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CONCLUSION DU CHAPITRE

SECTION 1- LE RÉGIME JURIDIQUE DE LA VENTE DE MARCHANDISES EN FRANCE

E. Le transfert de propriété des marchandises et des risques

134. Le transfert de propriété en France - À la différence d’autres régimes juridiques485

dans lesquels la vente est génératrice uniquement de l’obligation de transférer la propriété,

481 Cass. req., 26 déc 1922: DP 1924, l, 23 – Comp. 482 Cass. civ., 24 oct. 1950 : JCP 50, II, 5835, note R.C. 483

L’ancien article 1341 code civil, actuel 1359, prévoit la preuve par écrit des actes d’un montant supérieur à une somme fixée par décret (actuellement 1500 euros). Sont exclus, néanmoins, de cette exigence les actes entre commerçants, en conformité avec l’article L.110-3 du c.com. Ainsi, la preuve de ventes de marchandises est libre entre commerçants. Au Chili, l’article 1709 c.c.ch. dispose que les contrats qui contiennent la délivrance d’un bien d’un montant supérieur à 02 U.T.M. doivent être rédigés par écrit. Cette limitation à la preuve testimoniale ne s’applique pas non plus entre commerçants, d’après l’article 128 c. com.ch. Cf. TERRÉ F., SIMLER Ph., LEQUETTE Y., op. cit., p. 181-182.

elle est translative en droit français. En effet, selon les mots du Professeur Bénabent : « La

plupart des droits étrangers sont restés fidèles à la règle que connaissaient le droit romain et notre ancien droit : la vente ne produisait en elle-même que des obligations à la charge des parties, obligations parmi lesquelles figurait pour le vendeur celle de transférer la chose à l’acheteur, c’est à dire une obligation de donner. Ce n’est donc pas le contrat qui produisait un effet translatif, mais la tradition (remise matérielle) à laquelle s’obligeait le vendeur. Dans cette conception, le contrat de vente est comme les autres contrats : il ne crée que des obligations, parmi lesquelles celle de transférer la propriété de la chose à l’acheteur »486.

La règle d’or est le consensualisme. La vente est parfaite et transfère la propriété de plein droit dès la formation du consentement, en vertu du nouvel article 1196 al. 1er et 1583 du Code civil, ainsi que de l’article L. 132-7 du Code de commerce, pour la règle générale487.

Exceptionnellement le transfert sera différé dans les hypothèses de ventes où le transfert est soumis à un terme suspensif, de ventes sous condition suspensive (y compris les marchandises futures et à l’essai) et celles avec clause de réserve de propriété. De même, dans les ventes de marchandises de genre et à la mesure (celles au poids, au compte ou à la mesure). Cela, dès que leur transfert a lieu au moment de leur individualisation488.

Le transfert des marchandises sera opposable aux tiers dès l’entrée en possession de l’acheteur, cette dernière valant titre pour les meubles, selon l’article 2276 du Code civil.

135. Les risques - Avec le transfert de propriété opéré par la vente, les risques de perte ou

de détérioration passent normalement à l’acheteur à ce moment. Le nouvel article 1196, al. 1 et 1583 du Code civil, et l’article L. 132-7 du Code de commerce consacrent ainsi la maxime du droit romain res perit domino489. Ce dernier dispose à ce propos : « La marchandise sortie du magasin du vendeur ou de l’expéditeur voyage, s’il n’y a convention contraire, aux risques et périls de celui à qui elle appartient, sauf en cas de recours contre le commissionnaire et le voiturier chargés du transport ».

485 Allemand, chilien, par exemple. 486

Op.cit., p. 113-114.

487 Dans la common law la situation est la même. V. supra. 488 V. BÉNABENT, op. cit., p. 117.

489

« Lorsqu’une chose est péri, c’est en principe son propriétaire qui supporte cette perte », cf. Locutions

Des exceptions d’origine légale nuancent néanmoins l’application de la maxime. C’est le cas des marchandises de genre, car genera non pereunt490, mais aussi parce qu’avant leur individualisation, il n’y a pas vraiment transfert de propriété s’il y a faute du vendeur491-

492

; dans les ventes maritimes493 ; ventes sous condition suspensive (y compris la vente de marchandises futures et à l’essai) ; ventes à la mesure ; ou, si le vendeur est en demeure de délivrer, en conformité avec l’article 1344-2 nouveau du Code civil, à moins qu’il prouve que les marchandises auraient périt également entre les mains de l’acheteur, selon l’article 1351-1., al 1er. nouveau du Code civil. Dans tous ces cas, le transfert de risques est postérieur au contrat.

