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§ 1 L’autonomie de la volonté dans la vente internationale de marchandises

D. L’utilité pratique

212. Utilité pratique du principe dans la vente internationale - En pratique, l’utilisation du principe d’autonomie de la volonté signifie l’exclusion totale ou partielle, par la volonté des parties, de la CVIM et l’élection d’une loi qui est liée à l`économie du contrat868. Donc, le principe d’autonomie donne certitude à la convention de Vienne de 1980869. Cette exclusion doit être expresse, en règle générale870 et exceptionnellement tacite, dans le cas où les parties ont choisi la loi d’un Etat non contractant à la CVIM871. Ce procédé qui consiste à écarter la CVIM est dénommé opting out872.

867 Article 6 CVIM : « Les parties peuvent exclure l’application de la présente Convention ou, sous réserve des

dispositions de l’article 12, déroger à l’une quelconque de ses dispositions ou en modifier les effets ».

868 V. JACQUET J-M, DELEBECQUE Ph. et CORNELOUP S., op. cit., p. 214-215. 869 Ibidem.

870

CLOUT, cas nº433 (federal) northern district of California, 27 juillet 2001, disponible sur: http://www.cisg.law.pace.edu/cisg/wais/db/cases2/010727u1.html ,

conslté le 20 février 2017.

871

Cf. UNCITRAL Digest of Case Law on the United Nations Convention on The International Sale of Goods, U.N., New York, 2008, p.22 point 7.

872 V. AUDIT Bernard, Vente ; disponible sur:

http://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=ENCY/INTR/RUB000248/PLAN043/2011-

09&ctxt=0_YSR0MT1hdXRvbm9taWUgZGUgbGEgdm9sb250w6kgdmVudGXCp3gkc2Y9cGFnZS1yZWNo ZXJjaGU=&ctxtl=0_cyRwYWdlTnVtPTHCp3MkdHJpZGF0ZT1GYWxzZcKncyRzb3J0PcKncyRzbE5iUGFn PTIwwqdzJGlzYWJvPVRydWXCp3MkcGFnaW5nPVRydWXCp3Mkb25nbGV0PcKncyRmcmVlc2NvcGU9 RmFsc2U=&nrf=0_UmVjaGVyY2hlfExpc3Rl , consulté le 1er. mars 2017

Un arrêt intéressant à citer à ce propos est l’arrêt Nuova Fucinati SpA vs. Fondmetall

International AB873 rendu par un tribunal italien en 1993. Dans cette affaire, les parties, une société italienne et une société suédoise, avaient décidé que la loi italienne régirait le contrat. À l´époque, l’Italie avait incorporé la CVIM à son droit interne, mais pas la Suède.

Le tribunal civil de la ville de Monza, Italie, saisi d’un litige entre les parties, a écarté l’application de la CVIM et décidé que la loi applicable était la loi interne italienne. Sa décision a été fortement critiquée874 car ladite convention formait partie intégrante de la législation italienne. Ainsi, même en cas d’exclusion expresse des parties, l’ordre public italien comprenait la CVIM et reprenait son application, de façon indirecte875-876. Son article 1er, nº 1, a) établit qu’elle s’applique aux parties ayant leurs établissements dans des Etats différents lorsque ceux ci sont des Etats contractants877. D’autres arrêts retiennent aussi la thèse du tribunal de Monza878.

D’autre part, si les parties se limitent à exclure la CVIM mais n’indiquent pas la loi applicable, cette dernière devra être déterminée selon les règles du droit international privé.

Si ce sont des parties européennes, la Convention de Rome de 1980 s’applique aux contrats conclus jusqu’au 17 décembre 2008, et le règlement européen (CE) nº593/2008, dit Rome I, aux

873

R.G. nº 4267/88, 29 mars 1993, tribunal civil de Monza, Italie, disponible sur: http://cisgw3.law.pace.edu/cases/930114i3.html , contrôlé le 20 février 2017.

874 V. CARR Indira, International Trade Law, Routledege-Cavendish, Londres-New-York, 4e. édition, 2010,

p. 69., en citation a FERRARI, Uniform Law of International Sales : issues of applicability and private

international law, 1995, 15 journal of law and commerce 159, p. 173.

875 La jurisprudence française s’attache plutôt à la théorie de la « localisation », selon laquelle le choix des

parties en faveur d’une loi déterminé n’est pas qu’un des éléments à considérer dans la détermination de la loi applicable. Cf. JACQUET J-M, DELEBECQUE Ph. et CORNELOUP S., op. cit., p. 212-213.

