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Quelles sont les questions posées ?

I.4. Transduction des saveurs primaires

La transduction des saveurs primaires s’effectue par l’intermédiaire de récepteurs situés à la membrane apicale des cellules gustatives. Un signal est ensuite produit dans la cellule, qui aboutit soit à une réponse directe de la cellule vers les nerfs gustatifs, soit à une communication vers d’autres cellules du bourgeon du goût.

I.4.1. De nombreux récepteurs impliqués

La détection du salé fait intervenir les canaux ioniques ENaC, qui sont exprimées par les cellules de type I (Vandenbeuch et al., 2008), principalement dans les papilles fongiformes. Les canaux ioniques permettent le passage des ions (ici Na+) directement dans la cellule. Cependant, les mécanismes de signalisation impliqués sont encore peu connus. La détection de l’acide pose également de nombreuses questions. Les canaux ioniques PKD2L1 semblent impliqués. Ils permettraient de faire entrer les protons dans la cellule de type III, entraînant la fermeture des canaux potassiques et donc une dépolarisation puis le relargage de neurotransmetteurs (Chang et al., 2010). De manière surprenante, cette protéine ne semble pas être impliquée dans la détection de la saveur acide au niveau de la papille caliciforme, mais uniquement au niveau des papilles fongiformes. De plus, les souris dont le gène codant pour PKD2L1 a été invalidé montrent une simple diminution de la réponse au niveau des papilles fongiformes, suggérant l’implication d’autres récepteurs dans la détection de l’acide (Horio et al., 2011; Roper, 2013).

Les saveurs umami, sucré et amer peuvent être détectées par des récepteurs métabotropiques. Ce sont généralement des protéines de la famille des GPCR, qui vont entraîner la production d’un 2nd

messager intracellulaire. L’hétérodimère T1R2/T1R3 est capable de reconnaitre les molécules sucrées : saccharose, glucose, fructose, mais aussi les édulcorants synthétiques : aspartame, cyclamate, etc. ou encore des protéines qui ont un goût sucré telles que la monelline (Treesukosol et al., 2011). D’autres

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41 récepteurs au sucré ne sont cependant pas à exclure puisque les souris T1R3 KO sont sensibles à certains sucres (Damak et al., 2003). L’hétérodimère T1R1/T1R3 est quant à lui responsable de la détection de l’umami, induite par certains acides-aminés (comme le glutamate) et nucléotides. Cependant, les souris T1R3 KO sont capables de détecter l’umami (Damak et al., 2003). Cette saveur est complexe et pourrait en fait nécessiter plusieurs récepteurs exprimés dans différentes cellules gustatives, notamment les récepteurs métabotropiques au glutamate mGluR4 et mGluR1 (metabotropic glutamate receptor), trouvés dans les cellules de type II (Chaudhari et al., 2009). Enfin, les membres de la famille T2R, également des GPCR, détectent l’amer. Ils sont codés par 20 à 35 gènes et permettent de discriminer les différents composés amers, très nombreux et potentiellement toxiques (Chaudhari and Roper, 2010).

I.4.2. Signalisation intracellulaire

Le sucré, l’amer et l’umami sont médiés par une voie de signalisation commune et bien connue (figure 10) contrairement aux saveurs salée et acide. Cette cascade est initiée entre autres par une protéine G, qui est un hétérodimère composé de sous-unités α, β et γ. L’activation du récepteur par une molécule sapide va entraîner la liaison de GTP (Guanosine triphosphate) sur la sous-unité α, ainsi que la dissociation des sous-unités β et γ. Des études in vitro suggèrent que l’α-gustducine entraînerait une diminution de l’AMPc (AMP cyclique) intracellulaire, ce qui limiterait l’inhibition de l’IP3R3 (récepteur à l’IP3) – situé au niveau du RE – par la PKA (protéine kinase A, dépendante de l’AMPc). Ce phénomène permettrait un relargage efficace de Ca2+ du RE, augmentant ainsi la sensibilité de la cellule au stimulus sapide (Galindo et al., 2012a). Mais la principale voie de transduction implique la sous-unité Gβγ qui interagit avec la PLCβ2. Celle-ci transforme des phospholipides membranaires en DAG (diacylglycérol) et IP3 (inositol-triphosphate). L’IP3 va ensuite permettre l’ouverture des canaux calciques IP3R3 du RE, ce qui entraîne la libération de Ca2+ dans le cytosol. L’ouverture des canaux TRPM5, dépendante du Ca2+