Les parties peuvent aussi modifier ces règles en vertu du principe de l’autonomie de la volonté, car celles-ci ne sont pas d’ordre public494. Ainsi, les parties peuvent indiquer que le vendeur supporte le risque de la force majeure ; différer le transfert de propriété et les risques associés au moment de la délivrance, ou à un autre moment495 ; ou encore stipuler une clause de réserve de propriété496. Dans ces cas, les risques continuent à peser sur le vendeur jusqu’au moment et conditions stipulés.

Il convient de préciser qu’avant la réforme du droit des obligations, l’ancien article 1182 du Code civil accordait un droit alternatif à l’acheteur sous condition suspensive, dans les hypothèses de pertes subies par force majeure : il pouvait demander la résolution de la vente et donc la restitution des sommes déjà payées, ou bien exiger les marchandises dans l’état où elles se trouvaient, mais sans droit à une réduction de prix.

S’agissant de la disparition des marchandises, l’obligation de délivrance n’avait plus d’objet et l’acheteur pouvait demander la restitution des sommes versées.

Aujourd’hui, la situation est un peu différente car l’effet rétroactif de la condition suspensive accomplie a été supprimé par le nouvel article 1304 du Code civil. D’après celui- ci, l’obligation devient pure et simple dès que l’évènement se réalise497.

Ainsi, aujourd’hui, si les marchandises vendues sous condition suspensive sont endommagées ou détruites par un événement de force majeure, ou que la condition n’est pas

490 Ibidem, p. 35. Les choses de genre ne périssent pas. Le débiteur peut toujours se procurer des biens

équivalents afin de satisfaire son obligation.

491

Dans ce cas il n’y a pas vraiment force majeure.

492 Civ., 1re., 22 janvier 1991, Bull.civ.I, nº28.; Com., 26 mai 2010, Bull.civ. IV, nº101.

493 Dans les ventes au départ simple (F.O.B.) et CAF (C.I.F.), les marchandises voyagent aux risques de

l’acheteur. Dans ce sens : DELEBECQUE Ph., Droit maritime, 13e éd., Dalloz, Paris, 2014, p. 863 et 867.

494 V. TERRÉ F., SIMLER Ph., LEQUETTE Y., op. cit., p. 723. 495 Ibidem, p. 682.

496

Com., 20 novembre 1979, Bull.civ. IV, nº 300 ; Civ.1re., 4 juillet 1995, Bull.civ. I, nº305.

satisfaite, c’est le vendeur qui doit supporter les pertes. Il perd le prix et les dépenses de conservation. L’acheteur, de son côté, aura droit à la restitution des sommes versées, car selon le nouvel article 1304-6, al. 3 du Code civil, l’obligation est réputée n’avoir jamais existé.

136. La réserve de propriété en France - La clause de réserve de propriété a été définie

comme : « la clause qui a pour objet de différer le transfert de la propriété jusqu’au

paiement complet du prix par l’acheteur »498.

Elle est consacrée à l’article 2329, al. 4 du Code civil en tant que sureté sur des biens meubles et sa nature juridique est celle d’une vente sous condition suspensive du paiement du prix499-500.

Sa portée est grande, car en droit français comme en droit anglais, elle joue comme une véritable sureté d’origine conventionnelle501, puisque le vendeur reste propriétaire des marchandises jusqu’à l’accomplissement d’une condition qui est souvent le paiement complet du prix.

Des différences importantes existent néanmoins entre les deux régimes, car le droit français, contrairement au droit anglais502, n’autorise pas toujours son efficacité si la chose est incorporée503 à une autre ou si elle est transformée (sauf si elle peut être séparée sans dommage)504.

En ce qui concerne les risques, par application de la règle res perit domino, le vendeur doit supporter ceux de perte ou de détérioration jusqu’à l’accomplissement de la condition505.

498

V. DUPICHOT Ph., op. cit., p. 693.

499 En ce sens : COLLART DUTILLEUL F.et DELEBECQUE P., op. cit., p.189.

500 Cass.com., 1er. Octobre 1985, Bull.civ., IV, nº222, D., 1986, IR, 169 et s., obs. Derrida, D.1986.246, note

Cabrillac (sol.implic.) ; Versailles, 20 mai 1987, D.1988, somm. 8, obs.Derrida.Adde: Cass. 3e. civ, 30 novembre 1988, Bull.civ., III, nº173, D., 1988, IR, 304.

501 DUPICHOT Ph., op. cit., p. 694. 502

Dans l’affaire Romalpa (1976), 1 WLR 676, nous avons vu que l’aluminium objet de la clause fut transformé en papier aluminium, ce qui n’a pas modifié son efficacité.

503 Com., 22 mars 1994, Bull. IV, nº110 : un moteur du navire. 504

Com., 22 mars 1994, Bull. IV, nº121 : des animaux abattus et dépecés.