876 Dans le sens contraire, la cour fédérale de justice allemande, 25 juin 1997: la société de vêtements

Bennetton poursuit en justice un revendeur allemand pour défaut du règlement des prix des vêtements livrés. Le défendeur invoque la nullité du contrat de franchise car il serait contraire à la loi allemande, mais la cour décida que « l'accord des parties en faveur de l'application du droit national allemand ne peut être analysé en

soi comme comportant une exclusion de la CVIM car, de par le renvoi conventionnel au droit allemand, la CVIM, partie intégrante de ce droit, est également couverte par l'accord ». Cf. WITZ Claude, Une clause de droit applicable figurant dans un contrat de vente internationale de marchandises n'exclut pas l'application de la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises, D. 1998. 308, disponible sur: http://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=RECUEIL/OBS/1998/0507&ctxt=0_YSR0MT1hdXRvbm9 taWUgZGUgbGEgdm9sb250w6kgdmVudGXCp3gkc2Y9cGFnZS1yZWNoZXJjaGU=&ctxtl=0_cyRwYWdlTn VtPTTCp3MkdHJpZGF0ZT1GYWxzZcKncyRzb3J0PcKncyRzbE5iUGFnPTIwwqdzJGlzYWJvPUZhbHNlwq dzJHBhZ2luZz1UcnVlwqdzJG9uZ2xldD3Cp3MkZnJlZXNjb3BlPUZhbHNlwqd4JHNmPXBhZ2UtcmVjaGVy Y2hl&nrf=0_UmVjaGVyY2hlfExpc3RlRGVSZXN1bHRhdFVycw== , consulté le 1er mars 2017.

877

Cf. FAWCETT J., HARRIS J. et BRIDGE M., International Sales of Goods in the Conflict of Laws, Oxford university press, Royaume Uni, 2005, p. 680.

878 CLOUT, cas nº429 (Oberlandesgericht Franckfurt, Allemagne, 30 août 2000), disponible sur:

http://cisgw3.law.pace.edu/cisg/text/000830g1german.html , contrôlé le 20 février 2017.

contrats postérieurs. D’après l’article 4, nº1, lettre a), de cette dernière, la loi applicable est celle du domicile du vendeur.

Dans d’autres cas, les règles de la Convention de la Haye de 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d’objets mobiliers corporels 879 dispose que la loi applicable sera :

1. La loi du pays ou le vendeur a sa résidence habituelle au moment où il reçoit la commande.

2. Á défaut, la loi du pays de l’établissement qui a reçu la commande. 3. Ou la loi du pays de l’acheteur si la commande a été reçue dans ce pays.

Les parties peuvent aussi se soumettre à des règles de droit neutres, même non étatiques, à l’instar des Incoterms de la CCI ou de règles générales d’organismes professionnels880. La jurisprudence a reconnu cette pratique comme parfaitement valide881. De plus, elle a établi que le juge arbitre peut appliquer « l’ensemble des principes et usages

du commerce dénommé lex mercatoria, dispositions de caractère international ayant vocation, à défaut de compétence législative déterminée, à s’appliquer pour la solution d’un tel litige »882.

D’autre part, les parties peuvent aussi attribuer compétence à une juridiction étrangère. Ces clauses sont licites, selon la jurisprudence française depuis l’arrêt Sorelec883 de la Cour de cassation. Elles sont soumises à deux conditions :

1. Le litige doit être de caractère international

2. La clause ne doit pas faire échec à « la compétence territoriale impérative d’une juridiction française »884.

879

La convention du 22 décembre 1986 n’est pas encore en vigueur.

880 AUDIT B., ibid.

881 C. Ap. de Montpelier, 3 décembre 2002, JDI 2004.888, note S. Poillot-Peruzzetto. Dans ce cas, la cour a

reconnu une clause relative aux règles et usages de la Fédération du commerce de semences comme seules applicables. Cf. : JACQUET J-M, DELEBECQUE Ph. et CORNELOUP S., op. cit., p. 219-220.

882 Affaire Valenciana, Civ. 1ère., 22 octobre 1991, Bull. 1991 I N° 275 p. 182. 883

Civ. 17 décembre 1985, Rev. crit. DIP 1986.537, note Hélène Gaudemet-Tallon.

Au Chili, la situation est similaire. Ces clauses sont licites, dans le respect de l’article 1462 du Code civil, qui dispose : « Il y a un objet illicite en tout ce qui est contre le droit

public chilien. Ainsi, la promesse de se soumettre à une juridiction non reconnue par les lois chiliennes, est nulle par vice de l’objet ».

L’article 245 du Code de procédure civile chilien, pour sa part, exige que les arrêts des tribunaux étrangers :

1. Ne soient pas contraires aux lois de la République. 2. Ne s’opposent pas à la juridiction nationale. 3. Que le défendeur ait été notifié de l’action. 4. Qu’ils soient irrévocables.

Ainsi, il est interdit de soumettre le contrat à une juridiction « non reconnue » par le Chili885 et que ces clauses d’élection de for soient valides s’agissant de contrats internationaux, dans la sphère internationale886-887.

Par ailleurs, l’article 318 du Code de droit international privé (Code Bustamante)888 indique que les parties détermineront de façon expresse ou tacite le juge compétent pour résoudre leurs conflits commerciaux ou civils, à condition que l’une d’entre elles, au moins, soit nationale de l’Etat contractant auquel il appartient, ou qu’elle y ait son domicile.

