L’analyse de l’expression des ARNm a permis de mieux comprendre les
différences d’adaptation du gastrocnémien superficiel Opa1+/+ ou Opa1+/- à
l’entraînement, au niveau de la biogénèse, de la dynamique ou bien du métabolisme mitochondrial. La détermination du taux d’expression des ARNm, nécessite une
étape intermédiaire permettant la synthèse de leur l’ADN complémentaire (ADNc) par
transcription inverse. Le taux de cet ADNc sera ensuite dosé via une RT-PCR
quantitative.
3.1-Extraction, dosage et qualité des ARN totaux 3.1.a-Extraction des ARN totaux
L’extraction des ARN a été réalisée par la méthode au trizol (Gibco BRL, USA). Cette technique d’extraction, bien qu’elle puisse laisser des traces de phénol dans les échantillons, bénéficie d’un excellent rendement comparé aux colonnes d’affinité. L’homogénéisation des différents échantillons prélevés lors des sacrifices s’effectue à raison de 10–20mg de tissus stockés à -80°C, directement introduits dans 1ml de trizol à 4°C, puis micro-broyés à l’aide d’un Precellys 24 (Bertin, France). Cette solution de lyse, composée de phénol et de guanidine isothiocyanate,
‐Matériels & Méthodes‐IV‐ l’homogénat obtenu est traité par 0,2ml de chloroforme, puis centrifugé à 4°C (10.000G, 15min). Les ARN sont alors contenus dans la phase aqueuse supérieure, tandis que les protéines et les débris restent dans la phase organique inférieure. Les ARN sont ensuite extraits de cette phase par leur précipitation sur la nuit à -20°C, en ajoutant 0,5ml d’alcool ispopropylique à la phase aqueuse (0,45 ml). Ils sont regroupés sous la forme d’un culot par une seconde centrifugation (12.000G, 15min, 4°C). Chaque culot d’ARN est ensuite lavé plusieurs fois à l’éthanol 75% (0,2 ml / centrifugation) pour éliminer toute trace de sels et autres impuretés. Les culots sont ensuite séchés par l’évaporation de l’éthanol, puis remis en solution dans 15-20µl d’eau exempte d’ARNases et ADNases, avant d’être conservés à -80°C.
3.1.b-Etude quantitative et qualitative des ARN totaux extraits
La concentration en ARN totaux obtenus dans chaque extrait a été déterminée par spectrophotomètrie, sachant qu’une unité de densité optique (DO), pour une absorbance à 260 nm, équivaut à une concentration en ARN de 40µg/ml. De plus, la lecture à une absorbance à 280nm, indique la pureté des échantillons via le rapport
DO260/DO280. Un ARN pur et intègre dispose d’un ratio entre 1.8 et 2. Si le rapport est
inférieur à 1.5, il témoigne d’une contamination par des protéines ou des composés aromatiques, et s’il est de plus de 2, il indique une contamination par des acides nucléiques d’origine génomique ou mitochondriale.
La qualité de la préparation des ARN a également été vérifiée par électrophorèse sur cartes microfluidiques, qui ont ensuite été analysées par un Bioanalyzer 2100 (Agilent Technologies). Après migration, les 2 bandes
correspondantes aux ARNr 28S et 18S sont quantifiées et permettent d’établir le
facteur d’intégrité des ARN, le RIN (RNA integrity number) des échantillons, qui doit se situer entre 7 et 10 pour permettre l’utilisation des extraits dans les expériences de RT-PCR quantitative.
3.2-RT-PCR quantitative
3.2.a-Transcription reverse
Avant de pouvoir passer à l’étape de quantification des ARNm extraits, il est
plus, la technique de PCR employée (Taq-polymérase) utilise uniquement de l’ADN comme matrice.
Pour ce faire, cette étape utilise des propriétés des transcriptases inverses virales pour synthétiser de l’ADNc à partir des ARN contenus dans les échantillons. La transcription inverse est réalisée avec le kit iScript™ cDNA Synthesis (Biorad). Le mix réactionnel de ce kit contient tous les composants nécessaires à la synthèse
sensible et fiable d'ADNc, notamment : du tampon MgCl2, des dNTP, des amorces,
un inhibiteur de RNase, la transcriptase inverse qScript™ et des stabilisants. Les amorces utilisées sont un mélange optimisé d'amorces aléatoires et oligo (poly-dT),
ce qui permet la synthèse des ADNc que des ARNm, de par leur complémentarité
avec leur queue poly-A. La transcriptase inverse qScript™ est un dérivé de transcriptase inverse M-MLV (Moloney murine leukemia virus).
La réaction de transcription est réalisée dans un volume de 20µl dont 1µg de matrice d’ARN (V=15µl) en 3 étapes : 1) initiation de la réaction, le mélange complet de la réaction est incubé 5 min à 25°C, 2) retro-transcription, 30min à 42°C et 3) arrêt de la réaction par dégradation de l’enzyme avec une incubation de 5min à 85°C. Les ADNc produits sont ensuite dilués et stockés à-20°C en attendant l’étape de PCR.
