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Les éléments essentiels spéciaux du contrat de vente des marchandises

CONCLUSION DU CHAPITRE

SECTION 1- LE RÉGIME JURIDIQUE DE LA VENTE DE MARCHANDISES EN FRANCE

B. Les éléments essentiels spéciaux du contrat de vente des marchandises

116. Les marchandises (la chose) - Elles sont définies par le dictionnaire Larousse

comme : « Objets, matières ou fournitures acquis par l’entreprise et destinés à être

revendus sans avoir subi aucune transformation préalable »419.

Le Littré, de son côté, précise : « Ce qui est meuble et objet de commerce »420.

La jurisprudence, pour sa part, a retenu une acception large du terme, en incluant même l’équipement professionnel421-422 ;

D’après ces définitions, les marchandises peuvent être des fruits ou des produits, à l’exception des meubles qui sont hors commerce : drogues illicites, matériel militaire, le corps humain423, marchandises contrefaites424, et toutes celles interdites par des lois spéciales425.

418

V. dans ce sens : MALAURIE Ph., AYNÈS L. et GAUTIER P.Y., Droit des contrats spéciaux, 8e. éd., Defrénois, Paris, France, 2016, p. 148 et COLLART DUTILLEUL F. et DELEBECQUE Ph., Contrats civils

et commerciaux, 10e éd., Dalloz, Paris, 2015, p. 132.

419

http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/marchandise/49382 , 3e définition, consulté le 19 janvier 2017

420 RAYMOND Guy, op. cit., p. 3. 421

Cf. DUPICHOT Ph., op. cit., p. 694.

422 Cass.Com., 13 mars 1985, pourvoi nº83-17.112, Bull.civ. IV, nº99. 423 Art 16-1, al. 3 code civil

424

Com., 24 septembre 2003, pourvoi nº01-11.504, Bull.civ. IV, nº147.

117. Marchandises d’autrui - A la différence du droit chilien qui l’autorise426, la vente de choses d’autrui est nulle, de nullité relative, au profit de l’acheteur427, qui a aussi le droit d’être indemnisé428. L’article 1599 du Code civil français dispose ainsi :

« La vente de chose d’autrui est nulle : elle peut donner lieu à des dommages-intérêts, lorsque l’acheteur a ignoré que la chose fût à autrui ».

L’acheteur, néanmoins, peut acquérir sa propriété par l’effet de la prescription triennale prévue à l’article 2276 du Code civil, ou par la ratification du propriétaire, ou si le vendeur devient propriétaire et confirme l’acte annulable.

Le vrai propriétaire, de son côté, peut les revendiquer dans ledit délai de prescription.

118. Marchandises futures - Les choses futures peuvent être l’objet d’une vente, sans

aucun problème.

L’ancien article 1130 al. 1er. du Code civil le permettait, et son nouvel article 1163 al. 1er. dispose à ce propos : « L’obligation a pour objet une prestation présente ou future ».

Il s’agit de ventes sous condition suspensive. Par exemple, les fruits d’une prochaine récolte ou des machines à construire. Dans le premier cas, la vente est aléatoire, le contrat est commutatif dans le second cas429.

119. Marchandises péries - Si elles n’existent plus430, la vente est nulle, de nullité relative aujourd’hui431, d’après l’article 1601 al.1er. du Code civil.

En revanche, si elles existent partiellement, l’acheteur a un droit optionnel : agir en nullité de la vente, ou bien demander une réduction du prix, selon l’al. 2de l’article précité.

Les parties peuvent, néanmoins, dans le cas où elles ignorent l’existence des marchandises, stipuler une vente aléatoire et assumer les risques432.

426 Art. 1815 c.c.ch.

427 Cass, 3e. Civ., 16 avril 1973: Bull.Civ. III, nº198, p.218. 428

Civ. 3e, 22 mai 1997, nº95-17.480, Bull.civ. II, 114

429 En ce sens : COLLART DUTILLEUL F. et DELEBECQUE Ph., op. cit., p. 132.

430 Ce serait le cas, par exemple, dans la vente d’une récolte de légumes pourris, Req., 5 févr. 1906, DP 1907,

I, 468.

431 Même si manque l’objet de l’acte, c’est seulement l’intérêt privé qui est compris, art. 1179, al.2, nouveau

code civil.

432

Voir dans ce sens : BOURDEISEAU J. et ROULET V., L’essentiel du droit des contrats spéciaux, Gualino, Lextenso, Paris, 2015, p.42.

120. Marchandises spécifiques et génériques - En général, la vente de marchandises

spécifiques ne pose pas de difficulté. On vend une voiture, une récolte, etc. Une forme particulière de vente spécifique est la vente dite « en bloc ». Dans ce type de vente l’objet précis de la vente est « le lot de marchandises présenté en un bloc individualisé qui donne à la chose la qualification juridique de corps certain »433.

C’est le cas, par exemple, de la vente d’un stock de marchandises, ou de tout le riz contenu dans un grenier.

Des marchandises génériques peuvent aussi être vendues (10.000 litres de lait, par exemple). L’objet est déterminable.

