphorylation oxydative et fonctionnement de la mi-CK dans les différents modèles étudiés.

2.2.b-Mesure de l’activité des complexes

Le second protocole utilisé a pour but d’étudier l’activité spécifique de chacun des complexes (I, II et IV) de la chaîne respiratoire, à l’aide d’ajouts successifs d’activateurs et d’inhibiteurs spécifiques des différents complexes (Figure 42).

Figure 42 : Détermination de l’activité oxydative des complexes de la chaîne respiratoire. Le complexe I est activé en présence de glutamate et malate et inhibé

par l’amytal. L’activité du complexe II est mesurée en présence de succinate. Le complexe IV est activé par du TMPD en présence d’ascorbate et inhibé par l’azide. (Source : modifiée d’après Bellance, 2009)

Complexe I : son activité est estimée lors des mesures effectuées en vitesse

maximale en présence d’ADP 2mM, de glutamate 10mM et de malate 4mM. Les chaînes de transporteur d’électrons sont initiées par cet apport d’équivalent réduit

(NADH,H+).

Complexe II : pour déterminer son activité, il est d’abord nécessaire d’inhiber celle

du complexe I par l’addition d’amytal (1mM). L’activité du complexe II est ensuite activée par l’ajout d’une concentration saturante de succinate (10mM) et la présence

du malate. L’oxydation de ce substrat fournit du FAD2, qui est réoxydé uniquement

par le complexe II.

I

II

III

IV

V

Glutamate Malate

Succinate TMPD

Complexe IV : l’accepteur final d’électron ayant une activité largement supérieur à

tous les autres complexes, il n’est pas nécessaire d’ajouter une étape d’inhibition du complexe II et III. L’activité maximale du complexe IV est enregistrée suite à l’ajout de TMPD (tétraméthyl-p-phénylènediamine ; 0,5mM). L’effet du TMPD est prolongé dans le temps par l’ajout simultané d’acide ascorbique (0,5mM) lui servant d’antioxydants. L’activité réelle du complexe IV est ensuite évaluée en soustrayant la respiration maximale à celle obtenue par ajout d’azide de sodium (4mM), l’inhibiteur spécifique de ce complexe.

2.2.c-Mesure de l’utilisation des acides gras (AG)

Le troisième protocole utilisé repose sur les voies d'utilisation des substrats, et a pour but d’étudier les capacités mitochondriales à utiliser préférentiellement les acides gras (AG) ou les hydrates de carbone (Figure 43).

Figure 43 : Etude de l’utilisation des différents substrats par la mitochondrie.

Les différents substrats sont ajoutés dans l’ordre indiqué, en présence d’une concentration saturante d’ADP (2mM). 1) Le malate entre dans la mitochondrie via l’OMC et produit du NADH via la mMDH. 2) le palmitoyl-CoA et l’octanoyl-carnitine

subissent la β-oxydation et produit de l’acétyl-CoA, du NADH et du FADH2. 3) Le

pyruvate entre dans le cycle de Krebs sous forme d’acétyl-CoA sous l’action de la PDH. 4) Le glutamate produit du NADH, tandis que l’entrée de succinate produit

principalement du FADH2. (Source : S. Rimbaud, Y Athéa)

Pour évaluer l’effet des différentes voies d’utilisation des substrats sur la

Octanoyl-carnitine Glutamate 1 2 3 4 Palmitoyl-CoA Ac-CoA NADH 2 NADH Malate Complexe I

OMC KrebsCycle FADH Complexe II NADH mMDH Pyruvate PDH CPT-I Succinate mGDH 4

‐Matériels & Méthodes‐III‐  Ainsi les composés réduits alimentant la chaîne respiratoire proviendront uniquement de l’oxydation des substrats fournis. Les substrats suivants ont été ajoutés successivement (2-3min) dans l’ordre suivant : 1) L’ajout d’ADP (2mM) et de malate (4mM) amorce le cycle de Krebs en l’alimentant en oxaloacetate (OAA) et le transport mitochondrial. Il pénètre dans la mitochondrie via l’OMC (Oxoglutarate/malate carrier) et produit principalement du NADH par la mMDH (Malate déshydrogénase mitochondriale). 2) Puis, l’addition de palmitoyl-CoA (0,1mM) et de carnitine (2mM) permet l’étude de l’oxydation des AG. Le palmitoyl- CoA est un AG à chaîne longue, donc son transport nécessite l’action du transporteur CPT1 / Carnitine. En soustrayant cette vitesse de respiration de celle du Malate, on peut donc en déduire la respiration spécifique des mitochondries à partir d’un AG à chaîne longue. 3) L’ajout de pyruvate (1mM) permet l’étude de l’utilisation des hydrates de carbone. Le pyruvate représente au mieux la voie des glucides, car il est le produit final de la glycolyse et est transformé en acétyl-CoA par la PDH, pour rentrer dans le cycle de Krebs. La vitesse maximale de respiration de la voie des hydrates de carbone est déterminée après soustraction de la vitesse mesurée à celle obtenue après l’ajout de palmitoyl-CoA. 4) Enfin, l’ajout de glutamate (10mM) et succinate (15mM) permet d’atteindre la respiration maximale de la chaîne respiratoire mitochondriale (en stimulant Complexe I, II), et en court-circuitant le cycle de Krebs. Il est donc ainsi possible de déterminer le pourcentage d’utilisation des substrats en comparant la respiration obtenue spécifiquement pour chaque substrat par rapport à la respiration maximale.

2.3-Analyse des résultats

La vitesse de consommation de dioxygène est calculée (à l’aide du logiciel Strahtkelvin 928 system) suite à chaque ajout des substances. La vitesse obtenue

est alors exprimée en µmol d’O2.min-1, elle est soit normalisée, soit exprimée en

pourcentage de la Vmax (en présence de tous les substrats). En fin de mesure, les

fibres sont récupérées, séchées pendant 1h sous vide à 75°C et pesées. Cette étape permet de normaliser le taux de respiration au poids de tissu sec, d’où l’expression

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