3.2.b-PCR (Polymerase chain reaction) quantitative en temps réel
La PCR en temps réel consiste à mesurer la quantité d’ADN polymérisé à chaque cycle de la réaction PCR grâce à un marqueur intercalant fluorescent (SYBR Green). Elle repose sur le principe d’une PCR classique, qui est une méthode d'amplification génique in vitro créée par K. Mullis (prix Nobel de chimie ; 1993). Elle permet de dupliquer en grand nombre une séquence d'ADN ou d'ARN connue à partir d'une faible quantité d’amorces complémentaires (20-25 nucléotides) (Figure
46). Cette procédure est constituée de cycles répétés de dénaturation de l’ADN par
la chaleur, d’hybridation des amorces à leurs séquences complémentaires, et d’extension de ces amorces hybridées par l’ADN polymérase. Le produit obtenu peut ensuite servir de matrice au cycle suivant. Dans des conditions optimales, le nombre de copies de l’ADN cible est donc doublé à chaque cycle de PCR. L’amplification est
‐Matériels & Méthodes‐IV‐ rendue possible par le suivi de la fluorescence émise à 530nm par le SYBER Green, lorsqu’il s’intercale dans l’ADN double brin.
Figure 46 : Mesure du taux d’expression transcriptomique par RT-PCR.
La PCR est une technique basée sur une répétition de cycles de transition de température. 1) Etape de dénaturation, permet de déshybrider les ADN, de décrocher les polymérases encore liées et d’homogénéiser le milieu réactionnel. 2)
Etape d’hybridation, permet aux amorces sens et anti-sens de s’hybrider aux ADNc
matrice. 3) Etape d’élongation, permet aux polymérases de synthétiser le brin complémentaire de leur matrice à partir des dNTPs libres dans le milieu. Pour le marquage, le SYBR Green s’intercale entre les ADN double-brins produits au cours des étapes d’amplification. (Source : GNU Free Documentation License).
La spécificité de cette réaction est basée essentiellement sur la construction d’amorces spécifiques à la séquence d’intérêt. Les amorces « sens » et « anti-sens » sont localisées dans deux exons différents de la séquence du gène cible pour éviter une éventuelle contamination par l’ADN génomique (taille du produit différent). Les séquences des amorces (voir tableau 5 ci-après) utilisées au cours de cette étude ont été désignées et vérifiées par 2 logiciels (Primer 3 & BLAST).
Gènes N° GeneBank Amorce anti-sens (5’>3’) Amorce sens (5’>3’) PCR (pb) Produit d’hybridation (°C) Température CCA CTG TGT ACA GAC AGT TTT GG
CD36 NM_007643
GCT CAA AGA TGG CTC CAT TG 195 60
TCA CCT GGG CTA CAC GGA GA CPT1β NM_009948
TCG GGG CTG GTC CTA CAC TT 219 65
CAA GAT TGT GCC CAA TAT CCT C CS NM_130755
TTC ATC TCC GTC ATG CCA TA 111 60
CTG ACG CTT GTG GAT TTA CC Drp1 NM_053655
CCC TTC CCA TCA ATA CAT CC 277 58
GCC TGG TTC GAA GCA AAT AC Fis1 NM_025562
CAC GGC CAG GTA GAA GAC AT 116 60
CCG TGG CCT CCT ATG AGA TAC T GLUT4 NM_009204
AGG CAC CCC GAA GAT GAG T 122 64
TTT CAC CTT CTC GTT CCC CT HK2 NM_013820
GTC ATT CAC CAC AGC CAC AA 175 60
CCG TTC CCT CTC ATC AAA AG MCAD NM_007382
ACA CCC ATA CGC CAA CTC TT 129 60
TGC CCT CTT GAG AGA TGA CC MFN1 NM_024200
AGA GCC GCT CAT TCA CCT TA 182 60
GGG GCC TAC ATC CAA GAG AG MFN2 NM_133201
CCT TGG ACA GGT ACC CTT TG 115 60
TTA CTC TGC TGT GGC TGA TGG NRF1 NM_010938
CCT CTG ATG CTT GCG TCG TCT 92 60
TCA GCA AAG CTT ACA TGC AGA OPA1 NM_133752
TGC TTG GAC TGG CTA CAT TTT 180 60 CCT TCA CAC CTT CAC CAC AT
PDK4 NM_013743
AAA GAG GCG GTC AGT AAT CC 189 60
CAC CAA ACC CAC AGA GAA CAG PGC1α NM_008904
GCA GTT CCA GAG AGT TCC ACA 210 58 AAG TGC CTG TCT GTC GGG AT
PPARα NM_011144
GCT TCG TGG ATT CTC TTG CC 161 62
GCC TCC ATC GTC AAC AAA GA PPARβδ NM_011145
TCT ACC TGG GGC ACA TTC AT 230 60
GCT GAT GGG TAT GGA GAA G Tfam NM_009360
GAG CCG AAT CAT CCT TTG C 161 56
Tableau 5 : Séquences des amorces utilisées et conditions d’utilisation en PCR. (CD36 : Cluster of differentiation 36; CPT1β: muscle isoform of Carnitine