intracellulaire ([Ca2+]i), crée une dépolarisation qui aboutit à un potentiel d’action dans la cellule. Finalement, le potentiel d’action permet la sécrétion d’ATP, probablement via CALHM1 (Calvo and Egan, 2015; Taruno et al., 2013). L’augmentation du [Ca2+]i constitue donc un évènement clé de la signalisation déclenchée par la liaison d’une molécule sapide avec son récepteur spécifique.

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Figure 10 : Voie de signalisation dans les cellules de type II.

Adapté de (Liman et al., 2014).

ATP : adénosine triphosphate ; CALHM1 : calcium homeostasis modulator 1 ; DAG : diacylglycerol ; Gα et Gβγ : protéines G, sous-unités α (notamment α-gustducine), β et γ ; IP3 : inositol-triphosphate ; IP3R3 : récepteur à l’inositol-triphosphate de type

3 ; PIP2 : phosphoinositol-4,5 diphosphate ; PLCβ2 : phospholipase C β2 ; TRPM5 : melastatin-related transient receptor

potential cation channel type 5.

I.4.3. Communication intercellulaire dans les bourgeons du goût

Les cellules de type II et III communiquent entre elles au moyen de neurotransmetteurs. Parmi ceux-ci, l’ATP semble jouer un rôle prépondérant (figure 11) : la délétion des récepteurs ionotropiques purinergiques à l’ATP (P2X2/P2X3)élimine la réponse des nerfs gustatifs aux molécules sapides (Finger et al., 2005). Comme nous venons de le voir, l’ATP est sécrété par les cellules de type II en réponse à une molécule sapide, vraisemblablement par l’intermédiaire de CALHM1 (Taruno et al., 2013). L’ATP active ensuite les récepteurs purinergiques (P2X2/P2X3) localisés sur les cellules de type II elles-mêmes, mais également sur les cellules de type III adjacentes et sur les fibres nerveuses afférentes. Ainsi, les cellules de type III sont activées indirectement par les molécules amères, sucrées et umami, même si elles ne sont pas absolument nécessaires pour la détection des saveurs. La délétion génétique des cellules de type III entraîne en effet la perte de détection de l’acide mais pas des autre saveurs (Huang et al., 2006), contrairement à la délétion des cellules de type II (Matsumoto et al., 2011). Les cellules présynaptiques sécrètent ensuite de la 5-HT. Le rôle de ce neurotransmetteur n’est pas tout à fait établi (Roper, 2013). Il est possible qu’il active directement les nerfs gustatifs, mais aussi qu’il agisse sur son récepteur (5-HTA1) situé sur certaines cellules de type II afin de prolonger la transmission du signal en inhibant la sécrétion d’ATP, ce qui permettrait de prévenir la désensibilisation des récepteurs purinergiques (Besnard et al., 2016 (in press)). Enfin, l’ATP en excès est dégradé par la NTPDase2 localisée à la surface des cellules de type I (Bartel et al., 2006), permettant là-aussi de prévenir la désensibilisation des récepteurs P2X2/P2X3

(Vandenbeuch et al., 2013). D’autres neurotransmetteurs (noradrénaline, GABA, acétylcholine) jouent également un rôle dans la communication intercellulaire, mais les mécanismes restent peu connus (Besnard et al., 2016 (in press); Roper, 2013).

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Figure 11 : Rôle de l’ATP dans la communication intercellulaire.

Adapté de (Besnard et al., 2016 (in press)).

Ad : adénosine ; ADP : adénosine diphosphate ; AMP : adénosine monophosphate ; ATP : adénosine triphosphate ; CALHM1 : calcium homeostasis modulator 1 ; NTPDase2 : nucleoside triphosphate diphosphohydrolase 2 ; P2X : récepteurs purinergiques à l’ATP ; 5HT : sérotonine ; 5HTA1 : récepteur à la sérotonine ; VII : chorde du tympan ; IX : nerf glosso-pharyngien.