Les normes de la CVIM sont supplétives889. Par conséquent, et d’après le principe d’autonomie, les parties sont libres de régler la formation, les effets et l’extinction des contrats de vente internationale de marchandises890.

Conformément à ce qui précède, elles peuvent modifier les règles du transfert de propriété et des risques et établir une sûreté conventionnelle, voire, une clause de réserve de propriété, stipuler que le vendeur assumera les risques de force majeure, ou différer le transfert de propriété et les risques associés au moment de la délivrance ou à un autre moment.

885

Mauricio Hochschild S.A.C.I. con Ferrostaal A.G., C.Sup., 22 janvier 2008, nº3247-2006.

886 State Street Bank and Trust Company con Inversiones Errázuriz Ltda. y otros, C. Sup., 14 mai 2007,

nº2349-2005.

887

Cf. VÁSQUEZ, María Fernanda, Sobre la contratación internacional y la posibilidad de someterse a

tribunales extranjeros, El Mercurio Legal ; disponible sur: http://www.elmercurio.com/Legal/Noticias/Analisis-Juridico/2016/05/13/Sobre-la-contratacion-internacional- y-la-posibilidad-de-someterse-a-tribunales-extranjeros.aspx , consulté le 19 mars 2017.

888 Code américain, donc, ratifié par le Chili et non par la France ni le Royaume-Uni. 889 À l’exception du cas de l’article 12 in fine CVIM, qui est d’ordre public.

890

V. dans ce sens: OVIEDO A. J., La costumbre en la compraventa internacional de mercaderías, revista jurídica del Perú, année LIII nº 47, juin 2003, p. 235.

De même, les parties peuvent modifier l’étendue de leurs obligations et renoncer à l’obligation de garantie des vices cachés et à l’éviction des tiers, au profit du vendeur891 ; établir des conditions additionnelles de preuve ou relatives à la formation du consentement ; stipuler que le vendeur répondra même de la faute légère, parmi d’autres possibilités ; ou, terminer le contrat par leur consentement mutuel, conformément à l’article 29 nº 1 de la CVIM892 (de cette façon, le principe limite les possibles injustices qu’une partie pourrait commettre au préjudice de l’autre, en privilégiant le stabilité du lien contractuel893).

La dernière hypothèse est un autre triomphe dans la CVIM du droit civil par rapport à la common law. La CVIM exige, on l’a vu, une consideration, pour la validité des contrats, mais la CCI a jugé que cela n’était pas nécessaire pour les modifications des ventes internationales de marchandises894.

213. Les frontières du principe - Il existe plusieurs limites à l’autonomie de la volonté. D’une part, les parties ne peuvent pas déroger à l’exigence d’une modification par écrit, si le droit interne de l’une des deux l’exige. Cela, en conformité avec l’article 12 de la CVIM. Dautre part, les provisions des articles 89 - 101 de la CVIM sont considérés comme appartenant à l’ordre public international, et donc ne sont pas susceptibles de dérogation par la volonté des parties895-896.

Il convient de noter qu’il existe un contrepoids au principe d’autonomie de la volonté897. Les contrats ont un frein naturel qui empêche les iniquités auxquelles une application extrême du principe pourrait ener. C’est la bonne foi. Ce principe est intimement lié a celui de l’autonomie de la volonté, dès que l’autonomie contractuelle898 impose la

891

V. supra, dans le chapitre antérieur les limitations existantes à cet égard.

892 Art. 29 nº 1 CVIM : « Un contrat peut être modifié ou résilié par accord amiable entre les parties ». 893 Cf. PANIZZON M., Good faith in the jurisprudence of the WTO, the Protection of Legitimate

Expectations, Good Faith Interpretation and Fair Dispute Settlement, Hart Publishing, Oxford and Portland,

Oregon, États-unis d’Amérique, 2006, p. 70.

894 CCI, affaire nº7331 (1994) disponible sur : http://cisgw3.law.pace.edu/cases/947331i1.html , consulté le 19

février 2017.

895 Cf. UNCITRAL Digest of Case Law on the United Nations Convention on The International Sale of Goods,

op. cit., p. 22, point 4.

896

De même, si les deux parties sont européennes, elles ne peuvent pas écarter les dispositions impératives de la Convention de Rome, ni le règlement de Rome I. V. dans ce sens : JACQUET J-M, DELEBECQUE Ph. et CORNELOUP S., op. cit., p. 221.

897

Pour certains juristes de common law la situation est tout l’inverse : ils estiment que le pacta sunt est une conséquence de la bonne foi. V. Dans ce sens : MITCHELL Andrew D., SORNARAJAH M. and VOON Tania, op. cit., p. 18-19. Ils admettent, néanmoins, une controverse dans la common law, selon laquelle il s’agirait de deux principes indépendants, comme le reconnaît le droit civil.

nécessité de négocier et d’exécuter les contrats de bonne foi, dans la tradition coutumière de l’OMC. 899.