palmitoyl transferase I; CS: Citrate synthase; Drp1: Dynamin-1-like protein; Fis1: mitochondrial Fission 1 protein; GLUT4: Glucose transporter type 4; HK: Hexokinase; MCAD: Middle chain acylcoA dehydrogenase; MFN: Mitofusin; NRF: Nuclear respiratory factor; OPA1: Optic atrophy type 1; PDK: Pyruvate dehydrogenase lipoamide kinase; PGC : Peroxisome proliferator activated receptor gamma co-activator; PPAR: Peroxisome proliferator activated receptor; Tfam: mitochondrial Transcription factor A)
‐Matériels & Méthodes‐IV‐ Les réactions de PCR ont été réalisées dans des plaques de 96 puits à fond conique, dans un volume de milieu réactionnel de 15µl, contenant 12,5ng de matrice (ADNc), 0,75µM de chaque amorce (sens et anti-sens) et 3µl de MasterMix (Roche+) composé de Taq polymérase thermo-résistante, dNTP et du SYBR Green I. La plaque est ensuite disposée dans un CFX96 (Bio-Rad), puis soumise à 45 cycles de dénaturation/hybridation/élongation. Après chaque phase d’élongation, la fluorescence émise par le SYBR Green est mesurée. Elle est proportionnelle à la quantité de produit formé. A la fin du protocole, pour confirmer la spécificité de l’amplification, les produits de PCR sont soumis à une analyse par courbe de fusion (65°C -> 95°C à 0,1°C/sec). La fluorescence chute brusquement et uniformément à la température de fusion lorsque le produit est pur et spécifique.
3.2.c-Analyse des résultats
La quantification en ARNm pour chaque gène cible se fait par comparaison du
Ct (treshold cycle ou cycle-seuil) obtenu par rapport à une série de 5 dilutions d’un
standard (mix des ADNc d’Opa1+/+ sédentaire), analysée par PCR en même temps
que les autres échantillons. Le calcul du Ct correspond au nombre de cycles
nécessaires à la détection de la fluorescence. Il existe une relation linéaire inverse
entre le Ct et le log de la quantité de matrice (ADNc). Pour chaque gène, une courbe
linéaire standard (Ct = f(log ADNc)) est construite à partir du signal obtenu pour la
gamme de dilutions. Les concentrations en ARNm de chaque échantillon sont alors
calculées à partir de leur Ct et de cette courbe linéaire standard.
Pour compenser les variations dues à l’efficacité de la transcription inverse ou aux erreurs de manipulation, les résultats sont normalisés à l’expression du gène HK2 dont l’expression n’est pas influencée par les conditions expérimentales.
Chapitre V- : STATISTIQUES
L’ensemble des résultats obtenus est exprimé en moyenne ± SEM (Standard
error of the mean). Les différences entre les différents groupes sont considérées
comme significative si p≤ 0,05.
Pour la première étude menée sur la caractérisation de la souche Opa1+/- vs
Opa1+/+, les mesures ont été comparées par un test t dit de Student. L’étude
s’intéressant aux différences d’adaptation à l’hypertrophie entre les groupes Opa1+/--
SHAM, Opa1+/+ -SHAM, Opa1+/--TAC, Opa1+/+ -TAC, a nécessité le recours à un test
ANOVA à deux voies suivi d’un test post-hoc non paramétrique Newman-Keuls. Pour la seconde étude, les données relevées au cours de l’entraînement ou
lors des tests de comportement des souris Opa1+/- et Opa1+/+ ont été comparées par
le test de Student apparié. L’analyse des différents paramètres d’adaptation à
l’entraînement entre les groupes Opa1+/--sédentaire, Opa1+/+ - sédentaire, Opa1+/--
entrainé, Opa1+/+ - entrainé, a été réalisée par le test ANOVA à deux voies suivi d’un
test post-hoc non paramétrique Newman-Keuls ou par le test ANOVA à mesure répétée.
RESULTATS
Chapitre I : IMPLICATION DE LA PROTEINE OPA1 DANS L’ORGANISATION DU RESEAU MITOCHONDRIAL ET DANS LE FONCTIONNEMENT DE LA CELLULE
CARDIAQUE
Ce chapitre a fait l’objet d’une publication en co-premier auteur, dans Cardiovascular Research (2012) 94, 408-417, sous le titre « Down-regulation of
OPA1 alters mouse mitochondrial morphology, PTP function, and cardiac adaptation to pressure overload »