Dans ce cas, les opérations ultérieures de poids, comptage ou mesure sont nécessaires afin que les marchandises soient finalement déterminées.

121. Le prix - Le prix doit être réel et sérieux.

Réel, c’est à dire, exister et non être simulé.

Sérieux, autrement dit, il ne doit pas être dérisoire, c’est-à-dire inexistant ou trop faible. Cependant, exceptionnellement la vente « à un euro » est admise dans des hypothèses de difficultés économiques sérieuses et si une autre contrepartie y est associée434.

Sinon, la vente est nulle, de nullité relative435, en application du nouvel article 1179 du Code civil, car le critère de la gravité du vice436 vient d’être remplacé par celui de l’intérêt protégé. La vente pourrait aussi être requalifiée en donation déguisée437.

Conformément aux usages entre commerçants, le prix s’entend hors taxes, sauf convention stipulant le contraire438.

122. La vente « à perte » - Elle est interdite en France sous peine d’amende par l’article L.

442-2 du Code de commerce, afin d’éviter le « dumping » concurrentiel. Par exception, elle est autorisée s’agissant des produits démodés, périssables, en cas de cessation d’activité, en cas de réapprovisionnement en baisse, et pour les petits commerces (art. L. 442-4 C.com).

433

COLLART DUTILLEUL F. et DELEBECQUE Ph., op. cit., p. 140.

434 Com., 3 janvier 1985, Bull. IV , nº8 et Civ. 3e., 3 mars 1993, Bull. III nº28.

435 Civ. 3e., 11 février 2014, pourvoi nº12-25.756, disponible sur :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000028606316 , consulté la dernière fois le 7 février 2017.

436 Manque d’un élément essentiel de la vente, en l’espèce. 437

Cass.civ. 1er., 22 octobre 1975, Bull.civ.I, nº288.

123. Les arrhes - Il s’agit d’une clause de dédit réciproque439. Elles sont prévues à l’article 1590 du Code civil qui les définit de la manière suivante :

« Si la promesse de vendre a été faite avec des arrhes, chacun des contractants est maître de s’en départir.

Celui qui les a donnés, en les perdant.

Et celui qui les a reçues, en restituant le double ».

Cette définition a été reprise par l’article 1803 du Code civil chilien.

Elles sont différentes de l’acompte, qui comprend une vente ferme. Dans cette dernière forme, le prix payé est une fraction du prix total. En revanche, les arrhes autorisent le dédit, en les perdant pour l’acheteur, ou avec la restitution de leur double montant pour le vendeur.

124. La détermination du prix en général - La monnaie à utiliser dans les ventes internes

est l’euro. Les parties peuvent convenir de clauses d’indexation afin de limiter l’inflation440. Entre commerçants, l`émission d’une facture s’impose, d’après l’article L. 441-3 du Code de commerce. Elles doivent préciser, obligatoirement : l’identification des parties, leur adresse professionnelle, les quantités de marchandises, leur prix unitaire hors T.V.A., la dénomination précise des marchandises, les réductions de prix éventuelles, la date d’émission et le paiement.

Le prix peut être fixé par les parties ou par un tiers, en application des articles 1591 et 1592 du Code civil.

A défaut de détermination, la vente devient nulle, de nullité relative aujourd’hui, car c’est l’intérêt des parties qui serait lésé441.

Conformément à l’article L. 410-2 du Code de commerce, les parties sont libres de déterminer le prix des marchandises en France, à la seule exception des marchandises dites « sensibles » comme les médicaments remboursables, par exemple442.

439 Dans ce sens : BÉNABENT A., Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux, 12e éd., LGDJ, Paris,

2017,p. 104.

440 Au Chili, à cette fin, les prix souvent sont stipulés en pesos ou leur équivalent en U.F. (unité créé dans les

années soixante dix pour combattre l’inflation excessive à l’époque).

441

V. CHÉNEDÉ F., Le nouveau droit des contrats et des obligations, Dalloz, Paris, 2016, p. 78.

125. La détermination du prix dans les contrats cadres - Dans la distribution de

marchandises, les contrats « cadres » sont habituels. Par ce type de contrat, un fournisseur s’engage à approvisionner un distributeur dans un certain délai, de façon exclusive, ou par un certain volume de marchandises.

La pratique selon laquelle le fournisseur pouvait fixer unilatéralement le prix des marchandises à fournir était devenue habituelle en France. Le juge s’est finalement prononcé sur la question.

Dans quatre arrêts célèbres du 1er décembre 1995, l’Assemblée plénière de la Cour de Cassation a conclu que sont valides les contrats qui autorisent l’une des parties à fixer unilatéralement les prix, à condition qu’il ne soit pas abusif443.

Le nouvel article 1164 du Code civil consacre la jurisprudence antérieure, en statuant : « Dans les contrats cadre, il peut être convenu que le prix sera fixé

unilatéralement par l’une des parties, à charge pour elle d’en motiver le montant en cas de contestation.

En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et le cas échéant la résolution du contrat ».